新世纪余华小说语言陌生化研究
——以《第七天》为例
Recherches sur la
« défamiliarisation » de la langue
dans la fiction du 21e
siècle de Yu Hua.
Exemples tirés du roman « Le
septième jour »
Par Zhang
Guochuan, 16 juin 2023
Note
introductive
(Brigitte Duzan)
Zhang
Guochuan a lu cet article du professeur Liu Mingyang (刘明阳),
de l’université des langues étrangères de Dalian, dans le
Liaoning, qui analyse une caractéristique de la langue de
Yu Hua
dans son œuvre récente ; elle en a extrait les exemples qu’il
donne de ce qu’il appelle « défamiliarisation » de la langue (语言陌生化)
dans
« Le septième jour ».
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Il s’agit
d’un concept d’une théorie littéraire du formalisme russe
(littéralement « étrangisation »
Остране́ние)
lancé par Victor Chklovski en 1917. Il part de l’idée d’une
automatisation du processus cognitif humain : une fois une
habitude formée, elle tend à devenir mécanique ; après avoir
« ressenti » quelque chose plusieurs fois, on tend à l’accepter
comme connaissance et non plus comme sentiment, mais sans
véritable connaissance en profondeur. C’est à ce concept qu’est
assimilé le langage dans la notion de « défamiliarisation » : la
langue perd sa couleur poétique, les mots sont comme les pièces
d’une machine usées par le temps ; privés de leur éclat
spirituel initial, ils deviennent une coquille conceptuelle
desséchée.
C’est pour
briser ce processus automatique qu’intervient la
défamiliarisation. Il s’agit de complexifier et « débanaliser »
la forme pour faire renaître le processus sensoriel considéré
comme but esthétique en soi et, en tant que tel, le prolonger
afin de lutter contre la banalisation de la perception du
quotidien. C’est donc une technique relevant de la rhétorique
qui vise à déstructurer la phrase en rupture avec la logique
habituelle et la grammaire conventionnelle, avec un effet in
fine rafraîchissant, voire dépaysant.
On peut dire
que c’est aussi ce qu’a recherché Marguerite Duras tout au long
de sa création romanesque, de même, entre autres, que Nathalie
Sarraute et les auteurs représentatifs du Nouveau Roman en
France.
La
pagination donnée est celle de l’édition de poche de la
traduction française.
Exemples
(1)建在高高的山顶,面朝大海,云雾缭绕,都是高山仰止景行行止的海景豪墓
。
Au sommet
d’une montagne, face à l’océan, au milieu des nuées, une
sépulture avec vue sur la mer dont le luxe est à la mesure de
leur éminente vertu. (p. 22)
(2)他说现在讲究有机食品,
他的是有机墓碑。
A l’en croire,
l’époque étant aux produits bio, sa stèle est dans l’air du
temps. (p. 22)
(3)一个包裹里面塞满干净的尿布,另一个包裹准备装上涂满我排泄物的尿布。
Le premier
était rempli de couches propres, et le second était destiné à
recevoir les couches souillées. (p. 81)
(4)她盯着我看,让我觉得她的目光似乎扎进了我的脸。
… les yeux
rivés sue moi, et ses regards étaient comme autant d’aiguilles
qui me perçaient le visage. (p. 101)
(5)我在他二十一岁的时候突然闯进他的生活,而且完全挤满他的生活,他本来应有的幸福一点也挤不进来。
Il avait vingt
et un ans quand j’avais fait irruption dans son existence, et je
l’avais remplie tout entière, si bien qu’il n’était plus resté
la moindre place pour le bonheur auquel il avait droit. (p. 106)
(6)我游荡在生与死的边境线上。雪是明亮的,雨是暗淡的,我似乎同时行走在早晨和晚上。
J’erre à la
lisière de la vie et de la mort. La neige est lumineuse et la
pluie sombre, j’ai l’impression de marcher en même temps dans
l’aube et dans le soir. (p. 75)
(7)落日的余晖照耀着一片草地,草地上错落有致凸显的几块石头上有着夕阳温暖的颜色。
Les dernières
lueurs du soleil couchant illuminaient la pelouse, et les
rochers qui la parsemaient avait pris les teintes chaudes du
couchant. (p. 209)
(8)我走遍这个城市的所有角落,眼睛里挤满老人们的身影,唯独没有父亲的脸庞。
J’avais
fouillé tous les recoins de la ville : j’apercevais des
silhouettes de vieillards partout, mais aucun d’eux n’avait le
visage de mon père. (p. 29)
(9)此前她沉溺在三个沉睡里。
Auparavant,
elle avait été plongée successivement dans trois sommeils
profonds. (p. 201)
(10)她脱下裤子以后,刚刚一使劲,我就脱颖而出,从厕所的圆洞滑了出去。
A la première
poussée, je pointai le bout de mon nez et je glissai par le trou
des toilettes. (p. 77)
(11)我依稀听到父亲的抱怨声,那么遥远,那么亲切,他的抱怨声在我耳边添砖加瓦,像远处的高楼那样层层叠叠,我不由微笑起来。
J’entends
vaguement les plaintes de mon père, si lointaines, si
familières. Elles s’empilent à mes oreilles comme ces rangées
d’immeubles au loin, et je ne peux m’empêcher de sourire. (P.
80)
(12)
鼠妹的哭声在二十七个婴儿夜莺般的歌声里跳跃出来,显得唐突和刺耳。
Le
jaillissement de ses pleurs au milieu du chant de rossignol des
vingt-sept bébés est brutal et strident. (p. 233)
(13)她的脸微微仰起,车上男人的目光在她脸上流连忘返。
Son visage
légèrement relevé aimantait les regards masculins. (p. 42)
(14)报纸上的文字黑压压地如同布满弹孔的墙壁堵住我的眼睛,
我艰难地读着这些千疮百孔般的文字,有写字突然不认识了。
Devant mes
yeux, le texte serré formait un écran noir semblable à un mur
criblé de balles. Je me suis efforcé non sans mal de lire ces
lignes suppliciées, et brusquement certains caractères me sont
devenus inconnus. (p. 37)
(15)我看着血在水中像鱼一样游动,慢慢扩散,水变得越来越红。
J’ai regardé
les filets de sang nager dans l’eau comme des poissons et se
disperser lentement, l’eau était de plus en plus rouge. (p. 71)
(16)疲惫的思维躺下休息了,身体仍然向前行走。
Ma pensée
épuisée s’est couchée pour se reposer, mais mon corps continue à
avancer. (p. 134)
(17)我的记忆轻松抵达山顶,记忆的视野豁然开阔了。
Ma mémoire
libérée est parvenue au sommet, un panorama immense s’ouvre
devant elle. (p. 136)
(18)我感到眼角出现了水珠,是雨水和雪花之外的水珠,我伸出右手擦掉这些水珠。
Je sens des
gouttes d’eau perler au coin de mes yeux. Ce ne sont ni des
gouttes de pluie ni des flocons de neige. Je les essuie de ma
main droite. (p. 69)
(19)我起身迎上去,挽住父亲空空荡荡的袖管,里面的骨骼似乎像一条绳索那样纤细。
Je me lève
pour aller à sa rencontre, j’attrape sa manche vide, l’os à
l’intérieur paraît aussi mince qu’une corde. (p. 252)
(20)我对他说,走过去吧,那里树叶会向你招手,石头会向你微笑,河水会向你问候。
- Vas donc
là-bas, là-bas les feuilles des arbres te feront signe, les
rochers te souriront, les eaux de la rivière te salueront. (p.
268)
(21)我父亲痛苦不堪,他就像是一条情感湿润的毛巾,我和这位姑娘抓住这条毛巾的两端使劲绞着,直到把里面的情感绞干为止。
Mon père
souffrait le martyre, il était comme une serviette imbibée que
nous tordions de toutes nos forces jusqu’à en extraire la
dernière goutte. (p. 88)
(22)欣喜的神色像一片树叶的影子那样出现在他的脸上……
欣喜的树叶影子在他脸上移走,哀伤的树叶影子移了过来。
Une expression
de joie passe sur son visage comme l’ombre d’une feuille
d’arbre… Sur son visage, l’ombre a changé, et la joie a fait
place à la douleur. (p. 259)
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