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Brève histoire du
wuxia xiaoshuo
V. Renaissance du
wuxia xiaoshuo sous les Qing
V.1
Evolution sous l’influence d’autres genres littéraires
par Brigitte Duzan, 22 juillet
2015
Après une éclipse sous la dynastie des Ming, la littérature de
wuxia connaît une nouvelle vogue sous la dynastie des
Qing, mais sous des formes différentes, sous l’influence
d’autres genres littéraires développés antérieurement et sous la
plume de lettrés écrivant, pour la plupart, en langue classique.
Première source d’inspiration : les chuanqi des Tang
Dans le chapitre 22 de sa « Brève histoire du roman chinois » (《中国小说史略》)
,
Lu Xun
(鲁迅)
date du début du règne de l’empereur Jiaqing (嘉庆),
c’est-à-dire à la toute fin du 18ème siècle, une
nouvelle vogue de contes de style chuanqi, mais le
mouvement a débuté en fait dans la première moitié du 18ème
siècle, sous le règne de l’empereur précédent, l’empereur
Qianlong (乾隆).
D’une part, en effet, des anthologies de contes
inspirés des conteurs populaires des Song ont
connu une grande diffusion à la fin des Ming ;
d’autre part, des contes des Tang tirés des
« Mélanges Taiping » (《太平广记》)
compilés sous les Song furent réédités au début
des Qing, mêlés à d’autres textes du même genre,
dans des recueils où, dit Lu Xun, « le faux
côtoyait l’authentique » (刻为丛集,真伪错杂).
Ces recueils connurent une grande popularité, et
les lettrés se mirent alors à écrire eux-mêmes
des récits du même genre. Le plus célèbre est le
Liaozhai zhiyi, ou
« Contes
étranges du Cabinet des loisirs » (《聊斋志异》),
de Pu Songling (蒲松龄),
qui aurait été initialement publié en 1740 mais
a été écrit bien avant puisque Pu Songling est
mort en 1715 ; ce recueil marque un premier
sommet du genre |
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Le Liaozhai Zhiyi |
et comporte, comme les multiples recueils qu’il a
inspirés, nombre d’histoires de wuxia, et surtout
de fascinants portraits de nüxia, dont l’image
est totalement différente de celle de la nüxia
sous les Tang.
Influence des romans d’amours de lettrés et jeunes beautés
Si ces récits évoluent, c’est sous l’influence d’un autre genre
littéraire qui s’est développé sous les Ming à partir de modèles
de la période Tang, et a connu une grande popularité à la fin de
la dynastie : les romans d’amours contrariées entre « talentueux
lettrés et belles jeunes femmes » ou caizi jiaren (才子佳人),
où le lettré, en fait, est aussi beau que la jeune femme, et la
jeune femme aussi talentueuse que le lettré, les deux
communiquant leurs sentiments par le biais de poèmes.
Au début des Qing, le genre avait acquis une forme bien définie,
avec des intrigues et des personnages standard.
Le plus souvent, il y a des obstacles à l’union des deux jeunes,
en général parce que le lettré a raté les examens impériaux, et
que le père et/ou la mère s’oppose au mariage dans ces
conditions. Mais il finit le plus souvent par réussir, à obtenir
un poste officiel, et l’histoire se termine bien.
Le Récit du Pavillon de l’ouest |
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L’exemple-type en est le Xixiang
ji
ou « Récit du Pavillon de l’ouest » (《西厢记》),
adapté du récit des Tang « L’histoire de
Yingying » (《莺莺传》)
.
Evidemment, dans les récits inspirés des
chuanqi, comme ceux de Pu Songling, les
rôles sont souvent inversés, et c’est la femme,
en tant que nüxia, qui sauve le lettré,
tout en vengeant son père qui a été assassiné.
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Ces histoires d’amour sont ainsi venues fournir une ligne
narrative aux histoires de wuxia, la nüxia étant
alors campée dans le rôle de la jiaren, avec souvent une
double personnalité : nüxia avec une mission de
vengeance, d’abord, puis jiaren rentrant dans le cadre
familial et les normes sociales une fois sa vengeance accomplie.
C’est peut-être là que les contes des Qing s’éloignent le plus
des chuanqi des Tang : c’est le confucianisme triomphant
qui en constitue la base, et non plus le taoïsme ; l’ordre
social est le but ultime, y compris pour la nüxia, et non
plus la maîtrise de pouvoirs plus ou moins magiques par des
personnages hors du commun, et vivant en marginaux.
Par ailleurs, si les histoires de caizi jiaren sont des
romans longs, les récits de type chuanqi qu’ils ont
inspirés sous les Qing restent des récits courts. En outre, les
premiers sont de la littérature vernaculaire populaire, les
seconds des récits de lettrés écrits en langue classique, dans
un style très travaillé. Ce sont des divertissements élégants et
recherchés.
Evolution vers la romance héroïque
Au milieu du 19ème siècle, par
ailleurs, le Honglou
meng,
ou « Rêve dans le pavillon rouge », n’était plus
à la mode. Le type d’histoire dont il était un
symbole s’est mêlé aux histoires de wuxia
transformées en récits héroïques, des romans
longs, cette fois, toujours destinées à une
élite lettrée, et toujours à forte consonance
confucéenne, au moins dans ses aboutissements.
Le roman-type de ce nouveau genre est le
formidable Ernü yingxiong zhuan ou
« Histoire
de héros et héroïnes » (《儿女英雄传》),
de Wen Kang (文康),
dont la première publication date de 1878, et
qui trouve sa source dans un roman antérieur de
caizi
jiaren,
le Haoqiu zhuan ou « L’Heureuse union » (《好逑传》),
dont la première publication remonterait à 1683
.
Après 1712, ce dernier roman a été publié avec
le sous-titre |
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Ernü yingxiong zhuan |
complémentaire
Xiáyì fēngyuè zhuàn
ou « Une histoire de xiayiet d’amour » (《侠义风月传》).
On ne saurait imaginer meilleur titre pour définir les
composantes du nouveau genre.
Croisement du wuxia avec des histoires d’enquêtes criminelles
C’est dans la seconde moitié du 19ème siècle, enfin,
que se réalise un dernier croisement du wuxia, cette fois
avec un genre plus populaire : les histoires d’enquêtes
criminelles ou gong’an (公案小说),
l’un des huit genres initiaux du xiaoshuo. Développées
sous les Song sous forme de représentations orales, marionnettes
ou théâtre zaju, elles ont ensuite été écrites à partir
du 16ème siècle.
Le Sanxia wuyi |
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Chaque récit se déroule autour d’un magistrat
qui doit résoudre un cas : le juge Bao (包公)
est le plus ancien, le juge Di (狄公)
a été popularisé par le sinologue Robert Van
Gulik qui en a traduit les histoires en anglais,
et par Tsui Hark qui les a adaptées au cinéma,
le troisième très populaire étant le juge Shi (施公).
C’est ce genre qui, couplé à des histoires de
xia, a donné un nouveau genre vite devenu
très populaire, dont l’œuvre représentative est
le Sanxia wuyi ou
« Les cinq
justiciers et les trois redresseurs de torts » (《三侠五义》),
où le personnage principal est Bao Zheng (包拯),
alias juge Bao.
La
dynastie des Qing est donc une période de
foisonnement pour un genre qui, en même temps,
se définit en tant que tel. C’est à la fin de la
dynastie des Qing qu’apparaît le terme de
wuxia
.
En 1916 paraît un recueil dont le titre
l’utilise |
pour la
première fois : Wuxia
congtan
(《武侠丛谈》),
de Qian Jibo (钱基博).
Mais
Lu Xun (鲁迅)
se sert encore du terme traditionnel xiayi
(侠义)
quand il consacre au genre un chapitre spécial à la fin
de sa « Brève histoire du roman chinois » (《中国小说史略》)
publiée en 1925 : le chapitre 27, sur son évolution sous
la dynastie des Qing (第二十七篇 清之侠义小说及公案).
第二十二篇清之拟晋唐小说及其支流 :
Les imitations, sous la dynastie des Qing, des contes
des Jin et des Tang et les ouvrages du même courant
(traduction Charles Bisotto).
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