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Zhang Yihe
章诒和
Présentation
par Brigitte Duzan, 16 juillet
2013, actualisé 10 mars 2018
Fille du
célèbre « droitier » Zhang Bojun (章伯钧),
Zhang Yihe (章诒和)
a passé dix ans de sa vie dans un camp au Sichuan pour
avoir critiqué Jiang Qing dans son journal intime. Elle
a transposé l’expérience du camp et ses souvenirs des
femmes rencontrées là dans une série de trois romans –
et bientôt quatre - dont le premier,
« Madame Liu » (《刘氏女》),
vient d’être
traduit en français, et publié dans la
collection Ming Books
du groupe Hachette.
Elle était
jusqu’ici surtout connue comme spécialiste réputée de
l’opéra traditionnel chinois, sur lequel elle a écrit
plusieurs ouvrages. La vindicte avec laquelle elle a été
traitée par les autorités chinoises et l’interdiction de
ses derniers
ouvrages l’ont
cependant poussée à défendre avec virulence son droit
d’expression et les valeurs démocratiques : |
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Zhang Yihe |
à soixante-dix ans,
Zhang Yihea repris le flambeau que lui a confié son père, avec
un véritable talent littéraire.
Jeunesse par
monts et par vaux, laogai et maturité critique
Zhang Yihe est née
pendant la guerre sino-japonaise, mais sa jeunesse a plus été
marquée par l’ombre de son père que par les aléas du conflit.
Etudes de
littérature d’opéra
Zhang Yihe est née à
Chongqing en septembre 1942, où ses parents, originaires de
l’Anhui, s’étaient réfugiés. Enfant, elle fut confiée pendant
trois ans à des parents à Hong Kong où elle fréquenta l’école
primaire de Peizhang (培正小学).
Puis elle suivit sa famille à Pékin, juste avant la fondation de
la République populaire.
En 1954, elle entre au
collège de filles (aujourd’hui expérimental) rattaché à
l’Université normale de la capitale (北京师范大学附属女子中学),
et,en 1960, réussit le concours d’entrée à l’Institut de
recherche
sur l’opéra chinois (中国戏曲研究院),
où elle intègre le département de littérature.
En 1963, elle est
envoyée travailler au bureau artistique de la troupe d’opéra du
Sichuan, et c’est là que, en 1970, la rattrapent les événements
politiques qui l’avaient relativement épargnée jusque là.
Dix ans de laogai
En 1970, en effet,
elle est dénoncée pour avoir écrit des critiques de Jiang Qing
dans son journal :
la création des opéras
modèles dont était responsable la femme de Mao ne pouvait guère
avoir l’assentiment
d’une spécialiste d’opéra traditionnel.
Elle fut jugée par
l’Assemblée révolutionnaire du Sichuan ainsi que par les
autorités de contrôle de la sécurité publique de la province et
condamnée à… vingt ans d’internement en camp de rééducation.
Elle y passa en fait neuf ans, et fut libérée et réhabilitée en
1979. Dans l’intervalle, elle avait donné naissance à une petite
fille, et son mari, Tang Liangyou (唐良友),
était mort d’une inflammation du pancréas, en mai 1979.
Mais sa réhabilitation
ne fut pas la fin de ses difficultés. Lorsqu’elle publia en 2011
le premier roman sur ses souvenirs du laogai et de ses
codétenues, le livre fut vite interdit, non tant pour son
contenu, que parce qu’il était l’œuvre de « la fille de Zhang
Bojun ».
Deuxième fille de
Zhang Bojun
Chez elle devant la photo de son père |
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Zhang Yihe est
en effet la seconde fille de Zhang Bojun (章伯钧),
défenseur de la démocratie avant d’être décrété droitier
en 1957. En effet, après avoir adhéré au Parti
communiste dès sa création, Zhang Bojuns’en est éloigné
après 1927 pour devenir un élément moteur du mouvement
en faveur de la démocratie : il a été le sixième
président du Parti démocratique des paysans et ouvriers
de Chine (中国农工民主党)
fondé en 1927,et fondateur en 1941 de la Ligue
démocratique de Chine (中国民主同盟). |
Bien que nommé
ministre des transports dans les premières années de la
République populaire, il était un élément suspect, et fut
étiqueté « premier des cinq grands droitiers » en 1957 (“五大右派之一”)
pour avoir prôné une alternative démocratique lors de
l’effervescence de la campagne des Cent Fleurs.
Il mourut d’un cancer
de l’estomac en 1969, mais, signe de la crainte qu’il inspirait
encore, il fut l’un des droitiers restés non réhabilités en
1980. Le ressentiment envers le père se reporta sur la fille.
Une œuvre en
deux étapes
En 1979, Zhang
Yihe reprit ses activités de recherche sur l’opéra
chinois, au sein de l’Institut de recherche rattaché à
l’Institut national des Beaux-Arts.
Témoignages
sur la génération de son père et les acteurs d’opéra
Elle a
commencé à publier en 1999, et ce fut un livre sur
l’opéra, mais ses œuvres majeures ont été écrites après
sa retraite, en 2001, et ce sont des témoignages sur le
sort des intellectuels, des artistes, et des victimes du
système politique en général.
Le premier à
avoir attiré l’attention sur elle est un livre de
souvenirs sur son père et ses amis, initialement publié
en Chine dans la presse en 2002, puis en 2004 aux
Editions du Peuple, avec quelques coupes,sous le titre «
Un passé qui ne part pas en fumée » (《往事并不如烟》)
et dans sa version intégrale à Hong Kongsous le titre
« Les derniers aristocrates » (《最后的贵族》).
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Un passé qui ne part pas en fumée |
Ma Lianliang |
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En 2005, elle
a ensuite publié un livredont le titre est un vers tiré
d’un opéra : « Une bourrasque de vent a laissé derrière
elle des milliers de chantsdes temps anciens »(《一阵风,留下了千古绝唱》) ;
il s’agit d’un témoignage sur les souffrances subies par
le maître de l’opéra de Pékin Ma Lianlang (马连良)
pendant la Révolution culturelle. Né en 1901,
spécialiste des rôles masculins âgés laosheng,créateur
de l’école qui porte son nom, il mourut en décembre 1966
des persécutions qui lui furent infligées. Le livre fut
interdit.
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En 2006, elle
publie un nouveau livre sur les interprètes de
l’opéra chinois, huit d’entre euxdontMeiLanfang et Ma
Lianlang : « Vieilles histoires d’acteurs d’opéra ».
Elle en souligne, entre autres, la force de caractère
devant les épreuves et en décrit les persécutions
pendant la Révolution culturelle.
Le livre a été
publié, dans une version expurgée, puis
interdit, et la
maison d’édition passible d’une amende. Indignée, Zhang
Yihe a écrit diverses lettres ouvertes pour contester
l’interdiction de ses œuvres, au nom de la liberté
d’expression théoriquement garantie par la Constitution
chinoise.
En même temps,
elle a édité à Hong Kong des
témoignages
d’autres auteurs, anciens droitiers, ce qu’elle a appelé
« la série ‘Un passé qui ne part pas en fumée’ »
(《往事并不如烟》系列).
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Vieilles histoires d’acteurs d’opéra |
Madame Liu et ses
consœurs
Liu Shinü |
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C’est à la
suite de ces livres qu’elle s’est tournée vers le roman,
pour raconter sous une forme apparemment fictionnelle
ses souvenirs du laogaiet de ses codétenues, en
souvenir de son père, a-t-elle dit, qui lui avait
demandé de témoigner pour que le passé ne sombre pas
dans l’oubli.
Elle a annoncé
une série de quatre romans qui sont en fait plutôt des
nouvelles longues, et dont le dernier est en cours
d’écriture. Le premier, publié en mai 2O11 aux éditions
du Guangxi, a étonnamment été tiré à 300 000 exemplaires
avant d’être interdit. Intitulé
« Madame
Liu » (《刘氏女》),
il a pour personnage principal une femme qui a été
condamnée pour avoir tué froidement son mari dont elle
ne supportait pas les crises d’épilepsie, et l’avoir
conservé dans une jarre comme de la viande salée.
On découvre un
univers infernal où se côtoient criminelles,
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détenues de droit
commun et prisonnières politiques, comme si tout le monde était
uniformément coupable, et soumis au même traitement
infra-humain.
Avec Zhang Yihe, le
passé ne part pas en fumée, il faut l’en féliciter, et la lire.
Principales publications
1999 L’opéra chinois 《中国戏曲》
2004 Un passé qui ne
part pas en fumée 《往事并不如烟》*
2004 Les derniers
aristocrates
《最后的贵族》(Hong
Kong University Oxford Press)
2005 Une bourrasque de
vent a laissé derrière elle des milliers de chants des temps
anciens » 《一阵风,留下了千古绝唱》
2006 Vieilles
histoires d’acteurs d’opéra 《伶人往事》
2007-09 Série ‘Un
passé qui ne part pas en fumée’ (publié à Hong Kong)
Dont : "Amitié de
Gentleman" 《君子之交》
par Zhang Lifan 章立凡,
"Auto-narration réactionnaire"《我的反动自述》
par Kang Zhengguo 康正果,
"La lutte contre les droitiers"
《反右派斗争始末》par
Zhu Zheng 朱正.
2010 A quatre mains 《四手联弹》,
avec He Weifang - Hongkong University of Oxford press/ Guangxi
Normal University.
2010
Liu Shinü《刘氏女》
Janvier 2012 Yang
Shinü 《杨氏女》
Juillet 2014 Zou Shinü 《邹氏女》
Traductions en
français
*Un passé qui ne part
pas en fumée, traduit du chinois et annoté par Luo Shenyi,
éditions You Feng 2010
La trilogie traduite
du chinois par François Sastourné :
- Madame Liu, Ming Books, 2012
- Madame Yang, Ming Books, 2014
- Madame Zou, Ming Books, janvier 2015
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