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Li Peifu 李佩甫

Présentation

par Brigitte Duzan, 20 août 2015 

 

En 2015, Li Peifu a été l’un des cinq lauréats du prestigieux prix Mao Dun, pour son roman « L’album de vie » (《生命册》), publié en 2012.

 

« L’album de vie » est le troisième volet de la « Trilogie de la plaine » (平原三部曲), immense saga des gens de la Plaine centrale (中原腹地人), après « La porte des moutons » (《羊的门》) et « Les lumières de la ville » (《城的灯》).

 

Il a commencé à publier à la fin des années 1970. Il a écrit une dizaine de romans, de nombreux recueils de nouvelles et il a une longue liste de prix à son actif. Il a été plusieurs fois dans la pré-sélection du prix Mao Dun, mais n’en avait encore jamais été lauréat ; on avait fini par dire en plaisantant qu’il était "l’auteur auquel il manque toujours une voix" (差一票作家). En 2015, quand il a fini par décrocher le prix, ses

 

Li Peifu en 2015

collègues du Henan se sont exclamés : bien mérité ! (实至名归).

  

Mais cela ne change rien de fondamental pour lui. Il a célébré la nouvelle avec deux cigarettes et un bol de nouilles du Henan. L’écriture est devenue pour lui un mode de vie au quotidien.

 

Ecrivain du Henan

 

Natif de la Plaine centrale

 

Li Peifu (李佩甫) est né en octobre 1953 à Xuchang, dans le centre du Henan (河南许昌). C’est une ville très ancienne, dont l’histoire remonte aux Printemps et Automnes. Elle a bénéficié de sa position centrale, au sud du fleuve Jaune, comme les anciennes capitales impériales de Luoyang et Kaifeng qui se trouvent non loin, au nord-ouest et nord-est. Elle-même a eu son heure de gloire à la fin du deuxième siècle : la vieille capitale de Luoyang ayant été dévastée par la guerre, Cao Cao (曹操) y installa la cour impériale en 196, puisson fils et successeur Cao Pi (曹丕) en fit en 220 la capitale du nouvel Etat de Cao Wei (曹魏).

 

La région a développé au cours des siècles une riche tradition locale, littéraire en particulier, dont Li Peifu est l’héritier. Ses biographies donnent peu de détails sur ses années de formation, mais il suffit de lire ses nouvelles pour en avoir une idée – beaucoup comportent des éléments autobiographiques, « La libellule noire » (《黑蜻蜓》) par exemple. On y devine en filigrane une enfance dans des conditions difficiles, pendant le Grand Bond en avant, et la Grande Famine qui en a résulté.

 

Débuts au lendemain de la Révolution culturelle

 

Il lui faut attendre la fin de la Révolution culturelle pour faire des études universitaires et débuter sa carrière. Il commence à travailler en 1979 au bureau de la culture de Xuchang et devient rédacteur de la revue Mangyuan (《莽原》) [1]. En 1984, il sort avec un diplôme de littérature chinoise de l’Université de la radio et de la télévision du Henan (河南广播电视大学), créée par la province en 1979.

 

Il devient membre de l’Association des écrivains en 1988, écrit beaucoup de nouvelles, mais ce sont ses romans qui le font connaître, à la fin des années 1990.

 

1. Les romans

 

Ecrivain du terroir, romans anti-corruption

 

Le clan des Li

 

C’est avec « Le clan des Li » (《李氏家族》) et surtout « La porte des moutons » (《羊的门》)  qu’il devient célèbre.

 

« Le clan des Li » 《李氏家族》est une chronique qui relate l’ascension, la prospérité et la chute d’une grande famille. Il y a beaucoup de romans de ce genre, mais celui de Li Peifu a une construction originale, alternant douze chapitres intitulés « Les mensonges de grand-mère » (奶奶的瞎话儿) et douze chapitres intitulés « Mouton » () avec un autre animal en sous-titre, un peu comme les animaux du zodiaque, sauf que ce ne sont pas tout à fait les mêmes, ou comme une référence à des animaux totémiques.

 

« La porte des moutons » (《羊的门》)  en semble un développement, ou une variation. Le récit trace un portrait très sombre de la vie dans une communauté paysanne, et de la manière dont les paysans se sont enrichis après la

politique de réforme d’ouverture. Avec ce roman, Li Peifu semble en revenir aux idées et à la tradition critique du 4 mai, après le réalisme socialiste qui glorifiait les paysans comme des révolutionnaires éclairés.

 

Dans « La porte des moutons »,  il dépeint un village contrôlé par un homme – le secrétaire du Parti - qui veille sur les villageois comme « dieu veillant sur ses ouailles ». En apparence, il s’agit d’une utopie communiste, sans exploitation, ni corruption ni pauvreté, mais, sous ces dehors bienheureux, se cache la réalité du système autoritaire qui règne sur le village ; le chef n’hésite pas à punir le moindre signe de défection et le réseau de contrôle politique patiemment et longuement mis en place s’étend du village jusqu’à la capitale. Li Peifu décrit les villageois comme des moutons bien nourris, et les cadres aux divers niveaux comme des loups affamés qui usent de leurs positions pour servir leurs intérêts personnels.

 

 

La porte des moutons

 

Il s’agit d’un fief, d’un « royaume dans le royaume » (国中之国), et d’un potentat à l’ancienne, un « parrain » de village (乡村教父). Mais, à travers ce potentat oriental, c’est Deng Xiaoping qui est évoqué, et la vie du village est une image de la vie nationale, du processus de croissance économique et d’enrichissement que la politique de réforme d’ouverture a enclenché, avec ses dérives, de plus en plus nettes à partir du milieu des années 1990.

 

C’est justement à ce moment-là que s’esquisse en Chine un mouvement littéraire que l’on a désigné du terme de « romans anti-corruption » (反腐小说), qui dure en gros de 1999 à 2002, et disparaît alors, sapé par ses propres excès avant d’être censuré pour cause de réunion du Comité central du Parti. Le roman de Li Peifu s’inscrit dans ce mouvement, comme le seront ses romans ultérieurs et certaines des nouvelles qu’il écrit au même moment.

 

« La porte des moutons » est interdit. Il n’en a que plus de succès. C’est le début de la célébrité pour Li Peifu.

 

L’année suivante, en 2000, il publie un nouveau roman, « La maison dorée » (金屋), où il poursuit sa satire des conséquences nocives de l’enrichissement sur la vie des villages – ce qu’il dépeint est le Henan qu’il connaît pour y vivre, mais a valeur emblématique et s’applique aussi bien à l’ensemble de la Chine.

 

Le récit dépeint un petit village tranquille, lové dans la Plaine centrale. Yang Ruyi (杨如意) était un petit villageois méprisé du reste du village ; il a fait fortune à la force du poignet après avoir fondé une usine de peinture, mais il a gardé un esprit de revanche. Il revient au village et se fait construire une superbe demeure, une « maison dorée » comme dans les fables. Cela sème la discorde dans le village : entre ceux qui cherchent à lui faire épouser leur fille, et ceux qui tentent d’émuler la maison, c’est un esprit de concurrence acharné qui se développe dans des esprits jusqu’alors très paisibles.

 

Le récit joue à plaisir des parallèles et des oppositions : civilisation contre ignorance, pouvoir et argent, et bien sûr présent et passé, celui-ci dépositaire des grands valeurs morales et culturelles sans lesquelles le village est condamné à revenir à des conflits et rivalités qui sont autant de marques d’une régression de la civilisation.

 

Peinture et dénonciation des méfaits du pouvoir

 

Du village, Li Peifu se tourne ensuite vers la ville, pour généraliser son attaque contre les dérives de la société chinoise. Ses romans du début des années 2000 ont pour thème principal la peinture des méfaits du pouvoir dans la société. Son « Livre blanc de la ville » (《城市白皮书》) est conté du point de vue d’une sorte de folle dont l’hypersensibilité lui permet de découvrir les absurdités de la vie et le manque d’ancrage spirituel dans la ville chinoise moderne.

 

Le livre blanc de la ville

 

Les lumières de la ville

 

En 2003, il revient vers le village pour étudier le passage de la campagne à la ville ; il publie « Les lumières de la ville » (《城的灯》), qui dépeint le voyage difficile de jeunes qui ont quitté la campagne et doivent peu à peu s’adapter à la ville. C’est le deuxième volet de la « Trilogie de la plaine » ("平原三部曲"), commencée avec « La porte des moutons » et achevée seulement en 2012 avec « L’album de vie » (《生命册》).

 

Après 2003, ses romans traitent de la corruption en milieu urbain, envisagée sous l’angle de la lutte effrénée pour le pouvoir, pouvoir économique entraînant les autres. C’est le cas, en 2005, de « Noces d’acier » (《钢婚》) et, en 2007, de « Dans l’attente d’une âme » (《等待灵魂》), dont le titre résume à lui seul le propos de l’auteur.

 

Ce dernier roman traite de la compétition effrénée dans

monde des affaires, en montrant comment le pouvoir corrompt les hommes. Le roman esquisse le portrait d’un homme dont les succès puis l’échec final sont causés par son ambition et sa soif de pouvoir.

 

Ce roman lui a demandé près de vingt ans de préparation ; c’est une véritable étude de terrain. Li Peifu a étudié une centaine de cas commerciaux et rencontré toutes sortes de chefs d’entreprise. De la peinture classique des bureaucrates, il est passé à celle des marchands. Son récit a pour cadre les guerres commerciales dans la capitale, et pour personnage central un militaire qui a changé de carrière et s’est ‘lancé dans la mer ‘ (下海), selon le terme désormais consacré pour désigner tous ceux qui se sont lancés dans les affaires pour faire fortune quand Deng Xiaoping a lancé sa politique de réformes et a demandé aux Chinois de s’enrichir.

 

L’album de vie

   

En attendant une âme

  

Avec « L’album de vie », publié en 2012, Li Peifu est revenu vers ses racines. Il a dit qu’il considérait ses romans sur des sujets urbains comme épisodiques dans son œuvre. Ils ont été conçus, a-t-il expliqué, pour élargir son horizon et chercher à dépasser le roman rural, par le sujet, mais aussi par la langue. Son véritable sujet, cependant, celui qui lui tient le plus à cœur, reste la terre, la terre au sens de ‘terre ancestrale’ (乡土), terre des racines.

 

C’est en 2007 qu’il a commencé « L’album de vie ». Il a passé trois ans à l’écrire, mais cela représente en fait, selon lui, cinquante ans de réflexion et de préparation. L’écriture elle-même a suivi un processus un peu tortueux : il a commencé à l’écrire dans son bureau, mais, au bout de quelque 80 000 caractères, il n’était pas content de ce qu’il avait écrit. Alors il a pris ses notes et a terminé le roman dans sa chambre à coucher. C’est l’endroit où il préfère écrire.

 

Mais, pour trouver l’inspiration et le ton juste, il est souvent allé se promener près de chez lui, à Changge (长葛) ou Xiangcheng (襄城), revenant après avoir parlé avec une personne ou une autre, ou n’avoir pas vu âme qui vive à trente lieues à la ronde, juste un chien parfois, mais avec des idées pour la suite de son roman. Il écrit peut-être dans sa chambre, mais ce qu’il écrit est tiré de la glèbe et de la vie quotidienne.

 

« L’album de vie » a été publié pour son soixantième anniversaire. C’est l’achèvement de la « Trilogie de la plaine », il marque aussi dans son œuvre une somme, comme une sorte de point d’orgue, couronnée in fine du prix Mao Dun.

 

Principaux romans publiés :

 

1999 Le clan des Li 《李氏家族》

1999 La porte des moutons 《羊的门》

2000 La maison d’or 金屋

2001 Le livre blanc de la ville 《城市白皮书》

2001 ShenFengmei 申凤梅

2003 Les lumières de la ville 《城的灯》

2005 Noces d’acier 《钢婚》

2007 En attendant une âme 《等待灵魂》

2012 L’album de vie 《生命册》

 

Cependant, si ces romans permettent de baliser l’œuvre et d’en visualiser l’évolution, il n’en faut pas pour autant négliger la foison de nouvelles que Li Peifu a écrites, et qui constituent comme un contre-point à ses romans.

 

2. Les nouvelles

 

Il a surtout écrit des nouvelles « moyennes » (中篇小说), souvent assez longues, dont il a publié plusieurs recueils. Les meilleures datent des années 1996-1997 : ce sont les plus personnelles.

 

Plusieurs recueils

 

L’un de ses principaux recueils est celui publié en 2001, intitulé « La libellule noire » (《黑蜻蜓》), titre de la seconde des treize nouvelles qu’il comporte, considérées comme les plus représentatives de celles écrites dans la seconde moitié des années 1990.

 

1 无边无际的早晨       une aurore sans limites
2
黑蜻蜓                  la libellule noire
3
豌豆偷树               le cri du coucou [2]

4 送你一朵苦楝花       voilà pour toi une fleur de lilas des Indes
5
红蚂蚱绿蚂蚱          sauterelle rouge, sauterelle verte
6
学习微笑               apprendre à sourire 
7
/村魂                l’esprit du hameau
8
乡村蒙太奇            montage de village
9
田园                    campagne
10
小小吉兆村          un minuscule village béni des dieux
11
满城荷花             des lotus plein la ville
12
红炕席                le tapis de kang rouge
13
画匠王                le roi des artisans-peintres

 

Ce sont des nouvelles datant pour la plupart de 1996-97 qui avaient déjà été publiées en 1997 dans un autre recueil ; il portait le titre de la première et en comportait cinq de plus, dont « L’œil du ciel » (天眼), qui raconte l’histoire d’un homme qui a une tumeur au foie.

 

Apprendre à sourire 

 

Initialement publiée en 1996, « Apprendre à sourire » (学习微笑), est une nouvelle caractéristique de la période. Li Peifu se place dans le contexte de la restructuration de l’industrie chinoise du début des années 1990, après la relance par Deng Xiaoping de la politique de réformes, en 1992.

 

Le récit relate l’histoire d’une ouvrière d’une usine d’Etat de produits alimentaires au bord de la faillite, Liu Xiaoshui (刘小水). Elle s’est retrouvée au chômage, réduite à devenir gardienne des toilettes publiques, encaissant les entrées tout en gardant son bébé de huit mois à côté d’elle :

 

公共厕所前摆着一张收费的小桌,她的苍老的母亲就坐在小桌的后边,母亲旁边是一个小孩车,车里站着她那八个月的孩子。有风刮过来了,荡起一片腥腥的灰尘,母亲的脸很脏,孩子的脸也很脏,她的母亲一边收费一边摇着小孩车照看她的孩子。孩子许是饿了,在车里一蹿一蹿地动着,哇哇乱叫。”——

A l’entrée des toilettes publiques était placée une petite table pour encaisser l’argent des visiteurs ; la mère [du bébé] était assise derrière, avec à côté d’elle une petite poussette où était son bébé de huit mois. En passant, le vent soulevait une poussière nauséabonde ; le visage de la mère était sale, tout comme celui de l’enfant. Tout en encaissant l’argent, elle surveillait le bébé en le berçant, mais, peut-être parce qu’il avait faim, il gigotait en hurlant.

 

Li Peifu décrit sa situation : son mari a été mis à la retraite, deux ans auparavant il a fait une thrombose cérébrale et il est resté hémiplégique ; pour pouvoir s’acheter les médicaments nécessaires, il vend des bouteilles de boissons gazeuses à côté du cinéma. Comme si cela ne suffisait pas, quand le père de Liu Xiaoshui est mort, les collègues de son atelier ont invité son mari à jouer, il s’est fait prendre et a écopé d’une amende de trois mille yuans… Pour Liu Xiaoshui, « la vie est devenue impossible » (这日子没法过了).

 

L’entreprise est renflouée par un investisseur de Hong Kong. En guise de reconversion, Liu Xiaoshui participe avec huit autres de ses collègues féminines à un stage d’ « apprentissage du sourire ». Le principe de base qui leur est enseigné est que le sourire est l’expression de sa confiance en soi (微笑表现的是一种自信). Mais où la trouver quand « la vie est devenue impossible » ?  Quand elle sourit, Liu Xiaoshui verse des larmes. Pendant une bonne partie de la nouvelle, elle ne fait que pleurer : pleurer est devenu son attitude au quotidien, sa manière de survivre.

 

La nouvelle est jusque là un superbe portrait de femme, et une satire ironique du renflouement des usines d’Etat. Mais Li Peifu continue en décrivant le directeur et les cadres de l’usine, et son propos tourne alors à la dénonciation de la dépravation des dirigeants, et de l’exploitation des ouvrières. Liu Xiaoshui est invitée, avec ses huit collègues, à accompagner les cadres dans leurs sorties et leurs « divertissements ». Li Peifu montre comment le pouvoir corrompu des uns finit par corrompre les autres et les priver de leur liberté de choix.

 

Cependant, quand son mari meurt, Liu Xiaoshui refuse les subsides offerts par l’usine, en recouvrant sa dignité perdue. Le récit se présente une sorte de fable philosophique. Finalement, la conclusion de Li Peifu est positive : selon lui, les gens comme Liu Xiaoshui conservent les valeurs morales traditionnelles de la société chinoise, en les adaptant aux changements socio-historiques, mais en en préservant l’essence.
 

Ce récit est précurseur des romans « anti-corruption » qui vont suivre quelques années plus tard [3]. Il fait d’ailleurs partie d’un recueil de six nouvelles publié en 2000 qui a cette thématique générale [4]. La dernière du recueil – « Recréer le jianghu » (重现江湖) - a un titre qui renvoie au grand classique « Au bord de l’eau » (水浒传) et à son histoire de brigands au grand cœur vivant en marge d’une société rongée par l’injustice et la corruption, dans un marais-refuge au milieu des « rivières et des lacs », le jianghu [5] : appel à la révolte contre la corruption du vingtième siècle en prenant pour modèle le précédent des Song...

 

Précis d’histoire locale

 

Cependant, Li Peifu a écrit des nouvelles dans une toute autre veine qui sont au moins aussi intéressantes aujourd’hui. Il y a une série de nouvelles sur l’histoire et la culture locale, comme « L’histoire de la rivière Ying » (《颖河故事》), principal affluent de la rivière Huai (淮河) qui prend sa source à Zhoukou (周口), à l’est du Henan…

 

A cette veine se rattache le roman paru en 2001 : « Shen Fengmei » (申凤梅). Li Peifu y rend hommage à Shen Fengmei, une actrice d’opéra née en 1928 à Linying (临颍) [6], célèbre interprète d’opéra yuediao (越调剧), une des formes régionales d’opéra du Henan. Née dans une famille pauvre, elle a commencé à être formée à l’opéra à l’âge de onze ans, est entrée dans une troupe de l’Armée populaire de Libération en 1947, et a continué sa carrière jusqu’à devenir une célébrité nationale.

 

Shen Fengmei, le roman

 

Shen Fengmei dans le rôle de Zhuge Liang dans

l’opéra yuediao « Zhuge Liang recrute Jiang Wei »

 

Elle est en particulier célèbre pour son interprétation du rôle de Zhuge Liang (诸葛亮) dans « Zhuge Liang présente ses condoléances » (《诸葛亮吊孝》), opéra filmé en 1980 par Chen Huaikai (陈怀皑), avec elle dans le rôle principal [7].

 

Les plus belles nouvelles de Li Peifu, cependant, les plus attachantes et les plus émouvantes, sont sans doute celles qui lui ont été inspirées par ses souvenirs, et en particulier les personnages de son enfance.

 

Les nouvelles inspirées du passé

 

Li Peifu est un formidable portraitiste. Il excelle à évoquer des figures de son passé, par petites touches impressionnistes, sans appuyer ni souligner, avec une atmosphère qui rappelle l’univers de Shen Congwen (沈从文). Li Peifu est d’ailleurs un peu au Henan ce que Shen Congwen est au Hunan. Il se borne à suggérer, mais ses personnages ont la qualité visuelle d’une peinture ou d’un film. On en verrait bien, d’ailleurs, quelques-unes de ces nouvelles adaptées au cinéma.

 

C’est le cas, par exemple, de « Voilà pour toi une fleur de lilas des Indes » (送你一朵苦楝花), quatrième nouvelle du recueil de 2001. Li Peifu y décrit une « petite sœur » (小妹) à laquelle écrit son frère aînée : c’est la septième fois qu’elle s’enfuit, la « petite sœur » ; à neuf ans, elle gardait les moutons pour payer les frais d’étude de son frère, et elle lui cueillait des fleurs de lilas des Indes en lui disant : « Tiens, voilà une fleur de lilas sauvage pour toi ».

 

Et puis le frère est parti à l’université, il a eu son diplôme, la « petite sœur » n’a plus eu besoin de garder les moutons, mais elle a perdu un but dans la vie… La première fois qu’elle s’est enfuie, elle a envoyé une lettre à son grand frère : j’en ai assez de vivre (哥,我不想活了)… mais elle ne voulait pas mourir, pas encore… c’est venu plus tard, quand le grand frère n’a pas répondu à ses lettres…

 

C’est d’une infinie tristesse, mais la forme, aussi, est intéressante : le narrateur parle de lui à la 3ème personne, tout en s’adressant à la « petite sœur » à la deuxième personne. Il y a ainsi un effet de distanciation qui enlève au récit un excès d’effet mélodramatique, et le rend d’autant plus douloureux. C’est en même temps, indirectement, un tableau très fin de la situation des femmes dans les années 1990 dans les campagnes du Henan.

 

 

La libellule noire

Autre exemple de nouvelle très réussie, celle qui a donné son titre au recueil de 2001 : « La libellule noire » (《黑蜻蜓》). C’est l’une de ses plus belles.  

  

 

Traduction en anglais

 

In : Running Wild – New Chinese Writers, par David Der-Wei Wang, with Jeanne Tai, Columbia University Press, 1994 – 14 short stories, including “The Adulterers” by Li Peifu, tr. by Charles Laughlin with Jeanne Tai, pp. 168-174 (une histoire très courte, de disparition de porcs dans un village…et d’adultère).

 

 

A lire en complément

 

Son blog (en chinois) : http://blog.sina.com.cn/u/3314222873

(Il comporte le texte entier du roman “La porte des moutons”, publié par chapitre à partir de décembre 2013, outre divers articles de critiques, en particulier de « L’album de vie »)

 

« La libellule noire » (《黑蜻蜓》)


 

[1] Revue de la Fédération des lettres du Henan (河南省文联).

[2] Terme dialectal expliqué par une note en bas de page dans le livre : 豌豆偷树=布谷鸟的叫声)

[3] Se rattache aussi à ce courant de nouvelles le scénario écrit pour le film réalisé par Zhai Junjie (翟俊杰) en 1997 : « Flowing Tides » (《挺立潮头》), où cháotóu 潮头 est le terme consacré pour désigner le mouvement de réforme et d’ouverture.

[4]败节草/学习微笑/六神有主/镇长/本乡有案/重现江湖

[5] Sur « Au bord de l’eau » et le jianghu, voir : Brève histoire du wuxia xiaoshuo III, (à venir)…

[6] Linying, littéralement « près de la rivière Ying ».

[7] Voir chinesemovies….

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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