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« Les lignes de navigation du sommeil » : nouvel intérêt pour la littérature taïwanaise ?

par Brigitte Duzan, 7 juin 2013

     

La littérature taïwanaise est restée jusqu’ici assez confidentielle en France, malgré les efforts déployés par Angel Pino et Isabelle Rabut, grâce, en particulier, à la collection nomade des « Lettres taïwanaises ». Sur fond d’interrogation identitaire et de débats polémiques sur l’histoire, le concept

n’a émergé à Taiwan même que dans les années 1980, mais nourrit aujourd’hui d’abondantes recherches.

     

En France, jusqu’à maintenant, les traductions et publications de littérature taïwanaise ont été en grande partie subventionnées, et en particulier, depuis Taiwan, par le Conseil national des Affaires culturelles ou par la Chiang Ching-kuo Foundation, elle-même supervisée par le ministère

de l’Education.

     

On assiste aujourd’hui à un nouvel intérêt pour cette littérature, qui prend en même temps une coloration différente. Les actes du colloque de 2004 sur l’état des recherches et la réception

à l’étranger de la littérature taïwanaise distinguaient, pour le cas français, trois raisons (autres que les subventions) de l’attention croissante portée par les éditeurs français à la littérature taïwanaise, dont deux semblent prévalentes près de dix ans plus tard : raisons politiques (contrepartie d’une certaine désaffection vis-à-vis de la Chine populaire) et recherche de nouveaux créneaux par les éditeurs. Il faut y ajouter l’intérêt des sinologues pour une littérature beaucoup plus riche qu’on ne le pense généralement.

     

C’est dans ce contexte que vient de paraître, aux éditions You Feng, une première traduction en français d’un roman de Wu Ming-yi (吳明益), « Les lignes de navigation du sommeil » (《睡眠的航線》), traduit par Gwennaël Gaffric, jeune doctorant de l’université Jean Moulin Lyon 3 (1).

     

Or les publications de Wu Ming-yi se placent dans un contexte nouveau pour la littérature taïwanaise. Depuis 2011, il est pris en charge par l’un des agents littéraires les plus dynamiques de Taiwan, Gray Tan, fondateur de l’agence Grayhawk, qui représente déjà nombre d’auteurs chinois à succès et en fait une promotion active auprès des grands éditeurs étrangers.

     

« Les lignes de navigation du sommeil » n’a été traduit

jusqu’ici qu’en français, mais il va être suivi d’une seconde traduction, par le même traducteur, du roman suivant de Wu Ming-yi : « L’homme aux yeux à facettes » (《複眼人》), paru

 

Les lignes de navigation du sommeil

à Taiwan en 2011. Ce second roman est également en cours de traduction en anglais et devrait paraître en septembre 2013, sous le titre « The Man With Compound Eyes », aux éditions Harvill Secker. En France, la nouvelle traduction est annoncée pour 2014 aux éditions Stock.

     

Wu Ming-yi fait l’objet d’une promotion grand public en tant qu’auteur de « fiction écologique », voire de « science-fiction environnementale », et « maître du surréel ». Au-delà de cet aspect publicitaire,

son œuvre n’est pas sans intérêt, et donne lieu à des recherches tant au niveau du fond que de la forme – et de la langue en particulier. Un recueil de nouvelles, également paru en 2011, pourrait se révéler tout aussi intéressant que ses deux romans, en traçant une galerie de portraits de gens du peuple de Taipei, tirés de l’expérience vécue de l’auteur.

     

La promotion de ses livres pourrait favoriser en retour un regain d’intérêt pour la littérature de Taiwan, replacée dans un contexte plus général de littérature sinophone.

     

     

Note

(1) Et plus précisément de l’IETT (Institut d’études transtextuelles et transculturelles), rattaché à la Faculté des Langues de l’université Jean Moulin.

     

     

    

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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