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Xiao Er 萧耳

Présentation

par Brigitte Duzan, 27 mai 2021

 

Journaliste et écrivaine, Xiao Er est née en 1969 dans la petite ville de Tangxi (塘西镇), près de Hangzhou – une ville au bord du Grand Canal qui eut son heure de gloire sous les Ming : elle fut alors l’une des dix villes les plus célèbres de la région du Jiangnan (江南), au sud du Yangtsé.

 

Journaliste et essayiste

 

Xiao Er est rédactrice en chef d’un magazine de mode et d’un hebdomadaire d’actualité et publie dans diverses revues littéraires depuis une vingtaine d’années. Elle a publié des critiques de films et de livres, et plusieurs recueils d’essais sur des thématiques féministes ou relatives à l’histoire et à la culture du Jiangnan, dont :« Éléments du deuxième sexe » (《第二性元素》), recueil d’essais sur le cinéma (电影随笔) paru

 

Xiao Er

en 2004, « Les chansons de la petite auberge » (《小酒馆之歌》) et« Images en miroir de femmes artistes» (《女艺术家镜像》), parus tous deux en 2009 avec des préfaces de Li Jingze (李敬泽) [1] ; ou encore « Le passé de Hangzhou » (《杭州往事》) paru en 2013. 

 

Images de femmes artistes

dans le miroir, 2009

 

Dans « Images de femmes artistes dans le miroir », par exemple, paru en novembre 2009 aux éditions Dongfang (东方出版社) [2], Xiao Er évoque les vies légendaires de quatorze grandes artistes, américaines et européennes, qui ont marqué le 20ème siècle : l’écrivaine Iris Murdoch, la sculptrice Camille Claudel, Sylvia Plath, la poétesse dépressive auteure de « The Bell Jar » qui s’est suicidée à trente ans, Alma Schindler qui fut successivement l’épouse de Gustav Mahler, de l’architecte Walter Gropius et du romancier Franz Werfel, et fut elle-même peintre et musicienne, la reine de Bloomsbury autrement dit Virginia Woolf, Lee Krasner, la grande figure américaine de l’expressionnisme abstrait qui fascinait tant John Updike qu’il s’est inspiré de sa vie pour concevoir le personnage principal de son roman Seek My Face, etc [3]

 

Publié en août 2019, Sakuran (《樱花乱》) – ou « Le chaos des fleurs de cerisiers » - est un livre complètement

différent, sur la culture japonaise, mais de nouveau préfacé par Li Jingze. Dans sa propre préface, Xiao Er explique que l’ouvrage est le fruit de ses lectures et de ses recherches personnelles sur les origines de la culture japonaise et ses liens avec la culture chinoise. Il reflète aussi l’intérêt croissant des Chinois pour le Japon, sa culture et son mode de vie [4].  

 

Le titre - Sakuran - est celui d’un film japonais sorti en 2007, le premier film de la photographe et réalisatrice Mika Ninagawa (蜷川 実花) [5] dont l’œuvre photographique est marquée de thèmes récurrents de fleurs et de sabres aux couleurs très vives. Xiao Er s’en est inspirée pour diviser son livre en deux parties : « La chute des fleurs » (《花落》) et « Le givre sur les sabres » (《刀霜》) – mais c’est aussi une

 

Présentation du roman Sakuran avec Li Jingze (au milieu)

et Xiao Er (à dr.), Pékin, novembre 2019 (photo sohu)

référence au livre de Ruth Benedict « Le Chrysanthème et le Sabre » (《菊与刀》) [6]. 

 

Romancière

  

Xiao Er a également publié trois romans : « Continuons vers la gauche » (《继续向左》) en janvier 2004, « La classe moyenne regarde la lune » (《中产阶级看月亮》) initialement paru en 2017 dans la revue Zhongshan (《钟山》), et le dernier, « L’Immortel du Pont des pies » (《鹊桥仙》), paru dans le numéro de printemps 2021 de la revue Shouhuo (《收获》长篇小说2021春卷).

 

1/ Le premier, dont le titre entier est « Continuons vers la gauche : une carte du tendre » (《继续向左:爱情地图》), est l’histoire d’un couple de la nouvelle classe moyenne chinoise au début des années 2000. C’est un hommage au roman de Qian Zhongshu (钱钟书) « La forteresse assiégée » (《围城》), soulignant que les faiblesses des intellectuels chinois n’ont pas changé depuis les années 1930-1940. Mais le titre est aussi une allusion au Salon des artistes de la Rive gauche à Paris, et à l’admiration de Xiao Er pour l’écrivaine féministe américaine Gertrude Stein [7].

 

Continuons vers la gauche,

花城出版社 janv. 2004

 

2/ Après sa parution initiale dans la revue Zhongshan, le second roman, « La classe moyenne regarde la lune », a été publié aux éditions de l’université normale du Guangxi en août 2018. Xiao Er y conte l’histoire d’un couple sans histoire, comme on dit, qui, vingt ans après leur mariage, « regardent encore la lune » et, s’ennuyant dans une vie harmonieuse mais sans passion, essaient de s’en échapper, mais pour retomber dans la désillusion.

 

Dans la postface, elle a décrit la manière très personnelle dont elle conçoit ses romans :

我的小说里到处都是普通的卧室与街道,房子,地铁,相似的风景,在过去、现在和未来的多重时间里。

Dans mes romans se trouvent partout des chambres et des rues ordinaires, des maisons, le métro, ce genre de paysage, dans des temps où se mêlent passé, présent et futur.

除了一个在特定的时间给人物打上深刻的灵魂烙印的地方,比如童年时的地点,故乡,其他的地点都模糊成一片,那只是城与乡,城与镇,大城与小城,中心与边地的区别。

 

La classe moyenne regarde la lune,

广西师范大学出版社 août 2018

À l’exception des endroits où un temps spécifique a imprimé sa marque profonde dans l’âme d’un personnage, par exemple, un endroit lié au temps de l’enfance, comme le pays natal, les autres endroits sont indistinctement noyés dans un même espace ; les seules différences sont entre ville et campagne, ville et bourg, grande ville et petite ville, centre et marges.

 

Elle considère que la ville a homogénéisé les perceptions, et elle cherche à faire ressortir les sentiments immuables qui persistent dans le cœur des gens, mais qu’il s’agit de faire remonter des couches les plus profondes de leur être, et en particulier le lien unique avec le pays natal fait de moments importants du passé.

 

Ses romans sont donc une quête des sources, une recherche des racines qui ressemble à un retour à celles des années 1990, pour des raisons semblables mais avec une nouvelle dimension, affective et poétique.

 

3/ « L’Immortel du Pont des pies » (《鹊桥仙》) est un autre exercice sur le même thème. Le roman nous ramène à l’été 1981, dans la petite ville de Qizhen (栖镇), dans ce « sud du fleuve » (江南) qui est le cadre de vie de Xiao Er, mais aussi le cadre de tous ses récits. Les jeunes préparent le gaokao, l’examen d’entrée à l’université, en rêvant de l’avenir. Des années plus tard, la petite ville est en déclin, les jeunes ont vécu mariages et enterrements, une célébration après l’autre, la vie avec ses hauts et ses bas. Mais le passé continue d’innerver la vie.

 

Shouhuo, numéro de printemps 2021

 

Qizhen est une projection de la ville natale de Xiao Er, Tangxi, et elle ne laisse planer aucun doute là-dessus : elle a inséré au début une histoire extraite du Zibuyu (《子不语》) de Yuan Jicai (袁子才), ou Yuan Mei (袁枚), qui raconte une légende de la ville [8]. Celle-ci rejoint ainsi un autre espace-temps et le temps de la fiction se mêle au réel, le long du canal. Dans le roman, la construction de l’espace est subordonnée à celle du temps. Qizhen a son propre calendrier et un espace qui est celui de ses habitants, mais qui est finalement celui de l’auteure.

  

Le roman a été loué pour ses qualités d’écriture : Xiao Er y évoque l’atmosphère et la culture du Jiangnan grâce à à ses références poétiques et aux douces sonorités de la langue de Wu (吴侬软语). Le titre est une référence à l’un des plus célèbres poèmes de Qin Guan (秦观), poète des Song du Nord originaire de Gaoyou (高邮) dans le Jiangsu [9] .

 

Ce sont les lignes introductives de ce roman qui ont été choisies pour l’atelier de traduction de la 6ème édition du Printemps de la traduction en mai 2021 [10].

 


 

À lire en complément

 

Explications et traduction du début du roman « L’Immortel du Pont des pies »

 

 


[1] Éminent critique littéraire, Li Jingze est rédacteur en chef de Littérature du peuple (Renminwenxue《人民文学》) et vice-président de l’Association des écrivains chinois.

[2] Une maison d’édition du groupe des Éditions du peuple (人民出版社).

[4] Le Japon est devenu la principale destination touristique des Chinois.

[5] Photographe et réalisatrice japonaisenée 1972, fille du metteur en scène et réalisateur YukioNinagawa, elle s’est fait un nom dans le domaine de la photographie de mode et la publicité.

[6]The Chrysanthemum and the Sword: Patterns of Japanese Culture” : étude sur la culture japonaise de l’anthropologue Ruth Benedict publiée en 1946 et écrite pour le bureau américain d’information  US Office of War Information qui désirait mieux connaître la culture japonaise après la guerre. Le livre a été traduit en japonais en 1948 et a joué un rôle important dans le Japon de l’après-guerre ; il est aussi devenu un bestseller en Chine. Il reste une référence.

[7] Xiao Er a aussi une grande admiration pour Simone de Beauvoir dont elle a lu et commenté les Mémoires.

[8] Yuan Mei, poète et essayiste de la dynastie des Qing (1716-1797) né à Hangzhou, aussi connu pour ses écrits sur la poésie que pour ses histoires fantastiques, initialement publiées sous le titre « Ce dont le maître ne parlait pas » ou Zibuyu (《子不语》), en référence aux Analectes de Confucius. L’histoire citée par Xiao Er est celle du passeur Ma Nanzhen (马南箴) et de la magicienne Bai Hongjing, qui se passe à Tangxi. Voir :https://www.jianshu.com/p/5c52da82b8d4

[9] C’est l’un des « quatre lettrés de la porte de Su » (苏门四学士).Qin Guan a vécu une période politique agitée (la deuxième moitié du 11e siècle) et a connu l’exil. Ses poèmes sensuels et tristes chantant ses rencontres avec des courtisanes ont contribué à le faire honnir des cercles de la cour. Son poème (《鹊桥仙·纤云弄巧》) fait allusion à la légende du Bouvier et de la Tissserande (牛郎织女), à jamais séparés par la Voie lactée, mais autorisés à se réunir une fois par an au « Pont des pies ». Voir le texte du poème et sa traduction en anglais :

http://laijonliu.blogspot.com/2008/02/fairy-on-magpie-bridge-song-dynasty.html

[10]Printemps de la traduction organisé par ATLAS (l’association pour la promotion de la traduction littéraire) du 26 au 31 mai 2021. Progamme 2021 :

https://www.atlas-citl.org/wp-content/uploads/2021/05/prog_PDT_2021_web.pdf

 

 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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