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Gu Long
古龙
1938-1985
Présentation
par Brigitte Duzan, 03 mars 2014
Gu Long est
l’un des grands maîtres de la littérature de
wuxia
du vingtième siècle. Avec
Wolong Sheng (卧龙生),
Zhuge Qingyun (诸葛青云)
et
Sima Ling (司马翎),
il est l’un des « quatre maîtres de Taiwan » ; on les
appelle encore les « quatre rois célestes » du roman de
wuxia (四大天王).
Aux côtés de
Jin Yong (金庸)
et de
Liang Yusheng (梁羽生),
Gu Long est par ailleurs considéré comme le troisième
« pied du tripode » de la « nouvelle école du roman de
wuxia » (“武侠小说新派”).
Il s’est
distingué en refusant de se laisser brider par la
tradition, et en s’efforçant d’innover radicalement, son
mot d’ordre étant : rechercher la nouveauté et le
changement (“求新求变”).
Auteur d’une
soixantaine de romans dont beaucoup ont été |
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Gu Long |
adaptés au cinéma et à
la télévision, il est pourtant mort très jeune, après une
existence marquée par un terrible sentiment de solitude malgré
ses nombreux amis.
Des débuts
difficiles
De son vrai nom Xiong
Yaohua (熊耀华),
Gu Long est né à Hong Kong le 7 juin 1938, dans une famille
originaire de
Nanchang (南昌),
capitale du Jiangxi, et a vécu à Hankou (汉口)
une
partie de son enfance.
Ecrivain précoce
Il déménage
avec ses parents à Taipei en 1952. En 1954, il entre en
terminale au lycée municipal Chenggong de Taipei (台北市立成功高级中学).
Il écrit des poèmes qui sont publiés dans le journal
« La jeunesse de
Chenggong » (成功青年)
ou le magazine de poésie « L’étoile bleue » (蓝星诗刊).
En 1955, encore lycéen, il publie un premier roman,
“From a
Country in the North to a Country in the South”
(《从北国到南国》),
dans le magazine
Chenguang (晨光杂志),
édité par
Wu Kaixuan (吴恺玄).
Mais le jeune écrivain en herbe est frappé par un drame
familial qui a de profondes répercussions sur son
existence.
Mais
existence précaire
Son père
abandonne soudain sa mère, et ses parents divorcent en
1956. Le jeune Yaohua quitte la maison familiale. Avec
l’aide d’amis, et l’argent gagné en travaillant à
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Gu Long jeune |
temps partiel, il
arrive à financer ses études : des cours du
soir d’anglais au
département de langues étrangères de ce qui est aujourd’hui
l’université Tamkang (淡江大学),
où il entre à l’automne 1957. L’année suivante, cependant, il
arrête ses études pour se consacrer à l’écriture. Et il gagne de
quoi vivre en faisant des traductions.
Recherche d’un style personnel
1960-1963 : premier romans de wuxia
Poussé par des amis, et sous l’influence d’un nouvel intérêt
pour le genre, Xiong Yaohua se met à écrire des romans de
wuxia, Il publie le premier en 1960,
« La
voûte du ciel et l’épée divine » (《苍穹神剑》Cangqiong Shenjian),
qu’il signe du nom de plume de Gu Long. Le roman se veut
l’antithèse des romans traditionnels de wuxia, mais le
style reste à l’état d’ébauche.
De 1960
à 1963, Gu Long publie ensuite huit romans, dont
« Pluie d’épées parfumée » (《飘香剑雨》),
« Or défectueux, jade imparfait » (残金缺玉),
« Etrange lune et mauvais étoile » (《月异星邪》),
autant de romans dont les intrigues tortueuses captivent les
lecteurs, mais qui restent écrites dans un style peu original.
Il écrit par impulsion, et commence nombre d’histoires qu’il
n’achève pas.
Il fait la connaissance des trois grandes stars de la
littérature de wuxia, à l’époque, à Taiwan - Wolong Sheng
(卧龙生),
Sima Ling
(司马翎)
et Zhuge Qingyun
(诸葛青云) -
et leur sert de nègre pendant quelques temps.
Transition vers un style nouveau
La légende de l’étoile solitaire |
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En même temps, il lit beaucoup, en particulier « Les
faits et gestes des jeunes » (《少年行》),
premier roman, publié en 1961, de
Lu Yu (陆鱼),
auteur taiwanais précurseur dans l’île du nouveau roman
de wuxia (台湾“新派”武侠先行者).
Ecrit dans un style inspiré du « courant de
conscience », le roman incite Gu Long à revoir le sien.
Il écrit alors des romans comme « La légende de l’étoile
solitaire » (《孤星传》)
ou « L’épée de la concubine Xiang » (《湘妃剑》),
mais ne rencontre pas le succès escompté. Il se retire
alors à Ruifang (瑞芳)
pendant trois ans, de 1964 à 1967, pour méditer sur son
existence et chercher une issue à ses recherches
stylistiques. Il dit et répète que le roman de wuxiaest
arrivé au point où il doit nécessairement évoluer (“武侠小说到了要变的时候”). |
Retraite à Ruifang
De 1964
à mai 1966, il écrit un roman qui reflète les influences des
trois auteurs dont il étudie particulièrement les œuvres pendant
cette période : le Japonais
Eiji
Yoshikawa, le Chinois
Huanzhu Louzhu (还珠楼主)
et
Jin Yong (金庸).
Du
premier, il retint une manière de créer la tension avant
un combat, puis de l’expédier en deux ou trois coups de
sabre. En liquidant ainsi rapidement les personnages,
l’avantage était de ne plus avoir à faire de longues
descriptions de scènes de bataille. Gu Long amorça ainsi
le passage à un style plus simple et plus direct,
essentiellement fait de dialogues. En outre, le Japonais
lui apporta une philosophie de la vie à travers le
wuxia, de même que Jin Yong ; dans son roman, Gu
Long use ainsi de passages poétiques et philosophiques
pour dépeindre la nature humaine, ou transmettre ses
réflexions sur l’existence.
Ce
roman est « Du nettoyage des fleurs et des épées » (《浣花洗剑录》) ;
un peu décousu, il commence brillamment mais s’essouffle
un peu ensuite. C’est une œuvre de transition qui
annonce les grands succès à venir. Il est suivi, pendant
la même période, de quatre autres romans qui ont les
mêmes caractéristiques : un style littéraire très
concis, des |
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Du nettoyage des fleurs et des épées |
descriptions comme au scalpel, une page introductive dressant un
état des lieux sombre et inquiétant, et préfigurant une intrigue
qui maintient le suspense jusqu’à la fin.
Exemple :
le début de « L’histoire officieuse du monde des arts martiaux »
(《武林外史》Wulinwaishi ),
écrit en 1965, en 43 chapitres.
怒雪威寒,天地肃杀,千里内一片银白,几无杂色。开封城外,漫天雪花中,两骑前后奔来,当先一匹马上之人,身穿敝裘,双手俱都缩在衣袖中,将马缰系在辔头上,马虽极是神骏,人却十分落魄,头戴一顶破旧的黑皮风帽,紧压着眼帘,瞧也瞧不清他的面目。后面一匹马上,却驮着个死人,尸体早已僵木,只因天寒地冻,是以面容仍然如生,华丽的衣饰,却也仍然色彩鲜艳,完整如新,全身上下,没有一点伤痕,面上犹自凝结着最后一丝微笑,看来平和安适已极,竟似死得舒服得很。
Neige
à l’infini, froid intense, terre glacée et sans vie, à des
lieues à la ronde immensité d’un blanc argenté, sans la moindre
nuance de couleur.
Aux
portes de Kaifeng, sous la neige tombant à gros flocons, deux
chevaux au galop, l’un derrière l’autre. Le premier cavalier,
vêtu d’un manteau élimé, a les mains dans les manches, les rênes
attachées à la selle ; le cheval est un bel étalon, mais l’homme
a l’air d’un pauvre hère, coiffé d’une vieille cagoule de cuir
noir, rabattue sur les yeux, qui masque son regard. Quant au
second cheval, il porte un mort ; le corps est déjà gelé, mais,
en raison du froid, le visage est bien conservé et semble encore
vivant ; les vêtements superbes n’ont rien perdu de leur éclat
et semblent comme neufs. Sur tout le corps, pas trace de
blessure, et sur le visage subsiste encore la marque d’un
dernier sourire, comme si l’homme était calme et en paix, après
être mort tranquillement.
A son
retour à Taipei, fort de ces acquis, Gu Long entre dans la phase
la plus riche et la plus prolifique de sa production littéraire,
de 1967 à la fin des années 1970.
Consécration : la décennie d’or 1970
Aux
influences des auteurs précédents s’ajoutent celles d’œuvres
occidentales, dont la série des « 007 » de Ian Fleming, et « Le
parrain » de Mario Puzo. Gu Long y apprécie le sens de l’humour,
les intrigues tortueuses et les histoires à sensations fortes –
et s’en inspire. Le style est encore plus épuré, et vivant comme
un scénario, en tendant vers le dialogue.
Les
séries de la fin des années 1960
Le
premier roman de la période, écrit entre 1966 et février 1969,
est l’histoire de deux frères séparés par le destin et de
sinistres rivalités : « The
Legendary Twins »
ou Juedai
Shuangjiao (《绝代双骄》).
Mais elle est surtout marquée par des
séries de romans construites autour d’un personnage (1).
Les
troisséries les plus célèbres sontcelles de Chu Liuxiang
(楚留香系列),
Lu Xiaofeng (陆小凤系列)
et Xiao Li (小李飞刀系列),
personnages hauts en couleur qui reflètent l’extraordinaire
imagination de l’auteur.
1.
La série de Chu Liuxiang
(楚留香系列)
Chu Liuxiang est un expert en qinggong (轻功)
surnommé
"Daoshuai" ou bandit en chef (盜帅)
ou plus simplement "Xiangshuai", chef Xiang (香帅).
Son arme est un éventail, mais il ne l’utilise que pour
se défendre, etil vit dans un bateau nommé Xiangxiè (香榭).
Plein de compassion, il vole les riches pour aider les
pauvres, utilisant en outre son intelligence pour
résoudre des cas mystérieux et vaincre des ennemis plus
puissants que lui.
La série est double : une trilogie et une série de cinq
romans.
a) Trilogie
: The
Legend of Chu Liuxiang
(《楚留香传奇》)
- Fragrance in the Sea of Blood (《血海飘香》)
Chu Liuxiang voit flotter au fil du courant les corps de
plusieurs combattants réputés du jianghu et il
décide d’élucider leur mort, tandis qu’il est accusé du
vol d’une eau sainte ….
- The Vast Desert (《大沙漠》) |
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La légende de Chu Liuxiang |
Revenant à son bateau, Chu Liuxiang découvre que les trois
femmes qui vivent avec lui ont disparu. Se lançant à leur
recherche, il se retrouve face à sa vieille ennemie Shi Guanyin (石观音)
qui se suicide après avoir été vaincue.
- The Thrush (《画眉鸟》)
Chu Liuxiang est confronté à Li Yuhan (李玉函)
et sa femme Liu Wumei (柳无眉),
le premier étant un ancien élève de Shi Guanyin. Il les défait
dans une dramatique bataille, avant de réussir enfin à libérer
ses trois femmes.
b) Pentalogie : The
New Legend of Chu Liuxiang
(《楚留香新传》)
- Legend of the
Bat (《蝙蝠传奇》)
-
Phantom Love and Heroic Romance
(《鬼恋侠情》)
Chu Liuxiang aide à résoudre le mystère de deux amoureux séparés
par leurs parents qui prétendent avoir perdu leur âme après
avoir feint d’être malades pour tromper leurs parents.
- Legend of the
Peach Blossom (《桃花传奇》)
- Legend of the New Moon (《新月传奇》)
C’est l’un des rares romans de Gu Long dont l’intrigue
est basée sur des faits historiques : en l’occurrence,
les raids de pirates sur la côte chinoise du Fujian par
le célèbre pirate Zheng Shi (郑氏)
au début du 19ème siècle. Dans le roman, pour
faire la paix avec le pirate, la cour impériale demande
l’aide du chef d’une secte célèbre d’arts martiaux, en
lui demandant en outre de donner sa fille en mariage au
pirate pour faire la paix avec lui. Chu Liuxiang est
appelé à la rescousse.
- Midnight Orchid (《午夜兰花》) |
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Chu Liuxiang et son éventail |
2.
La série de
Lu Xiaofeng
(陆小凤系列)
Lu Xiaofeng est l’une
des créatures de Gu Long qui lui ressemble le plus : alcoolique
et coureur de jupons. Il est reconnaissable à ses « quatre
sourcils » (四條眉毛)
car il a des moustaches qui ressemblent à ses sourcils. Il est
attrayant, et a beaucoup de succès auprès des femmes.
Il est rusé, et
fait plus confiance à ses poings qu’à des armes pour se battre,
surtout grâce à son doigt « lingxi » (灵犀一指)
qui lui permet de saisir les armes de ses ennemis entre ses
doigts. Il est prêt à risquer sa vie pour venir en aide à ses
amis.
La série est
constituée de sept romans :
1/
The Legend of Lu Xiaofeng
(《陆小凤传奇》)
Lu
Xiaofeng doit résoudre
le mystère qui entoure une secte et un certain royaume
de l’Oiseau d’or (大金鵬国),
situé dans les contrées de l’ouest – ce qui rappelle Jin
Yong. La princesse demande l’aide de
Lu Xiaofeng au
nom de son père, pour éliminer trois traîtres très
puissants… il y a un retournement inattendu à la fin du
roman, qui est assez classique chez Gu Long. Le
personnage de Ximen Chuixue, l’un des amis qui aident Lu
Xiaofeng, se retrouve dans les romans suivants.
2/ The Embroidery Bandit (《绣花大盗》)
Le mystérieux bandit du titre est soupçonné d’avoir volé
une énorme somme d’or à une escorte qui convoyait les
fonds, et d’avoir dévalisé la résidence d’un prince.
Lu
Xiaofeng finit par le traquer, mais, là encore,
retournement : il se révèle être… quelqu’un
d’inattendu…. |
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La légende de Lu Xiaofeng |
3/ Before and After the Duel
(《决战前后》)
Deux des meilleurs épéistes du jianghu, dont
Ximen Chuixue,se
donnent rendez-vous la nuit de la pleine lune pour un duel sur
le toit le plus haut de la Cité interdite. Or, avant le duel,
l’un, Ximen Chuixue, disparaît, l’autre est blessé.
Lu Xiaofeng enquête,
mais les meurtres continuent autour de lui… le disparu
réapparaît, et le coupable est inattendu
4/ The Silver Hook Gambling House
(《银钩赌坊》)
Une histoire peu classique de culte démoniaque, et de maison de
jeu dont le propriétaire est dangereux.
5/ Phantoms' MountainManor
(《幽灵山庄》)
Pour échapper à la
colère de l’épéiste survivant du roman 3 dont il a, semble-t-il,
offensé la femme, Lu Xiaofeng se réfugie dans le Manoir de la
montagne aux fantômes dont le maître Laodao Bazi est en train de
planifier une opération pour éliminer ses rivaux et mettre la
main sur un carnet de notes qui contient des secrets essentiels,
et qui est caché dans le chapeau du chef de la secte Wudang.
6/
The Phoenix Dances in the Nine Heavens
(《凤舞九天》)
Une grosse somme d’or a été volée alors qu’elle était convoyée,
et les quelque 109 membres de l’escorte ont disparu. En les
recherchant, Lu
Xiaofeng suit des suspects sur un bateau et fait naufrage. En
explorant l’île où il échoue, il découvre que les membres de
l’escorte sont détenus là… La danse du titre est une danse
magique qui confère des pouvoirs surnaturels à Lu Xiaofeng –
l’un des rares recours au surnaturel par Gu Long.
7/ Laughter of the God of Sword (《剑神一笑》)
Ximen Chuixue
demande l’aide de Lu Xiaofeng pour rechercher aux
confins du désert le membre d’une secte qui a disparu…
3. La
série de Xiao Li, Xiao Li Fei Dao (小李飞刀系列)
Il s’agit
d’une série de cinq romans dont la publication s’étend
de 1968 à 1981, et qui comptent parmi les plus célèbres
de Gu Long, en particulier le premier.
1/
Sentimental Swordsman, RuthlessSword
(《多情剑客无情剑》)
Le roman
raconte les aventures de Li Xunhuan (李寻欢)
et de son ami A Fei. Li Xunhuan est devenu célèbre pour
son arme spéciale, la « dague volante de Petit Li » (小李飞刀).
Il est amoureux de Lin Shiyin, mais y renonce pour
repayer un service que lui a rendu son ami juré
Long Xiaoyun.
Or |
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Xiao Li’s Flying Dagger |
celui-ci
finit
par épouser
Lin Shiyin.
Blessé,
Li Xunhuan se retire pour mener une vie de reclus. Quand
il en sort dix ans plus tard, il rencontre A Fei dont il
devient l’ami et ils partent ensemble résoudre un cas
mystérieux …
Les trois
romans suivants forment une trilogie, la trilogie
Biancheng Langzi (边城浪子),
le premier des trois étant la suite du précédent.
2/
Bordertown Prodigal,
Biancheng Langzi
(《边城浪子》)
Publié en 1972.
3/ Eagle Soaring in the Ninth Month (《九月鹰飞》)
Publié en 1973
mais souvent considéré comme la préquelle de
Biancheng Langzi
4/
Horizon, Bright Moon, Saber
(《天涯‧明月‧刀》)
Publié en
1974.
Enfin, le
dernier roman, publié en 1981, conte les histoires
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The Sentimental Swordsman |
du petit-fils
de Li Xunhuan, Li Huai, qui a hérité de la technique de
son grand-père et parcourt le jianghu pour aider
les pauvres à obtenir justice :
5/
Flying Dagger, Flying Dagger Appears Again
(《飞刀,又见飞刀》)
Outre un grand nombre de romans, il y a encore d’autres
séries écrites pendant la même période :
- Les sept armes (Qizhong
Wuqi《七种武器》),
une série de sept histoires individuelles autour d’une
arme originale, mais dont l’essentiel est bien plus la
peinture de caractère (2) ;
- La grande époque du wuxia (Da
wuxiashidai《大武侠时代》),
etc…
Mais elles
sont moins célèbres que les précédentes.
1981, année de
publication du dernier roman de la série |
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Les sept armes |
Xiao Li Fei Dao
est une année charnière. Gu Long sombre alors de plus en plus
dans l’alcoolisme et la dépression.
Crépuscule d’un maître : 1980-1985
L’année 1981 marque l’apogée de la carrière et de la
créativité de Gu Long.
Une vie marquée par la solitude et l’alcool
Gu Long a été marqué à un âge précoce par le divorce de
ses parents. Il en a gardé le traumatisme. Connu pour
aimer les femmes autant que l’alcool, il est passé de
l’une à l’autre en en épousant deux :
Mei Baozhu (梅宝珠)
qui lui donna un troisième fils,
Xiong Zhengda (熊正达),
en 1977,
et
Yu Xiuling (于秀玲)
qui l’accompagna jusqu’à sa mort.
Pour célébrer
la première et les joies de leur vie commune, il fit
rédiger un couplet de vers parallèles par un ami, en
jouant sur les caractères de leurs noms respectifs :
古匣 龙吟秋说剑, 宝帘 珠卷晓凝妆
宝靥 珠铛春试镜, 古韬 龙剑夜论文 |
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Trois des « quatre maïtres » du wuxia
taiwanais : Wo Longsheng (à g.),
Zhuge Qingyun et Gu Long (à dr.) |
L’ancien (古
Gu) coffret
et le dragon (龙
Long) discutent
d‘épées à l’automne ;
Le précieux (宝
Bao) rideau
et le bracelet de perles (珠
Zhu) scellent
le trousseau le matin.
La précieuse (宝
Bao) fossette
et la perle (珠
Zhu) testent
le miroir au printemps;
L’ancien (古
Gu) fourreau
et l’épée dragon (龙
Long)
parlent de littérature dans la nuit.
Sur le tournage de La légende de Chu
Liuxiang |
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C’est une époque heureuse, et l’époque bénie de ses plus
grands succès littéraires. Quand, en 1980, il créera sa
propre société de production pour produire lui-même les
adaptations cinématographiques de ses œuvres, il lui
donnera encore le nom de Baolong (宝龙影业公司)
en prenant le premier caractère
“宝” du prénom de Baozhu (宝珠)
et le second caractère de son propre nom.
S’il ne
pouvait vivre sans femmes, Gu Long appréciait cependant
encore plus la compagnie de ses nombreux amis, mais cela
ne l’a pas |
empêché de ressentir
la solitude ; c’est ce qu’il dira à la fin de sa vie.
Son compagnon de route
le plus fidèle, malgré tout, fut l’alcool. Dès ses jours de
retraite à Ruifang, quand il revenait à Taipei pour encaisser
des droits d’auteur, il revenait après avoir acheté livres et
bouteilles. Les seuls moments où il ne buvait pas, quand il
écrivait, il fumait….Beaucoup de ses personnages sont de grands
buveurs comme lui : Chu Liuxiang (楚留香),
Lu Xiaofeng (陆小凤),
Li Xunhuan (李寻欢)…
A la fin de sa
vie, il sombra dans la dépression, aggravée par un
incident : un soir qu’il buvait avec des amis au
restaurant
Yinsong (吟松阁酒楼),
à Taiwan, il se disputa avec eux, l’un d’eux sortit un
couteau et le blessa au bras ; il perdit tellement de
sang que les médecins pensèrent ne pas pouvoir le
sauver. Il survécut, mais ne fut plus jamais le même. La
qualité de ses écrits chuta, il fit terminer ses romans
par des amis, ou des nègres. |
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Gu Long avec son ami le scénariste Ni
Kuang
(après l’incident du restaurant Yingsong) |
Une mort bien
arrosée
Le 21 septembre
1985, hospitalisé pour une cirrhose du foie, il mourut d’une
hémorragie gastrique.
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Article annonçant ses funérailles (Un
dernier verre…) avec à g la photo de sa seconde épouse
Yu Xiuling |
|
Lors de ses
funérailles, ses amis lui apportèrent quarante-huit bouteilles
de son cognac XO préféré, une pour chaque année de sa courte
existence.
On célébra sa mort en
poésie :
小李飞刀成绝响, La
dague volante de Xiao Li n’a pas d’héritiers,
人世不见楚留香!
Le monde a perdu la
trace de Chu Liuxiang !
Il reste une œuvre qui
le place aux côtés des grands noms de la littérature de wuxia
dont il aura contribué à renouveler totalement le style.
Notes
(1) Je garde ici les
titres anglais courants.
(2)
1. L’épée de longévité
《长生剑》2. Plume de paon《孔雀翎》3.
Le sabre d’émeraude
《碧玉刀》
4. L’anneau d’amour
《多情环》5.
L’épée-crochet* d’adieu《离别钩》
6. La lance du despote《霸王枪》7.
Le poing 《拳头》
* épée-crochet ou
crochet du tigre, arme traditionnelle des styles du nord.
Liste chronologique
des œuvres de Gu Long :
http://wuxiapedia.com/Authors/Gu-Long/Works
Textes des principaux
romans (en chinois)
http://www.gulongbbs.com/book/
Principales
adaptations cinématographiques
Les œuvres de Gu Long
ont donné lieu à de très nombreuses adaptations
cinématographiques et télévisées, autant à Taiwan qu’à Hong
Kong.
Pour ne parler que du
cinéma, les films les plus réussis ont été produits par la Shaw
Brothers, à la grande époque des films de wuxia à Hong
Kong, dans les années 1970-1980, le principal réalisateur étant
Chor Yuen (楚原)
(1). Gu Long a très souvent participé aux adaptations de ses
romans, avec son ami l’écrivain et scénariste
Ni Kuang (倪匡),
également ami de
Jin Yong (金庸)
et grand spécialiste du scénario de wuxia.
1.
Adaptations de romans de la série de Chu Liuxiang
Hong Kong – Shaw Brothers
Trois films réalisés par Chu Yuan / Chor Yuen (楚原),
les deux premiers produits par Runme Shaw, le troisième
par Mona Fong.
1977 Clans of Intrigue (《楚留香》),
adapté du premier roman de la trilogie,
sur un scénario de Ni Kuang (倪匡),
avec, dans les rôles principaux,
Ti Lung, Ling Yun, Elliot Ngok, Nora Miao, Li Ching…
suivi de :
1978 Legend of the Bat (《楚留香之二蝙蝠传奇》),
ou Clans of Intrigue 2, adapté du second
roman de la trilogie
(《蝙蝠传奇》),
avec le même scénariste et les mêmes acteurs principaux.
1982 Perils
of the Sentimental Swordsman (《楚留香之幽灵山庄》),
adapté du 5ème roman de la série de
Lu Xiaofeng (Youling Shanzhuang 《幽灵山庄》),
mais en remplaçant
Lu Xiaofeng par
Chu Liuxiang. |
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Clans of Intrigue
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Taiwan
1979
Legend of the Broken Sword
(《折剑传奇》)
par Ulysses Au-Yeung Jun (歐陽俊)
1980
Quatre films :
-
Everlasting
Chivalry
(《侠影留香》) par
Li Chao-yung (李朝永),
avec Meng Fei (孟飞).
- Chu Liu Hsiang and Hu Tieh Hua (《楚留香与胡铁花》) réalisé
par Lin Ying (林鷹),
écrit, produit et coréalisé par Gu
Long.
- The Sun Moon Legend (《新月传奇》)
adapté du quatrième roman de la pentalogie de la
« Nouvelle légende », réalisé par Wang
Yu (王羽),
avec Meng Fei (孟飞).
- Middle
Kingdom's Mark of Blood,
ou Red Dot Chivalry, (《中原一点红》)
réalisé par Hsiao Mu (萧穆).
1983 Night Orchid
(《午夜兰花》)
réalisé par Chang Peng-Yi (张鹏翼),
avec Adam
Cheng (郑少秋) et Brigitte
Lin (林青霞).
1983 The Denouncement of Chu Liu Hsiang
(《楚留香大结局》),
également
réalisé
par Chang Peng-Yi. |
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Night Orchid
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Hong Kong
1993 Legend
of the Liquid Sword
(《笑侠楚留香》)
écrit, produit et réalisé par Wong
Jing (王晶),
avec Aaron Kwok, Anita Yuen, Sharla Cheung, etc… Très librement inspiré de Gu
Long.
2.
Adaptations de la série de Lu Xiaofeng
C’est le
troisième roman de la série qui a le plus inspiré
producteurs et cinéastes.
Hong
Kong, Shaw Brothers
Deux films
réalisés par
Chor Yuen, avec Tony Liu (Lau
Wing
/ Liu
Yong
刘永) :
1978 Clan Of
Amazons (《陆小凤之绣花大盗》),
adaptation du second des sept romans de la série,
The Embroidery Bandit (《绣花大盗》Xìuhuā
Dàdào). |
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Clan of Amazons
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1981 The Duel
of the Century
(《陆小凤之决战前后》),
adaptation du troisième roman de la série,
Before and After the Duel
(《决战前后》).
Taiwan
1981 The
Last Duel
(《英雄对英雄》), adaptation
du cinquième roman de la série, Phantoms' Mountain Manor
(《幽灵山庄》 Youling
Shanzhuang),
réalisé par
Ling Yun (凌云).
Hong Kong
2000 The Duel
(《决战紫禁之巅》),
réalisé par Andrew
Lau (刘伟强),
avec
Andy Lau, Ekin
Cheng, Nick
Cheung, Kristy
Yang, Zhao
Wei and Patrick
Tam.
Adaptation sur
le mode humoristique de l’histoire originale, avec
utilisation d’effets spéciaux. |
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The Duel
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3.
Adaptations de la série
Xiaoli Feidao
Hong
Kong, Shaw Brothers
1977 The
Sentimental Swordsman
(《多情剑客无情剑》), réalisé
par
Chor Yuen,
avec
Ti Lung dans le rôle de Li Xunhuan, Derek
Yee dans celui de A Fei, et
les grands acteurs et actrices de wuxia de
l’époque, Ching Li, Yueh
Hua, Fan Mei-sheng, Ku
Feng.
C’est l’une des adaptations les plus célèbres de Gu
Long, et l’un des plus grands succès commerciaux de
l’histoire de la Shaw Brothers.
Chor Yuen réalisa une suite
quatre ans plus tard :
1981 Return of
The Sentimental
Swordsman
(《魔剑侠情》)
où c’est Derek Yee qui tient le rôle de A Fei. Le film a
été un succès encore plus grand que le précédent.
En revanche, le
film réalisé l’année suivante par Chor Yuen, |
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The Sentimental Swordsman
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« Perils
of the Sentimental Swordsman » (《楚留香之幽灵山庄》),
est une adaptation de la série de Lu Xiaofeng (cf plus
haut).
4.
Adaptations de
la série The Legendary Twins
Deux films
produits par RunRun Shaw :
1971
The Jade Faced Assassin
(《玉面侠》),
réalisé par Yan
Jun,
avec Lily Ho
(Xiaoyu’er), Kao Yuen (Hua Wuque), Ku Feng (Yan
Nantian)….
1979 The
Proud Twins (《绝代双骄》),
réalisé
par Chor Yuen,
avec Alexander Fu et Ng Wai-kwok
Et un troisième
produit par Win’s Movie, Hong Kong :
1992 Handsome Siblings (《绝代双骄》),
réalisé
par Eric Tsang,
avec Andy Lau, Sharla Cheunget Brigitte
Lin. |
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The Proud Twins
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Note
(1) Sur Chor Yuen,
voir
www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Chor_Yuen.htm
Traductions en
français
- Les quatre brigands
du Huabei, traduit du chinois par Christine Corniot, Philippe
Picquier, février 1999, 354 p.
- Les aventures de Chu
Liuxiang, Tome 1. Un parfum de pivoines sur la mer écarlate,
traduit du chinois par François Lagarde, éditions You Feng,
février 2010, 427 p.
Tome 2 : Aventures dans
le désert de Gobi, id décembre 2010
(ces deux tomes
représentant les deux premiers volets de la trilogie de Chu
Liuxiang)
Traduction en
anglais
- The Eleventh
Son : a Novel of Martial Arts and Tangled Love, traduit de
l’anglais par Rebecca S. Tai, Homa and Sekey Books, janvier
2005, 366 p.
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