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Nouvelle étape dans
la vie de la librairie Le Phénix : le pari chinois
par
Brigitte Duzan, 10 février 2015
Gros émoi le
29 janvier dernier, au moins dans les cercles sinologues
et sinophones, quand paraît dans le Monde, signé
François Bougon, un article annonçant officiellement le
rachat de la librairie Le Phénix, à Paris, par un
investisseur chinois.
L’investisseur chinois
L’émoi est d’autant plus grand que le repreneur n’est
pas des moindres, puisqu’il s’agit de China
International Book Trading Corporation (CIBTC,中国国际图书贸易总公司),
filiale du groupe |
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La librairie, boulevard de Sébastopol |
d’édition public
China International Publishing Group (中国国际出版集团),
fondé en 1949 pour faire connaître la Chine à l’étranger par le
biais de livres, journaux et publications diverses.
China International Publishing Group,
le logo |
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C’est aujourd’hui un groupe public puissant, qui publie
chaque année quelque 3 000 livres et édite une trentaine
de journaux dans une dizaine de langues, parmi lesquels,
par exemple, China Pictorial, ou People’s Pictorial (人民画报),
lancé le 1er juillet 1950, avec un premier
numéro arborant le titre calligraphié par le président
Mao. Le groupe opère aussi une trentaine de sites
internet officiels d’information sur la Chine, dont
www.china.org.cn,
et gère, depuis 1982, l’Association des traducteurs de
Chine.
CIBTC, pour sa part, a été fondée en décembre 1949 sous
le |
nom de Librairie internationale (Guojishudian
国际书店).
La société a aujourd’hui une vingtaine de succursales et
bureaux dans le monde, dont les Etats-Unis, l’Allemagne,
la Grande Bretagne, le Japon….
Il manquait la France. Mais la France, justement, est un
cas spécial : dans les autres pays, les librairies
spécialisées ont peu à peu disparu ; en France, la
librairie You Feng s’est perpétuée comme entreprise
familiale, avec une branche édition ; et la librairie Le
Phénix a survécu en se recréant, en véritable phénix
renaissant même de ses cendres après son catastrophique
incendie
.
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La calligraphie du président Mao sur la
couverture
du 1er numéro de China Pictorial |
Mais la librairie affrontait depuis plusieurs années des
conditions difficiles en raison de l’érosion du marché du livre
(bien que la situation se soit légèrement améliorée ces derniers
mois).
Une reprise nécessaire
Philippe Meyer dans sa librairie |
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Déjà en 2011, quand
nous avions rencontré son gérant
Philippe Meyer, il avait exprimé une certaine
inquiétude devant le tassement de la clientèle. Depuis
lors, il a multiplié les actions pour faire vivre la
librairie, en particulier grâce aux rencontres
régulières organisées avec auteurs, traducteurs et
éditeurs au moment de la sortie de livres – politique
qui a porté ses fruits.
Cependant, il souhaitait aussi prendre une retraite bien
méritée, et passer le relais à |
une équipe jeune et motivée, tout en assurant la pérennité de
l’affaire. Il lui fallait trouver un repreneur : il a commencé
ses recherches fin 2013. Il avait un atout : la librairie est
chez elle et n’a pas de loyer à payer, ce qui est souvent le
facteur essentiel qui grève l’exploitation d’une librairie,
surtout en cas de renouvellement de bail. Les comptes
d’exploitation étaient en équilibre, et les opérations
dégageaient même un bénéfice annuel, modeste mais régulier.
Mais cela ne suffit pas à attirer des investisseurs français
promettant la continuité de l’exploitation. Finalement, c’est la
société chinoise qui a manifesté l’intérêt le plus durable :
elle est le fournisseur de la librairie depuis quarante ans, il
y avait déjà une certaine connivence dans le travail.
L’opération a été conclue en novembre 2014, mais l’annonce
officielle a été retardée, en attendant de voir comment les
choses allaient se passer.
Une transition sans douleur
Les conditions de reprise ont été bien claires dès le
départ, dans l’intérêt bien compris des deux parties :
pour que la librairie ne disparaisse pas, il fallait
d’une part conserver les six libraires qui en assurent
la gestion au quotidien, avec une motivation sans
faille, d’autre part préserver son bon fonctionnement
sans rien changer au choix des livres, et surtout sans
exclure les livres bannis de la vente en Chine. Il faut
bien dire que c’est ce qui inquiète le plus dans ce
rachat.
Le message semble être bien passé, et aucun |
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L'équipe du Phénix |
obstacle n’a été mis jusqu’ici à la vente d’un titre ou d’un
autre ; la librairie continue à s’approvisionner à Hong Kong et
à Taiwan en livres chinois interdits sur le continent ; la
rencontre avec Liao Yiwu (廖亦武),
le 12 février, à l’occasion de la sortie de son livre sur le
christianisme en Chine
,
a été signalée, et, de même, n’a fait l’objet d’aucune
interdiction ni objection.
L’équipe continue de fonctionner comme à son habitude, avec la
même efficacité, prête à prendre totalement le relais quand
Philippe Meyer se retirera. Pour l’instant, il a la conscience
en paix : il aura assuré la pérennité de la librairie, pour un
temps au moins ; il y a déjà des maisons d’édition de provinces
chinoises qui s’intéressent à l’affaire et souhaitent entrer à
leur tour au capital… l’année de la chèvre de bois s’annonce
sous de bons auspices pour le Phénix.
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