|
Un Rêve de Nanke “南柯一梦”:
le chengyu et son histoire
par Brigitte Duzan, 29 décembre
2019
« Le rêve de Nanke », ou « Rêve de la commanderie du
sud » (Nánkē
Jì《南柯记》),
est une pièce de théâtre écrite en 1600 par
Tang Xianzu (汤显祖),
l’auteur du « Pavillon aux pivoines » ou
Mudanting
(《牡丹亭》).
C’est l’un de ses « Quatre rêves de Linchuan » (临川四梦),
du nom de sa ville natale
La pièce est adaptée d’un
chuanqi
des Tang
intitulé « Le Gouverneur de Nanke » (Nánkē
Tàishǒu Zhuàn《南柯太守传》),
dont est tiré un chengyu. |
|
Le Rêve de Nanke |
Le Gouverneur de Nanke
Il s’agit d’un chuanqi de la période Tang de Li
Gongzuo (李公佐)
,
que l’on peut trouver dans l’anthologie Taiping Guangji (《太平广记》)
compilée au début des Song, mais éditée seulement sous les Ming.
L’histoire se passe en 794
.
Elle commence par les déboires d’un officier nommé Chunyu Fen (淳于棼)
qui a été renvoyé de l’armée pour avoir offensé un général.
Furieux, il s’enivre et s’endort sous un sophora. Ses amis le
portent chez lui dans un état de semi-ébriété, et là, il reçoit
deux messagers avec une invitation du roi du « Grand royaume des
sophoras » (“大槐安国”).
Il les suit à travers un orifice sous l’arbre, et arrive dans le
royaume où le roi l’attend pour lui donner l’une de ses filles
en mariage, à la requête de son père… ce qui surprend Chunyu,
car son père a disparu depuis des années… Mais il mène une vie
heureuse avec sa femme, dans la commanderie du sud où il a été
nommé gouverneur…. Jusqu’à ce que le royaume voisin attaque…
Après une première défaite, le roi est informé que son royaume
est menacé par un étranger proche de la famille royale. Chunyu
est prié de revenir d’où il vient…. Il se réveille alors et
réalise que la journée n’est pas encore terminée. Sous le
sophora, il découvre un gigantesque nid de fourmis… Réalisant la
vacuité du monde matériel, il se fait taoïste après avoir
renoncé à tous ses biens.
C’est le modèle du conte fondé sur un rêve révélateur des
illusions du monde.
Il a donné un chengyu : [aussi illusoire que] un rêve de
Nanke“南柯一梦”.
Variante : Le Rêve du millet jaune
L’histoire ressemble à celle d’un autre célèbre
chuanqi des Tang : « Le Songe dans l’oreiller »
(《枕中记》)
ou « Le Rêve du millet jaune » (《黄粱记》)
de Shen Jiji (沈既济)
,
que l’on trouve également dans le
Taiping Guangji.
Un lettré frustré dans ses ambitions rencontre dans
une auberge un moine taoïste auquel il conte ses
désirs pendant que l'aubergiste est en train de
faire cuire un plat de millet. Le moine lui prête un
oreiller et le lettré s'endort après avoir posé la
tête |
|
Le rêve du millet jaune |
dessus. Tous ses rêves semblent alors se réaliser : mariage,
carrière, honneurs. Or tout ceci n'est qu'un songe qui
s'achève avant la fin de la cuisson du plat. Le lettré
réalise alors la vanité de ses désirs.
Ce chuanqi a inspiré
Pu Songling (蒲松龄),
entre autres, qui en a écrit une séquelle : la « Suite du rêve
du millet jaune » (《续黄粱》).
Traductions en français
- « Le gouverneur de l'État tributaire du Sud », dans Contes
de la dynastie des Tang, Éditions en langues étrangères,
Pékin, 1958, rééd. 1986
- « Rêve de fourmis. Biographie du préfet de Rameau-Sud » et « L'Oreiller
magique. Mémoires du dedans d'un oreiller »,
dans Histoires extraordinaires et récits fantastiques de la
Chine ancienne. Chefs-d'œuvre de la nouvelle (Dynastie
des Tang. 618-907). II, trad. André Levy, Aubier, 1993,
rééd. Flammarion, « GF », 1998
|
|