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Xiánhuà xiánshuō《闲话闲说》中国世俗与中国小说

Digressions sur les coutumes séculaires et la fiction en Chine

par Brigitte Duzan, 17 septembre 2019 

 

  27 La poésie Tang, la musique et la vie quotidienne

  我想唐代多诗,语句比后世的诗通俗,是因为新的音乐进来。
  唐诗应该是唱的,所谓装腔,类似填词,诗配腔,马上就能唱,流布开来。
  唐传奇里有一篇讲到王之涣与另外两个大诗人在酒楼喝酒,听到旁边有一帮伎女唱歌,于是打赌看唱谁的诗多。

    我们觉得高雅的唐诗,其实很像现在世俗间的流行歌曲、卡拉OK.

 

Je pense que s’il y a tant de poèmes Tang, et s’ils sont d’une langue bien plus accessible que les poèmes des dynasties ultérieures, c’est parce qu’il y a alors eu un afflux de musiques nouvelles en Chine.

La poésie des Tang se chantait ; c’est ce qu’on appelait « mettre un air sur les vers » ; dès que la musique était en harmonie avec la poésie, on pouvait la chanter, et elle se répandait aussitôt.

Il y a un chuanqi des Tang [1] qui raconte comment Wang Zhihuan et deux autres grands poètes de l’époque qui étaient en train de boire dans une auberge ont soudain entendu chanter un groupe de courtisanes non loin d’eux. Alors ils ont fait des paris en se demandant lequel d’entre eux aurait le plus de poèmes parmi ceux qu’elles chantaient.  

On considère la poésie des Tang comme le summum du raffinement, mais en fait elle est très proche des chansons populaires d’aujourd’hui, de celles que l’on chante dans les karaokés.

 


  白居易到长安,长安的名士顾况调侃他说长安米贵,白居不易,意思是这里米不便宜,留下来难哪,这其实是说流行歌曲的填词手竞争激烈。
  白居易讲究自己的诗通俗易懂,传说他做了诗要去念给不识字的妇女小孩听,这简直就把通俗做了检验一切的标准了。
  做诗,自己做朋友看就是了,为什么会引起生存竞争?看来唐朝的诗多商业行为的成分,不过商品质量非常高,伪劣品站不住脚。

 

Quand Bai Juyi [2] est arrivé à Chang’an, le célèbre lettré Gu Kuang s’est moqué de lui en lui disant : « A Chang’an, le riz est cher, il n’est pas facile d’y vivre pour rien. » C’était un jeu de mots sur son nom pour dire que la vie était difficile en raison du prix du riz [3]. Mais, ce qu’il voulait dire en réalité, c’est qu’il y avait une concurrence terrible entre les poètes composant des chants à la mode.

Or les poèmes de Bai Juyi étaient dans le genre populaire, faciles à comprendre. On dit qu’après avoir terminé ses poèmes il les faisait écouter à des femmes illettrées ou des enfants. Son principal critère était donc avant tout la clarté.

S’il avait juste composé des poèmes pour les faire écouter à ses amis, en quoi cela aurait-il créé une compétition ? De toute évidence, la poésie des Tang avait un côté commercial important, mais cela ne l’empêchait pas d’être d’une excellente qualité : des produits de piètre qualité n’aurait pas tenu la route.


  唐代有两千多诗人的五万多首诗留下来,恐怕靠的是世俗的传唱。
  唐的风采在灿烂张狂的世俗景观,这似乎可以解释唐为什么不产生哲学家,少思想家。

La dynastie des Tang nous a laissé plus de cinquante mille poèmes écrits par plus de deux mille poètes : s’ils ont connu une aussi large diffusion, à mon avis, c’est certainement parce qu’ils avaient profondément pénétré la vie quotidienne.

L’élégance raffinée des Tang a imprégné le quotidien de l’époque d’un éclat tumultueux. C’est sans doute ce qui explique au moins en partie pourquoi les Tang n’ont produit aucun philosophe, et que très peu de penseurs.  


 

[1] Les chuanqi sont de courts récits de fiction dont le genre s’est développé à partir des Tang.
voir :
http://www.chinese-shortstories.com/Reperes_historiques_Breve_histoire_du_xiaoshuo_I.htm

[2] Bai Juyi (772-846) a été influencé par le mouvement pour la langue ancienne en vogue de son temps, et a voulu ainsi revenir vers une poésie simple et directe ; ses poèmes s’inspirent souvent de chansons populaires. Selon une anecdote semblable à celle que rapporte ici A Cheng, il travaillait ses poèmes jusqu’à ce que sa servante les comprenne. Il a réussi à obtenir un poste près de Chang’an, alors capitale de l’empire, après avoir réussi un examen en 806, et l’année suivante est devenu membre de l’académie impériale Hanlin.

[3] Le nom du poète est composé de trois caractères bái jū yì  白居易 qui peuvent être traduits par facile   de vivre pour rien bái. Il suffit d’ajouter la négation bu pour obtenir bái jū bú yì  白居不易 soit : pas facile de vivre pour rien.

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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