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阎连科:《经此疫劫,让我们成为有记性的人》
Yan
Lianke : Que cette épidémie fasse de nous des hommes-mémoire
Traduction Brigitte Duzan, 29 février 2020
Dans le chœur des milliers de gens qui vont bientôt chanter
victoire après cette guerre, restons silencieusement à l’écart,
et gardons toutes ces tombes au fond du cœur, profondément
gravées dans nos mémoires, pour pouvoir un jour en transmettre
le souvenir personnel à la postérité.
Source :
https://theinitium.com/article/20200221-mainland-coronavirus-yanlianke/
Note de l’éditeur : cet article est la première conférence
donnée par Yan Lianke le 21 février sur internet dans le cadre
de son enseignement à l’Université de science et de technologie
de Hong Kong. L’auteur a autorisé Initium Media à en reproduire
le texte entier.
Camarades,
C’est aujourd’hui le premier cours de mon
enseignement dans votre université. Permettez-moi de
commencer d’abord par quelques mots hors programme.
Quand j’étais enfant et que je commettais deux fois,
trois fois la même erreur à la suite, mes parents me
faisaient venir et me demandaient en pointant mon
front du doigt : « mais tu n’as pas de mémoire ? »
Et quand, en classe, après avoir lu plusieurs fois
un texte, j’étais toujours incapable de le réciter
par cœur, le professeur m’ordonnait de me lever et
me demandait devant tout le monde : « mais tu n’as
pas de mémoire ? »
La mémoire est le sol sur lequel s’enracine le
souvenir, c’est sur ce terrain qu’il croît et se
développe. Avoir |
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mémoire et souvenirs est ce qui distingue fondamentalement
l’espèce humaine de l’animal et du végétal. C’est notre
besoin essentiel pour croître et mûrir. A mes yeux, c’est
souvent plus important que se nourrir, se vêtir et respirer.
Car, perdre la mémoire et ses souvenirs, c’est perdre en
même temps les outils et les techniques pour faire la
cuisine et cultiver la terre ; on pourrait alors se
réveiller la nuit en se demandant où sont ses vêtements, et
penser que l’empereur est bien mieux nu. Pourquoi dis-je
tout cela aujourd’hui ? A cause du coronavirus et des
menaces qu’il fait peser sur tout notre pays, et le monde
entier. L’épidémie n’est pas vraiment sous contrôle, la
contagion est loin d’avoir cessé et d’appartenir au passé ;
pourtant, alors même que, dans la ville de Wuhan, la
province du Hubei et de nombreux autres endroits dans tout
le pays, les gens meurent, des familles sont détruites, et
que retentit partout le bruit des pleurs, on peut déjà
observer que, les statistiques montrant une tendance
favorable, on se prépare, de haut en bas et de tous côtés, à
entonner des chants de victoire au son des gongs et des
tambours.
D’un côté, on pleure sur les cadavres encore chauds ; de
l’autre, on entend déjà l’immense clameur des chants de
triomphe. Depuis les premiers temps où le coronavirus est peu à
peu entré dans nos vies et jusqu’à aujourd’hui, on n’a aucune
idée du nombre de morts causées par le virus – morts à l’hôpital
ou non. Il reste encore à faire des recherches et des enquêtes
sur ce point. Mais il est aussi fort possible que ces recherches
et enquêtes soient oubliées à la longue, et que tout cela reste
à jamais un mystère. Ce sera un champ de vie et de mort sans
travail de mémoire que nous laisserons à la postérité. Il n’est
pourtant pas inévitable que nous soyons réduits, après
l’épidémie de coronavirus, à répéter inlassablement comme la
belle-sœur Xianglin
: « Je
savais bien que, par temps de neige, les bêtes sauvages, n’ayant
rien à manger dans la montagne, peuvent faire irruption dans le
village ; mais je ne savais pas que cela pouvait arriver aussi
au printemps. » Il n’est pas non plus inévitable de nous
comporter comme AQ
,
en restant convaincus d’être des fiers-à-bras et de tenir la
victoire bien qu’ayant été à maintes reprises battus et
humiliés, et de se retrouver à deux doigts de la mort.
Dans nos existences, dans l’histoire et la réalité que nous
vivons, pourquoi les tragédies et les malheurs, qu’ils soient
personnels ou familiaux, sociaux, historiques ou nationaux, se
reproduisent-ils ainsi en chaîne ? Et pourquoi ces calamités
historiques, comme des fosses ouvertes au sein d’une époque,
doivent-elles toujours se solder dans le peuple par tant de
morts dont il faut ensuite combler les béances ? Parmi tant et
tant de facteurs que nous ignorons et sur lesquels nous ne
faisons pas de recherches ni ne posons de questions, un point
est certain : nous, peuple de millions d’hommes comme autant de
fourmis, nous sommes trop amnésiques. Nos souvenirs personnels
sont ordonnés, remplacés et effacés. Nous gardons en mémoire ce
qu’on nous dit de garder en mémoire, oublions ce qu’on nous dit
d’oublier, faisons silence sur ce qu’on nous dit de taire, et
célébrons ce qu’on nous dit de célébrer. La mémoire individuelle
est devenue un outil de l’époque, les souvenirs collectifs et
nationaux sont devenus des contrats d’allocation et de gestion
forfaitaire de la mémoire et de l’amnésie individuelles. Pensez
un peu : nous n’avons pas été amenés à discuter des changements
apportés aux manuels d’histoire, proche ou ancienne ; dans les
seules vingt dernières années, les enfants de la génération des
années 1980 et 1990 aussi bien que nous-mêmes, nous avons vécu
et nous rappelons les épidémies du SIDA, du SARS et du
coronavirus, qui sont des catastrophes humanitaires comme le
furent aussi le tremblement de terre de Tangshan et celui de
Wenchuan
,
mais sont-elles véritablement des manifestations de la colère
divine auxquelles l’homme est difficilement en mesure de
résister ? Dans la catastrophe nationale actuelle, pourquoi les
facteurs humains restent-ils inchangés ? Si l’on compare la
propagation du coronavirus et les ravages causés par ce virus
aujourd’hui à ceux causés il y a dix-sept ans par le SARS, c’est
comme si l’on rejouait exactement le même scénario tragique ;
réduits à n’être que poussière, nous ne pouvons demander qui est
le réalisateur ni qui sont les acteurs, et ne pouvons pas plus
avoir d’éclaircissements précis sur les conceptions et
intentions originales du scénariste. Néanmoins, face à une
nouvelle tragédie du même ordre, ne pourrions-nous pas au moins
demander où sont les souvenirs laissés par la tragédie
précédente ?
Qui a effacé nos souvenirs ? Vidé notre mémoire ?
Les êtres amnésiques, par essence, sont comme la terre des
champs, le sol des chemins : condamnés à être foulés par des
chaussures de cuir qui y laissent leurs marques, c’est tout.
Les êtres amnésiques, par essence, sont comme des planches et
des billots de bois coupés dans une existence antérieure, dont
la forme et l’objet qu’ils seront, à l’avenir, dépendent de la
hache et de la scie, rien de plus.
Pour ce qui nous concerne – nous qui avons trouvé un sens à la
vie dans l’amour de l’écriture, et qui vivons de tous ces
caractères – camarades de cette classe par internet de
l’Université de science et technologie, mais aussi écrivains
diplômés, ou en passe de l’être, de la classe d’écriture
créative du Congrès national du peuple, si même nous, nous
renonçons à la mémoire et aux souvenirs personnels de notre vie
et de nos expériences douloureuses, quel sens pouvons-nous
encore trouver à écrire ? Quelle valeur a la littérature ?
Pourquoi notre société aurait-t-elle alors encore besoin
d’écrivains ? Vous écrivez sans cesse, avec ardeur et diligence,
vous vous donnez corps et âme à l’écriture, mais quelle
différence y-a-t-il entre vous et des marionnettes que l’on
manipule à plaisir ? Quand le journaliste n’écrit pas ce qu’il a
observé de ses propres yeux, quand l’écrivain n’écrit pas ce
dont il se souvient, ce qu’il éprouve personnellement, quand,
dans l’opinion publique, ceux qui peuvent ou pourraient parler
ne font que répéter, lire et déclamer le discours national aux
accents du plus pur lyrisme, qui pourra nous dire ce qu’est
notre vie en ce monde, quelle est la vérité, l’essence, la
réalité concrète de notre existence ?
Essayez d’imaginer un instant, s’il n’y avait pas aujourd’hui à
Wuhan un écrivain comme Fang Fang pour noter son expérience
quotidienne, s’il n’y avait pas Fang Fang pour faire œuvre
littéraire afin de nous dépeindre ses souvenirs et ses
sentiments, s’il n’y avait pas des milliers de gens comme elle
pour nous transmettre, via leurs téléphones mobiles, leurs
pleurs et leurs appels à l’aide, que pourrions-nous donc
entendre ? que pourrions-nous bien voir ?
Dans le gigantesque tourbillon de notre temps, les souvenirs
personnels sont très souvent considérés comme les bulles,
l’écume et la clameur superflues de notre époque, et en tant que
tels éliminés, rejetés ou mis de côté ; ils sont ainsi réduits
au silence, privés de parole, comme s’ils n’avaient jamais
existé. Et c’est ainsi que, une fois passée comme une vague la
roue du temps, est venue l’ère du grand oubli. L’âme a disparu
de toute manifestation concrète. Tout est devenu parfaitement
calme ; il ne reste plus sur cette terre le moindre point
d’ancrage pour pouvoir soulever le plus petit pan de réalité.
L’histoire, ainsi, est devenue oubli, affaire d’imagination,
légende sans fondement. Dans ces conditions, il est d’autant
plus important de préserver notre mémoire, de protéger nos
souvenirs de toute adultération ou oblitération, important de
témoigner même de la plus infime réalité. C’est d’autant plus
vrai pour nous, dans cette classe d’écriture, qui sommes pour la
plupart destinés à utiliser nos souvenirs durant toute notre
existence pour vivre, écrire et chercher la vérité ; s’il devait
arriver un jour que même nous, nous n’ayons malheureusement plus
ces quelques souvenirs pour étayer la réalité, alors y aurait-il
encore une réalité, une vérité historique et personnelle ?
Il est vrai que nous ne changerons ni le monde ni la réalité des
faits avec notre mémoire et nos souvenirs personnels ;
cependant, confrontés à la réalité unique, planifiée, nous
pourrons au moins murmurer en nous-mêmes : « non, il n’en est
pas ainsi ! » Quand l’épidémie de coronavirus en arrivera à un
tournant décisif, au milieu de l’immense tapage des gongs
célébrant la victoire, nous pourrons encore entendre les pleurs
et les plaintes des individus et des familles car nous nous en
souviendrons.
Les souvenirs personnels ne peuvent changer le monde, mais ils
peuvent contribuer à faire prendre conscience de la réalité. Ils
ne peuvent devenir forcément une force de changement de la
réalité concrète, mais ils peuvent au moins, face au mensonge,
aider à se poser des questions. Et si un jour se reproduit le
Grand Bond en avant, si revient une autre période de production
d’acier du même ordre, nous serons au moins convaincus qu’on ne
fait pas du fer en raffinant du sable, qu’un mu de terre ne peut
pas donner un rendement de 50 000 kilos ; c’est là le sens
commun le plus élémentaire chez l’homme, contraire à la croyance
en la création matérielle inconsciente et en la production
miraculeuse de céréales avec de l’air. Et si un jour il nous
faut encore souffrir dix ans d’une révolution catastrophique, on
peut au moins garantir qu’on n’enverra pas nos parents en enfer
ou à la guillotine.
Camarades, nous sommes tous étudiants en arts libéraux, nous
avons tous à utiliser le langage pour traiter de la réalité et
du souvenir. Quand je parle de souvenir, il ne s’agit pas de
milliers de souvenirs individuels, mais de la mémoire
collective, de la mémoire nationale, de la mémoire du peuple,
car, dans notre histoire, mémoire nationale et mémoire
collective ont masqué la mémoire individuelle et transformé les
souvenirs personnels. Aujourd’hui, l’épidémie actuelle de
coronavirus est encore loin de pouvoir se condenser en souvenir,
mais autour de nous, à nos côtés, commencent déjà à retentir
sans retenue des chants et des tambours de victoire. C’est
justement la raison pour laquelle, camarades, une fois cette
épidémie passée, je souhaite que nous devenions tous des êtres
dotés de mémoire, pour pouvoir mémoriser des souvenirs.
Si nous ne pouvons être des lanceurs d’alerte comme Li Wenliang,
soyons au moins des gens qui entendons les lanceurs d’alertes.
Dans le proche avenir, quand on va commencer à célébrer la
victoire nationale dans la bataille contre le virus, dans le
vacarme des gongs et des tambours et des hymnes s’envolant vers
le ciel, je souhaite que nous ne soyons pas des écrivains
entonnant des chants creux, mais uniquement des auteurs nous
fondant factuellement sur nos souvenirs. Quand va arriver
l’heure de la grande parade, je souhaite que nous ne soyons pas
des acteurs et des récitants sur la scène et que nous
n’applaudissions pas la représentation, mais que nous restions
aussi loin que possible de la scène, observateurs silencieux et
impuissants retenant nos larmes. Si nous n’avons pas le talent,
le courage et la force d’âme pour pouvoir être des écrivains
comme Fang Fang, au moins, nous ne mêlerons ni nos voix ni
l’ombre de nos silhouettes à la foule de ses détracteurs et
critiques. Dans le monde prospère qui va finalement revenir,
dans la paix retrouvée et le concert des chants bruissant comme
la rumeur d’un vaste océan, si nous ne pouvons élever de doutes
à haute voix quant aux sources et à la propagation du virus, le
faire en murmurant, tout bas, est aussi marque de courage et de
conscience du bien. Après Auschwitz, écrire des poèmes a paru
barbare, mais agir en aveugle, ne rien dire et oublier n’eût pas
été seulement barbare, mais bien plus que barbare : effrayant.
Si l’on ne peut être un lanceur d’alerte comme Li Wenliang,
qu’il nous soit donné au moins d’entendre les lanceurs d’alerte.
Si l’on ne peut parler à haute voix, contentons-nous de
murmurer. Et s’il est même impossible de murmurer, soyons une
mémoire silencieuse. A cause de l’origine du coronavirus, de sa
propagation et des désastres causés, restons silencieux à côté
du chœur de tous ceux qui vont bientôt entonner des hymnes de
victoire, et gardons les tombes des disparus au fond du cœur,
gravées dans nos mémoires, afin que, un jour, nous puissions
transmettre tous ces souvenirs à la postérité.
Pékin, le 20 février 2020.
閻連科:經此疫劫,讓我們成為有記性的人
在即將到來的被稱為戰爭勝利的萬人合唱中,讓我們默默站到一邊,成為一個心裏有墳墓的人;有記性烙印的人;可以在某天把這種記性生成個人記憶傳遞給後人的人。
閻連科2020-02-21
編者按:本文是閻連科2月21日在香港科技大學網絡授課的第一講,端傳媒獲閻連科授權,轉載全文。
同學們:
今天是我們科大研究生班網絡授課的第一講。開講前請允許我說些課外話。
小時候,當我連續把同樣的錯誤犯到第二、第三次,父母會把我叫到他們面前去,用手指着我的額頭問:
「你有記性嗎?!」
當我把語文課讀了多遍還不能背誦時,老師會讓我在課堂上站起來,當眾質問到:
「你有記性嗎?!」
記性是記憶的土壤,記憶是這土壤上的生長和延伸。擁有記性和記憶,是我們人類與動物、植物的根本之差別。是我們成長、成熟的第一之需求。我以為,許多時候它比吃飯、穿衣、呼吸更重要。因為當我們失去記性、記憶時,我們會失去做飯、耕地的工具和技能;會一夜醒來,忘記衣服放在哪兒了;會確真以為皇帝不穿衣服要比穿着好看得多。今天為什麼要說這些?因為新冠肺炎這場舉國、舉世之災難,它還沒有真正被控制,傳染還遠遠沒有過去和消失。然而這時候,湖北、武漢乃至全國別的省市和地區,家破人亡、滿門絕去的哭聲都還不絕於耳時,我們已經聽到、看到因為統計數字的向好,就開始自上而下、左左右右地準備歡慶的鑼鼓和高歌的亮嗓了。
一邊屍骨未寒的哭聲還未落下去,另一邊,凱歌在即,英明、偉大的呼聲已經響起來。
自新冠肺炎一步一步地走進我們的生活始,到今天,我們並沒有真正弄清因為新冠肺炎一共死了多少人——死在醫院是多少,死在醫院之外有多少。甚至都還未來及去調查、叩問這一些。也甚至,這樣的調查和叩問,會隨着時間的移去而終結,而永遠是個迷。是我們留給後人的一筆憶之無據的生死糊塗冊。我們固然不該在疫情之後如同祥林嫂,每天都在念叨着:「我單知道下雪的時候野獸在山坳裏沒食吃,會到村裏來;我不知道春天也會有。」但我們也不該一而再、再而三地像阿Q那樣兒,在捱打、羞辱和死至臨頭時,還依然相信自己是漢子,自己才是勝利者。
我們的個人記憶被規劃、取代和抹殺了。我們總是人家讓記住什麼的就記什麼,讓遺忘什麼的就忘什麼;讓沉默時沉默,讓歌唱時歌唱。
在我們的人生裏,在我們所處的歷史和現實中,無論是個體或家庭,還是社會、時代、國家的悲劫和災難,為什麼總是一個接着一個呢?為什麼歷史、時代的坑陷和悲劫,總是由我們成千上萬百姓的死亡和生命來承擔和填補?在諸多、諸多我們不知道、不追問、不讓追問就不問的因素裏,有一點,就是我們作為人——我們千千萬萬的百姓或螻蟻——我們自己太沒記性了。我們的個人記憶被規劃、取代和抹殺了。我們總是人家讓記住什麼的就記什麼,讓遺忘什麼的就忘什麼;讓沉默時沉默,讓歌唱時歌唱。個人記憶成了時代的工具,集體和國家記憶成了個人失憶或記住的分配和承包。試想一下,我們不去討論那些已經更換了封面、書號的歷史和久遠,單是最為眼前的二十年,和你們一樣,八零、九零的孩子都經過、記得的幾乎是舉國之災的艾滋病、非典和新冠肺炎,它們到底是人禍之災難,還是如唐山、汶川地震樣的人類還難以抗逆的天譴之劫難?在前者的舉國之災裏,人為的因素為什麼又幾乎如出一轍呢?尤其17年前的SARS和今天新冠肺炎的蔓延和肆掠,如同同一導演將同一悲劇的再次復排和出演,作為我們這些如塵埃一樣的人,我們既不能追問導演是誰,也沒有專業知識去還原編劇的念想、構思和創作。那麼當我們再次站在復排的死亡之劇面前時,我們至少可以問一問,屬於我們的上次悲演留下的記憶去哪了?
我們的記性被誰抹去、挖走了?!
沒有記性的人,從本質上說,就是田野、路道上的土。皮鞋願意把我們踩成啥樣兒,由那隻皮鞋的牙痕說了算。
沒有記憶的人,從本質上說,就是和過去生命割斷的木頭和板材,它們的未來是什麼物形和東西,由鋸子和斧頭說了算。
對於我們來說——對於我們這些因為熱愛寫作而讓生活有了意義的人,一生要靠方塊字活着的人——在線的科大研究生班的同學們,也包括人大創造性寫作研究生班已經畢業和在讀的作家們,如果連我們都放棄了屬於我們個人的、來自血與生命的記憶和記性,那麼寫作到底還有什麼意義呢?文學還有什麼價值呢?我們這個社會還要作家幹什麼?你筆耕不輟、勤奮努力、著作等身,這和被人不斷牽線、調動的木偶有什麼差別嗎?記者不寫他親眼看到的;作家不寫他個人記憶、感受的;在社會輿論中,能說話和會說話的人,總是用純正抒情的國家腔調在念、在讀、在朗誦,那麼還有誰能告訴我們我們活在這個世界上,作為個體的真實、真相和存在的血肉生命是什麼?
試想一下子,如果今天的武漢,沒有作家方方的存在和記錄,沒有方方用文字寫下她個人的記憶和感受,沒有成千上萬如方方那樣的人,通過手機傳遞給我們的生死哭喚和呼救聲,那麼我們會聽到一些什麼呢?會看到一些什麼呢?
在巨大的時代洪流中,個人記憶往往被視為是時代多餘的泡沫、浪花和喧囂,會被時代剔除、扔掉或甩到一邊去;會讓它無聲、無言如同從未存在過,從而在一個車輪流水的時代過去時,巨大的遺忘到來了。有靈魂的血肉沒有了。一切都安泰靜好了,能夠撬動地球那個小而有小的真實支點不在了。如此着,歷史就成了無依無據的傳說、遺忘和想像。從這個角度說,我們長有記性,擁有個人不被改變、磨滅的記憶,是多麼重要的一件事。是講一點真話最低的真實和證據。尤其我們寫作班的同學們,我們絕多都註定是要一生用記憶來寫作、求真、活着的人,如果有一天,連我們都沒有了那點兒可憐的真實和記憶,那麼這個世界上,到底還有沒有個人和歷史的真實和真相?
實在說,我們擁有個人的記性和記憶,即便不會改變世界和現實,那麼至少在面對統一、規劃的真實時,我們也會在心裏呢喃到:「情況不是這樣啊!」至少在新冠肺炎的拐點真正到來時,在巨大、歡慶勝利的鑼鼓中,我們還能聽到、記住那些來自個體、家庭、邊緣的哀嚎和哭泣。
個人記憶改變不了世界,但它可以讓我們擁有真實的內心。
個人記憶不一定能成為改變現實的力量,但它至少可以在謊言到來時,幫助我們在心裏打出一個問號來。至少說,某一天又有大躍進、大鍊鋼鐵的時代了,我們相信沙子煉不成鐵、畝產不能達到十萬斤,是人類最基本的常識之常識,而非意識創造物質、空氣生產糧食的奇蹟吧。也至少,某一天又有十年浩劫那樣的革命了,我們能保證自己不把自己的父母送進監獄和斷頭台。
同學們,我們都是文科生,我們可能一生都是要靠語言去和現實、記憶打交道的人。於記憶言,我們不說成千上萬的個人記憶,就是集體記憶、國家記憶和民族記憶那樣的話,因為在我們的歷史上,國家記憶、集體記憶總是覆蓋、改變着我們個人的記性與記憶。在今天,就現在,新冠肺炎還遠遠沒有凝結為記憶時,而我們的身邊和四周,都已經開始響起高歌宏嗓、大肆歡慶的鑼鼓了。正是因為這一點,希望同學們、希望我們經過了新冠肺炎劫難的人,經由此一劫,都能成為長有記性的人;能讓記性生出記憶的人。
不能做李文亮那樣的吹哨人,就讓我們做一個聽見哨音的人。
在可預知的不久後,在鑼鼓喧天、詩文橫飛,開始喧天鬧地地歌頌打贏了新冠肺炎這場國家戰爭的勝利時,希望我們大家不是那些空洞高歌的寫作者,而僅僅是擁有個人記憶的實實在在的人。在鋪天蓋地的盛大演出到來時,希望我們不是舞台上的演員和朗誦者,不是為出演而鼓掌的人;而是站在舞台的最遠處,默默看着演出而眼含熱淚的一個柔弱無奈的人。我們的才華、勇氣和心力,如果不能讓我們成為方方那樣的寫作者,那麼至少在猜忌、嘲諷方方的人群裏,要沒有我們的身影和聲音。在最終要回歸、到來的靜好盛世裏,在海洋般的歌聲中,面對新冠肺炎的根起和蔓延,如果我們不能把疑問大聲說出來,而小聲的嘀咕也是良知和勇氣;在奧斯維辛之後寫詩是野蠻的,但一味地不言、不說和忘記,則不僅是野蠻的,而且是更為野蠻、可怕的。
不能做李文亮那樣的吹哨人,就讓我們做一個聽見哨音的人。
不能大聲地講,就做一個耳語者;不能做一個耳語者,就做一個有記性、記憶的沉默者。讓我們因為這次新冠肺炎的緣起、肆掠和蔓延,在即將到來的被稱為戰爭勝利的萬人合唱中,默默的站到一邊去,成為一個心裏有墳墓的人;有記性烙印的人;可以在某一天把這種記性生成個人記憶傳遞給後人的人。
2020年2月20日 北京
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