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Vocabulaire des
pilleurs de tombes
par
Brigitte Duzan, 27 décembre 2015
Les autorités chinoises estiment à quelque cent mille le nombre
de pilleurs de tombes au large dans le pays, qui alimentent un
marché noir d’antiquités au grand dam des archéologues.
Un tel nombre a créé une sous-culture avec son vocabulaire
propre, que l’on retrouve dans les romans populaires dits
daomu xiaoshuo (盗墓小说),
les
romans de pilleurs de tombes.
Le principe de base est d’abord d’adopter un profil bas
en noyant sous des termes anodins des conduites
illicites et des objets dérobés. Un précieux rouleau,
calligraphie ou peinture, est un « papier » (纸儿
zhǐr),
des jades inestimables sont des « pierres » (石头
shítou).
Comme dans tout langage et dialecte populaire, les
expressions sont très souvent imagées et pleines
d’humour. Les pilleurs de tombes désignent leur activité
par le terme dǎodòu (倒斗),
c’est-à-dire « vider la louche », parce qu’un tertre
funéraire a la forme d’une louche à l’envers.
Quant aux
cadavres, ils peuvent être dans divers états de
décomposition. Ils sont généralement désignés du terme
zòngzi (粽子),
ces beignets de riz gluant farcis enveloppés – embaumés
- dans des feuilles de bambou. S’ils sont
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Un zòngzi |
totalement desséchés, et qu’il ne reste plus guère que les os,
on a des
gàn zòngzi
(干粽子) ;
mais, quel que soit l’état du squelette, s’ils portent des
parures de prix, ils deviennent alors des
ròu zòngzi (肉粽子),
des cadavres « bien en chair ».
Un gànzòngzi |
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Mais les plus
effrayants, et à évite à tout prix, sont les
dà zòngzi (大粽子),
les grands zongzi, grands tout simplement, sans
doute, parce qu’on est trop terrifié pour trouver un
autre mot - ce sont les cadavres revenus à la vie, ou
ceux qui ne sont pas vraiment morts, des jiāngshī
(僵尸)
en quête de sang… et de ce souffle de vie qui leur
manque tant :
yángqì (阳气).
Alors
mō dào dà zòngzi (摸到大粽子)
équivaut à rencontrer un zombie : tomber sur un os, en
quelque sorte… |
Le pilleur qui creuse une ouverture dans une tombe dit qu’il
« ouvre la coque de la montagne » fēn shānjiǎ (分山甲).
Et s’il fracasse l’entrée, il « déverrouille la porte du
tertre » jiě qiūmén (解丘门).
Parmi ses outils indispensables : la pelle de Luoyang
Luòyáng chǎn (洛阳铲).
Cylindre en forme de U, C’est un outil archéologique qui
permet de faire un trou étroit mais profond afin de
sonder la terre pour voir ce qu’elle recèle. Elle a été
inventée par un pilleur de tombes de Luoyang en 1923. Ça
s’achète en ligne, le manche est démontable pour pouvoir
la transporter plus facilement, et c’est made in China…
Très souvent, il est le descendant d’une famille de
pilleurs de tombe dont il a hérité des secrets :
shānshàng bānchái shānxià shāohuǒ
山上搬柴山下烧火
il a ramassé le bois dans la montagne et allumé un feu
au pied. |
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La pelle de Luoyang |
Et ce qui lui a été transmis, en particulier, c’est le mantra du
bon petit pilleur de tombes, qui se décline en quatre
caractères : wàng wén wèn qiè
望闻问切
soit : observer, sentir, demander, aller droit au but.
- wàng
望 :
les tombes étant toujours situées dans des endroits auspicieux,
déterminés par un maître de fengshui, il s’agit de
déterminer de la même manière des localisations probables de
tombes, en examinant les propriétés du terrain ;
- wén
闻 :
utiliser son odorat pour déceler en surface la senteur
particulière d’une tombe, et ses caractéristiques, en
particulier si elle a déjà été pillée ; les meilleurs de la
profession sont capables ainsi, dit-on, de savoir tout de suite
s’ils ont affaire à une tombe Han ou Tang…
- wèn
问 :
il est utile d’interroger les gens, surtout les personnes âgées,
qui peuvent détenir des informations sur l’existence de tombes
dans leur proximité, et surtout si elles valent la peine d’être
pillées ;
- qiè
切 :
et enfin, art suprême, quand on a trouvé une tombe, il s’agit de
trouver le chemin le plus court pour accéder à la chambre
funéraire et à ses trésors, puis, une fois le cercueil ouvert,
déterminer au coup d’œil les objets les plus intéressants, tout
en décelant ceux cachés dans les orifices du corps (des pièces
de jade dans la bouche des femmes, par exemple).
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