II. Fin des années
1950 et début des années 1960 : scénarios pour des réalisateurs
de Hong Kong
Après un bref passage à
Hong Kong, du printemps 1952 à l’automne 1955, c’est aussitôt
après son départ pour les Etats-Unis que
Zhang Ailing écrit des scénarios pour plusieurs
réalisateurs de Hong Kong.
1. Contexte
personnel et historique
Ces scénarios peuvent
apparaître comme la continuation, une décennie plus tard, de
ceux écrits pour
Sang Hu en 1947, mais ils
correspondent en réalité à un contexte tout autre, propre à Hong
Kong.
Contexte
socio-culturel : la « Shanghai connection »
Ces scénarios
s’intègrent dans la profonde mutation qui se produisit pendant
la période 1950-1970 dans la société et la culture de Hong Kong,
et, partant, son cinéma. Cette mutation fut entraînée par les
événements politiques et l’afflux de réfugiés du continent, et
tout particulièrement de Shanghai, après l’installation du
régime communiste en Chine continentale : on a ainsi pu parler
de
‘Shanghainization’
de Hong Kong dans les années 1950. Le phénomène toucha aussi le
cinéma.
Cette
« Shanghai connection » vint se greffer sur une culture
et une identité hongkongaises où prévalait déjà le
sentiment d’origines multiples et diverses, nourrissant
chez les artistes une créativité ouverte sur une
problématique dépassant les limites du territoire, ce
qu’on a appelé une « imagination transrégionale » (1).
Zhang Ailing et ses
scénarios non seulement s’intègrent parfaitement dans
l’émergence de cette culture cosmopolite, ouverte sur
des horizons divers, ils y participent. De manière
générale, de par ses liens personnels avec Shanghai,
Hong Kong, puis les les Etats-Unis, elle est même la
personnification de cette culture. Elle a étudié à
l’université de Hong Kong de 1939 à 1941, obligée de
regagner Shanghai à cause de la guerre. Mais elle est
citée parmi les anciens étudiants de l’université qui
ont participé à l’élaboration d’une culture
locale spécifique, à partir de la fin des années 1950
(2).
Le département de littérature chinoise
de l’université de Hong Kong
où étudia Zhang Ailing en 1939
Contexte
cinématographique : boom de production et rivalité linguistique
Son travail de
scénariste s’inscrit en outre dans le contexte très particulier
du développement du cinéma de Hong Kong après 1950, marqué par
la concurrence entre sociétés de production, la rivalité entre
cinéma en mandarin et cinéma cantonais et la prévalence des
formes de divertissement populaire.
Les studios
Les années 1950 à Hong
Kong virent la naissance de plusieurs sociétés de production. Si
les réalisateurs et acteurs venaient en majeure partie de
Shanghai, les fonds provenaient essentiellement de la diaspora
chinoise de Singapour et de Malaisie.
Le magnat de la Cathay Loke Wan Tho
L’une des
sociétés de production les plus prolifiques créées dans
les années 1950 fut la Great Wall Film Company (长城电影制片公司), mais la plus importante fut sa concurrente directe, la MP&GI
(Motion Picture and General Investment, encore appelée
Dianmao
电茂),
un
ancien studio racheté et réorganisé en 1955 par un riche
homme d’affaires de Malaisie, Loke Wan-tho (ou Lu Yuntao
陆运涛). Il
avait hérité de son père, mort en 1917 quand il avait
deux ans, une fortune faite dans les mines, les
plantations et
l’immobilier,
et été éduqué en Suisse et à Cambridge. En 1935, il
avait créé, avec sa mère et deux autres partenaires, une
société de diffusion de films qui en arriva à posséder
un réseau de quelque quatre-vingts cinémas dans divers
pays.
En 1953, il
construisit ses propres studios et commença à
produire des
films malais. Puis, en 1955, il racheta un studio de Hong Kong en
difficulté dont il avait jusque là distribué des films, Yung Hwa
Motion Pictures, pour produire des films chinois à diffuser dans
ses cinémas. Il le modernisa et le rebaptisa Motion Picture and
General Investment ; la société prendra le nom de son groupe,
Cathay, après sa mort.
Wan-tho produisit à
Hong Kong près de cent quarante films, dont 80 % en mandarin :
des films de divertissement populaire, mais de grande qualité,
reflétant le modèle hollywoodien, tournés par de grands
réalisateurs et interprétés par des acteurs et actrices devenus
légendaires. Il récupéra en outre les collections de la société
Yonghua (永华电影公司)qui, dès
la fin de la guerre, avait fait venir de Shanghai, avec leurs
acteurs et techniciens, les plus grands réalisateurs du moment,
dont Yue Feng qui fut le premier avec lequel collabora
Zhang Ailing.
Après la mort de son
fondateur, en 1964, dans un accident d’avion alors qu’il se
rendait au festival du cinéma asiatique à Taipei, la société ne
réussit pas à survivre face à la concurrence des Shaw
Brothers et cessa ses activités en 1971 (3).
C’est cette société qui
produisit la majeure partie des films tournés à Hong Kong sur
les scénarios de
Zhang Ailing. Mais ils
s’inscrivent dans un autre contexte : celui de la lutte, très
spécifique à Hong Kong à l’époque, entre un cinéma en mandarin
ambitieux, et un cinéma cantonais tourné vers le public local.
Mandarin contre
cantonais
Les grands films de la
MP&GI, comme ceux des Shaw Brothers, sont
en mandarin, les films en cantonais ne commençant à
prédominer dans les productions de Hong Kong qu’à partir de la
fin des années 1960, mais surtout au début des années 1970.
La montée en puissance
du cinéma en mandarin après la guerre a été le résultat d’une
histoire tortueuse qui s’est déroulée en trois temps :
1. Le cinéma de Hong
Kong devint à l’avènement du parlant, au début des années 1930,
une base de production pour les grandes compagnies de Shanghai
désireuses de conquérir les marchés de la diaspora chinoise du
Sud-Est asiatique : le gouvernement nationaliste leur
interdisait en effet de tourner des films en dialectes à
Shanghai. Ils tournèrent donc à Hong Kong des films dans les
dialectes du sud de la Chine pour les émigrés chinois du Fujian,
d’Amoy, etc... Jusqu’en 1946, les films en mandarin tournés à
Hong Kong ne représentent que 2 à 3 % de la production totale.
2. Une dizaine d’années
plus tard, dans le contexte économiquement instable de la
Shanghai de l’après-guerre, certains magnats du cinéma de
Shanghai réinvestirent leurs capitaux dans la colonie
britannique, créant un « Hollywood oriental » dont le marché
était, cette fois, celui de la Chine continentale, en
mandarin. Ce que l’on a appelé « le passage au sud-est » du
cinéma de Shanghai renversa en même temps la suprématie du
cinéma cantonais, qui était un cinéma populaire, de consommation
locale, et monopole de petites compagnies.
3. Après 1949,
la fermeture au monde extérieur de la Chine continentale
devenue communiste y ayant supprimé les possibilités de
distribution, les grandes compagnies de Hong Kong durent
se réorganiser à nouveau pour pouvoir recommencer à
exporter vers la diaspora chinoise, mais surtout vers
les principaux marchés, Taiwan et Singapour, marchés en
mandarin.
Le cinéma
cantonais a continué une existence tranquille de cinéma
populaire et commercial fondé sur trois grands genres :
les comédies musicales, mélodrames musicaux et films
d’opéra, les wuxiapian (films d’arts martiaux) et
les films de légendes et de fantômes, les deux premiers
se
L’acteur fétiche Zhang Yang tenant le
scénario
du film d’Eva Yang « Sun, Moon and Stars
»
avec les trois vedettes de la MP&GI
(Grace Chang, Lucilla You et Julie Yeh)
fondant après guerre dans un genre
hybride où chants alternent avec duels.
Stephen Soong
Le cinéma en
mandarin, au contact de ce cinéma et de son public, va
développer ses propres comédies. On peut dire que
l’année 1955
est une année charnière pour ce cinéma : c’est cette
année-là que Loke Wan-tho, comme on l’a vu, rachète le
studio
Yung Hwa Motion Picture ; en même temps, il le
réorganise en deux unités de production, l’une pour les
films cantonais et l’autre, la plus importante, pour les
films en mandarin. Tandis qu’il commande une première
série
de films en mandarin à
Tao Qin, Eva Yang et Yue Feng, il met sur pied un comité de
scénarios pour ces films, dirigé par Stephen Soong, avec entre
autres
Zhang Ailing et Yao Ke (4).
La MP&GI
s’affirmait ainsi comme l’héritière des studios de
Shanghai des années 1930, dans lesquels les écrivains
avaient joué un rôle majeur. Mais c’étaient des
écrivains de gauche. A Hong Kong, dans les années 1950,
le vent a changé : plus question de choisir des thèmes
tragiques ou de faire dans le mélo. La MP&GI se tourne
vers Hollywood pour y puiser son inspiration, et produit
des films légers et divertissants, destinés à un public
petit-bourgeois émergent.
A la fin des
années 1950, la MP&GI avait
réussi à lancer des stars reconnues, mais avait du mal à
dégager des bénéfices. La concurrence des Shaw Brothers
était dure. Loke Wan-tho se tourna alors vers le
réalisateur Wang Tianlin (王天林).
C’est dans ce
contexte que
Zhang Ailing, à
l’instigation de Stephen Soong, va apporter une
contribution importante au développement d’un genre
populaire qui va remporter de
Yao Ke (avec Lu Xun en 1933)
grands succès. On peut
d’ailleurs dire que c’était un genre plus spécifiquement
féminin, et que
l’affirmation de la
suprématie des Shaw Brothers dans la décennie suivante allait
faire prévaloir des modèles plus masculins, et de plus en plus
cantonais.
Contexte
scénaristique : naissance d’un genre
Zhang Ailing
participe directement, avec ses scénarios, au développement d’un
mouvement cinématographique typiquement hongkongais, désigné du
nom d’un film qui l’a lancé : nanbei he (南北和),
l’union, ou la synthèse, du Nord et du Sud, soit la
(ré)conciliation de cultures chinoises conflictuelles, et ce par
compromis mutuels, dans l’intérêt de la famille, de l’amour, et,
plus généralement,… de l’avenir.
Le terme vient du titre
d’un film de 1961 de Wang Tianlin (王天林) qui a été traduit par « The Greatest Civil War on Earth ». Comédie
romantique, le film met en scène, avec un humour irrésistible,
la rivalité entre communauté cantonaise et immigrés fraîchement
arrivés du Nord (et, partant, celle entre cinéma cantonais et
cinéma en mandarin) ; elle est dépeinte symboliquement sous la
forme du conflit entre deux tailleurs concurrents, l’un
cantonais, attaché à la routine de son travail, l’autre venu de
Chine continentale avec des méthodes nouvelles et
hyper-compétitives, chacun parlant sa propre langue. Leur
rivalité est doublée d’une histoire d’amour entre leurs enfants
respectifs, qui finissent par faire baisser les armes à leurs
parents (5).
The Greatest Civil War on Earth : les
deux acteurs (le cantonais à gauche, le pékinois à
droite)
Le scénario fut adapté
d’une pièce à succès, initialement écrite pour un gala de
charité par Stephen Soong (宋淇) qui fut également le
scénariste et le producteur du film. Le film est interprété de
façon magistrale par deux grands acteurs qui personnifiaient
eux-mêmes le conflit de culture : la star de la comédie
cantonaise Leung Sing-bo (ou Liang Xingbo 梁醒波),
et le comédien ‘mandarin’ Liu Enjia (刘恩甲). De façon symbolique, l’une des scènes les plus réussies est
l’affrontement des deux personnages sur le plan de l’opéra, l’un
chantant un air d’opéra cantonais, l’autre le coupant avec un
air d’opéra de Pékin.
Zhang Ailing à l’époque
des scénarios de Hong Kong
Le film arriva
en tête du box office de Hong Kong en 1961. Il eut un
tel succès que cela incita Wang Tianlin, et la MP&GI, à
poursuivre dans la même veine, les scénarios des deux
films suivants étant confiés à
Zhang Ailing.
Mais, de
manière générale, ces scénarios s’inscrivent dans un
genre qui fit florès à Hong Kong à la fin des années
1950 et dans les années 1960 : des comédies
populaires souvent comparées aux « screwball
comedies » américaines qui connurent leur âge d’or dans
les années 1935-45. Sous-genre des comédies de Hollywood
que
Zhang Ailing
connaissait et aimait bien, ces comédies mêlaient des
éléments de comédies de situation, de comédies
romantiques et de farce ; bâties couramment autour de
thèmes de ruptures, divorces, remariages,
quiproquos
amoureux et jalousies triangulaires, elles
avaient comme caractéristiques communes la vivacité des
réparties.
Ce sont là les
caractéristiques des trois premiers scénarios que
Zhang Ailing a écrits pour Hong Kong : pour le
réalisateur
Yue Feng. Ils apparaissent dans la continuation directe de ceux
écrits pour Sang Hu une dizaine d’années auparavant.
Il faut l’imaginer écrivant ces scénarios un sourire ironique au
coin des lèvres, comme sur la photo justement choisie pour la
couverture du livre contenant quelques uns d’entre eux.
2. Quatre scénarios
pour les réalisateurs Yue Feng et Tong Wong
Les trois scénarios pour Yue Feng (岳枫) ont été
écrits en 1956 et les trois films sont sortis respectivement en
1957, 1958 et 1959 : « The Battle of Love » (《情场如战场》), « A Tale
of Two Wives » (《人财两得》) et « The Wayward Husband » (《桃花运》). Ce
sont des comédies typiques des débuts de la MP&GI, comme l’est
le film suivant de 1960, « The June Bride » (《六月新娘》) réalisé par
Tong Wong (唐煌).
Yue Feng
De son vrai nom Xuan Zichun (宣子春),
Yue Feng est né à Shanghai en 1910 et mort à Hong Kong
en 1999. A la fin de ses études, en 1929, il
s’oriente vers
le cinéma, tourne son premier film en 1933, avant de
partir à Hong Kong en 1949. où il travaille d’abord pour
la société de production Great Wall (长城电影制片公司), puis, en 1957-59, tourne quelques films avec la MP&GI, dont les trois
réalisés à partir des scénarios de
Zhang Ailing ;
après 1959, il passe dans le giron des Shaw Brothers (邵氏公司).Jusqu’en 1974, il a tourné au total quelque 90 films, soit jusqu’à
quatre ou cinq films
Yue Feng 岳枫
avec Lin Dai
par an. A part quelques wuxiapian, la plupart sont des
comédies populaires, dont les trois réalisées avec
Zhang Ailing.
Tom Yong
Tom Yong
(ou Tang Huang唐煌)
est né en 1916 et mort en 1976. Bien que, en vingt ans de
carrière, de 1953 à 1973, il ait tourné 49 films, il reste peu
connu.
Les quatre
scénarios
1/ « The
Battle of Love » (《情场如战场》),
film de Yue Feng, 1957.
Publié en 2003
(6), le scénario de « Batttle of Love » montre bien la
qualité du travail de scénariste de
Zhang Ailing.
Elle l’écrivit sur
la base d’une nouvelle de Qin Yu (秦羽), par
ailleurs l’actrice qui interprète dans le film l’un des
deux rôle principaux, aux côtés de Lin Dai (林黛).
Lin Dai
devint l’actrice la plus recherchée des studios de Hong
Kong, sous contrat à la fois avec la MP&GI et avec
les Shaw
Brothers. Elle se suicida en 1964, pour des « raisons
familiales ». Il faut souligner cependant qu’elle avait
commencé sa carrière en 1953 par le rôle principal dans
un film produit par la Yonghua, intitulé « Cuicui »
(《翠翠》) et adapté du roman de
Shen Congwen
« La ville frontalière » (《边城》). Son succès
dans ce film eut pour effet de la rendre célèbre, mais
aussi de la cantonner dans des rôles de petite
campagnarde. Si elle put s’en affranchir,
c’est grâce à
son rôle dans « The Battle of Love » en
(秦亦孚),
diplômée de l’université de Hong Kong en 1957, elle est représentative
de ce courant spécifique de la Hong Kong des années 1960
qui vit de nombreux écrivains de la colonie se tourner
vers l’écriture de scénarios (8). Qin Yu fit ses débuts
d’actrice en 1954, et connut la célébrité après avoir
été invitée à jouer un rôle au théâtre à Londres l’année
suivante. Mais elle abandonna ensuite la carrière
d’actrice pour se consacrer uniquement à l’écriture, et
surtout àl’écriture de
scénarios.
Comme ceux de Zhang
Ailing, ils reflètent l’évolution des codes éthiques et des
relations familiales et interpersonnelles dans la Hong Kong de
l’époque. Elle en a écrit une vingtaine pour la MP&GI, dont deux
des plus grands succès du studio : « The Wild Wild Rose » (《野玫瑰之恋》1960,
inspiré par Carmen) de Wang Tianlin (王天林)
et « Sun, Moon and Stars » (《星星·月亮·太阳》1961) d’Eva Yang (易文).
L’histoire de « The
Battle of Love » est le type même des
comédies sophistiquées de la MP&GI, avec deux sœurs aux
caractères opposés se disputant le cœur d’un jeune garçon, en
semant au passage le désordre autour d’elles. C’est ce qu’on
désigne par le terme générique de comédies « aux deux caractères
féminins » (“双女主角”).
L’aînée, Ye Weifang (叶纬芳),
vingt et un ans, est belle et vive, mais un peu
prétentieuse ; dans l’espoir d’attirer, en le rendant
jaloux, son cousin Shi Rongsheng (史榕生), elle flirte avec
deux autres prétendants, dont le professeur d’histoire
He Qihua (何启华). La cadette, elle, est droite et
sérieuse. Leur cousin aime bien l’aînée, mais craint son
caractère enflammé, et n’ose parler qu’avec sa jeune
cousine ; celle-ci, cependant, aime un autre jeune
garçon, et, pour tenter de
l’aguicher, va chercher de l’aide auprès de son cousin.
Mais
l’autre garçon devient furieux en les voyant ensemble,
et va chercher de l’aide auprès de la sœur aînée.
Celle-ci, furieuse, ne comprend pas pourquoi le cousin
ne s’est pas déclaré à elle et, sous le coup de la
colère, va voir le professeur
d’histoire, mais celui-ci lui propose de l’épouser.
C’est
Lin Dai dans le rôle de Ye Weifang
véritablement le champ de bataille amoureux
évoqué par le titre. Les deux sœurs finissent par épouser
l’homme de leurs rêves, et le professeur d’histoire leur sert de
témoin.
Une telle trame, inspirée d’une pièce de Max
Schulman de 1954 intitulée « The Tender Trap », peut prêter aux
interprétations les plus diverses. Elle a donné en 1955 une
adaptation au cinéma avec Frank Sinatra ; en Chine, on en a même
fait une comédie musicale aux couleurs fluo et robes flamenco
sinisées en 2010. Le film de Yue Feng est, lui, dans le style le
plus classique des comédies de Hong Kong de la fin des années
1950.
2/ « A Tale of Two
Wives » (《人财两得》),
sorti pour les fêtes du Nouvel An, le 1er janvier
1958.
Ce second film
de Yue Feng sur un scénario de
Zhang Ailing
traite d’un autre thème de prédilection des comédies de
Hong Kong de l’époque : divorce et rupture.
Le trio
d’acteurs, par ailleurs, faisait une tête d’affiche
aguichante, avec l’actrice Li Mei (李湄) dans le rôle principal, une actrice elle aussi scénariste, moins connue
que Qin Yu dans ce domaine, mais qui s’entendait très
bien avec
Zhang Ailing. Li Mei,
dans le film, est une femme divorcée qui, pour une
question d’héritage, tente de se réconcilier avec son
ancien époux, entraînant un conflit avec sa nouvelle
épouse. Son ex-mari préfèrera renoncer à son héritage et
rester avec celle-ci.
Le film n’a
malheureusement pas eu le succès escompté.
Affiche du film
« A Tale of Two Wives »
Li Mei avec Lin Dai devant le Temple du
Ciel
3/
« The
Wayward Husband»
(《桃花运》),
l’un des cinq films de Yue
Feng sortis en 1959.
Le scénario est le pendant
du précédent, sur un sujet très proche. Yang Fusheng
(杨福生) et son épouse Ruijing (瑞菁) ouvrent un petit
restaurant avec les économies péniblement accumulées en
dix ans de vie commune. Pour le promouvoir, ils font
venir une chanteuse, dont Fusheng tombe amoureux. Elle
veut bien s’engager, mais à condition que Fusheng
divorce. Ruijing accepte, et Fusheng, pour se racheter,
décide de lui laisser tout leur capital. Du coup,
l’autre rompt avec lui…
Le film est enlevé par un autre trio d’acteurs célèbres
et populaires : l’actrice Ye Feng (叶枫) et les deux
acteurs Peter Chen Ho (陈厚), qui jouait déjà dans les
deux films précédents, et Liu Enjia (刘恩甲), omniprésent
dans les comédies hongkongaises de l’époque.
Il faut noter ici un aspect précurseur du film :
l’importance donnée à la musique au scénario, avec trois
chansons, dont
Affiche du film
« The
Wayward Husband »
Ye Feng (à gauche, avec Lin Dai)
le thème musical du film et ‘Chaque
famille a son lot de problèmes’, interprétées par la
chanteuse Poon Sow-keng (ou Pan Xiuqiong 潘秀琼) (9). Ce
sont des chansons qui annoncent celles, typiquement
hongkongaises, qui assureront dans les années 1960 le
succès de films comme « Un amour inachevé » (《不了情》) (7),
avec des airs qui sont encore populaires aujourd’hui.
4/« The June Bride » (《六月新娘》),
de Tom Yong, 1960.
Le rôle
principal est ici aussi celui d’une chanteuse,
interprétée par Grace Chang (葛兰),
dont
trois hommes se disputent les charmes. Sur un paquebot
sur lequel elle va à Hong Kong pour épouser son fiancé,
elle est poursuivie par les assiduités d’un guirariste.
Son fiancé, cependant, a une liaison avec une chanteuse
de cabaret qu’il essaie de présenter à un autre homme
que sa fiancée a délaissé ;
mais celui-ci,
par erreur, tombe sur Grace Chang. Celle-ci
s’enivre avec
lui, ce qui nous vaut une superbe scène, suivie d’un
rêve où elle se voit danser dans sa robe de mariée avec
les trois hommes qui l’ont récemment courtisée (dans un
style à la « come dance with me »)… Elle finit par
annuler le mariage.
La scène de
l’ivresse et le rêve :
Affiche du film
« The June Bride »
Photo du film
« The June Bride »
Le film est
une combinaison de comédie populaire et de ‘musical’, ce
qui l’empêche d’être homogène mais permet quelques
scènes mémorables, les deux rôles principaux étant
interprétés par des stars de l’époque, Zhang Yang (张扬)
côté masculin, mais surtout Grace Chang (葛兰),
venue à Hong Kong de Shanghai en 1948, qui joua aussi
dans « The Wild, Wild Rose », cette même année 1960.
Zhang Ailing
a ensuite écrit des scénarios pour le réalisateur Wang
Tianlin,
Grace Chang dans le film
« The June Bride »
3. Lesscénarios pour le réalisateur Wang Tianlin
Wang Tianlin
Mort à Hong
Kong en novembre 2010 à l’âge de 83 ans. Wang Tianlin (王天林) fut à la fois réalisateur, scénariste, acteur, et producteur. Metteur
en scène prolifique dont la carrière couvre une bonne
trentaine d’années, de 1950 au début des années 80, il a
tourné tous les genres possibles, en cantonais, mandarin
ou même dialecte d’Amoy, mais fut surtout un grand
spécialiste des comédies, dans les années 60, alors
qu’il travaillait pour la MP&GI. Il a alors réalisé de
grands succès, dont les films évoqués plus haut : « The
Wild, Wild Rose » (《野玫瑰之恋》)en 1960,
sur un scénario de Qin Yu, et « The Greatest civil war
on earth » (《南北和》),
en 1961, sur un scénario de Stephen Soong. Mais ses
succès suivants sont adaptés de scénarios de
Zhang Ailing.
Lorsque la Cathay cessa ses activités à Hong Kong en
1971, Wang Tianlin se tourna ensuite vers le
wuxiapian et le mélodrame.
Les
scénarios de Zhang Ailing
Wang Tianlin lors de son mariage, en 1954
Les deux films les plus
importants tournés par Wang Tianlin sur des scénarios de
Zhang Ailing sont deux comédies du genre « nanbei
he » qui forment une trilogie avec le modèle du genre
réalisé sur le
scénario de Stephen
Soong en 1961. Entre les deux films, Wang Tianlin en
tourna un troisième, toujours avec
Zhang Ailing pour
scénariste, mais dans un genre totalement différent.
les
comédies ‘nanbeihe’
1962 :
« The Greatest Wedding on Earth » (《南北一家亲》)
Un jeune homme
cantonais est amoureux d’une jeune femme venue « du
Nord », les deux pères étant des restaurateurs rivaux
spécialisés dans les cuisines respectives du Nord et de
la région de Hong Kong et du Guangdong ; l’un tente
d’attirer la clientèle du second qui essaie de lui
prendre son meilleur serveur. Au début, le jeune
cantonais essaie de cacher sa véritable identité au père
de la jeune femme, mais ses fautes de prononciation –
qui donnent lieu à une scène hilarante de quiproquos
linguistiques - le trahissent vite.
Affiche du film
« The Greatest Wedding
on Earth »
1964 : « The
Greatest Love Affair on Earth » (《
南北喜相逢》)
Zhang Ailing reprend un
thème proche des précédents : deux pauvres petits
professeurs cantonais courtisent deux cousines « du
Nord » surveillées par le sourcilleux père de
l’une. Mais
elle apporte au thème une touche de satire sociale
empruntée aux Etats-Unis. De même que « The Battle of
Love » était inspiré de la pièce de Max Schulman « The
Tender Trap », le scénario de « The
Greatest Love Affair on Earth » est adapté
d’une pièce en trois actes de Brandon Thomas,
« Charley’s Aunt », où le personnage principal est
persuadé par deux amis de se déguiser pour se faire
passer pour la tante brésilienne de l’un d’eux et leur
servir de chaperon auprès de deux jeunes filles de la
bonne société ; mais les choses se compliquent quand,
sous son déguisement, il est lui-même l’objet des
attentions du père de l’une des jeunes filles et de
celui de l’autre ami. Ce fut le grand succès de la scène
londonienne en 1892, puis de tout le Royaume Uni, avant
de conquérir l’Europe et l’Amérique.
Affiche du film
« The Greatest Love
Affair on Earth »
Zhang Ailing
reprend l’idée en faisant se travestir le père de l’un des
jeunes amoureux en tante richissime pour éblouir le parti
adverse ; mais, tout en se moquant de la fascination bien
chinoise pour l’Occident, elle fait dévier la farce vers une
satire des nouvelles classes moyennes hongkongaises, obsédées
par le désir d’enrichissement et de promotion sociale. Le
scénario reflète cependant, comme les précédents, les tensions
sociales, sur fond de conflit linguistique, de la société de
Hong Kong de l’époque : dépassant l’utopie d’une société sans
classe thème des films hollywoodiens du genre « It happened one
night » de Frank Capra (1934), ses scénarios restent des
« comédies réalistes », ancrées dans la réalité chinoise locale.
Extrait avec Leung Sing-bo déguisé,
donnant la réplique à l’actrice Bai Luming (白露明):
Dans les deux
scénarios, comme dans celui de Stephen Soong, les deux familles
campent sur leurs préjugés respectifs, mais les deux jeunes –
qui ont eux-mêmes des comportements culturels déjà partiellement
hybrides - finissent par les leur faire mettre de côté au profit
d’un compromis final qui rapproche tout le monde. L’accent est
mis sur l’unité familiale, au sens confucéen du terme, dont
l’affection mutuelle (亲
qīn)
est le lien, garantissant le bonheur de chacun (喜
xǐ).
C’est d’ailleurs ce même caractère qui sert à composer celui de
comédie : 喜剧xǐjù.
Les dialogues sont
pleins de jeux de mots et de plaisanteries basés sur les
différences de prononciation entre le cantonais et le mandarin,
l’écart linguistique apparaissant comme une barrière séparant
les deux communautés, et emblème d’incommunicabilité. C’est
aussi la marque du clivage entre films en cantonais et films en
mandarin. Le happy ending final qui caractérise les trois
films symbolise l’idéal d’hybridation culturelle visant à la
formation d’une identité transnationale dans la Hong Kong des
années 1960. Hong Kong s’est cependant muée ensuite en
forteresse défendant le cantonais, et son cinéma, contre
l’emprise uniformisante et nationaliste du mandarin.
La Shanghaienne
Zhang Ailing connaissait bien les problèmes
socio-économiques de Hong Kong à
l’époque et elle les
rend bien dans ses scénarios : noyé sous une vague d’immigrants
du continent, le territoire était passé de 600 000 habitants en
1945 à trois millions en 1960 et souffrait d’une surpopulation
qui entraînait une crise du logement aiguë : on le voit dans ces
films où les familles doivent se partager des appartements
exigus, ce qui provoque tensions et disputes entre individus de
langues, cultures, opinions politiques et modes de consommation
différents, les rivalités professionnelles se doublant de
querelles familiales.
Cependant, elle ne
connaissait pas suffisamment le cantonais pour pouvoir écrire la
partie des dialogues reflétant l’affrontement linguistique. Son
scénario fut révisé par Stephen Soong et ils furent aidés par l’équipe du film, et
par les comédiens eux-mêmes, comme l’a raconté Wang Tianlin :
une partie des dialogues, les jeux de mots et gags en cantonais,
fut même improvisée lors du tournage, en particulier par Leung Sing-bo.
Entre ces deux films,
cependant, s’insère un scénario qui tranche sur le reste par son
ton plutôt mélodramatique.
un
mélodrame
1963 :«Father
takes a bride »
(《小儿女》)
Wang Jinghui
est la fille d’un veuf qui a aussi deux jeunes enfants
dont elle doit s’occuper. Un jour, elle se fait pincer
dans le bus, se retourne pour gifler le responsable et
découvre qu’il s’agit d’un ancien camarade de classe et
que ce n’est pas lui qui l’a pincée, mais des crabes que
transporte quelqu’un d’autre. Ils parlent bientôt de se
marier, mais le père fait de même avec une ancienne
amie, ce qui pose le problème des deux jeunes enfants
qui risquent être maltraités par leur nouvelle
belle-mère. Sur quoi les deux gamins disparaissent…
Les thèmes sont
ici légèrement différents : l’importance
d’une mère, les
problèmes du remariage, et de la culpabilité qui peut en
résulter. Le film est un peu chaotique, mais les
Affiche du film
« Father takes a bride
»
acteurs - dont
l’actrice principale, You Min (尤敏),
belle-sœur de Grace Chang- sont
excellents, comme
d’habitude
chez Wang Tianlin. Le plus réussi vient cependant, à
mon sens, de la description des détails de la vie
quotidienne que
Zhang Ailing a
particulièrement soignée, comme cette scène où Jinghui
lave les cheveux des garçons en fredonnant un air qui
passe à la radio, ou encore les scènes en extérieur,
balade dans le parc ou randonnée aux îles. On sent
l’observation directe et le souvenir personnel, et
A ces sept
scénarios, il faut rajouter un dernier, porté à
l’écran l’année
suivante, en 1964 : « Please remember
me » (《一曲难忘》,
ou《魂归离恨天》),
qui a également une chanteuse pour personnage principal.
C’est le troisième film réalisé par un metteur en scène
peu connu, Chung Kai Man (ou Zhong Qiwen
钟启文),
avec, à nouveau, Ye Feng
(叶枫)et Zhang
Yang (张扬).
Ce scénario a récemment été publié à Tianjin dans un
recueil de scénarios des années 1963-64, intitulé
Chenxiang《沉香》,
qui comprend en outre un scénario inédit, écrit cette
même année 1964 pour la radio « La Voix de l’Amérique »,
basé sur la nouvelle de 1962 d’Alexandre Solzhenitsyn
« Un
jour dans la vie d’Ivan Denisovich ».
1964 fait
figure d’année charnière. Le second époux de
Zhang Ailing
était très malade et elle ne quittait guère son chevet ;
il meurt en 1967. Cette année-là, surtout, est
Affiche du film
« Please
remember me »
l’année de l’accident
d’avion de Loke
Wan-tho. La MP&GI, confrontée en outre à la concurrence des Shaw
Brothers, ne s’en remettra pas. Elle cesse ses opérations en
1971.
Parallèlement, dans une
société en pleine évolution, le cinéma cantonais se réinvente et
s’affirme peu à peu face à son rival en mandarin. En 1973, les
Shaw Brothers sortent un remake de « La maison des 72
locataires » (《七十二家房客》),
film tourné dix ans auparavant, en cantonais, déjà, par Wang
Weiyi (王为一)au studio
de la Rivière des Perles. C’est le début de la résurrection du
cinéma cantonais.
En 1972,
Zhang Ailing quitte l’université de Californie
à Berkeley, cesse ses activités universitaires et commence sa
vie solitaire, loin des rumeurs de la ville, et du cinéma…
Notes
(1) Voir :
Transregional Imagination in Hong Kong Cinema: Questions of
Culture, Identity, and Industry, par Yingjin Zhang
(University of California, San Diego). L’étude est en ligne :
(2) Voir le livre
publié par l’université de Hong Kong : “Growing with Hong Kong:
the University and its graduates : the first 90 years”, 2002,
chapitre 11 “creating a culture”, p. 299. . L’idée soutenue par
l’ouvrage est que les
diplômés de l’université ont contribué à créer une culture
spécifique, fondée sur des valeurs humanistes, en opposition à
l’aspect bassement commercial d’une bonne partie de la culture
de Hong Kong.
(3) La société de
production des Shaw Brothers, quant à elle, fut créée en
1957 à Hong Kong, par deux fils d’un riche marchand de textiles
également de Singapour, qui, au début des années 1920,
s’étaient eux aussi
lancés dans la diffusion de films ; ils fondèrent en 1930 la
South Sea Film Company (南洋影片),
ensuite transformée en Shaw Brothers Company. Elle écrasa ses
concurrentes, avec quelque huit cents films et parmi les plus
grands réalisateurs du moment, puis commença à décliner dans les
années 1970 lorsque la Golden Harvest sortit son arme secrète :
Bruce Lee…
Sur l’histoire des
studios de Shanghai dans la période 1950-70, voir :
(4) Stephen C. Soong
(宋淇), écrivain et
traducteur, spécialiste de poésie chinoise ancienne et exégète
du « Rêve dans le pavillon rouge » (《红楼梦》).
Né à Wuxing, dans le Zhejiang, en 1919, il émigra en 1949 à Hong
Kong où il devint scénariste et producteur prolifique. Grand ami
de
Zhang Ailing, c’est lui qui la fit
entrer au comité des scénarios pour les films en mandarins de la
MG&PI dont il avait la responsabilité.
A la mort de
Zhang Ailing, en
1995, il devint son exécuteur testamentaire. Mais il mourut
lui-même peu après et les œuvres autobiographiques de la
romancière dont il avait déconseillé la publication de son
vivant furent ensuite publiées par son fils.
Yao Ke
(姚克),
dramaturge et scénariste né à Xiamen en 1905, d’une famille de
lettrés originaire de
l’Anhui ; il reçut une
éducation traditionnelle, étudia la littérature chinoise à
l’université de Suzhou, puis, après divers voyages en Union
soviétique et en Europe, partit aux Etats-Unis en 1938 étudier
le théâtre à Yale ; il revint en Chine en 1940, connut un grand
succès sur la scène de Shanghai pendant la guerre, puis partit
en 1948 à Hong Kong. Il passa la décennie de la Révolution
culturelle à enseigner aux Etats-Unis, revint à Hong Kong en
1976, puis partit à San Francisco à sa retraite. A cheval entre
deux cultures et deux civilisations, il tenta d’incorporer des
éléments de chacune dans son œuvre. Il était en cela très proche
de
Zhang Ailing.
Son œuvre la plus
célèbre est une pièce de théâtre controversée, grand succès à
Shanghai pendant la guerre, adaptée au cinéma par Fei Mu en 1941
et aussitôt interdite par les autorités japonaises pour être une
critique masquée de la tyrannie et de l’autoritarisme ;
l’adaptation faite pour Zhu Shilin à Hong Kong en 1948,
« L’histoire secrète de la cour des Qing » (《清宫秘史》),
relança la controverse sur la pièce ; le film et son adaptation
ultérieure à l’opéra furent l’objet de controverses régulières
dans la Chine de Mao, jusqu’à servir de contre-exemple infamant
au tout début de la Révolution culturelle.
(5) On peut voir le
film en ligne sur le site youku, malheureusement sans
sous-titres :
(6) Il a été publié
dans un recueil qui comporte trois scénarios, dont « The Battle
of Love » et « Father takes a Bride », et deux nouvelles, dont
« Lust.Caution ». Publié en 2003, il fait suite à l’autre
recueil de scénarios contenant ceux écrits pour Sang Hu, publié
en 2002.On peut noter
les dates de publication, qui montrent bien l’intérêt tout
récent pour ces textes.
- Law Kar, “The
Cinematic Destiny of Eileen Chang,” in Transcending the
Times: King Hu and Eileen Chang (超前与跨越:胡金铨与张爱玲),
Hong Kong: Provisional Urban Council, 1998, 145.
- Zheng Shusen
[William Tay], “Zhang Ailing and Two Film Genres” [Zhang Ailing
yu liangge pianzhong], Ink 2.1 (Sep. 2005): 154-5.
- P. K. Leung,
“Eileen Chang and Hong Kong Cinema,” in Transcending the
Times, 152.