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Chan Koonchung
陈冠中
Présentation
par
Brigitte Duzan, 31 mai 2014, actualisé 24 mai 2020
Né à Shanghai, dans une famille originaire de Ningbo,
Chan Koonchung a grandi à Hong Kong, puis est venu vivre
à Pékin après un détour par Taiwan. Il est donc
difficile à classer selon les nomenclatures ordinaires.
Il pourrait être défini comme écrivain « des deux rives
et trois territoires » (兩岸三地).
Disons tout simplement : écrivain de langue chinoise.
On le dit auteur de science-fiction ; il l’est autant
que George Orwell écrivant « 1984 ». Disons qu’il est
l’auteur d’un roman d’anticipation, ou de
politique-fiction, qui, publié à Hong Kong et Taiwan en
2009, et aussitôt traduit en anglais et en français, lui
a valu une soudaine célébrité. Celle-ci a été accrue
récemment avec la publication d’un nouveau roman qui est
une satire féroce de l’évolution de la société et de la
mentalité chinoises, vue par un Candide tibétain. Tous
les ingrédients étaient réunis pour en faire un succès
de librairie. Sauf bien sûr en Chine. |
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Chan Koonchung |
Mais on finit par en oublier ce que Chan Koonchung avait fait et
écrit auparavant...
Citoyen et écrivain de Hong Kong d’abord
Chan Koonchung est né en 1952 à Shanghai, mais ses parents ont
déménagé à Hong Kong quand il avait quatre ans. C’est donc à
Hong Kong qu’il a grandi.
Journaliste et éditeur de presse
Il a commencé ses études universitaires à l’Université de Hong
Kong, puis, après un BA, a continué à l’Université de Boston.
Haowai, une histoire de la
culture de Hong Kong |
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De retour à
Hong Kong, il débute comme reporter pour un tabloïde
local. Puis, en 1976,
avec trois
autres écrivains, Qiu
Shiwen (丘世文),
Deng Xiaoyu (邓小宇) et Hu
Junyi (胡君毅),
il fonde le
City Magazine, ou "Numéro spécial" (Haowai《号外》),
qui devient l’un des magazines culturels les plus
branchés de Hong Kong.
Puis
Chan Koonchung s’intéresse au cinéma ; il passe quelques
années à écrire des scénarios et investir dans |
la production cinématographique. Il joue même en 1991 dans le
film
« King
of Chess » (《棋王》)
adapté de la nouvelle éponyme d’A
Cheng, commencé par Yim Ho
et terminé par Tsui Hark :
c’est lui qui interprète le rôle du professeur
Liu Yuebai.
Au début des années 1990, il travaille comme éditeur, à
Hong Kong, pour la revue littéraire du continent Dushu (读书),
puis part à Taiwan en 1994, pour six ans. Il y lance
l’une des premières chaînes de télévision par satellite
de la République de Chine, super TV, vendue à Sony
Entertainment à la fin de la décennie.
Chan Koonchung a accumulé une richesse suffisante pour
ne pas se préoccuper des ventes de ses livres et se
permettre d’écrire des romans bannis sur le continent,
dont il alimente lui-même la diffusion piratée sur
internet.
Ecrivain de Hong Kong
Il commence à écrire en 1978, des réflexions sur Hong
Kong, son histoire, sa culture, la politique et la
société. Son premier texte publié s’intitule « Un
rêve de crème solaire » (《太阳膏的梦》) ;
il est publié en 1986 sur internet, sur le site
booyee
(博益) ;
il témoigne d’une période où la crème solaire était
devenue la grande mode à Hong Kong, symbole d’une vie
saine, naturelle, au soleil.
Ce texte court formera la première partie de « La
trilogie de Hong Kong » (《香港三部曲》),
publiée en 2004, qui retrace vingt-cinq années
d’histoire de la ville. De la vie naturelle en plein
air, on est passé à un réquisitoire contre la pollution
et les dérives de la croissance urbaine.
Chan Koonchung est membre de Greenpeace.
En 2005, il revient sur son expérience personnelle, et,
en 2007, publie un recueil d’essais
sur la culture hongkongaise des années 1970. En 2008,
avec « Neuf chapitres sur la ville » (《城市九章》),
il livre une série d’essais sur plusieurs métropoles
qu’il met en parallèle : Hong Kong, Taipei, Shanghai,
Pékin… |
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La Chine bohême
La trilogie de Hong kong |
Mais, entre-temps, il s’est installé à Pékin et son observation
s’est tournée vers la Chine continentale.
La trilogie de Pékin
C’est à la fin des années 1990 qu’il a tourné son
attention vers la Chine populaire. Il fait partie des
élites taïwano-hongkongaises venues investir dans les
« industries culturelles » du continent. Il lance une
société internet, des magazines et produit des séries
télévisées. Il s’installe à Pékin en 2000.
Ce sont alors les changements socio-politiques, et
surtout l’évolution des mentalités qu’il constate à
partir de 2004-2005 qui l’incitent à prendre la plume
pour témoigner de ses inquiétudes. Le premier livre
qu’il publie sur ce sujet sort en 2009, il marque un
tournant dans son écriture.
Les années fastes
Ce livre est le roman traduit en français « Les
Années
fastes »
(《盛世》),
avec dans le titre chinois une précision : « la Chine en
2013 » (《中国2013年》).
C’est en |
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Neuf chapitres sur la ville |
effet un roman d’anticipation, mais de très peu puisque
le livre a été écrit en 2008, dans la foulée de la
grande mutation qu’a connue la Chine à partir des Jeux
olympiques, mais qui s’amorçait déjà depuis plusieurs
années. Ce qui est frappant, c’est que le pouvoir
totalitaire et la société euphorique que décrit Chan
Koonchung s’appliquent parfaitement à la situation de
2014 comme de 2013. Son roman est une réflexion sur les
mécanismes du pouvoir totalitaire.
Les années fastes |
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L’histoire se passe en 2013, soit le futur très proche.
Après une seconde crise économique au début de 2011, les
pays occidentaux sont en récession tandis que la Chine
est entrée dans un « âge d’or » de croissance. La
prospérité nationale est accompagnée d’une euphorie
générale, partagée par le personnage principal, Lao Chen
(老陈),
un écrivain de Hong Kong vivant à Pékin. Alter ego,
donc, de Chan Koonchung. Mais lui, Chen, est en panne
d’écriture et vit modestement de locations
d’appartement, en allant voir tous les mois, pour se
distraire, les films que passe un de ses amis dans son
restaurant, projections auxquelles assiste aussi un
bureaucrate insomniaque, membre de l’oligarchie au
pouvoir, nommé He Dongsheng (何东生).
Peu à peu, Chen s’intéresse aux investigations menées
par son vieil ami
Fang Caodi (方草地),
qui fait des recherches sur le mois de février 2011 qui
a entièrement disparu des |
documents officiels comme de la mémoire publique, tout comme la
Révolution culturelle et les événements de Tian’anmen. Il est
aidé de son ancienne petite amie Wei Xihong (韦希红)
ou Xiao Xi (小希),
ex juriste du bureau de la sécurité publique, devenue activiste
internet. Ce qui les intrigue aussi, c’est, outre le phénomène
d’amnésie collective, le sentiment de contentement général au
sein de la population.
Ils finissent par kidnapper He Dongsheng pour le faire parler.
Le dernier tiers du livre est la confession de ce dernier, qui
explique ce qui s’est passé. La crise économique menaçant son
autorité et sa légitimité, le Parti communiste a mis en place un
plan d’action draconien instituant une mainmise totale de toutes
les activités gouvernementales, après suppression des troubles
et restauration de l’ordre par les forces armées et la police et
mesures interventionnistes pour relancer la consommation,
instaurer un contrôle des prix et sortir de la crise.
Parallèlement était lancée une politique étrangère inspirée de
la Doctrine Monroe visant à assurer la suprématie de la Chine
dans le Sud-Est asiatique, et une influence croissante dans le
reste du monde.
Pour bien contrôler la population, enfin, de l’ecstasy a
été mélangée à l’eau potable et à l’eau minérale en
bouteille, d’où l’euphorie générale constatée, et
ressentie, par Lao Chen. Et la disparition du mois de
février correspond à la suppression de la mémoire
collective de la répression effectuée pour « rétablir
l’ordre ».
Après avoir vainement tenté de discuter des avantages de
la démocratie libérale avec un He Dongsheng sceptique,
ils le relâchent et chacun part de son côté au petit
matin… La situation semble figée, et effectivement, avec
le recul, le schéma échafaudé par Chan Koonchung paraît
à peine de la politique-fiction, la drogue ajoutée à
l’eau apparaissant juste comme une allégorie. Depuis ses
débuts, l’histoire du régime communiste chinois peut se
lire comme une suite de répressions pour maintenir
l’ordre nécessaire à la croissance et assurer la
légitimité du Parti à contrôler le pays. |
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Hong Kong et le concept
de Royaume céleste |
Mais
Lu Xun (魯迅),
déjà, avait critiqué la tendance nationale à se nourrir de
nostalgie collective pour un passé glorifié, et préférer se
réfugier dans ce passé en fermant les yeux sur l’enfer qu’il
avait pu être, « le bon enfer perdu », plutôt que d’avoir à
affronter un présent dont l’enfer était bien réel. Chan
Koonchung poursuit la réflexion de Lu Xun en montrant que la
nostalgie du passé s’est mutée en sentiment euphorique tout
aussi fallacieux, car fondé sur un paradis artificiel.
L’histoire de Champa
Luoming《裸命》 |
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Chan Koonchung a aussitôt récidivé dans la satire
sociale corrosive avec son roman suivant, au titre
ésotérique : Luoming (《裸命》)
.
A travers l’histoire et le regard du jeune Tibétain
Champa, il dresse un constat sévère des travers
inquiétants de la société chinoise actuelle, entre
xénophobie et matérialisme triomphant. Nous ne sommes
plus dans une politique-fiction de façade, mais dans le
réalisme le plus direct.
Chan Koonchung a choisi son sujet en connaissance de
cause. Il a commencé à s’intéresser au Tibet en 1992 car
il a alors réalisé des recherches pour un film que
voulait réaliser Francis Ford Coppola. Depuis lors, il a
vu la proportion de Han dans la population de Lhassa
augmenter régulièrement, les touristes chinois se
multiplier tandis que les touristes occidentaux se
faisaient plus rares, faute de visas. A l’origine, il
voulait conter l’histoire d’un jeune |
Tibétain tel que le Nyima qui croise la route de Champa dans son
roman. Mais il a finalement opté pour une autre optique : faire
jouer à son personnage un rôle d’observateur à la Candide.
Champa est le chauffeur, à Lhassa, d’une femme d’affaires
chinoise aisée dont il est également l’amant – ce qui nous vaut
d’entrée quelques scènes très chaudes. Il est content de sa vie,
Champa, car il pense pouvoir réaliser son rêve : aller vivre à
Pékin. Il parle chinois, il est civilisé, ou le croit. Le
problème, c’est que sa maîtresse n’a rien à faire de lui, à
Pékin, et que, au passage, il perd sa virilité et toute ardeur
au lit, devenant un objet inutile et encombrant. Même la fille
de sa patronne, de visite à Lhassa, le traite avec mépris.
En l’absence des deux femmes, il vole la voiture et part seul
pour Pékin, le trajet faisant figure de voyage initiatique qui
commence à éroder sa vision éthérée de la Chine, formée auprès
des touristes à Lhassa. A Pékin, Champa doit vite déchanter. La
première à lui offrir un job est la fille de la patronne, une
bisexuelle qui milite pour le sauvetage des chiens volés pour
être vendus comme chair à pâté. Champa transporte un temps des
chiens « libérés » jusqu’au centre où ils sont recueillis, mais
l’affaire est de courte durée.
Il se met en quête d’un travail, pour réaliser que personne ne
veut employer un Tibétain comme lui : le seul job qu’il trouve
est gardien de prison, mais même pas une prison ordinaire - une
de ces prisons illégales où sont détenus les braves paysans
victimes de la corruption ambiante et montés à la capitale pour
« faire pétition » et tenter d’obtenir justice, aussitôt
poursuivis par les sbires des autorités provinciales. Han ou non
han : les damnés de la terre en Chine, la face cachée d’une
société peu amène envers les trublions dangereux pour
l’ « harmonie » nationale.
Chan Koonchung force le trait à plaisir. Mais il est indéniable
que son constat a du vrai. Le roman n’a été publié qu’à Hong
Kong et à Taiwan, mais il a circulé sur internet en Chine, dans
une version en caractères simplifiés, et y a suscité des débats
animés avant d’être effacé. Il est d’autant plus féroce qu’il ne
s’adresse pas seulement aux rapports entre Han et Tibétains, la
satire est bien plus profonde : elle aborde le problème de la
montée en Chine d’une inquiétante mentalité xénophobe, non
seulement à l’égard des étrangers, mais aussi à l’égard des
éléments considérés comme allogènes au sein de la population.
The Second Year of
Jianfeng: An Alternative History of New China
Dans ce
troisième volet de la « trilogie de Pékin », Chan
Koonchung a imaginé une Chine qui n’aurait pas été
communiste, sous forme d’un roman qui construit un monde
« alternatif »
,
une uchronie mêlant personnages fictifs et personnages
authentiques, en reprenant leurs déclarations réellement
prononcées, mais en les replaçant dans un contexte
différent. Le modèle est ouvertement Taiwan : c’est
l’évolution du système politique et économique taiwanais
– et même ce qu’on peut bien appeler les succès d’un
système devenu démocratique - qui constitue le critère
de base pour imaginer ce qu’aurait pu être la Chine si
elle n’avait pas été « libérée » en 1949.
Nous sommes le 10 décembre 1979. Soit la Deuxième
année de Jianfeng (建丰二年)
parce que c’est la seconde année du « règne » de Chiang
Ching-kuo, fils de Chiang Kai-chek – Jianfeng était son
nom « de courtoisie »
.
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The Second Year of Jianfeng |
Chan Koonchung
implique donc dès le départ une continuité avec le
système impérial, il n’y a pas de rupture.
Chan Koonchung présentant son
livre |
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La
Chine est une alliée des Etats-Unis depuis que
les forces nationalistes ont vaincu les
communistes à la fin de la guerre civile, en
1949. La capitale chinoise est toujours Nankin,
le Dalaï Lama toujours à Lhassa, et Hong Kong
toujours colonie britannique. La Chine est
répressive, certes, mais prospère car il n’y a
eu ni lutte des classes, ni purge de
propriétaires fonciers,
ni collectivisation, ni campagne anti-droitiers,
ni Grand Bond en Avant, ni famine, ni Révolution
culturelle. |
Ce que Chan Koonchung a voulu montrer, dans cette histoire
uchronique, c’est que, même si tout n’aurait pas été rose si les
nationalistes avaient été victorieux et pris le pouvoir, en
particulier à cause de leurs tendances dictatoriales et leur
corruption endémique, la Chine serait devenue prospère bien plus
tôt sans régime communiste ; sa thèse est que les trente années
de régime maoïste, avant les réformes de Deng Xiaoping, ont été
une dramatique perte de temps, d’énergies et de ressources, un
détour historique sans nécessité et d’un énorme coût humain.
Le roman est une construction très subtile, qui
repose sur un double niveau narratif. Parmi les
nombreux personnages réels repris par Chan
Koonchung, l’un des plus importants est Zhang
Dongsun (ou Chang Tung-sun 张东荪),
un philosophe démocrate qui a refusé de prendre
parti pour les communistes ou les nationalistes
et est mort en prison à Pékin en 1973. Dans le
roman, il choisit de s’exiler à Hong Kong, où la
liberté relative qui règne dans la colonie
britannique lui permet d’écrire un livre
intitulé « Toutes les fleurs vont se faner quand
je m’épanouirai : que se serait-il passé si les
Communistes avaient pris le pouvoir en Chine ».
C’est donc le monde réel qui devient la fiction
opposée au monde uchronique posé en monde réel.
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Zhang Dongsun (1886-1973) |
Parmi les réussites de la Chine de 1979 imaginée par Chan
Koonchung figure … la littérature. Des écrivains comme
Zhang Ailing (张爱玲)
n’ont pas été poussés à l’exil et ont poursuivi leur œuvre.
Comme il n’y a pas eu de Révolution culturelle,
Lao She (老舍)
ne s’est pas suicidé – ou disons : n’est pas mort dans
des circonstances inexpliquées - et il a continué à écrire. Il a
terminé son ouvrage « Sous la bannière rouge » (《正红旗下》),
en réalité laissé inachevé en 1966 ; il est devenu le premier
prix Nobel chinois, dans les années 1960 !
Après l’élection récente à la présidence de Taiwan, qui marque
l’un des grands succès de cette démocratie, « The Second Year of
Jianfeng » fait réfléchir. Il est tentant de se laisser
convaincre.
2020 : Pékin kilomètre zéro
En mai 2020, alors que la vie reprend peu à peu après le
pire du confinement, dans le monde entier, on apprend la
publication prochaine, début juin, d’un nouveau roman de
Chan Koonchung qui pourrait bien être un volet
supplémentaire de sa trilogie de Pékin, désormais donc
quadrilogie : « Pékin kilomètre zéro » (《北京零公里》).
Il s’agit du point symbolique d’où partent toutes les
routes et tous les trains, marqué sur le sol au centre
de la capitale, qui renforce donc le symbolisme de Pékin
comme centre du pouvoir.
C’est de là que le narrateur du roman raconte son
histoire. Ce narrateur est un jeune étudiant de 14 ans
qui a été tué sur la place Tian’anmen le 4 juin 1989.
Son crâne a volé en éclat, et il s’est retrouve dans
l’au-delà, d’où il tente de reconstituer les huit cents
ans d’histoire de Pékin, pour essayer de comprendre.
Le roman est en trois parties, présent, passé et
histoire secrète, les deux dernières venant en
complément de |
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Pékin kilomètre zéro
(Oxford University Press)
sur la couverture : la marque
du km zéro sur le sol de Pékin |
la première. Le jeune narrateur reconstitue l’histoire
de la capitale, avec toutes les injustices, cruautés et
absurdités qui s’y sont déroulées au cours de ces huit
cents ans ; il tient comme un registre de tous les
disparus célèbres, morts pour avoir défendu une cause en
laquelle ils croyaient, ou exécutés pour avoir refusé de
se soumettre :
-
Li Dazhao (李大钊),
cofondateur du Parti communiste en 1921, participant en 1924 à
l’établissement du Front uni entre les Nationalistes et les
Communistes, puis arrêté pendant l’Expédition du nord par le
seigneur de la guerre Zhang Zuolin (张作霖)
et exécuté par pendaison dans le district de Xicheng en
avril 1927;
-
le réformateur Tan Sitong (谭嗣同),
l’un des « six gentilhommes de la réforme des Cent Jours » (戊戌六君子),
arrêté au Guildhall de Liuyang (浏阳会馆)
le 24 septembre 1898 après avoir refusé de fuir au Japon, et
décapité sans procès sur ordre de Cixi le 28 septembre à l’âge
de 33 ans, sur la place d’exécution de Caishikou (菜市口刑场),
à l’extérieur de la porte Xuanwu (宣武门)
;
- ou encore Wen Tianxiang (文天祥),
dernier premier ministre des Song du sud, capturé et emprisonné
par Kubilai Khan pour finalement, au bout de trois ans de refus
de se rallier à la dynastie des Yuan, être décapité dans le
district de Dongcheng en 1283, à l’âge de 46 ans….
Chan Koonchung présentant son livre |
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Tous ces morts planent comme des ombres, ou des
fantômes, sur l’histoire de Pékin. Le jeune narrateur
leur rend hommage tout en essayant de comprendre où est
la vérité historique, si cela a encore un sens. Il passe
ses jours et ses nuits à lire et dépiauter les journaux,
les manuels d’histoire, la littérature historique, mais
finalement se demande quel est le sens de telles
recherches puisque de toute façon il ne pourra pas
communiquer ce qu’il aura trouvé, à cause de la censure
de plus en plus draconienne, mais aussi tout simplement
parce que plus personne ne s’intéresse à l’histoire,
plus personne ne veut savoir.
Malgré tout, Chan Koonchung rejoint le petit groupe
d’auteurs chinois qui se préoccupent de revenir à la
source pour tenter de retrouver la vérité historique,
aussi élusive soit-elle. Il s’agit, dit-il, de rétablir
les faits pour sauver |
l’histoire de l’emprise de l’idéologie. En ce sens, « Pékin
kilomètre zéro » vient bien compléter le roman précédent portant
le sous-titre
wūyǒushǐ
(乌有史 ),
histoire inexistante,
dont qu’il s’agit, justement, de reconstituer le récit
alternatif.
Principales œuvres publiées
2020
Pékin kilomètre zéro / Zero Point Beijing 《北京零公里》
2015
The Second Year of Jianfeng: An Alternative History of New China
《建豐二年: 新中國烏有史》/
《建丰二年: 新中国乌有史》
2013
Luoming《裸命》ou
“
The Unbearable Dreamworld of Champa the Driver”
2012 Hong
Kong et le concept chinois de Royaume céleste
《中国天朝主义与香港》
2009
Les
Années
fastes / The Fat Years
《盛世:中国2013年》
2010
Il ne s’est rien passé
《什么都没有发生》
2008
Neuf chapitres sur la ville
《城市九章》
2007
Et après : annales de culture locale
《事后:本土文化志》
2005
Moi, Hongkongais d’aujourd’hui : succès et fiascos
《我这一代香港人:
成就与失误》
2004 La
trilogie de Hong Kong
《香港三部曲》
2003
Liao Weitang, Yan Jun, la bohême chinoise
《廖伟棠、颜峻.
波希米亚中国》
2001 Hong
Kong, expérience inachevée
《香港未完成的实验》
2000
Notes d’une ville métisse
《半唐番城市笔记》
1996
L’histoire du président
《总统的故事》
1986
Un rêve de crème solaire
《太阳膏的梦》
(publié
sur internet, sur le site booyee
博益)
Traduction en français
Les Années fastes (《盛世》),
traduit du chinois par Denis Bénéjam, éditions Grasset, janvier
2012,
415 p.
Traductions en anglais
The
Fat Years (《盛世》),
traduit du chinois par Michael S. Duke, préface de Julia Lovell,
Doubleday Books, juillet 2011, 320 p.
The Unbearable Dreamworld of Champa the Driver (《裸命》),
traduit du chinois par Nicky Harman, Doubleday, mai 2014, 192 p.
Note sur le titre :
Le titre est difficile à traduire, mais mérite une
tentative d’explication ; en deux caractères, il
synthétise de façon subliminale le message du roman par
les significations qu’il suggère.
-
裸
luǒ
signifie nu, mais a pris depuis quelques années
un sens dérivé suggérant la corruption, comme
dans
luǒ guān
裸官
qui désigne les fonctionnaires qui transfèrent leur
argent à l’étranger et y envoient femmes et enfants,
restant donc nus dans la capitale.
- Quant au second caractère命
mìng,
il désigne la vie, et les deux caractères
裸命
luǒ
mìng
sont homophones de l’expression cantonaise
攞命,
elle-même
synonyme de
要命
yào
mìng,
qui signifie littéralement ‘qui en veut à la vie’, donc
dangereux.
Le titre pourrait donc être traduit : Nu et vulnérable
(à Pékin).
Merci à Bruce Humes pour cette explication. Son analyse
du roman est d’ailleurs tout aussi intéressante :http://bruce-humes.com/archives/558
Le terme utilisé par Chan Koonchung est
wūyǒushǐ
乌有史 :
l’histoire non-existante, qui n’a jamais existé. Ce
n’est cependant pas un pur fruit de l’imagination car
cette reconstruction de l’histoire repose sur un modèle
réel.
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