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Xiao Jianghong 肖江虹
Présentation
par
Brigitte Duzan, 18 octobre 2015
Jeune écrivain du Guizhou, Xiao Jianghong serait sans
doute resté connu d’un tout petit nombre d’amis et
critiques littéraires si l’une de ses nouvelles n’avait
été adaptée au cinéma, par le grand réalisateur Wu
Tianming (吴天明)
pour ce qui s’est révélé être son dernier film : « Song
of the Phoenix » (《百鸟朝凤》)
.
Peintre de la société rurale contemporaine et de ses
changements rapides,
Xiao Jianghong est l’auteur de plusieurs recueils de
nouvelles qui reflètent ses préoccupations sur la perte
destraditions et coutumes qui étaient l’essence des
cultures locales, dans les campagnes chinoises qui se
vident peu à peu de leurs habitants, comme chez lui.
Une nouvelle emblématique |
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Xiao Jianghong |
Xiao Jianghong est né en
1978. Diplômé en littérature chinoise de l’Université normale du
Guizhou, il n’a commencé à publier qu’en 2007, après une période
de formation à l’Institut Lu Xun (鲁迅文学院).
C’est un auteur très jeune pour la thématique qui est la sienne,
que l’on trouve en général, avec un ton toujours un peu
nostalgique, sous la plume d’écrivains plus âgés.
Initialement publiée en 2009, la nouvelle qui a retenu
l’attention de Wu Tianming est représentative de son œuvre.
Cent oiseaux rendent hommage au phénix
Ren Tongxiang |
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Le titre de la
nouvelle, qui a été repris par le film, signifie
« Cent
oiseaux rendent hommage au phénix » (《百鸟朝凤》).
Il s’agit d’un air pour suona solo composé en
1953, à partir d’airs populaires, par le musicien du
Shandong Ren
Tongxiang (任同祥).
Il est joué dans les cérémonies et en particulier, comme
dans la nouvelle, lors de funérailles, le suona
étant en Chine l’instrument traditionnel utilisé pour
accompagner les enterrements.
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Inspiré d’un poème des Song, le titre est un chengyu
qui a un sens métaphorique : tout le monde rend
hommage à la sagesse du souverain, la paix règne dans le
royaume. C’est donc un message de paix et d’ordre
transmis par la musique.
Il
s’agit d’une nouvelle moyenne (中篇小说)
en seize chapitres qui prend
les coutumes
funéraires comme symbole représentatif des traditions et
coutumes de la culture populaire, en montrant que leur
disparition progressive reflète la crise de valeurs des
communautés villageoises confrontées à l’emprise
croissante du monde urbain.
Le personnage principal, You Tianmin (游天鸣),
est un joueur de suona qui a été confié à un
maître tout petit, et qui s’efforce de transmettre son
art de la même manière, mais les temps changent ; il se
heurte aux ensembles de musique électronique, ses élèves
partent vivre en ville, son art dépérit. Finalement, au
moment crucial de l’enterrement du secrétaire du Parti,
il ne se rappelle plus comment jouer l’air traditionnel. |
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Cent oiseaux rendent hommage au phénix |
Avec Wu Tianming, la scénariste et le
monteur
du film « Song of the Phoenix » en 2012 |
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La fin est
tout aussi symbolique : sous une immense affiche
publicitaire à la gare, en ville, il y a un mendiant en
guenilles qui joue l’air des « Cent oiseaux … ».
La nouvelle a obtenu le premier prix Maotai (“茅台杯”)
décerné par la revue « Sélection de nouvelles » (《小说选刊》)
pour l’année 2009.
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La grande
affaire
Le même thème de la perte des traditions et du déclin
concomitant du monde rural est repris sous une forme très
semblable dans l’une des nouvelles courtes de l’auteur publiées
dans un même recueil en 2012 : « La grande affaire » (《当大事》).
Dans la
préface, Xiao Jianghong cite une phrase de Mencius qui
explique le titre ; elle est tirée du livre de Mencius
,
et signifie
« Nourrirses parents pendant leur vie, ce n’est pas une
grande affaire, mais organiser leurs obsèques à leur
mort, voilà la grande affaire. » Xiao Jianghong repart
donc du thème des funérailles pour montrer le déclin de
la vie rurale.
La nouvelle décrit comment, alors que vient de mourir un
vieillard dans un village d’où tous les jeunes sont
partis travailler en ville, il n’y a plus personne pour
accomplir les rites funéraires. Même pour creuser la
tombe, porter le cercueil, tuer le cochon, il est devenu
impossible de trouver une personne capable de le faire.
Le fils lui-même a peur de perdre son travail en
revenant au village ; ceux qui y sont restés sont forcés
de renoncer aux coutumes, on les enterre vite dans des
puits secs, comme si on enterrait des chiens.
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Gǔzhèn |
Recevant le prix Littérature du peuple
pour Guzhen en 2014 |
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Plus récemment, il a publié une nouvelle sur une coutume
proche de la magie, mais elle aussi en voie de
disparition, comme l’art du suona, « Gǔzhèn »
(《蛊镇》).
La nouvelle a été primée en 2014 par « Littérature du
peuple » (《人民文学》).
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Une autre recherche de racines
La thématique générale de
Xiao Jianghong
reste la vie des paysans et la disparition progressive de la
culture rurale, tout simplement parce que les villages se
dépeuplent. C’est tout un pan de la culture chinoise qui
disparaît, et l’on retrouve dans l’œuvre de Xiao Jianghong des
échos du mouvement de recherche des racines des années 1980.
Mais ses récits sont différents : enracinés dans le présent, ils
décrivent la vie rurale d’aujourd’hui, en mêlant culture
populaire traditionnelle et réalité actuelle. On y voit la Chine
rurale d’aujourd’hui, la Chine du terroir (“乡土中国”),
avec ses lignes de faille - les paysans restés au village et
ceux partis travailler en ville - et ses signes de déclin. Il
n’y a cependant pas désir de retour vers un passé vu comme un
âge d’or. Mais plutôt désir de reconstruire sur les ruines du
passé.
A partir de là, cependant, tout en continuant à écrire sur le
monde rural dans sa confrontation avec le monde urbain, Xiao
Jianghong a diversifié ses thèmes et son écriture, en variant le
ton et le style pour les adapter à son sujet.
Diversification des nouvelles
A côté des trois nouvelles déjà citées, il en a publié une
dizaine d’autres, en deux recueils.
Diversification des récits
« La porte du paradis » (《天堂口》)
est histoire d’un homme nommé Fan Chengda qui travaille dans un
crematorium. « La rivière intérieure » (《内陆河》)
est celle d’une femme restée veuve après un accident dans une
mine. En fait les deux nouvelles ont pour thème un accident
minier, mais décrit depoints de vue différents, ce qui souligne
l’importance de ces accidents dans la Chine actuelle et les
dommages qu’ils causent.
« L’arbre généalogique » (《家谱》)
est une analyse des liens familiaux, à travers les yeux d’un
enfant qui recherche avec curiosité l’identité d’une personne
dont personne ne parle, et qui semble avoir été la honte de la
famille.
Xiao Jianghong a aussi ouvert sa thématique au sujet des
travailleurs migrants en ville. « J’aimerais
qu’on parle un peu, toi et moi »
(《我求你和我说说话》)
est une nouvelle courte sur un de ces mingong (民工)
venus de la campagne travailler en ville, où ils n’ont pas de
statut social et sont traités comme des parias.
Confiné dans sa solitude, Wang Jiayi (王甲乙)
n’a personne à qui parler ; mais, pris un jour dans une rixe
entre truands, il est blessé et perd vraiment la parole.
Une autre nouvelle sur un sujet semblable prend une allure de
roman policier. « Les droites parallèles » (《平行线》)
raconte l’histoire d’un mingong embauché comme gardien et
d’un agent de police. Sans le faire exprès, le gardien offense
l’agent, et s’excuse auprès de lui, mais l’agent ne lui pardonne
pas ; alors, pour se venger, l’autre vole un uniforme. Sur ces
entrefaites, le policier élucide un cas d’homicide et tue le
meurtrier, mais le frère de ce dernier le menace à son tour.
Finalement, c’est le gardien qui est tué par erreur. En fait, le
récit se déploie dans deux espaces-temps différents (d’où le
titre), mais qui se rejoignent à la fin.
Un troisième nouvelle sur un mingong joue sur la
tradition du fantastique : « Rappeler l’âme à grands cris»
(《喊魂》).
Le dénommé Mayi (马义)
travaille sur un chantier de démolition comme il y en a tant ;
victime d’un accident, il perd la mémoire. Le titre signifie :
rappeler l’âme d’un malade, pour qu’il guérisse.
Les trois nouvelles se terminent soit par la mort du mingong,
soit par un accident où il est blessé. La ville se révèle
dangereuse et même fatale, alors que la campagne se vide de ses
habitants et perd ses forces vitales.
Autre roman policier miniature,
mais fondé sur la psychologie des personnages :
« Les suspects » (《犯罪嫌疑人》)
décrit un petit village de montagne tranquille, où les gens
mènent une vie simple ; mais on y découvre le cadavre d’une
femme. Il y a trois suspects qui, au début, se méfient les uns
des autres et s’accusent mutuellement, mais dont l’attitude
change peu à peu… C’est une autre manière d’aborder le problème
de la conscience morale.
Diversification du style et du ton
Xiao Jianghong n’en finit pas de revisiter la confrontation des
deux mondes, vue sous des angles complémentaires : conflit
entre tradition et modernité, entre vie matérielle et
spirituelle, entre ville et campagne, entre coutume et mode.Mais
il le fait de plus en plus dans des styles différents, en
adoptant des tons diversifiés.
Selon ses propres déclarations, il a été influencé très jeune
par les écrivains dits d’avant-garde des années 1980 comme
Yu
Hua (余华)
ou Ma Yuan (马原).
On sent cette influence dans le style des « Lignes parallèles »,
par exemple. Mais il a changé ensuite sa technique d’écriture,
en poursuivant des recherches pour avoir un style correspondant
à son sujet. Dans « La grande affaire », entre autres, il
utilise un mode satirique, avec une tendance à l’humour noir, à
l’ironie pince-sans-rire.
Il garde un style réaliste, mais avec une langue imagée et
teintée d’humour qui colle à la réalité de la vie au village. Il
maîtrise particulièrement la force expressive de l’image,
éventuellement avec des expressions populaires, comme prises sur
le vif, voire au besoin dialectales. Par exemple, dans « Cent
oiseaux… » :
“我看见蓝玉握着唢呐的手在轻轻地抖动,然后他笨拙地把唢呐塞进嘴里,腮帮子一鼓,唢呐就放出来一个闷屁,又一鼓,又出来一个闷屁。”
« Je pouvais voir trembler légèrement la main de Lan Yu qui
tenait le suona ; alors, il porta maladroitement l’instrument à
ses lèvres, gonfla ses joues, et il sortit de l’instrument comme
un pet étouffé ; il gonfla à nouveau ses joues, et le suona fit
le même petit pet étouffé. »
“一脸黄泥的蓝玉也笑了,他的笑意很薄很轻,仿佛往湖面扔上了一块拇指大小的石子起来的一层涟漪。”
« Le visage terreux, Lan Yu se mit à rire lui aussi, mais d’un
rire timide, un tout petit rire rappelant les menues vagues
créées par une pierre de la taille d’un pouce lancée dans l’eau
d’un lac. »
Il n’a pour l’instant écrit qu’un roman, mais il a encore tout
un avenir en continuant d’écrire des nouvelles.
A lire en complément
La postface de son recueil de neuf nouvelles de 2014, Gǔzhèn
《蛊镇》: elle explique comment il en est venu à écrire, dès le
collège, et donne une bonne idée de son style, imagé et
foisonnant d’expressions tirées aussi bien des classiques que du
registre populaire.
Quand le rêve vient illuminer la réalité
当梦想照进现实
Mengzi, Li Lou xia
(離婁下41)
:
孟子曰:「養生者不足以當大事,惟送死可以當大事。
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