| 
                 
                  
                
                   | 
                
				 
				La librairie Le Phénix 
				: la culture chinoise au cœur de Paris, passionnément… 
				
				
				Rencontre avec son 
				gérant, Philippe Meyer 
				
				par Brigitte Duzan, 15 janvier 2011, actualisé 10 
				février 2015  
				                
				
					
						| 
						 
						
						   | 
						  | 
						
						 
						La librairie Le 
						Phénix est l’acteur incontournable sous nos cieux de la 
						vie littéraire et culturelle chinoise, dont l’action a 
						tendance aujourd’hui à déborder les limites étroites
						de la
						  | 
					 
				 
				
				région parisienne, en 
				particulier grâce aux possibilités du web, réseau tentaculaire 
				et ambivalent qui apparaît, à l’image de la langue selon Esope, 
				comme la pire et la meilleure des choses. 
				      
				
				C’est d’ailleurs à 
				l’occasion de la refonte en cours du site de la librairie, qui 
				devient, plus qu’un simple outil de communication, le reflet des 
				actions menées par une petite équipe aussi compétente que 
				passionnée, que nous avons rencontré Philippe Meyer, aujourd’hui 
				aux commandes de la maison, pour en évoquer ensemble l’histoire 
				spécifique, les caractéristiques qui contribuent à sa vitalité, 
				et les défis 
				
				qu’elle doit affronter 
				dans le monde d’aujourd’hui, sans parler de celui, incertain, 
				qui s’annonce. 
				
				       
				
				Un témoin de 
				l’histoire  
				
				       
				
				Née à un tournant de 
				l’histoire, chinoise au moins, la librairie a été pendant 
				longtemps un acteur culturel aux confins du politique, parce que 
				la culture est indissociable du politique, en Chine, c’est bien 
				connu, mais en France aussi, bien que d’une autre manière.   
				
				       
				
					
						| 
						 
						Son identité 
						première a été la résultante de deux facteurs 
						initiaux fortement marqués par le politique : la 
						personnalité de son fondateur, Régis Bergeron, et 
						l’époque de sa fondation, 1964. 
						
						       
						
						Le fondateur 
						      
						
						Régis Bergeron 
						est né en 1923 dans un petit village de la Brie, le 
						village des Ecrennes, où son père était forgeron et où 
						il devint le premier bachelier. C’est tout naturellement 
						
						qu’il devint 
						militant communiste, et 
						secrétaire de Laurent Casanova. Au lendemain de la 
						guerre, en 1946, il débuta une carrière de journaliste, 
						sous l’égide d’Aragon.  
						
						       
						
						
						Durant les années 1950 et 1960, il fut journaliste aux 
						Lettres françaises, responsable de la rubrique 
						culturelle à   | 
						  | 
						
						 
						  
						
						Régis Bergeron  | 
					 
				 
				
				
				l’Humanité, puis rédacteur en chef de France Nouvelle. De 1959 à 
				1961, il séjourna en Chine, comme conseiller aux éditions en 
				langues étrangères et professeur de littérature française à
				
				l’université de Pékin. Ce fut pour lui une révélation et un 
				émerveillement.  
				      
				
				En 1962, au 
				moment de la rupture radicale entre l’Union soviétique et la 
				Chine, après des tensions croissantes durant plusieurs années,
				Régis Bergeron
				choisit le camp chinois et se sépara 
				du PCF, à 
				
				l’image 
				de la scission qui se produisit alors dans le mouvement 
				communiste mondial. Il fonda en France le Parti communiste 
				marxiste-léniniste français (PCMLF), et en dirigea les journaux, 
				l’Humanité nouvelle puis l’Humanité Rouge. (1) 
				
				       
				
				C’est en 
				1964 qu’il créa à Paris la librairie Le Phénix, 72 boulevard de 
				Sébastopol, dans ce troisième arrondissement proche des premiers 
				foyers d’immigration chinoise, avec pour mission de devenir un 
				lieu de diffusion de la culture chinoise, mais aussi d’échanges 
				intellectuels et d’informations sur la construction du 
				socialisme en Chine. 
				
				       
				
				Les 
				années soixante 
				      
				
					
						| 
						 
						  
						
						La librairie Le Phénix  | 
						  | 
						
						 
						La 
						fondation de la librairie intervint peu de temps après 
						la reconnaissance historique de la République populaire 
						de Chine par le Général de Gaulle, le 27 janvier 1964 : 
						le rétablissement des relations diplomatiques qu’elle 
						instaurait ouvrait de nouvelles possibilités d’échanges, 
						commerciaux et culturels. 
						
						       
						
						L’euphorie ne 
						dura cependant pas longtemps. Dès septembre 1965 se 
						profilaient à l’horizon chinois les prémices de la 
						Révolution culturelle. Les intellectuels communistes 
						français, et leurs collègues italiens, furent longtemps 
						aveuglés par leur foi intransigeante, et excusèrent ou 
						réfutèrent comme « propagande de droite » la violence et 
						les excès qui transparaissaient dans certains 
						témoignages. 
						
						       
						
						Pour ce qui 
						concerne la vie de la librairie, ce fut une période de 
						vaches maigres, la production littéraire étant   | 
					 
				 
				
						réduite aux 
						innombrables éditions et traductions du Petit 
						livre rouge et des œuvres de Mao. La 
				librairie se retrouva ipso facto au carrefour des débats 
				politiques, en particulier au moment des événements de mai 1968. 
				
				       
				
				Un phénix qui 
				renaît de ses flammes 
				
				       
				
				La librairie a fait ses 
				premiers pas dans quelques dizaines de mètres carrés, ce qui 
				suffisait au départ pour contenir les œuvres du président Mao. A 
				la fin des années 1970, cependant, la politique 
				
				d’ouverture lancée par 
				Deng Xiaoping se traduisit aussi dans le domaine culturel, et 
				littéraire. La littérature chinoise connut une rapide 
				renaissance qui vint alimenter un fonds toujours croissant 
				
				d’œuvres nouvelles. 
				      
				
				Croissance 
				      
				
				La librairie amorça 
				alors une mue progressive qui l’amena à sortir des dimensions 
				exiguës du mouchoir de poche initial pour devenir un acteur 
				pluraliste, reflétant les visages de plus en plus divers du 
				monde culturel chinois. C’est alors
				qu’elle reçut 
				un sang nouveau : des étudiants sinologues, parmi les premiers à 
				revenir d’un séjour en Chine après la Révolution culturelle.
				 
				      
				
					
						| 
						 
						Parmi ceux-ci 
						était celle qui devait ensuite reprendre la direction de 
						la librairie : Claire Jullien, brillante étudiante à 
						
						l’Inalco, 
						revenue de Chine en 1975 avec une parfaite maîtrise de 
						la langue jointe à une connaissance approfondie du pays 
						et de sa culture. Elle fut la première victime de 
						l’attentat qui faillit signer la mort de la maison. 
						      
						
						Arrêt brutal
						 
						
						       
						
						C’est le 7 mars 
						1980 qu’eut lieu l’attentat très violent, 
						vraisemblablement attribuable à la mouvance d’extrême 
						droite qui en signa de similaires au même moment, 
						attentat qui détruisit entièrement la librairie, réduite 
						à un monceau de cendres alors qu’elle avait été 
						totalement refaite l’année précédente. Claire Jullien 
						fut très gravement brûlée dans  | 
						  | 
						
						 
						
						  
						
						Claire Jullien  | 
					 
				 
				
				l’incendie, défigurée 
				et victime d’un traumatisme dont elle 
				subira les 
				conséquences à long terme. Les autres membres de l’équipe furent 
				également blessés, dont le directeur actuel, Philippe Meyer, qui 
				y était entré en 1974. 
				      
				
				La librairie fut fermée 
				pendant un an, non seulement parce que l’équipe pansait ses 
				plaies, mais aussi parce que les experts se livrèrent à l’une de 
				leurs batailles habituelles dans des cas de ce genre. Mais 
				jamais il ne fut question de baisser les bras : l’affaire 
				repartit avec un nouvel élan. Régis Bergeron, qui en était 
				encore gérant, partit en campagne pour mobiliser les énergies et 
				les fonds, s’assurant le soutien moral et financier de clients 
				anonymes et de mécènes de tous horizons, dont l’Association des 
				amitiés franco-chinoises. 
				
				       
				
				Nouveau départ 
				      
				
				L’action de Claire 
				Jullien fut déterminante dans la période de reconstruction qui 
				suivit. Présente dès la réouverture de la librairie, elle en 
				reprit la gestion avec Philippe Meyer en 1984, lorsque Régis 
				Bergeron prit sa retraite ; avec toute l’équipe, elle sut 
				insuffler un élan novateur qui modifia le visage de la maison : 
				celle-ci passa de 50 à 200 mètres carrés, sur trois étages, 
				tandis qu’étaient initiées en même temps informatisation et 
				édition de catalogues.  
				      
				
				Le résultat fut patent 
				en termes d’image : la librairie a obtenu en 2009 du ministère 
				de la Culture le label LIR (Librairie indépendante de 
				Référence), gage de qualité professionnelle. Malheureusement, 
				Claire Jullien avait abandonné la lutte peu de temps auparavant, 
				emportée par un cancer en décembre 2008. 
				      
				
					
						| 
						 
						  
						
						Philippe Meyer
						et toute l'équipe  | 
						  | 
						
						 
						La librairie 
						continue aujourd’hui son travail de diffusion et 
						
						d’animation, 
						soutenue par un capital humain renouvelé qui est son 
						premier atout. Elle a aujourd’hui une équipe de huit 
						personnes, équivalent de six à temps plein, dont chacune 
						apporte une compétence et une passion personnelles : 
						spécialité linguistique, avec des déclinaisons variées 
						(méthodes de langues, fonds littéraire en langue 
						française, anglaise ou chinoise, passion pour des 
						domaines culturels originaux, comme le théâtre d’ombres 
						ou la tradition du conte), connaissance du monde chinois 
						de l’édition et de la diffusion littéraire, etc… 
						  | 
					 
				 
				
				       
				
				C’est ce dynamisme 
				humain qui est la plus belle marque de la vitalité de la 
				librairie, et qui, on l’espère, devrait lui permettre de passer 
				le cap des tourmentes en perspective.  
				
				       
				
				Et l’avenir ?
				 
				
				       
				
				Jamais on n’a tant 
				pensé à l’avenir que depuis qu’on n’est même plus certain qu’il 
				y en aura un, a dit Jean Rostand. Les Cassandre ont beau jeu de 
				prédire le pire, tout particulièrement dans le domaine du livre 
				et de sa diffusion. 
				
				       
				
				Quel libraire n’est 
				aujourd’hui inquiet quant à son avenir, quant à l’avenir en 
				général ? Qui pourrait dire ce que sera le secteur dans cinq 
				ans, dans dix ans, avec la montée du numérique et des réseaux 
				qui vont avec ?  
				
				       
				
				La librairie Le Phénix 
				note depuis quelques années un non renouvellement, ou un 
				renouvellement insuffisant, de sa clientèle par « le bas », par 
				les jeunes générations. Ce sont elles qui pourraient assurer cet 
				avenir que l’on n’arrive pas à jauger. Or ils sont loin, très 
				souvent immergés dans les profondeurs du web, ou relégués sur 
				des campus aux marges de la capitale, comme sur ces bords de 
				Seine près de la Grande Bibliothèque où vont bientôt se 
				regrouper les centres névralgiques de 
				
				l’enseignement du 
				chinois à Paris : Paris Diderot et son institut Confucius, et 
				demain l’Inalco. Le problème est que ces endroits ne vivent que 
				le temps des cours, en gros six mois par an ; il est difficile 
				pour un établissement commercial de survivre dans ces 
				conditions. 
				
				       
				
				Alors il faut 
				inventer : multiplier les manifestations pour attirer le public, 
				comme ces rencontres régulières organisées par la librairie avec 
				des écrivains, ces lectures et débats, ces présences sur divers 
				campus en province au moment de la rentrée scolaire. Et 
				inventer, peut-être, la librairie hors les murs, dans tous les 
				espaces qui s’offrent à elle, et en particulier sur la toile. 
				
				       
				
				L’un des atouts 
				efficaces pour lutter contre la concurrence des réseaux 
				numériques est en effet, sans doute, le site de la librairie, 
				aujourd’hui remodelé pour en faire ressortir un aspect culturel 
				qui tranche avec l’automatisation des sites spécialisés 
				concurrents, et qui permette aussi les achats en ligne pour tous 
				ceux d’entre nous qui prenons de plus en plus l’habitude 
				d’acheter en un clic. 
				
				       
				
				Un site encore en 
				devenir, mais où il fait déjà bon musarder, avant de prendre la 
				direction de la rue Sébastopol, pour la prochaine rencontre, la 
				prochaine découverte : 
				
				
				
				www.librairielephenix.fr 
				
				       
				
				       
				
				(1) Régis Bergeron, 
				disparu en 2007, fut l’un des grands spécialistes et défricheurs 
				du cinéma chinois. Il est, entre autres, l’auteur d’une somme en 
				trois volumes, « Histoire du cinéma chinois, 1949-1983 », parue 
				aux éditions L’Harmattan. 
				
				  
				
				  
				
				  
				
				En novembre 2014, la librairie 
				est rachetée par un groupe chinois. 
				Voir : 
				Nouvelle étape dans la vie de la librairie Le Phénix : le pari 
				chinois. 
				
				       
				
				     
				 
				    
				 
				    
				 
        
				   | 
                
                 
                  
                
                   |