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Wang Jinkang 王晋康

Présentation

par Brigitte Duzan, 10 juin 2017

 

Wang Jinkang est un auteur de science-fiction chinois très populaire en Chine, auteur d’une quinzaine de romans et de plus de 80 nouvelles [1], plusieurs fois lauréat du prix de science-fiction chinois de la Voie lactée (银河奖) et du prix américain Nebula (星云奖), mais encore peu traduit. Le prix Jingdong, qui lui a été décernéen mai 2017 pour son roman « Père céleste, mère terrestre » (《天父地母》), l’a mis justement à l’honneur en le faisant sortir de l’ombre de Liu Cixin (刘慈欣).

 

Carrière d’ingénieur pétrolier

 

Wang Jinkang (王晋康) est né en novembre 1948 à Nanyang dans le Henan (河南南阳) et a terminé ses études secondaires en 1966, au début de la Révolution culturelle. A partir de

 

Wang Jinkang

1968, il a donc passé trois ans dans une commune populaire du district de Xinye (新野五龙公社), à Nanyang, avant d’être envoyé travailler dans une fonderie à Yunyang (云阳), dans la municipalité de Chongqing, puis dans une usine de moteurs diesel à Nanyang.  

 

Cette expérience pratique lui a permis, en 1978, d’entrer à l’Université des communications de Xi’an (Xi’an Jiaotong daxue 西安交通大学). Diplômé en 1982, il est ensuite devenu l’un des principaux ingénieurs d’exploitation des gisements de pétrole du Henan à Nanyang (河南油田), dans le sud-ouest du Henan [2].

 

Auteur prolifique de science-fiction

 

Wang Jinkang a commencé à écrire au début des années 1990, la quarantaine venue. En mai 1993, il publie sa première nouvelle, « Le retour d’Adam » (《亚当回归》), dans le mensuel Science-Fiction World (SWF ou Kehuan Shijie 《科幻世界》) [3], et devient vite populaire.

 

C’est une histoire qu’il avait imaginée l’année précédente pour son fils qui avait alors dix ans et l’avait bien aimée, ce qui l’avait incité à l’écrire : une histoire d’astronaute revenant sur terre en 2253, avec deux siècles d’exploration extra-terrestre ; seul survivant de la mission, il est fêté à son retour, mais se rend compte que les hommes ont été munis de software d’intelligence artificielle, bref qu’ils sont devenus des robots…

 

Il envoya son texte à l’éditeur de la revue Science-Fiction World parce que c’était le seul qu’il connaissait, l’éditeur fut impressionné et en demanda d’autres.

 

Ethique et biologie

 

Beaucoup de ses récits, publiés dans la même revue, croisent les thèmes de l’éthique et de la biologie, en jouant sur des fantasmes et des débats d’actualité.

 

Père céleste, mère terrestre

 

The Beekeeper (ed. 1998)

  

Le Léopard

 

C’est le cas, par exemple, de la nouvelle ‘moyenne’« Le Léopard » (《豹》), publiée en juillet 1998, qui traite du thème du dopage sportif. Wang Jinkang y raconte l’histoire d’un athlète dont le contrat stipule que ses gains seront proportionnels à ses victoires ; il bat des records mais créé ensuite un scandale en violant l’une de ses fans – l’enquête révèle qu’il a été dopé avec des gênes de léopard, et a ainsi été transformé en une sorte d’être hybride assez effrayant.

 

La nouvelle traduite par Carlos Rojas (voir ci-dessous), « Le géant réincarné » (《转生的巨人》), publiée en décembre 2005, continue sur un sujet semblable en renversant le thème tel qu’il est traité par Isaac Asimov dans sa nouvelle « The Bicentennial Man » [4] : un millionnaire excentrique lutte pour avoir le droit de continuer à être reconnu sous son identité première alors que son corps est peu à peu l’objet de manipulations et interventions de génie biologique pour remplacer les éléments défectueux.

 

C’est aussi une histoire de robot, mêlée à une intrigue pseudo-policière, qui constitue le fil narratif du roman « Le Chant de la vie » (生命之歌) publié en novembre 2011. Il est question d’un savant, le professeur Kong Zhaoren (孔昭仁), qui a fabriqué un petit robot qu’il a appelé Yuanyuan (元元) et élève chez lui comme son fils. Mais, quand il atteint l’âge de cinq ans, le robot cesse de grandir et le professeur s’en désintéresse. Alors le gendre du professeur, Pu Chongzhe (朴重哲), lui aussi un chercheur sur la vie, continue les recherches de son beau-père ; mais, alors que celui-ci tente de l’en empêcher, Pu Chongzhe est tué dans une mystérieuse explosion…

 

L’histoire comme uchronie

 

Mais Wang Jinkang s’est aussi attaqué à l’histoire, traité à travers une expérience dystopique de la réalité qu’il a élargie

 

Le Chant de la vie (ed. 1998)

 

 

Sept couches d’une coquille (ed. 1997)

 

 

avec des récits entrant dans le genre des dystopies anglo-saxonnes, en explorant le domaine de la réalité virtuelle, ou plutôt du caractère virtuel de la réalité.

 

Il a commencé avec la nouvelle « Les sept couches d’une coquille » (《七重外壳》), publiée en juillet 1997, où il dépeint un Chinois en visite aux Etats-Unis, soumis à sept niveaux de simulation de la vie américaine ; rentré chez lui, en Chine, il se demande s’il n’est pas l’objet d’une autre illusion.

 

Son expérience personnelle de la Révolution culturelle, telle qu’il la revisite dans le roman « Né de fourmis » (《蚁生》), publié en 2007, est une autre vision uchronique : un scientifique profite de son exil forcé dans un coin perdu pour mettre au point un « sérum de l’altruisme » dont il a extrait les composants de fourmis ; injecté à des humains, le sérum est supposé produire une société idéale, mais en fait, la politique s’en mêlant, il mène à l’anarchie.

 

Les terreurs nées de l’actualité

 

Wang Jinkang joue à plaisir des peurs, des fantasmes, des phobies que l’actualité et son traitement par les médias contribuent à faire naître. C’est le cas en particulier du problème de la gestion des armes nucléaires, avec des projets d’enfouissement menacés par les risques de tremblement de terre ou le danger de leur récupération par des terroristes.

 

Le sujet du terrorisme est par ailleurs au cœur du roman « La Croix » (《十字》), publié en 2009, dont l’intrigue est fortement imprégnée du souvenir des attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis : dans cette histoire, des fanatiques ont mis au point une arme biologique, dite « du 12 septembre », qui non seulement anéantit la population américaine, mais s’étend bientôt au monde entier.

 

Né de fourmis

 

La Croix

 

 

En 2014, Wang Jinkang a repris le thème dans un roman qui a également une intrigue de roman à suspense et a été traduit en anglais par Jeremy Tianget publié en janvier 2016 sous le titre « Pathological », littéralement « Panique niveau 4 » (《四级恐慌》). Il est question d’un ultime virus de la variole qui a survécu aux recherches conduites pendant la Guerre froide par un groupe de recherche soviétique; en Chine, une jeune chercheuse qui a son propre institut, va se marier et a une vie bien remplie car elle a créé un orphelinat pour aider des filles à la rue, veut utiliser cette dernière souche du virus pour produire un vaccin, mais une épidémie se déclare dans l’orphelinat, tandis qu’au même moment une autre est déclenchée dans une école américaine…

 

Ce qui distingue Wang Jinkang, c’est le naturel de ses histoires : elles plongent directement dans l’actualité quotidienne, sans inventer de technologies tirées par les

cheveux. Il crée des possibilités infinies pour l’univers, mais surtout dans les esprits. D’ailleurs il a dit que la science-fiction n’avait pas pour but d’imaginer le monde futur, mais d’ouvrir les esprits, et de réfléchir à des moyens de faire progresser notre civilisation, et d’abord en empêchant qu’elle soit anéantie par des forces incontrôlables, humaines surtout.

 

« Je suis impuissant devant un désastre. Alors j’essaie de construire des fortifications pour protéger l’humanité de désastres. » dit un vieux professeur dans son premier récit. C’est ce que l’on retrouve dans les romans et nouvelles de Wang Jikang.

 

Les textes de 34 de ses romans et nouvelles les plus célèbres sont à lire en ligne :

http://www.kanunu8.com/files/writer/6619.html

   

Panique niveau 4

 


 

Traductions en anglais

 

Deux nouvelles traduites par Carlos Rojas :

- The Reincarnated Giant 《 转生的巨人》 Renditions 77/78 (Spring/Autumn 2012) [5] : 173-209.

- The Beekeeper 《养蜂人》

 

 


[1] 17 romans et 87 nouvelles selon baidu.

[2] Gisements découverts dans les années 1970, et exploités par une filiale de Sinopec.

[3] Mensuel créé en 1979 et basé à Chengdu. Principale revue de science-fiction chinoise.

[4] Nouvelle publiée en février 1976 dans la revue Stellar Science-Fiction : en raison d’un défaut de conception, un robot créé pour accomplir des tâches domestiques accède à la faculté de créer des œuvres d’art ; au bout d’un combat de plusieurs siècles, il se voit reconnaître comme être humain.

[5] Numéro spécial sur la science-fiction chinoise, de la fin des Qing à la période contemporaine :

http://xichuanpoetry.com/?tag=wang-jinkang

 

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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