Textes divers

 
 
 
     

 

 

Deux histoires de serpents tirées du Taiping Guangji (juan 456)

par Pauline Seguin et Zhang Rui, 12 mai 2022

 

Ces deux brèves histoires de serpents sont tirées du juan 456 (卷第四百五十六) de l’anthologie du Taiping Guangji (《太平广记》), compilée à la fin du 10e siècle, qui en comporte plusieurs autres [1]. D’origine très ancienne, remontant jusqu’au 5e siècle, ces récits peuvent être considérés comme des sources de la Légende du Serpent blanc (《白蛇传》).

 

朱覲

 

  朱覲者,陳蔡遊俠之士也。旅遊於汝南,棲逆旅,時主人鄧全賓家有女,姿容端麗,常為鬼魅之幻惑,凡所醫療,莫能愈之。覲時過友人飲,夜艾方歸,乃憩歇於庭。至二更,見一人著白衣,衣甚鮮潔,而入全賓女房中。逡巡,聞房內語笑甚歡,不成寢,執弓矢於黑處,以伺其出。候至雞鳴,見女送一少年而出,覲射之,既中而走。覲復射之,而失其跡。曉乃聞之全賓,遂與覲尋血跡,出宅可五里已來,其跡入一大枯樹孔中。令人伐之,果見一蛇,雪色。長丈餘,身帶二箭而死。女子自此如故,全賓遂以女妻覲。(出《集異記》)

 

Zhu Jin

 

 

Le Jiyiji 《集異記》

 

 

Zhu Jin était un chevalier errant du Chen Cai. Alors qu’il voyageait dans le district de Runan, il fit halte dans une auberge. Le maître des lieux, Deng Quanbin, avait une fille d’allure charmante, mais régulièrement visitée par des esprits, qu’aucun remède ne parvenait à soigner. Le soir venu, Zhu Jin s’en fut boire un verre chez un ami et s’en revint à la nuit tombée. Il se reposait dans la cour lorsque, à la deuxième veille [2], il aperçut une silhouette toute de blanc vêtue, d’un blanc pur et sans tache, et la vit pénétrer dans la chambre de la jeune fille. Au bout d’un moment, il entendit des voix et des rires joyeux émanant de la chambre. Ne parvenant pas à dormir, Zhu Jin resta à l’affût, caché dans un coin sombre, arc et flèche en main, attendant que l’individu ressorte. Il attendit jusqu'au chant du coq et vit alors la jeune fille sortir en raccompagnant un jeune homme. Zhu Jin lui décocha une flèche qui toucha sa cible,  sur quoi l’individu s’enfuit. Zhu Jin lui décocha une deuxième flèche mais perdit sa trace.

 

A l'aube, il mit Quanbin au courant, et tous deux se mirent à suivre les traces de sang ; au sortir de la demeure, sur un peu plus de 5 lis, elles conduisaient jusqu’à un trou à la base d’un grand arbre mort. Ordre fut donné de le couper, sur quoi on trouva là un  serpent, blanc comme neige. Long d'une toise, il était mort, deux flèches dans le corps. Dès lors, la jeune femme retrouva son état normal, et Quanbin la donna en mariage à Zhu Jin. 

 

[Extrait du Jiyiji 集異記, ou  "Recueil d’histoires étranges", compilé pendant la période entre la dynastie des Liu-Song (420-479) et la dynastie des Tang (618-907) ].

 

 

太元士人

 

  晉太元中,士人有嫁女於近村者。至時,夫家遣人來迎,女家好發遣,又令女弟送之。既至,重門累閣,擬於王侯。廊柱下有燈火,一婢子嚴妝直守,後房帷帳甚美。至夜,女抱乳母涕泣,而口不得言。乳母密於帳中,以手潛摸之,得一蛇,如數圍柱,纏其女,從足至頭。乳母驚走出,柱下守燈婢子,悉是小蛇,燈火是蛇眼。(出《續搜神紀》)

 

Le lettré de l'ère Taiyuan

 

 

Le Soushenji , éd. illustrée des Qing

 

 

Sous les Jin, pendant l’ère Taiyuan [3], un lettré maria sa fille à un homme d'un village voisin. Le jour de la noce, la famille du marié envoya chercher la mariée, celle de la mariée envoya aussi ses gens et ordonna à son frère cadet de l’accompagner. A leur arrivée, la belle demeure à double portail et multiples pavillons leur apparut comme une résidence de noble famille. Sous la galerie à colonnades étaient suspendues des lanternes, et une servante à la mise soignée y était de garde pour les accueillir. La chambre des jeunes mariés, à l’arrière, était décorée de somptueuses tentures. Comme la nuit tombait, la jeune femme vint se blottir en pleurs dans les bras de sa nourrice, sans pouvoir dire un mot. La nourrice alla se cacher dans la chambre derrière les rideaux et, tendant la main pour tâter le lit à la dérobée, sentit sous ses doigts un serpent enroulé autour de la jeune femme, de la taille de plusieurs piliers. La nourrice s’enfuit effrayée. Les servantes, dans la galerie, étaient des petits serpents, et les lanternes des yeux de serpents. 

 

(Extrait du Soushenji 《搜神紀》- ou "À la recherche des esprits" -   recueil de plus de 450 anecdotes relevant du surnaturel compilé par Gan Bao 干寶 (317-420, dyn. des Jin ).

 

Traduction de Zhang Rui et Pauline Seguin, relue et annotée par Brigitte Duzan

 


[2] Dans la Chine ancienne, les nuits étaient divisées en « veilles » (gēng) de deux heures, la deuxième correspondant à la période allant de 21 h à 23 heures.

[3] C’est-à-dire pendant les années 376-396  de la dynastie des Jin de l’Est (317-420), sous l’empereur Xiaowu (孝武帝).

 

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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