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				Lu Yao 
				路遥 
				
				1949-1992 
				
				Présentation 
				par 
				Brigitte Duzan, 25 novembre 2014, actualisé 08 février 2015  
				     
					
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						Lu Yao est un écrivain qui a eu son heure de gloire en 
						Chine dans les années 1980-1990, mais qui, mort 
						prématurément en 1992 à l’âge de quarante-deux ans, est 
						vite retombé dans l’oubli. Son œuvre n’a pas été 
						traduite, et on ne le trouve guère cité, hors de Chine, 
						que parce que le cinéaste Wu Tianming (吴天明) 
						a adapté l’une de ses nouvelles à l’écran, la plus 
						célèbre 
						
						     
						 
						
						Il est pourtant
						
						
						l’un des premiers en Chine à s’être préoccupé de la 
						fracture ville-campagne qui maintient les ruraux dans 
						une position de marginaux dans leur pays et dont il a 
						lui-même souffert : c’est le thème principal de toute 
						son œuvre. En ce sens, il est toujours d’actualité.
						 
						
						     
						 
						
						
						Enfant pauvre et poète du Shaanbei 
						
						
						    
						 
						
						Lu Yao (路遥) s’appelait 
						en fait 
						
						Wang Weiguo (王卫国). 
						Il est  |  | 
						
						 
						Lu Yao |  
				
				
				né en décembre 1949 dans le district de Qingjian 
				(清涧县) 
				de la ville de Yulin (榆林), 
				au 
				nord-est du 
				
				Shaanxi. Il est donc originaire de la partie nord du Shaanxi, 
				région aux caractères spécifiques
				
				
				appelée Shaanbei (陕北), 
				dont Yulin est la ville-préfecture située à l’extrême nord, en 
				bordure de la zone désertique de l’Ordos en Mongolie intérieure. 
				Il est important de le souligner car toute l’œuvre de Lu Yao 
				reflète son appartenance à cette région.  
				
				      
				
				Il est né en outre dans une famille de paysans très pauvres, qui 
				avaient six autres enfants. A sept ans, parce que ses parents 
				n’avaient pas les moyens de payer les dépenses scolaires, et 
				pour qu’il puisse quand même aller à l’école, il est envoyé chez 
				un frère aîné de son père qui n’avait pas d’enfant, à Yanchuan (延川), 
				district dépendant de la ville de Yan’an (延安), 
				plus au sud. C’est là qu’il fait sa scolarité, qui s’arrête 
				cependant à la fin du secondaire, en 1969. 
				
				      
				
				Il a vingt ans et doit travailler. Pendant trois ans, il passe 
				de petits emplois en petits emplois, tout en écrivant des 
				poèmes, dont le premier – signé pour la première fois Lu Yao - 
				est publié en 1970, d’abord dans le petit journal du bureau de 
				la culture de Yanchuan « Culture révolutionnaire » (《革命文化》) 
				– on est en pleine Révolution culturelle et Lu Yao y participe. 
				Dans les deux années suivantes, il publie une demi-douzaine 
				d’autres poèmes qui portent la marque de l’époque et sont 
				publiés dans le magazine « Les fleurs sauvages de Yan’an » (《延安山花》). 
				Il participe aussi à l’écriture de livrets d’opéras locaux. 
				
				      
				
				Finalement, en 1972, il revient enseigner dans son village,mais 
				ne reste qu’un an à ce poste : en 1973, il est admis 
				
				à l’université de Yan'an, dans le département de littérature 
				chinoise (延安大学中文系). 
				C’est alors qu’il écrit sa première nouvelle. 
				
				      
				
				
				1973-1982 : Auteur de nouvelles 
				
				      
				
				
				Poèmes et nouvelles sur la Révolution culturelle 
				    
				
				  
				
				Cette première nouvelle reflète l’atmosphère de la Révolution 
				culturelle, comme ses poèmes – l’année suivante, il en publie 
				un, par exemple, intitulé « Le chant des gardes rouges » (红卫兵之歌). 
				La nouvelle s’intitule « Le drapeau rouge victorieux » (《优胜红旗》) 
				et elle est publiée en 1973 dans le premier numéro du « Journal 
				de la littérature et des arts du Shaanxi » (《陕西文艺》). 
				
				      
				
				Dans les trois années suivantes, Lu Yao y publie aussi des 
				essais et des poèmes, ainsi qu’une seconde nouvelle, début 
				1976 : « Père et fils » (父子俩). 
				 C’est cette même année 1976 qu’il termine ses études, et il 
				entre alors à la rédaction du journal, rebaptisé « Yanhe » 
				(《延河》) 
				en 1978.  
				     
					
						| 
						
						 
						Lu Yao avec sa fille vers 1980 |  | 
						
						Après une série de nouvelles courtes, il publie en 1980 
						une première nouvelle « moyenne » (中篇), 
						dans la revue littéraire Dangdai (《当代》)  
						: « Un acte bouleversant » (《惊心动魄的一幕》) ; 
						lors de l’instauration du prix national de la nouvelle, 
						cette même année, celle de Lu Yao est couronnée du  prix 
						de la meilleure nouvelle « moyenne » (全国优秀中篇小说奖). 
						
						     
						 
						
						L’histoire se passe à la fin de la Révolution 
						culturelle, à Yanchuan, et « l’acte » du titre – à 
						entendre comme acte d’une pièce de théâtre - raconte les 
						malheurs d’un secrétaire de la branche locale du Parti 
						accusé d’être contre-révolutionnaire. Elle est le reflet 
						de la situation à Yanchuan à l’époque, et jette un 
						éclairage particulier sur Lu Yao.  |  
				
				    
				 
				
				Deux factions rivales s’affrontaient dans la ville. L’une 
				s’appelait le 4ème régiment rouge (红色第四野战军),
				
				
				l’autre le Quartier général des rebelles de la Révolution 
				culturelle à Yanchuan (延川文化革命造反司令部).
				
				
				Lu Yao était le chef du 
				
				4ème régiment rouge. Tous les personnages de 
				l’histoire sont des personnages réels de l’autre faction. Seul 
				le secrétaire au centre du récit est fictif. Lu Yao rapporte la 
				véritable chasse aux sorcières qui s’est passée à la fin de la 
				Révolution culturelle, contre les leaders du « Quartier 
				général ». Que la nouvelle ait été primée en 1980 est révélateur 
				du climat de l’époque.  
				
				      
				
				Avec cette nouvelle, Lu Yao semble vouloir tourner la page. Sa 
				thématique évolue à partir de là. Elle reste en grande partie 
				autobiographique, mais s’oriente vers les difficultés, 
				inégalités et injustices dont souffre le monde rural dans la 
				Chine de l’ouverture et du décollage économique.  
				
				      
				
				C’est le thème de sa nouvelle « moyenne », publiée en 1982,
				
				
				qui fait tout de suite parler de lui : « Une vie » (Rensheng《人生》). 
				Elle est couronnée du prix de la meilleure nouvelle moyenne pour 
				la période 1981-82. 
				
				      
				
				
				1982 : Une vie 
				     
					
						| 
						
						La nouvelle est publiée initialement en juin dans la 
						revue littéraire Shouhuo (《收获》), 
						puis en novembre dans une édition séparée aux Editons de 
						la jeunesse de Chine (中国青年出版社). 
						La publication est accompagnée de deux autres la même 
						année, qui reprennent le même thème : une nouvelle 
						moyenne publiée dans Dangdai, « Dans les 
						difficultés de l’existence » (《在困难的日子里》), 
						et une nouvelle courte publiée dans la revue du Lac 
						Qinghai (《青海湖》), 
						« Souffrance » (《痛苦》), 
						souffrance qui est aussi bien misère physique que 
						morale.  
						
						     
						 
						
						« Une vie » est ancrée dans la réalité du Shaanbei, mais 
						la dépasse largement pour prendre une signification à 
						valeur symbolique. La vie dont il est question est celle 
						d’un jeune garçon, Gao Jialin (高加林), 
						qui rentre chez lui après avoir terminé ses études. Une 
						jeune fille du village, 
						 |  | 
						
						 
						Une vie |  
				
				Liu Qiaozhen (刘巧珍),
						
						
						est amoureuse de lui, mais lui ne rêve que de 
				revenir en ville. Il arrive à trouver un emploi au chef-lieu du 
				district, emploi illégal car il n’a pas le hukou nécessaire, 
				mais il ne le sait pas. Il tombe amoureux d’une autre jeune 
				fille, une fille de la ville, Huang Yaping (黄亚萍), 
				qui présente des émissions à la radio. Mais Huang Yaping est 
				convoitée par une femmequi veut lui faire épouser son fils ; 
				cette femme est directeur adjoint d’un grand magasin et couvre 
				Yaping de cadeaux. Craignant de la perdre, elle dénonce 
				l’illégalité du travail de Gao Jialin qui est renvoyé dans son 
				village… 
				
				  
				
				      
				
				Gao Jialin est ainsi confronté à un dilemme que Lu Yao illustre 
				par un choix entre deux femmes : une jeune paysanne inculte, 
				mais aimante, et une jeune de la ville qui représente pour lui 
				l’aspiration à une vie loin de la terre, ce qui était, au début 
				des années 1980, l’aspiration générale des jeunes diplômés qui 
				pouvaient espérer un travail en ville. Mais, si leurs études 
				leur donnaient littéralement droit de cité, ce n’était qu’un 
				temps ; une fois leurs études terminées, ils étaient en général 
				astreints à revenir chez eux, souvent pour y enseigner, comme Lu 
				Yao lui-même. 
				
				      
				
				D’ailleurs la nouvelle est largement autobiographique : pendant 
				la Révolution culturelle, Lu Yao a été une première fois 
				amoureux d’une jeune étudiante qui avait été envoyée se 
				rééduquer à Yanchuan. L’aventure s’est soldée par un échec. Plus 
				tard, Lu Yao a épousé une autre « jeune instruite », mais la 
				cohabitation était difficile, à cause du caractère et des 
				habitudes de vie de Lu Yao : paysan dans l’âme, il privilégiait 
				un mode de vie patriarcal et passait son temps à écrire, jusqu’à 
				tard dans la nuit. Mais il n’a signé la demande de divorce que 
				sur son lit de mort.  
				
				       
					
						| 
						
						 
						Lu Yao (2ème à partir de la g.) avec Wu 
						Tianming et l’équipe du film Life  
						lors de la remise des prix des Cent 
						fleurs en 1984 |  | 
						
						Dans son œuvre comme dans sa vie, la distance entre le 
						monde urbain et le monde rural est illustrée par les 
						femmes : elles sont implantées dans la ville alors que 
						les hommes n’arrivent pas à y accéder, même après y 
						avoir étudié. 
						
						     
						 
						
						« Une vie » est déjà une nouvelle célèbre, d’un écrivain 
						désormais membre de l’Association des écrivains, 
						 |  
				
				quand Wu Tianming (吴天明) 
				l’adapte au cinéma en 1984, sur un scénario écrit par Lu Yao 
				lui-même. Le film est fidèle à la nouvelle, la différence 
				essentielle étant dans la séquence finale (1). Il donne encore 
				plus de notoriété à l’écrivain qui poursuit sa réflexion sur le 
				même thème. 
				
				      
				
				La nouvelle a eu un énorme impact sur toute la génération des 
				jeunes Chinois des années 1980 et 1990. Un témoignage frappant 
				en est donnée par Jia Zhangke, qui décrit ainsi la révélation 
				qu’elle fut pour lui quand il l’a lue – et il parle bien de la 
				nouvelle, non du film : 
				
				       
				« … La Vie, de 
				Lu Yao, qui traite d’un important problème de société, celui des 
				hukou, les livrets de résidence. Les Chinois se divisent entre 
				ceux qui possèdent un hukou urbain et ceux qui possèdent un 
				hukou rural. Il n’y a pas de conversion possible, si ce n’est 
				via l’unique passerelle entre ces deux statuts que constitue le 
				concours d’entrée à l’université. Lorsque j’étais enfant, avant 
				de lire [cette nouvelle], je ne voyais pas  ce qu’il y avait 
				d’injuste dans cette situation. J’ai alors compris pourquoi, 
				tandis que nous, les détenteurs de hukou urbains, ne pensions 
				qu’à nous amuser, les enfants de notre classe qui venaient de la 
				campagne ne mangeaient que des tranches de pain sec de maïs et 
				des patates douces, et passaient leur temps à réviser jusqu’à 
				onze heures du soir ou minuit. Ils voulaient changer leur 
				destin… » (2) 
				        
				
				
				1982-1992 : des nouvelles au roman 
				
				      
				
				On voit se dessiner ainsi, dès 1982, le thème qui va occuper Lu 
				Yao pendant les dix années suivantes et qu’il va décliner dans 
				ses nouvelles avant le grand roman qui en sera l’aboutissement : 
				le fossé existant en Chine entre la campagne et la ville, qu’il 
				accuse le régime maoïste d’avoir créé et amplifié, en fixant les 
				paysans à la campagne et en leur interdisant l’accès aux villes 
				par l’instauration du hukou (户口). 
				
				      
				
				Pour lui, la régénération du monde urbain ne peut venir que de 
				la campagne, qui détient à la fois la force et la pureté. Il 
				l’illustre dans un certain nombre de nouvelles à partir de 1983, 
				mais, en même temps, écrit le premier des trois tomes de 
				l’unique roman qu’il aura eu le temps d’achever avant sa mort. 
				
				      
				
				
				1983 : comme des feuilles dans le vent d’automne 
				
				      
					
						| 
						
						« Comme des feuilles jaunies emportées par le vent 
						d’automne » (《黄叶在秋风中飘落》) 
						a été publiée dans la revue littéraire « Le monde de la 
						nouvelle » (《小说界》) 
						en 1983, juste après « Une vie ». C’est l’un des rares 
						récits de Lu Yao, empreint de romantisme, dont le 
						personnage principal masculin vit en ville : il est 
						directeur adjoint du Bureau de l’enseignement, c’est 
						donc un bureaucrate. Après avoir divorcé de sa première 
						épouse, il se remarie avec une femme qui était mariée 
						avec un paysan et ne supportait pas la misère familiale. 
						Une fois marié, cependant, il ne lui montre aucun 
						respect et va même jusqu’à la battre.  |  | 
						
						 
						Lu Yao avec ses collègues de l’université 
						de Xi’an,  
						Jia Pingwa, Chen Zhongshi et autres… |  
				
				      
				
				Sa jeune sœur Lu Ruoqin (卢若琴), 
				en revanche, restée à la campagne parce qu’elle a raté l’examen 
				d’entrée à l’université, vient en aide à l’ancien mari de la 
				femme et sauve la femme elle-même de sa situation désespérée.
				 
				
				      
				
				A partir de là, Lu Yao approfondit sa pensée, mais la 
				systématise aussi, en inversant ses symboles, la femme devenant 
				symbole d’intégration réussie dans le monde urbain. 
				
				      
				
				
				1986-1992 : « Un monde ordinaire » 
				
				
				      
					
						| 
						
						 
						Ordinary World (1ère partie) |  | 
						
						La publication initiale d’ « Un monde ordinaire » 
						(《平凡的世界》) 
						s’est étendue sur quatre ans : la première partie a été 
						publiée en décembre 1986 - après une première parution 
						dans la revue Huacheng (《花城》) 
						en juin. La seconde partie a été publiée en avril 1988, 
						et la dernière partie en octobre 1989.  
						
						     
						 
						
						C’est un travail impressionnant qui a retenu toute 
						l’attention de Lu Yao : il n’a rien publié d’autre 
						pendant la période. Le récit est fermement enraciné dans 
						sa région natale du Shaanbei. Il relate les changements 
						intervenus dans la zone du plateau de loess de 1975 à 
						1985, soit de la fin de la Révolution culturelle à la 
						période d’ouverture et de développement après la mort de 
						Mao. La période est remarquablement bien choisie pour 
						montrer l’étendue et la rapidité des mutations 
						intervenues dans une Chine où brusquement plus rien ne 
						semblait fiable ni stable.  |  
				
				      
				
				C’est dans ce contexte que Lu Yao étudie en profondeur le 
				blocage de la situation des campagnes, la préservation du 
				système du hukou faisant des ruraux des citoyens de 
				seconde catégorie face aux résidents urbains. Beaucoup de choses 
				ont changé, mais pas ce point fondamental.  
				
				      
					
						| 
						
						Le « monde ordinaire » du titre est celui de la 
						campagne, peuplé de gens ordinaires dont les qualités 
						essentielles sont une persévérance et une énergie 
						propres à abattre les obstacles majeurs ; des gens 
						ordinaires comme les deux frères qui sont au centre du 
						récit, le cadet Sun Shaoping (孙少平) 
						et son frère aîné Sun Shao’an (孙少安).
						 
						     
						
						Le premier apparaît comme une extension du personnage de 
						Gao Jialin (donc un reflet de Lu Yao), et en ce sens 
						comme un lien avec la nouvelle de 1982 ; il a réussi à 
						s’évader de la terre, pour travailler dans une mine, 
						c’est dur, mais il est satisfait de son existence car il 
						a la perspective d’épouser une jeune fille qui travaille 
						à Yan’an. Il a presque réussi à franchir le fossé 
						campagne-ville. Quant à Sun Shao’an, il finit par 
						devenir le propriétaire d’une briqueterie dans la petite 
						ville,  |  | 
						 
						Une page du manuscrit de «Ordinary World» |  
				
				au bout d’immenses efforts dans un système maoïste en miettes et 
				la réforme pas encore bien en place.   
				
				          
				     
				
				Dans une description très frappante, Lu Yao décrit Sun Shaoping 
				sur le petit pont à l’entrée de la ville, un pont symbolique 
				évidemment ; il observe le paysage, et voit dans son imagination 
				la vieille pagode, au loin, s’effondrer dans les débris de terre 
				jaune, effondrement emblématique de l’union ville-campagne 
				réussie dans ce pan de terre à la longue histoire. Une histoire 
				à la frontière de l’empire, au contact des barbares di 
				(ou barbares du nord beidi 北狄) qui 
				lui ont infusé un sang sauvage, filiation que Lu Yao revendique 
				lui-même et où il voit la force de ce « monde ordinaire ». 
				
				      
					
						| 
						
						 
						Lu Yao avec Mo Yan en 1987 |  | 
						
						Une fois la première partie publiée, Lu Yao a été 
						aussitôt critiqué. En 1986, on était en plein mouvement 
						avant-gardiste, en littérature ; c’est le flux de 
						conscience qui était en vogue, le réalisme traditionnel 
						était dépassé. Mais Lu Yao s’est défendu en disant qu’il 
						était logique que, pour décrire des gens ordinaires, il 
						le fasse dans un style ordinaire…  
						
						     
						 
						
						Quoi qu’il en soit, c’est le contenu, plus que le style 
						lui-même, qui a exercé une grande influence sur les 
						esprits à la fin des années 1980. Le roman a été diffusé 
						à la radio  |  
				
				nationale, et il a été couronné du 3ème prix Mao Dun, 
				en 1991.  
				
				      
				
				
				1992 : Disparition brutale 
				
				      
					
						| 
						
						Lu Yao a encore publié deux recueils d’essais en 1992, 
						puis il est mort, le 17 novembre 1992,  à l’âge de 42 
						ans, d’une cirrhose du foie, 
						
						maladie génétique dont sont morts deux autres de ses 
						frères. 
						
						     
						 
						
						Il était un grand ami de
						
						Jia Pingwa (贾平凹) 
						qui a écrit un vibrant hommage à son ami en novembre 
						2012, pour le vingtième anniversaire de son décès (3). 
						Jia Pingwa évoque ses souvenirs de Lu Yao, des 
						anecdotes, des réparties. On sent l’admiration qu’il lui 
						portait pour sa force de caractère, celle-là même que Lu 
						Yao a prêtée à ses personnages.  |  | 
						
						 
						Mémorial à la mémoire de Lu Yao à 
						l’université de Xi’an |  
				
				      
				
				Et puis 
				
				Jia Pingwa rapporte 
				quelques anecdotes littéraires : 
				
				« Je me souviens, quand « Ordinary World » est sorti, le roman a 
				été accueilli froidement. Lu Yao m’a dit : « C’est vraiment une 
				époque pourrie, il n’y a plus personne qui comprenne la 
				littérature. » Et quand il a reçu le prix Mao Dun et que je l’ai 
				félicité, il m’a dit : « Quand j’étais sur l’estrade, tu sais ce 
				que j’ai pensé ? » - Non, lui ai-je répondu, qu’as-tu pensé ? » 
				- « Que je leur avais marché sur les pieds. » 
				     
					
						| 
						
						Il témoigne aussi du rêve éveillé que Lu Yao lui a 
						confié sur son lit de mort, qui montre mieux que maints 
						discours son attachement à sa région natale, et au monde 
						rural : 
						
						« Je me souviens quand il a été hospitalisé… Sa santé 
						s’est très vite dégradée, mais, quand je suis allé le 
						voir, il m’a dit : Quand je sortirai de l’hôpital, on 
						ira tous les deux vivre dans le Shaanbei, on mènera une 
						vie saine en élevant des moutons et en mangeant des 
						patates sauvages. »  |  | 
						
						 
						Lu Yao avec Jia Pingwa |  
				
				      
				
				Il conclut : 
				
				« [Lu Yao] était un excellent écrivain, mais aussi un 
				remarquable homme politique. C’était quelqu’un d’une grande 
				force, mais il a fini comme Kuafu, mort de soif avant d’avoir 
				trouvé l’eau qu’il cherchait. (4) 
				
				         ….. 
				
				         Il n’y a pas beaucoup de gens comme lui aujourd’hui.
				 
				
				On dit qu’il est mort d’épuisement, la preuve en serait son 
				livre « L’aube commence à midi ». Mais il n’est pas mort de 
				fatigue. Il vivait surtout la nuit, c’était une habitude 
				professionnelle, chez lui, il avait l’instinct d’une bête 
				sauvage.  
				
				On dit qu’il est mort de pauvreté, parce que, à sa mort, il 
				avait une dette de dix mille yuan. Mais, à l’époque, tout le 
				monde était pauvre ; parmi les écrivains du Shaanxi, Lu Yao 
				était connu pour fumer des cigarettes chères, boire du café et 
				courir toute la ville pour offrir à sa fille un repas de cuisine 
				occidentale.  
				
				Ce qui l’a tué, c’est une maladie génétique. Après sa mort, 
				quatre de ses frères cadets en ont été atteints de la même 
				manière, à peu près au même âge, deux en sont morts, et les deux 
				autres sont gravement malades. C’est une famille tragique !  … 
				Mais même avec ce destin scellé par l’hérédité, pendant sa 
				courte existence, Lu Yao a été brillant ; tant par son caractère 
				propre que ses qualités littéraires, il exerce une fascination 
				durable. » 
				
				      
				
				Et, vingt ans après sa mort, le système du hukou est en 
				voie d’assouplissement…  
				
				      
				     
				
				
				Notes 
				
				(1) Sur le film « Une vie » (《人生》) 
				de Wu Tianming, voir chinese movies … (à venir) 
				(2) Citation tirée 
				de : Dits et écrits d’un cinéaste chinois 1996-2011, par Jia 
				Zhangke, EditionsvCapricci, 2013. 
				
				(3) Voir le texte chinois : 
				
				
				http://blog.sina.com.cn/s/blog_43f9cac001019ci8.html 
				
				La traduction des passages cités est de moi. 
				
				(4) Référence à une vieille légende, celle de Kuafu (夸父) : 
				un géant dans la mythologie chinoise, qui avait décidé de 
				capturer le soleil ; il le pourchassa d’est en ouest en 
				asséchant tous les fleuves et les lacs sur son passage pour 
				étancher sa soif ; il ne put atteindre son but car il mourut de 
				soif et d’épuisement, avant d’avoir pu trouver l’eau qu’il 
				cherchait… 
				   
 
				       
				A lire en 
				complémentLe roman « Un monde ordinaire » adapté en lianhuanhua par 
				Li Zhiwu
 Voir : l’article 
				sur l’œuvre de Li Zhiwu
 
				  
				  
				  
				
				       
				     
				 
				  
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