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Luo Luo
落落
Présentation
par
Brigitte Duzan, 11 novembre 2015,
actualisé 29 septembre 2018
Née en avril 1982 à Shanghai, Luo Luo - ou Zhao Jiarong
(赵佳蓉)
– est représentative d’un courant de littérature pour
les jeunes qui a une importance non négligeable en
Chine, exploité en particulier, comme un véritable
filon, par
Guo Jingming (郭敬明).
Il s’est constitué tout un groupe de presse dédié à ce
créneau du marché, avec une équipe de plumes – écrivains
et dessinateurs – dont Luo Luo est l’un des membres les
plus intéressants côté écriture, mais aussi maintenant,
comme son mentor, avec une ouverture sur le cinéma.
C’est une version jeune et branchée du
haipai
(海派)…
Débuts dans la presse pour adolescents
Luo Luo s’inscrit dans la génération des trublions
littéraires dits ‘post-80’ (“80后”)
qui, arrivés pour beaucoup à la |
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Luo Luo |
littérature par le biais d’internet, à peine émoulus des bancs
de l’université, ont signé un grand nombre de bestsellers ces
dernières années. Leur problème est de se renouveler en
élargissant leur public. Luo Luo est l’une de celles qui
pourrait le faire, et semble acquérir de la valeur en mûrissant.
Une rebelle
Luo Luo à ses débuts avec le tout jeune
Guo Jingming |
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Il y a trois adjectifs qui reviennent très souvent sous
la plume des critiques qui tentent de caractériser Luo
Luo : rebelle (叛逆),
ardente (激烈)
et indisciplinée (放纵).
Trois traits de caractères qui dérivent en fait du
premier, ou en sont une variation, avec un corollaire :
le rejet du système, scolaire en particulier (愤世嫉俗).
C’est assez typique de la génération dans son ensemble.
Luo Luo a cependant suivi un parcours assez personnel. |
Née au tout début de la politique d’ouverture à Shanghai, elle y
a fait ses études. Mais, à l’âge de dix-huit ans, en 2000, elle
rompt les ponts et quitte sa famille pour partir à l’aventure,
la sienne, hors sentiers imposés.
La littérature par le manhua
La voie qu’elle choisit pour se lancer dans la
littérature est impensable dans un parcours littéraire
orthodoxe : elle devient rédactrice dans un journal de
manhua (漫画杂志),
genre qui, non seulement, est surtout orienté, en Chine
au moins, vers un lectorat adolescent, mais en outre
avec un fort phénomène de mode, qui se traduit par une
influence très marquée du graphisme et de l’esthétique
générale des mangas japonais et coréens. C’est coloré,
un rien provocateur, et surtout très artificiel.
Ce n’est pas un domaine dont on attendrait l’émergence
d’écrivains dignes de ce nom. Pourtant, à son retour à
Shanghai, Luo Luo continue dans cette voie, et s’y fait
un nom. Elle devient rédactrice en chef du magazine
Wenyi Fengxiang (《文艺风象》),
publie dans le magazine pour jeunes « Story100 » (《新蕾STORY100》)
du groupe New Buds Publishing (Xinlei chubanshe
新蕾出版社),
dans le journal de manhua Comicfans (《漫友》),
créé en 1997, |
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Story100, février 2006,
avec l’histoire de Luo Luo |
et participe à l’aventure du groupe d’édition Zui (最世文化公司) que
Guo Jingming a
développé peu à peu à partir de 2004 – le lançant
formellement en juillet 2010 en y intégrant les sociétés créées
antérieurement.
Zui !
Zui Novel mai 2015 |
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Luo Luo est l’une des vedettes de la revue littéraire du
groupe, Zui Novel (《最小说》),
dont Guo Jingming est le rédacteur en chef. Il y a
sérialisé une partie de sa saga des « Tiny Times » et,
depuis ses débuts au cinéma, et plus particulièrement
après le troisième film de la série des « Tiny Times » (《小时代3》),
il y tient, dans la partie Zui Classic, une rubrique
intitulée « Journal d’un réalisateur » (《导演日记》).
Luo Luo alimente la rubrique qui suit : « Voir un cerf
au plus profond des bois » (《树深时见鹿》).
Mais elle participe aussi au supplément manhua de
Zui Novel : Zui Comic (《最漫画》).
Et elle publie de plus en plus de textes illustrés de
photos.
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Maturation et publications
Nouvelles
Luo Luo ne s’est cependant pas bornée à écrire pour ces
journaux. Elle a commencé en même temps à écrire des
nouvelles, et en a publié un premier recueil en 2005,
dont l’une est parue dans « Story100 » en 2006 :
« Toutes ces merveilleuses choses qui vous réchauffent
le cœur » (《那些在生命中温暖而美好的事情》).
Elle est résolument auteur pour jeunes, définie comme
« la reine des campus » (“校园女王”).
Il faut attendre 2008 pour que son style évolue et
qu’elle affirme une certaine maturité, en élargissant
son public en même temps que ses thèmes. Elle publie
deux romans, « Un astre de poussière » (《尘埃星球》)
en juin 2009, et « Finally We are No One » (《年华是无效信》)
en avril 2010. Cela reste classé dans la littérature
pour jeunes (青春文学).
C’est encore suave et très pastel. |
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Finally We Are No One
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Un astre de poussière |
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Le plus intéressant est sans doute à rechercher dans les
textes courts qu’elle écrit en même temps, entre
sanwen (散文)
et suibi (随笔),
certains illustrés.
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Recueils de textes courts
Elle en a publié deux séries dans quatre recueils dont
les titres se répondent :
- fin 2007/2008 : « Une éternité » (《不朽》bùxiǔ
) et « Un bref instant » (《须臾》xūyú).
Le premier recueil de textes "au fil de la plume"
rassemble des textes publiés dans Zui (《最小说》),
Dao (《岛》)
et autres revues, ainsi que d’autres qui étaient encore
inédits, dont le plus connu est celui dédié à son père :
« Le magicien au soir de la vie » (《后半生的魔法师》).
De tonalité mystico-taoïste, le titre est aussi le titre
en chinois du livre de Milan Kundera « L’immortalité ».
Le second recueil est beaucoup plus personnel, d’un ton
plus intime, et illustré par des photos (图文随笔集).
Elle raconte des histoires entendues dans son enfance,
décrit des souvenirs de voyages, de chansons entendues,
de personnes rencontrées par hasard, et toutes sortes
d’histoires qu’on aimerait oublier sans y parvenir et
qui forment le moi intime.
- mai/sept 2011 : « Des millénaires » (《千秋》)
et « Tout l’univers » (《万象》)
Ce sont deux nouveaux recueils de textes avec photos,
avec des titres qui sont à nouveau dans un registre
taoïste : infinité du temps et de l’espace…
Le second titre, en outre, rappelle celui de la célèbre
revue où, en 1944,
Zhang Ailing (张爱玲)
a commencé à publier son premier roman, Lianhuan tao
(《连环套》),
publication brutalement interrompue au bout de six
numéros. Il y a là, de toute évidence, volonté de se
rattacher à une romancière célèbre, représentative, en
outre, du meilleur de ce courant littéraire et
artistique ancré dans la spécificité de la culture
shanghaïenne, le
haipai
(海派).
« Queen Stain » et adaptation au cinéma
C’est cependant avec la publication, en janvier 2011, de
son roman « Queen Stain » (《剩者为王》)
que Luo Luo dépasse le niveau d’un auteur de « livres
pour ados ». En fait, sa maturité littéraire et le type
de lecteurs auxquels elle s’adresse suivent sa propre
courbe d’âge, et les problèmes existentiels qui se
posent à elle.
Son roman a pour thème « celles qui restent », ce que
signifie littéralement le shengzhe (剩者)
du titre, c’est-à-dire shengnü (剩女),
celles qui demeurent non mariées, toutes ces femmes, de
plus en plus nombreuses, qui ont de brillantes carrières
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Un bref instant
Des millénaires
Tout l’univers |
professionnelles, mais au détriment de leur vie affective. Et la
reine du titre, son personnage principal, c’est donc un peu
elle, Luo Luo, pour qui elle invente une histoire à l’eau de
rose qui se termine par un mariage, idéal social autant que rêve
personnel, pour elle et les autres comme elles.
Queen Stain I et II |
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Le roman a été suivi d’une séquelle en janvier 2012. Puis,
suivant les traces de son mentor Guo Jingming, elle en a fait un
film, « The Last Woman Standing » (《剩者为王》),
qu’elle a tourné elle-même, en faisant de Shu Qi son alter ego
.
Mais le film n’a été un succès ni critique ni vraiment
commercial, malgré les interprètes.
L’avenir, pour Luo Luo, tient maintenant dans la manière dont
elle va poursuivre sa maturation d’écrivain, dont l’atout le
plus original, peut-être, est d’être né des confins de l’image
et du texte.
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En attendant, elle a réalisé un second film, sorti lors de la
fête de la Mi-Automne, en septembre 2018.
Voir : Luo Luo réalisatrice sur
chinese movies
无效信息
wúxiào xìnxī
message invalide – le titre signifie « Le temps ne
laisse pas de message valide ».
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