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Numéro spécial de
‘Perspectives chinoises/Perspectives nouvelles’ sur Gao Xingjian
par Brigitte Duzan, 11 juillet
2010
Le numéro du
deuxième trimestre 2010 de China Perspectives qui vient
de sortir (1) est un numéro spécial consacré à
Gao Xingjian,
avec pour thème « Gao Xingjian et le rôle de la
littérature chinoise aujourd’hui. »
L’écrivain a
fêté ses soixante dix ans en ce début d’année, et ce
numéro spécial est donc un hommage supplémentaire parmi
tous ceux qui lui ont été rendus depuis janvier :
hommage essentiellement à l’écrivain décoré, à la
surprise générale, du prix Nobel il y a dix ans,
événement qui n’a cessé d’alimenter la polémique depuis
lors, au point de faire presque oublier l’œuvre que ce
prix était censé récompenser.
Dans son
éditorial, Sebastian Veg revient sur les principaux
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aspects de ces
débats : le caractère ambigu des termes dans lesquels le prix a
été décerné, mettant
l’accent sur le caractère universel de
l’écrivain et de ses écrits, comme pour couper court aux
protestations des autorités chinoises ; et, par ailleurs, la
contestation de la valeur intrinsèque de ces écrits, définie par
le
professeur Kubin,
faisant écho à bien d’autres, comme une « plaisanterie ».
Il est donc intéressant
de lire des articles venant approfondir l’œuvre de cet auteur
au-delà des controverses. Le premier est de la plume de Noël
Dutrait, traducteur de l’écrivain et avocat indéfectible de sa
cause depuis maintenant une quinzaine d’années ; intitulé « sans
‘ismes’ », son article reprend et souligne l’une des
caractéristiques essentielles de l’écrivain, soulignées à
maintes reprises dans ses propres essais théoriques : son
absence de position idéologique, ou de parti pris politique, à
la base de ce qu’il appelle la « littérature froide » qu’il
revendique comme sienne.
Un second article, de
Quah Sy Ren, en revenant sur les pièces de théâtre
expérimentales des années 1980, et en particulier « L’autre
rive », analyse comment est représentée la réalité de la Chine
contemporaine dans ces œuvres.
Zhang Yinde livre
ensuite une brillante analyse des deux romans de Gao Xingjian,
« La montagne de
l’âme » et « Le livre d’un homme seul », mais
également de certaines de ses nouvelles, sous l’angle de « la
fiction et la mémoire interdite ». En fait, la fiction, dans ces
deux œuvres, dit-il, est un outil au service de l’écriture d’une
mémoire personnelle douloureuse, cette écriture apparaissant
comme une sorte d’exorcisme.
Sebastian Veg compare
ensuite Gao Xingjian avec un autre prix Nobel avec lequel il a
effectivement beaucoup d’affinités et de points communs : Oe
Kenzaburo. Le numéro spécial se termine ensuite sur un texte de
Gao Xingjian lui-même : « L’esthétique de la création »,
problématique qu’il analyse sous les trois aspects de la
fiction, du théâtre et du cinéma.
On referme le numéro,
après la lecture de ces brillants articles, en restant cependant
perplexe devant le choix du titre général, mettant en relation
étroite un écrivain proclamé « universel » et la littérature
chinoise qu’il est censé, justement, ne pas représenter.
(1) La version en
français va sortir sous peu.
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