Hommage à Jacques Pimpaneau
jeudi 11
novembre 2021, au Trumilou
J’étais dans
mon village d’Auvergne quand j’ai appris la nouvelle du départ
de Jacques Pimpaneau. Ce jour-là, la première neige était tombée
et, le soir, la chambre était froide. Impossible de trouver le
sommeil. Alors j’ai pris mon smartphone et, comme quand on est
gosse et qu’on lit caché sous les draps à la lueur d’une lampe
de poche, je me suis mise à taper difficilement sur le petit
clavier, enfouie sous la couette ... alors voilà ce que j’ai
trouvé le lendemain au réveil ...
Au fait... Apchon, mon village,
est séparé du bois de Trumelou, sur les hauteurs d’Auzers, par
le bois du Marhilou et par le bourg de Trizac d’où venait
l’ancienne patronne du Trumilou, la Jeanne Rouby
.
Si seulement j’avais su plus tôt que Jacques était un habitué de
ce restaurant !!
Jacques
Pimpaneau nous a quittés avec l'idée qu'on se retrouve un jour
dans cet au-delà empreint de mystère, pour y faire la fête.
Étrange impression de le sentir effectuer une simple translation
entre chez Gustave --- le dernier café parisien dont il avait
fait son QG --- et un nouvel espace où je le vois déjà installé,
entouré et choyé ... comme un poisson dans l’eau.
Une génération
entière de sinologues --- comme on n'en fait plus --- est en
train de nous quitter. Ils emportent avec eux l'expérience d'une
Chine qui nous a fait rêver. Une Chine multiple, paradoxale, que
Pimpaneau nous a encouragés à arpenter --- chacun à notre façon
--- en nous imprégnant sans modération de la culture du pays. "Se
nourrir au contact des êtres croisés en chemin sans jamais
perdre de vue notre propre imaginaire --- celui même qui nous
aidera plus tard à tracer notre chemin". Voilà une devise
que j’ai faite mienne et que je lui attribue alors qu’il ne l’a
jamais prononcée !
Élèves de
Pimpaneau nous sommes partis en Asie. Peintres, marionnettistes,
enseignants, traducteurs, libraires, et j'en passe... nous
sommes revenus. Tous revenus avec le sentiment d'appartenir à
une même fratrie. Dans combien d'aventures parfois
rocambolesques, mais toujours captivantes, Jacques nous aura
entrainés ! Une chose est certaine : la confiance qu'il nous a
témoignée nous a donné des ailes. Les chemins de traverse qu'il
nous a fait prendre ont souvent été déterminants pour nos vies.
Les contes, les légendes, les airs d'opéra, les faits et gestes
de la Chine ancienne sont devenus à son contact les textes
fondateurs de nos existences.
Pas très
académique tout cela, voilà que la sinologie accouchait de
saltimbanques ! Des saltimbanques toujours prêts à restituer une
expérience organique de la Chine, pour qui le passage par les
entrailles de ce pays leur a parfois demandé de côtoyer la
présence de fantômes et d'esprits malicieux. Autant d’esprits et
de petits démons qui, me semble-t-il, ont toujours gardé sur
nous un œil bienveillant ... Comme il est de coutume dans les
montagnes du Hunan, auprès de Jacques nous avons appris à croire
dans les fantômes, autant, si ce n’est plus que dans les
divinités.
Cette nuit
résonne dans ma tête une mélopée qui n’a pas son pareil : celle
de la voix de Pimpaneau parlant chinois. Mais d’où tenait-il cet
accent dont il avait le secret ? Une chose est sûre, ce
« mandarin » revisité nous montrait à quel point il avait
embrassé la culture de ce pays sans se faire engloutir, fidèle à
la libre pensée qui l'animait et que nous aimons.
Pascale Wei-Guinot
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