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Chen Ruoxi
陳若曦
Présentation
par
Brigitte Duzan, 16 mars 2017
Dans les
années 1960 à Taiwan, Chen Ruoxi
a fait partie du groupe d’étudiants qui, autour de
la revue Littérature moderne (Xiandai
wenxue《現代文學》),
ont lancé le mouvement de littérature moderniste. Si
elle est surtout connue pour les nouvelles qu’elle a
écrites sur son expérience personnelle de la
Révolution culturelle, qui ont été amplement
traduites, il ne faudrait pas pour autant la réduire
à une image d’écrivain « politique » dont elle s’est
elle-même défendue.
Comme l’a
souligné Michael S. Duke
,
elle est un auteur chinois aujourd’hui d’autant plus
important qu’elle a une position unique en tant que
triple témoin ayant vécu à la fois le passage de
Taiwan dans le giron du Guomingdang à la fin des
années 1940 et au début des années 1950, la première
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Chen Ruoxi |
moitié de la
Révolution culturelle, à Pékin puis Nankin, de 1966 à 1973,
et enfin, ballotée entre Hong Kong, le Canada, les
Etats-Unis et Taiwan, témoin des expériences souvent
traumatisantes des intellectuels chinois dans les mêmes
circonstances.
Une vie entre Taiwan, la Chine populaire et les Etats-Unis
De son vrai nom Chen Xiumei (陳秀美),
Chen Ruoxi est née en 1938 dans les faubourgs alors encore
ruraux de Taipei, pendant la période de l’occupation japonaise.
De famille très modeste - son père était menuisier et sa mère
venait d’une famille de paysans – Chen Ruoxi s’est fait
remarquer très jeune pour ses dons littéraires et, en 1957, est
entrée dans le Département des langues étrangères de
l’université de Taiwan. C’est alors qu’elle a commencé à écrire.
Xiandaiwenxue n° 1
Jeune mariée au début des années 1960 |
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En mars 1960, avec d’autres étudiants du même
Département des langues étrangères, elle participe à
la création de la revue Littérature moderne (《現代文學》)
dont
Bai Xianyong (白先勇)
devient le rédacteur en chef et dont le programme
initial vise à introduire à Taiwan des œuvres
représentatives de la littérature mondiale moderne,
en présentant les auteurs, leurs idées et les
différents courants artistiques. C’est la ligne
éditoriale initiale propre à la première équipe
éditoriale dont les membres vont passer le relais en
décembre 1962 pour aller, pour la majeure partie
d’entre eux, étudier aux Etats-Unis.
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Trois écrivains commémorant les
débuts de Xiandai Wenxue,
de g. à dr. Li Ang 李昂, Chen Ruoxi 陳若曦
et Pai Xian-yong 白先勇 |
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C’est le cas de Chen Ruoxi. En 1962, elle part en
effet continuer ses études d’anglais aux
Etats-Unis où elle participe au programme du
Writers’ Workshop de l’université de l’Iowa, suit un
cursus au Mount Holyoke College et décroche un MA de
littérature américaine moderne à l’Université John
Hopkins à Baltimore.
Pendant toutes ses années, elle ne cesse de publier,
en |
anglais comme en chinois. En même temps, elle rencontre là
son mari, Duan Shiyao (Tuan Shih-yao
段世尧),
taïwanais également, qui faisait des études d’ingénierie
civile à l’université John Hopkins.
Tous deux partent en 1966 à Pékin en postulant pour
des postes d’enseignement, dans leurs domaines
respectifs. Ils se sont vite retrouvés dans la
tourmente de la Révolution culturelle. En 1969, ils
sont transférés à Nankin, lui comme professeur à
l’Institut d’ingénierie hydraulique de l’Université
de technologie Huadong (华东理工大学)
et Chen Ruoxi comme professeur d’anglais à
l’université Hohai (河海大学),
un institut d’études sur les ressources en eau
.
Ils réussissent en 1973 à partir à Hong Kong avec
leurs deux enfants, et de là au Canada en 1974, pour
finalement revenir aux Etats-Unis en 1979. Chen
Ruoxi a alors poursuivi sa carrière au département
d’études chinoises de l’Université de Californie à
Berkeley, en publiant des nouvelles et des essais,
en chinois et en anglais.
Elle a obtenu la nationalité américaine en 1988,
mais, en |
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Chen Ruoxi à la fin des années 1970 |
1994, elle a démissionné de son poste à Berkelety et, en
1995, est revenue, seule, vivre à Taipei. En 1996, elle a
été nommée professeur de chinois à l’Université nationale
centrale (國立中央大學)
ainsi qu’à la Faculté de médecine Tz’u Chi (慈濟大學).
Ecrivain moderniste
La célébrité en 1979
Le préfet Yin, reed. 2003 |
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C’est en 1957, tout juste âgée de dix-neuf ans, que
Chen Ruoxi a publié sa première nouvelle,
« Week-end » (《週末》),
dans la revue Littérature (《文學》雜誌),
à Taipei. Neuf ans plus tard, au moment de son
départ en Chine populaire, elle avait publié treize
nouvelles en chinois, plus un essai sur
Zhang Ailing,
et, en anglais, un recueil d’autres nouvelles
ainsi qu’un article de fond sur la situation, à
l’époque, de la littérature taïwanaise. Elle avait
aussi publié une traduction en chinois du cinquième
roman de Françoise Sagan, « Les merveilleux
nuages ».
Elle n’a rien publié tant qu’elle était en Chine
populaire, mais, dès son arrivée à Hong Kong, elle a
publié la nouvelle « Le préfet Yin » (Yin
Xianzhang《尹縣長》)
dans le supplément mensuel du Mingpao. La nouvelle a
ensuite été publiée en août 1978 dans un recueil
intitulé « Retour » (Gui《歸》)
sur son expérience en Chine pendant la Révolution
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culturelle, recueil ensuite traduit en anglais, puis en
français. Les deux nouvelles « Le préfet Yin » et « Service
de nuit » ont eu un tel retentissement à Taiwan qu’elles ont
été publiées dans le journal du Guomingdang
Zhongyang Ribao
(《中央日報》).
Ce sont des textes qui sont souvent considérés comme
relevant dela
« littérature
des cicatrices » (伤痕文学),
mais avec la particularité de ne pas avoir été
écrits par des auteurs de Chine continentale. Ils
sont assez rares dans les années 1970, mais on peut
aussi citerla publication dès 1972 à New York, mais
en anglais, de la nouvelle « The Revenge of Heaven »
de Gen Ling qui avait aussi fait l’expérience
directe de la Révolution culturelle, et à Hong Kong
en 1974 d’un recueil de poèmes et récits d’anciens
Gardes rouges.
Ce qui distingue Chen Ruoxi, c’est que ses récits
ont non seulement une touche d’authenticité, mais
qu’ils sont en outre écrits dans un style distinctif
et un sens affiné et distancié du tragique, qui ont
fait sa renommée partout où ils ont été traduits,
au-delà de la simple critique politique qui |
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Retour |
lui a tout de suite conféré une importance de premier plan à
Hong Kong et Taiwan.
Lors de la publication du recueil du « Préfet Yin »
à Hong Kong, Chen Ruoxi travaillait dans une banque
à Vancouver, elle n’avait rien publié depuis son
arrivée au Canada, et elle fut surprise du succès
soudain que ses nouvelles rencontrèrent. Elle s’est
défendue par la suite de l’aura d’écrivain
« politique » qu’elle acquit ainsi malgré elle, et
qu’elle considérait comme un fardeau. Même Pierre
Ryckmans (Simon Leys), dans sa préface à sa
traduction des nouvelles, la décrit comme une jeune
idéaliste déçue par la propagande communiste et la
réalité de la vie en Chine sous Mao.
Les écrits
de Chen Ruoxi ont été ensuite, en majeure partie,
des nouvelles et romans en chinois sur la vie des
Chinois d’outre-mer, pour la plupart publiés à
Taiwan et Hong Kong. Mais elle a aussi écrit de
nombreux essais et commentaires sur la littérature,
la politique et la société, et souvent en anglais,
quand elle était à Berkeley, pour les lecteurs non
chinois
.
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L’attrait du haut plateau
du Tibet-Qinghai, ed. 1989 |
Retour et publication en Chine populaire
L’erhu, 1987
Briser l’enfermement, 1983 |
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Elle est revenue en Chine continentale en 1985, 1986
et 1987, sur invitation du gouvernement chinois,
pour une série de conférences dans le cadre d’une
délégation d’écrivains taïwanais. Elle est également
allée en visite officielle au Tibet en 1985, 1987 et
1988, et a publié à son retour à Hong Kong deux
petits fascicules sur ses impressions de voyage,
« Un tour au Tibet » publié en 1988, et « L’attrait
du haut plateau du Tibet-Qinghai » (《青藏高原的誘惑》)
publié en novembre 1989.
Ses œuvres ont été publiées en Chine populaire à
partir de 1986, treize ans après son départ du pays,
son premier roman à être publié là étant « L’Erhu »
(《二胡》),
aux éditions Sanlian.
Aux Etats-Unis, elle a fondé en 1990 l’éphémère
journal The Square avec l’écrivain exilé
Kong Jiesheng (孔捷生)
en commémoration des événements de la place
Tian’anmen l’année précédente. Pourtant ses écrits
n’ont pas été interdits en Chine continentale où un
recueil de ses essais, « News from Beyond the
Wall », a été publié à Pékin en 1996.
A la fin des années 1980, elle s’est également
investie dans la défense des femmes chinoises dans
le monde, et s’est tout particulièrement intéressée
au statut culturel des femmes écrivains chinoises.
En 1988, elle a été élue présidente de l’Association
des femmes écrivains chinoises d’Outre-mer (海外华文女作家协会)
et a publié un recueil de nouvelles, « Chez la
fille » (《女儿的家》)
qui rappelle « A Room of One’s Own » de Virginia
Wolf et souligne le besoin d’autonomie et
d’indépendance des femmes.
Indépendance qu’elle n’a elle-même gagnée, dans la
vision |
de beaucoup de ses contemporain(e)s, qu’après être revenue à
Taiwan et avoir divorcé.
Son œuvre reste indissociable de sa vie, mais dans
une relation complexe qui est l’un des thèmes de son
second roman, « Briser l’enfermement » (《突圍》),
comme s’il s’agissait d’une vision en miroir se
reflétant à l’infini et ne cessant de réfléchir une
image diffractée. Son œuvre reflète sa vie en s’en
inspirant, mais en offrant une vision optimiste de
la réalité. Je me sens toujours optimiste, a-t-elle
dit souvent.
En 2011, elle a publié une version révisée et
complétée de ses mémoires, initialement publiées en
2008 et rééditées encore en 2016 : « Persévérer,
sans regrets : autobiographie de soixante-dix ans de
la vie de Chen Ruoxi » (《堅持.無悔:陳若曦七十自述》).
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Autobiographie |
Principales publications
Nouvelles sur la Révolution culturelle
Le préfet Yin〈尹縣長〉
Geng Er à Pékin〈耿爾在北京〉
Retour〈歸〉
L’anniversaire de Jingjing〈晶晶的生日〉
Service de nuit〈值夜〉
Les journalistes qui accompagnaient Nixon〈尼克森的記者團〉
Visite domiciliaire〈查戶口〉
Ren Xiulan〈任秀蘭〉
(ou L’évasion de Gracieuse Orchidée, selon la traduction de Mme
Reclus)
Ding Yun〈丁雲〉
Escalier n° 13〈十三號單元〉
Mon amie Ai Fen〈女友艾芬〉
Nouvelles et romans publiés à Hong Kong
1983 Briser l’enfermement
《突圍》
1983 A l’intérieur et à l’extérieur des murs
《城裡城外》
1987 L’erhu
《二胡》
1987 Les noces de papier
《紙婚》
1988 Vision lointaine
《遠見》
1989 La femme du Guizhou
《貴州女人》
Traductions en français
Le préfet Yin et autres histoires de la Révolution culturelle,
six nouvelles traduites par Simon Leys, Denoël 1980 (Le préfet
Yin, L’anniversaire de Jingjing, Service de nuit, Visite
domiciliaire, Les journalistes qui accompagnaient Nixon et Gen
Er à Pékin).
Les traductions en anglais sont trop nombreuses pour être
citées. Voir :
La littérature taïwanaise, état des
recherches et réception à l’étranger,
You Feng 2011, pp. 417-420.
Citons l’édition révisée du recueil de huit nouvelles sur la
Révolution culturelle initialement publiée en 1978 :
The Execution of Mayor Yin and Other Stories from the Great
Proletarian Revolution, tr. Nancy Ing et Howard Goldblatt, ed.
Howard Goldblatt, nouvelle introduction de Perry Link, Indiana
University Press 2004.
On peut lire en ligne, numérisées, sept des huit nouvelles que
comporte le recueil, soit (à l’exclusion de la cinquième, Ren
Xiulan) :
The Execution of Mayor Yin / Jingjing’s Birthday / Night Duty /
Residency Check / The Big Fish /Gen’er in Beijing / Nixon’s
Press Corps
https://books.google.fr/books?id=GAxseqLfw8IC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_
summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
Bibliographie
En anglais :
- Two writers and the Cultural Revolution: Lao She and Chen Jo-hsi,
Georges Kao, Hong Kong Chinese University Press (Renditions
books) 1980.
- Personae: Individual and Society in Three Novels by Chen Ruoxi,
by Michael S. Duke, in Modern Chinese Women Writers: Critical
Appraisals,
M. E. Sharpe 1989, chap. 4, pp. 53-77.
En chinois :
- Chen Ruoxi de shijie
(L’univers de Chen Ruoxi)
《陳若曦的世界》
de Zheng Yongxiao
鄭永孝
Shulinchubanshe,
Taipei 1985.
- Biographie dans le Projet d’histoire orale des auteurs chinois
contemporains de l’université Lingnan
中國當代作家口述歷史計劃
à télécharger :
http://commons.ln.edu.hk/oh_cca/4/
In : Modern Chinese Women Writers: Critical Appraisals,
p. 53.
(voir Bibliographie)
1981 Ethics and Rhetorics of the Chinese Cultural
Revolution (écrit avec le Prof. Lowell Dittmer)
1982 Democracy Wall and the Unofficial Journals
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