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韩寒:我想和这个世界谈谈(节选)

Han Han : « J’aimerais bien parler un peu avec le monde » (extrait)

par Brigitte Duzan, 30 août 2010

         

Présentation       

         

Il faut lire ce texte en oubliant les idées toutes faites que

l’on peut avoir. Il est vrai que le début semble confirmer les critiques qui contestent aux écrits de Han Han la qualité de « bonne littérature » ou de littérature tout court. C’est décousu, léger et l’expression semble celle des articles rapidement écrits de son  blog.

          

Cette première impression se dissipe cependant au bout des quelques alinéas introductifs. Han Han dresse avec une sorte de désinvolture étudiée le portrait d’une femme rencontrée dans un hôtel, une prostituée ordinaire qu’il dépeint avec une ironie pleine de tendresse, en utilisant ses propres expressions, ambiguës et dérisoires.

          

L’ironie est d’autant plus amère que ce début de nouvelle a été publié en juillet à la fin du premier numéro de la revue de Han Han, peu de temps avant que soit lancée en Chine,

par le président Hu Jintao et le ministre de la culture Cai Wu (蔡武), une nouvelle et énième campagne de moralité

 

Han Han (韩寒)

publique sur le thème « luttons contre les trois vulgarités » (反三俗”).

         

A la froideur des discours présidentiels et ministériels fait écho la chaleur pleine d’humanité de la nouvelle de Han Han. Les dernières lignes montrent qu’il sait aussi manier le verbe avec poésie quand il  le faut. Le ton reste léger, mais on se prend à attendre la suite.

         


          

Texte, vocabulaire et traduction

 

空气越来越差,我必须上路了。我开着一台1988年出厂的旅行车,在说不清是迷雾还是毒气的夜色里拐上了318国道。这台旅行车是米色的,但是所有的女人都说,哇,奶色。1988早就应该报废了1,我以买废铁的价格将他买来,但是我有一个朋友,他是1988的恩人,他居然修复了1988。我和朋友在路边看见了1988,那时候它只有一个壳子和车架2,朋友说,他以前呆的厂里有一台一样的撞报废的车,很多零件3可以用,再买一些就能拼成4一台能开的车,只需要这个数目5。他伸出了手掌。我问他,那这个车的手续6怎么办,朋友说,可以用那辆撞报废的车的手续。我说,车主会答应么?朋友说,死了。我说,车主的亲戚也不会答应的。朋友说,都在那车里死光了。我说,那不是不道德。

朋友说,本来是都死光的,现在你延续了这台旅行车的生命。所以你要给这个旅行车取一个名字。我问他,这是什么时候出厂的车。

我的朋友在车的大梁处俯身7看了许久,说,1988年。

1988就是这么来的。

而我的这个朋友,我此刻就要去迎接他从监狱里出来8,并且对他说,好手艺,1988从来没有把我撂在路上9

          

我和1988在国道上开了三个多小时,空气终于变的清新。我路过一个小镇,此时天光微醒。小镇就在国道的两边,黑色的汽修店和彩色的洗浴城夹道而来10。看来这个镇子所有的商业都是围绕着这条国道上过往的卡车司机。我看中了一家金三角洗浴城,因为这是唯一一个霓虹灯管都健在的11洗浴城,不光如此,它下面的桑拿”“休闲”“棋牌”“客房”“芬兰” 12这五个标签也都还亮着。

我将1988停在霓虹最亮的地方,推门进去。保安裹着13军大衣背对着睡在迎客松14的招牌下的沙发上,前台的服务员不知去向。我叫了一声服务员,保安缓缓伸出手,把军大衣往空中一撩,放下的时候那里已经半坐着一个女服务员。服务员边整理头发梦游一样到了前台后面。我微感抱歉,问道:姑娘,看你们上面亮的灯,什么是芬兰啊?

女服务员面无表情道:身份证15

我说:身份证我没带。

她终于有了一点表情,看了我一眼,说:驾照带没带15

我说:驾照我也没带。我就住一天。

她说:不行,我们这里都是公安局联网的,你一定要出示一个证件16。你身边有什么证件?

我掏了全身的口袋,只掏出来一张行驶证17。我很没有底气的问道:行驶证行么。

不想姑娘非常爽快的答应了。

我生怕她反悔,连忙将1988的行驶证塞到她手里。她居然将1988的发动机号16天衣无缝的填在了18证件号一栏里,然后在抽屉里掏了半天,给了我一把带着木牌的钥匙。她向右手边一指,冷冷说道:楼梯在那里。

我顺着她的方向望去,又看见了迎客松下睡着的保安。整个过程里他丝毫未动。服务员关上了抽屉,突然间他又拉开了自己的大衣。妈的这也太自动化了19,我暗自想到。女服务员突然对我说道:芬兰就是芬兰浴。

我强笑了一声,玩笑说:这样我就懂了,干嘛没加一个浴字呢?

服务员藐视着说道20:这两个字两个字都是两个字,这是排比21,这不好看嘛。

我正要继续提问,只见躺在沙发上的那一位挥了挥翅膀,女服务员马上识趣道22:不跟你说了。你自己上去吧。

          

我打开房间门,环顾这房间,发现也许是我的期许太低23,我觉得这个地方还算不错,缺点就是窗户很小,而且因为在二楼的缘故,它被六根铁栏杆包围着24。此时天光要开,外面是一颗巨大的树木。我躺到床上,正要睡去,突然间有人敲门。我下意识的摸了口袋,以为是有东西遗落在登记台上25,除了 1988的钥匙在桌子上以外,其他一切安在。我对门口说,谁。

门口传来女声,说先生请开门,让我进来详谈。

我想这个时间,这是什么妖精26,于是伏在门边,问道,你是哪位,什么事情。

女声说道,先生,我是珊珊27,让我进来你就知道了。

我顿时明了,这是特殊服务28。我决定透过猫眼先一窥姿色29。但是我发现这个酒店的门上并没有猫眼。这下只能开门见珊了。我是一个正直的人,我去过很多城市,遇见酒店色情服务一般在猫眼里看一眼我都回绝了30,当然,我也放进来过两个,那是因为她们漂亮。我认为只要我开了门,哪怕进来一头猪我也必须挺身而出,因为我们已经瞧见彼此的模样,我怎能看见我要将她撵走31时她脸上的失望。在这个旅程的开始,我就赌一次天意32,门外的姑娘是我喜欢的类型。于是我打开了门。

          

01 报废    bàofèi       mettre au rebut, envoyer à la ferraille, à la casse

02 壳子/车架   kézi / chējià   coque  / châssis de voiture

03 零件    língjiàn  pièce détachée

04 拼成    pīnchéng  assembler, reconstituer

05 数目    shùmù   chiffre, montant

06 手续    shǒuxù  procédures, formalités / papiers

07 大梁    dàliáng  poutre centrale (du châssis)   俯身fǔshēn  se pencher

08 监狱    jiānyù  prison

09       liào   déposer / abandonner

10 汽修店  qìxiūdiàn  garage (=汽车修理厂洗浴城xǐyùchéng  bains-douches

     夹道       jiādào  ici : border une rue

11 健在    jiànzài  être encore vivant

12桑拿   sāngná  sauna       休闲 xiūxián  décontraction, repos   棋牌 qípái  échecs, cartes… jeux

     客房       kèfáng  chambre d’hôte    芬兰 Fēnlán  Finlande

13 保安    bǎo'ān      gardien, personnel de sécurité  guǒ  être enveloppé dans

14 迎客松     yíngkèsōng  peinture ou image traditionnelle représentant un pin dans un paysage de montagne placée dans l’entrée d’une maison ou d’un lieu public pour « accueillir les visiteurs »

Note : l’expression vient de l’impression faite par ces pins solitaires se dressant de pans de rochers escarpés et semblant tendre leurs branches pour accueillir les voyageurs. Le modèle initial est un pin du Huangshan (黄山松.

15身份证   shēnfènzhèng  carte d’identité         驾照jiàzhào  permis de conduire 

16证件     zhèngjiàn   papier d’identité

 

 

« Yinkesong » traditionnel

17 行驶证  hángshǐzhèng  carte grise                 发动机号fādòngjī hào  numéro d’immatriculation

18 天衣无缝 tiānyīwúfèng  sans défaut, irréprochable  tián  remplir (formulaire…)

19 自动化  zìdònghuà   automatiser / transformer en automate

20 藐视    miǎoshì  considérer, traiter avec mépris

21 排比    páibǐ  parallélisme (procédé littéraire qui consiste à coupler des mots ou des phrases dans des relations oppositionnelles ou complémentaires, c’est ici évidemment ironique)

22 识趣    shíqù  plein de tact

23 期许    qīxǔ   attente, espérance

24 包围    bāowéi   ici : être fermé par

25 遗落    yíluò  égarer, perdre         登记台dēngjìtái  comptoir d’enregistrement

26 妖精    yāojing  démon, mauvais esprit / séductrice, femme ensorceleuse

27 珊珊           Shānshān : prénom

28 特殊服务 tèshū fúwù  service spécial

29 透猫眼  tòu māoyǎn  regarder par le judas   kuī  épier, observer à la dérobée  姿色zīsè  joli minois

30 回绝    huíjué  refuser, décliner

31 撵走    niǎnzǒu  chasser

32       dǔ  parier, jouer   天意tiānyì  la volonté divine, du ciel

          

Comme l’air est de plus en plus mauvais, j’ai besoin de prendre le large. Au volant de mon break, qui remonte à l’année 1988, j’ai pris la nationale 318 dans une nuit dont je ne pourrais pas dire si sa couleur était due à un épais brouillard ou à la pollution. Ce break est beige, mais toutes les filles disent, mais non, il est crème. En 1998, il était bon pour la casse, au prix de la ferraille, mais, contre toute attente, un de mes amis, un sauveur des années 88, l’a complètement retapé. Quand nous avons vu la voiture sur le bord de la route, tous les deux, elle n’avait plus que la coque et le châssis ; mon ami m’a dit qu’il avait dans son atelier une voiture du même genre qui avait été accidentée et sur laquelle on pouvait récupérer pas mal de pièces ; il suffisait de les acheter et il pourrait fabriquer avec une voiture qui marche, pour pas cher ... et il étendit les cinq doigts de la main pour m’indiquer le chiffre. Je lui demandai alors comment faire pour les papiers ; mon ami répondit qu’on pouvait reprendre ceux de la voiture accidentée. Mais, lui dis-je, et le propriétaire, il va être d’accord ? Mon ami répondit qu’il était mort. Mais, ajoutai-je, et les parents, qu’est-ce qu’ils vont dire ? Ils sont tous morts dans la voiture, dit mon ami. Alors ça va, dis-je, la morale est sauve.

          

Mon ami m’a dit, maintenant qu’ils sont tous morts, tu vas permettre à ce break de vivre une nouvelle vie. Pour cela, tu dois lui donner un nom. Je lui demandai de quelle année il était.

Il se pencha, regarda un bon moment ce qui restait du châssis et me dit : 1988.

Alors il va s’appeler 1988.

Cet ami, je vais maintenant l’accueillir à sa sortie de prison, je vais pouvoir lui dire qu’il est un fameux mécanicien, 1988 ne m’a jamais laissé en plan sur la route.

          

Il nous a fallu faire plus de trois heures de route sur la nationale, 1988 et moi, pour trouver enfin de l’air pur. Nous sommes passés dans une petite localité au moment où le jour commençait tout juste à poindre. La bourgade s’étendait des deux côtés de la route, longée de stations service noires et de bains douches brillamment colorés. Apparemment, tous les commerces autour de la nationale étaient destinés aux conducteurs de camions qui passaient par là. Je remarquai tout particulièrement l’un des établissements de ce triangle d’or, non seulement parce que c’était le seul dont les néons étaient encore allumés, mais aussi parce qu’il arborait une enseigne sur laquelle brillaient les cinq mots suivants : « sauna » « détente » « jeux » « chambres » « finlandais ».

          

Je garai 1988 dans l’endroit le plus éclairé par les néons, poussai la porte et entrai. Enroulé dans un grand manteau militaire, me tournant le dos, un garde était endormi sur un sofa, sous un de ces tableaux de paysage que l’on voit souvent dans les halls d’entrée, mais il n’y avait personne à l’accueil. J’appelai, et le garde sortit lentement une main qui souleva le manteau ; quand il la rabaissa, il y avait déjà une employée pratiquement assise à l’accueil. Elle était arrivée en se repeignant, comme une somnambule. Légèrement confus, je lui demandai : dites-moi, sur l’enseigne dehors, qu’est-ce que signifie « finlandais » ? 

          

Elle me répondit avec la plus parfaite indifférence : votre carte d’identité.

Je ne l’ai pas prise, lui dis-je.

Elle eut alors l’ébauche d’une lueur dans le regard et me dit : vous avez bien votre permis de conduire ?

Non, lui dis-je, je ne vais rester que la journée.

Ce n’est pas possible, dit-elle, on est reliés au poste de police, il me faut absolument un papier

d’identité. Qu’est-ce que vous avez ?

Je fouillai dans toutes mes poches, et trouvai seulement les papiers de la voiture. Je lui demandai sans beaucoup d’assurance : les papiers de la voiture, ça va ?

Contre toute attente, elle accepta sans détour.

          

Craignant qu’elle ne change d’avis, je me hâtai de lui fourrer dans la main les papiers de 1988. A ma grande surprise, elle inscrivit sans l’ombre d’une hésitation le numéro d’immatriculation du break là où devait figurer le numéro de la carte d’identité, puis elle fouilla un bon bout de temps dans un tiroir avant de me donner une clef accrochée à une plaque de bois. Me montrant la direction sur la gauche, elle me dit d’une voix terrne : l’escalier est par là.

          

Regardant dans la direction qu’elle avait indiquée, je revis le garde qui dormait sous le tableau. Il n’avait pas bougé d’un poil pendant tout le temps qu’avaient duré les formalités ; ce n’est que lorsque

l’employée ferma le tiroir qu’il fit un geste pour repousser son manteau. Super automatisé, pensai-je en moi-même. Soudain, l’employée me dit : finlandais, ça veut dire bains finlandais.

J’éclatai de rire et lui dit en plaisantant : comme ça, je comprends mieux, mais pourquoi n’avez-vous pas ajouté le mot bains ?

Elle me dit d’un air méprisant : on n’a mis que des noms uniques, si on ajoutait bains, ça gâcherait la vue d’ensemble.

J’aurais bien continué à poser des questions, mais, voyant que le type sur le sofa s’agitait, elle me dit avec tact : il faut qu’on arrête de parler. Montez dans votre chambre.

          

J’ouvris la porte, jetai un coup d’œil, et, peut-être parce que je m’étais attendu au pire, trouvai que la chambre n’était pas si mal ; le seul défaut était que la fenêtre était toute petite, et que, parce qu’on était au premier étage, elle était munie de six barreaux de fer. A ce moment-là, le jour allait percer et je vis que, dehors, il y avait un arbre immense. Je me suis étendu sur le lit, mais, alors que j’allais m’endormir, quelqu’un frappa soudain à la porte. Inconsciemment, je tâtai mes poches, pensant avoir pu perdre quelque chose lorsque j’étais à l’accueil, mais, à part la clef de 1988 que j’avais posée sur la table, tout le reste était en ordre. Je demandai en direction de la porte : qui est là ? C’est une voix de femme qui répondit, disant monsieur, s’il vous plaît, ouvrez-moi, laissez-moi entrer, je vais vous expliquer.

          

A cette heure-ci, pensai-je, c’est quelque ensorceleuse, alors je m’approchai près de la porte et demandai : qui êtes-vous, et que voulez-vous ?

La voix de femme répliqua : monsieur, je m’appelle Shanshan, laissez-moi entrer et je vous explique tout.

Je réalisai brusquement : c’était le service spécial. Je décidai de jeter un coup d’œil par le judas, pour voir d’abord si la fille était jolie. Mais, dans cet hôtel, les portes n’avaient pas de judas. Dans ces conditions, il fallait que j’ouvre la porte pour voir à quoi ressemblait cette Shanshan. Je suis quelqu’un de très correct, dans les nombreuses villes où je suis passé, chaque fois qu’on m’a proposé ce genre de service dans les hôtels,  j’ai toujours au préalable jeté un coup d’œil par le judas et refusé, sauf deux fois, parce que les filles étaient jolies. Je pense que, une fois que j’ai ouvert ma porte, même si c’est un monstre qui se présente, je suis obligé de faire avec, parce que, après m’être trouvé face à face avec elle, comment pourrais-je affronter son visage désespéré si je la renvoyais ? En ce début de voyage, je m’en remis donc au ciel, en espérant que la fille derrière la porte était le genre qui me plaît. Alors j’ai ouvert la porte.

          

珊珊长的非常普通,但我已经不好意思驱逐她1。处于礼节2,我也必须上了她。我问她,你叫什么名字。刚问完我就发现了自己的心不在焉3。马上补了一句,我说的是真名,不是艺名,你叫什么真名。

珊珊说,我姓田,叫田芳4

我说,恩,那我还是叫你珊珊吧。

珊珊在房间里走了一圈,观上窗帘5,坐在床沿,说道,先生,你知道我们这里服务的项目6么?

我说,你说。

珊珊玩弄着自己新做的指甲,说,我们这里半套一百,全套两百7

我没有什么兴致,问道,你这里有四分之一套么?

她回过头来,怔怔的8望着我,说,先生,您不是开玩笑吧。

在全套之后,她利索的9穿上了衣服。我问她,你怎么能这么快的知道我入住了。

珊珊说,因为我一直没有睡觉,你知道,我们这里大概有三十多个技师10,但是这里都是卡车司机住的,大家全部都是路过,谁也没有固定的客人,要等妈咪排钟的话11,也许要等到两天以后了,所以我特别认真,姐妹们都睡觉了我还伏在门口,我听到有人回房间了我就上来敲门。大半夜的,一般客人也不会换来换去的。我的点钟特别少,因为有些人,特别是广东人,他们特别选号码,8号和18号就点的很多12,我的号码不好,要靠自己。你以后要是过来,直接点我的号码就行了。

我说,当局机构有你这么敬业就好了13。你是几号。

她说,我是38号。

我说,恩那我还是叫你珊珊吧。珊珊,你为什么不换一个号码呢?

珊珊把自己胸前的号码扶了扶,说,我们这里从1号到40 号是上门的1440号以后都是正规捏脚的15,我和妈咪的关系没有搞好,我就没轮上好号码。

我有些困意,打算聊最后几句。我早就不是劝妓女从良的纯洁少男16,但我必须得劝她注意身体,不要变成工作狂,我说,珊珊,我要睡了,你工作也不要这么拼命,你看现在……

我拉开了外面的窗帘,阳光抹在了墙壁上,我这才发现这个酒店如此斑驳17。随即我关上了窗帘,说道,你看现在,大早上的,你太勤奋了18

她说,我知道了,先生,你要包夜么?

我迟疑了一下,一看从窗帘外面透出来的阳光,心想这还算什么包夜,这都是包日了。我礼貌的问道,包夜都能敢什么啊。

珊珊回答到:包日。

我笑了笑,说,算了珊珊,下次我再点你吧,你快回去吧。

珊珊说,包夜只要再加五十,你醒了以后随便你做什么都可以。

我有些不耐烦,因为我害怕困意消失,而此刻的阳光正开始刺眼,它从树缝中穿出正好投射我的脸上,我站起身,企图将窗帘拉上,但是这个窗帘不管怎么拉都有一个缺口,我想如果这个缺口一直存在,我将心中难受,一夜无眠。我用了很多方式,发现始终没有办法将窗帘拉严实。我搬来一个椅子,打算站上去从最上面开始拉起。

珊珊此时又问一句,先生,你包夜么。

我有点心烦,说,我给你五十,你就给我站在这个缝前面给我遮光19

珊珊二话不说,站到了椅子上,顿时房间里暗了下来。我心中虽有感动,但更多鄙视20,想这婊子21真是为了钱什么都做的出来。我也不知道说什么好,躺在床上拉上被子就打算睡觉。虽然我背对着窗,但我始终觉得奇怪,有个女的上吊似的站在椅子上,还不如让阳光进来。我未看珊珊一眼,说道,珊珊,钱是赚不完的,你早点回你自己那里休息吧,你年纪还小,不能满脑子只想着多赚一点是一点,你要这么多钱干什么呢,你……

窗户那边说道,因为我有了不知道谁的孩子,我要生下来。

          

我缓缓的转过头去,珊珊依高高的然站在原地22,伸出手拉着窗帘,最顶上无法严合的那个部分透出最后一丝光芒23,正好勾勒了她一个金边24。随着窗帘微微的颤动25,她的光芒忽暗忽亮。我看了半晌26,说道,来,圣母玛利亚,你赶紧下来吧,睡床上。

          

01 驱逐    qūzhú   chasser, expulser

02处于礼节 chǔyúlǐjié   par courtoisie

03 心不在焉 xīnbúzàiyān  être distrait, avoir l’esprit ailleurs

04 田芳    Tián Fāng  litt. l’arôme, le parfum des champs – mais fāng a un double sens : parfumé, aromatique + vertueux, qui jouit d’une bonne réputation – d’où la réserve (ironique) exprimée ensuite.

05 窗帘    chuānglián  rideau, tenture

06 项目    xiàngmù   article, point ou rubrique (d’un programme, ordre du jour…)

07 半套/全套   bàntào/quántào   la moitié / la totalité du programme, du ‘service’

08 怔怔    zhèngzhèng   le regard vide, sans expression

09 利索    lìsuo  leste, alerte, preste

10 技师    jìshī  technicien(ne)

11 等妈咪排钟的话  děng māmī páizhōngdehuà   (fam.) attendre sans fin, jusqu’au déluge

(妈咪māmī transl. de mommy/mamie, 排钟páizhōng carillon)

12 8号和18les chambres 8 et 18 : ce sont des chiffres porte-bonheur (le 8 se prononce  bā, presque comme fā, au sens de  发财fācái s’enrichir – et donc 18, même chose, dix fois plus) – en revanche 3 sān est de mauvais augure car il évoque la séparation sàn, donc 38 sānbā l’est aussi, évoquant la perte de sa fortune.

13 当局    dāngjú  autorités (municipales, gouvernementales…)

     机构       jīgòu    mécanisme, structures (de fonctionnement)

     敬业                 jìngyè  être appliqué, assidu dans son travail

14 上门    shàngmén  (service) porte à porte, livraison à domicile

15 正规捏脚 zhèngguī niējiǎo  service ‘régulier ‘ de massage des pieds

16 妓女     jìnǚ           prostituée  从良cóngliáng  se marier et commencer une nouvelle vie 

17 斑驳    bānbó   bigarré, chamarré

18 勤奋    qínfèn  diligent

19 遮光    zhēguāng   empêcher la lumière de passer   (zhē  bloquer, obstruer)

20 鄙视    bǐshì  mépriser

21 婊子    biǎozi  pute

22 依然    yīrán  toujours, encore

23 一丝光芒 yìsī guāngmáng  un mince filet de lumière

24 勾勒    gōulè  dessiner, esquisser        金边jīnbiān  contour doré, auréole

25 颤动    chàndòng  trembler, vibrer

26 半晌    bànshǎng  un long, un bon moment.

          

Shanshan était tout ce qu’il a de plus ordinaire, mais, maintenant, j’aurais difficilement pu la renvoyer. Par courtoisie, il me fallait l’accepter. Je lui demandai comment elle s’appelait, mais, aussitôt après avoir terminé ma question, réalisai que j’étais un peu tête en l’air, je précisai donc : je veux dire quel est ton vrai nom, pas ton pseudonyme.

Mon nom de famille est Tian, dit Shanshan, je m’appelle Tian Fang (voir voc 4).

Heu, d’accord, lui dis-je, alors je t’appellerai Shanshan.

Elle fit le tour de la chambre, regarda les rideaux, s’assit au bord du lit et me dit : monsieur, est-ce que vous connaissez les détails du service que nous offrons ici ?

Dis–le moi, lui dis-je.

Jouant de ses ongles juste laqués, elle annonça : pour la moitié du service, c’est cent, pour le programme complet, deux cents.

Comme je n’en avais aucune envie, je lui demandai : et vous n’auriez pas un programme d’un quart ?

Elle tourna vers moi un regard inexpressif et me dit : monsieur, ne plaisantez pas.

          

Après avoir terminé le programme complet, elle se rhabilla prestement. Je lui demandai comment elle pouvait savoir aussi vite que quelqu’un venait de prendre une chambre. Elle me répondit que c’était tout simplement parce qu’elle ne dormait pas. Vous savez, me dit-elle, on est probablement plus de trente praticiennes dans l’hôtel, mais il n’y a que des conducteurs de camions qui descendent ici, tous sont de passage, alors personne n’a de client attitré, et, s’il fallait attendre son tour, cela pourrait durer deux jours, alors je suis particulièrement active, pendant que les autres dorment, moi je guette à la porte, et, dès que j’ai entendu que quelqu’un entrer dans une chambre, je monte frapper… Je n’ai pas beaucoup de passes régulières, parce que les gens, et en particulier ceux du Guangdong, choisissent les numéros des chambres, le 8 et le 18 sont les plus demandés, et, comme mon numéro n’est pas bon, alors il faut que je me débrouille. Si vous revenez, demandez mon numéro, c’est le mieux.

Ce serait bien, dis-je, si les fonctionnaires travaillaient comme toi. Quel est ton numéro ?

Le 38, dit-elle.

          

Euh, dis-je, je te demanderai, plutôt. Mais, Shanshan, pourquoi ne changes-tu pas ?

Jouant avec le numéro qu’elle portait accroché sur la poitrine, elle expliqua : ici, les chambres un à quarante sont pour le service à domicile, après quarante, c’est le service régulier de massage des pieds. Je ne suis pas en très bons termes avec la patronne, alors j’ai écopé d’un mauvais numéro.

          

J’étais un peu fatigué de tout cela et voulais clore la discussion. Je n’étais pas du genre jeune homme pur qui conseille aux prostituées de se marier et de changer de vie, mais je me sentis obligé de lui conseiller de veiller à sa santé, et de ne pas faire du stakhanovisme ; Shanshan, lui dis-je, il faut que tu dormes, tu ne peux pas te tuer au travail comme ça, regarde, à cette heure… J’ouvris le rideau, le soleil inonda le mur, c’est seulement alors que je remarquai qu’il y avait des tâches partout, je refermai aussitôt et dis : tu vois, c’est le matin, ne fais pas tant de zèle.

          

Je sais, dit-elle, puis ajouta : monsieur, vous voulez me contracter pour la nuit ?

J’eus un instant d’hésitation : voyant le soleil filtrer à travers les rideaux, je pensai en moi-même que ce n’était pas un contrat de nuit, mais un contrat de jour qu’il fallait. Je lui demandai donc poliment ce

qu’elle voulait dire.

Shanshan me répondit : me prendre pour la journée.

Je luis dis en riant, Shanshan, ça va bien, je te ferai signe la prochaine fois, mais maintenant va vite te coucher.

Pour la nuit, dit-elle, il suffit que vous me donniez cinquante de plus, à votre réveil vous pourrez me demander ce que vous voulez.

          

Je commençais à perdre patience parce que j’avais peur de ne plus arriver à m’endormir ; juste à ce moment-là, dardant ses rayons à travers les espaces libres entre les feuilles de l’arbre,  le soleil vint me frapper en plein visage et m’aveugler ; je me levai pour tenter de fermer le rideau, mais j’eus beau le tirer de mon mieux, il restait toujours une fente ; impossible de dormir dans ces conditions, pensai-je. J’ai essayé diverses méthodes, mais rien n’y fit, le rideau ne fermait pas complètement. Alors j’ai pris une chaise, pensant résoudre le problème en montant dessus pour tirer le rideau du haut.

          

Juste à ce moment-là, Shanshan est revenue à la charge : monsieur, payez-moi pour la nuit.

Légèrement énervé, je lui dis : d’accord, je te donne cinquante yuans, tu vas te mettre là et me tenir le rideau fermé pour empêcher le soleil de passer.

Shanshan ne broncha pas, monta debout sur la chaise et l’obscurité se fit dans la chambre. Elle me faisait un peu pitié, mais je ressentais surtout du mépris pour elle, en pensant que cette pute était capable de faire n’importe quoi pour de l’argent. Mais, comme je ne savais pas ce que je pouvais faire de mieux, je m’étendis, tirai la couverture et tentai de dormir. J’avais beau tourner le dos à la fenêtre, cependant, je n’arrivais pas à me défaire du sentiment qu’il y avait cette femme, là, sur la chaise, comme une pendue, et je préférais encore avoir le soleil dans l’œil. Sans la regarder, je lui dis, Shanshan, il n’y a pas que l’argent sur terre, il faut aussi que tu te reposes un peu, tu es encore jeune, tu ne peux pas penser seulement à gagner de l’argent, et encore de l’argent, qu’est-ce que tu veux faire de tout ça, tu…

De la fenêtre vint la réponse : c’est que j’ai eu un enfant de je ne sais qui, j’ai besoin de gagner ma vie.

          

Je tournai lentement la tête vers elle, toujours juchée sur la chaise, dans la même position, le bras tendu pour retenir le rideau, sans parvenir cependant à empêcher de filtrer un mince filet de lumière qui l’auréolait d’un nimbe doré, frêle halo dont l’éclat s’éclaircissait ou s’assombrissait au gré des légers tremblements du rideau.

Je la regardai ainsi un long moment, et lui dis : allez, Vierge Marie, dépêche-toi de descendre et viens te coucher.

         

         

Note : Selon l’agence littéraire Peony de Hong Kong, les droits de la nouvelle auraient été achetés par la maison d’édition américaine Simon & Schuster qui annonce également la publication, à l’automne 2012, de la traduction d’essais et textes du blog de l’écrivain déjà publiés à Taiwan sous le titre « Youth »

(《青春》).
         

         

         

 

 

 

 

     

 

 

 

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