Xu Zechen
徐则臣
La pluie des prunes
《梅雨》
par Brigitte Duzan, 05 mai 2012
« La pluie des
prunes » est une nouvelle « très personnelle », comme
dit l’auteur à la fin, une nouvelle que l’on sent
autobiographique. Contée de manière très vivante, dans
un style imitant celui des conteurs d’autrefois, cette
histoire est surtout celle des sentiments d’un enfant de
quatorze ans ému par une femme inconnue qui débarque un
jour dans sa vie, et la perturbe le temps d’une saison,
et bien plus. Le récit est en quelque sorte cathartique.
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La pluie des prunes, paysage traditionnel
du Jiangnan |
Il est à la fois
poétique et cruellement réaliste ; chaque détail compte, chaque
élément a sa place, y compris la pluie, y compris la pendule,
qui doit être réparée pour pouvoir sonner l’heure fatidique de
la mort de la femme.
Note : la pluie des
prunes est un phénomène climatique subtropical de l’est de la
Chine (outre le Japon et la Corée), particulièrement marqué dans
la région du Jiangsu dont est originaire
Xu Zechen (徐则臣).
La saison dure environ deux mois, de la fin du printemps au
début de l’été. Elle est marquée par des pluies incessantes et
une humidité extrême.
I.
十四岁那一年我过得懵懵懂懂1。除了背上书包去五里外的中学念书,其余时间都待在家里,或者坐在石码头上2。有很多船从运河里3经过,我都没看清楚。我不知道我想干什么,心里长久地乱糟糟的4,无数种荒草在里面疯狂地生长。什么都做不了,也不想做。上下学我不再骑自行车,跑或走,闷着头5一个人独来独往。我喜欢进了校门和回到家里时一身汗的感觉。流了汗我觉得仿佛得到了自由,整个人不再被禁锢6在衣服里,而是和整个世界息息相通7,通透了8,身体上的每一个地方都活起来了。我跑或疾走9,流汗。下雨天也不例外。印象里那一年梅雨天出奇地长,似乎一半时间都笼罩在大大小小的雨里,我湿漉漉地10流汗,所有人家的衣物和棉被都长了霉。
1.
懵懂
měngdǒng hébété,
avoir l’esprit confus 2.
石码头
shímǎtou
quai de
pierre
3.
运河
yùnhé le Grand
Canal 4.
乱糟糟
luànzāozāo
en désordre,
confus
5.
闷着头
mēnzhetóu
en silence, sans
faire de bruit 6.
禁锢
jìngù
emprisonner,
enchaîner
7.
息息相通
xīxīxiāngtōng
respirer
d’un même souffle, être à l’unisson
8.
通透
tōngtòu
totalement 9.
疾走
jízǒu
marcher vite 10
湿漉漉
shīlùlù
humide, moite
J’ai passé l’année de
mes quatorze ans dans un état d’hébétude. Quand je n’allais pas
au collège, cartable sur le dos, à deux kilomètres de là, je
passais mon temps à traîner à la maison ou assis sur le quai de
pierre. Il y avait beaucoup de bateaux qui passaient sur le
Grand Canal, mais je n’y faisais pas attention. Je n’avais
aucune idée de ce que je voulais faire, j’avais l’esprit confus,
pris dans une masse
d’herbes folles qui
croissaient dans un total désordre. Je n’arrivais à rien faire,
et n’avais envie de rien faire. Je ne prenais plus ma bicyclette
pour aller à l’école et en revenir, j’y allais en courant ou en
marchant, silencieux et solitaire. Sur le chemin de l’école ou
au retour, j’étais toujours trempé de sueur et j’aimais cette
sensation : cela me donnait une impression de liberté, comme si
mon être entier n’était plus emprisonné dans mes vêtements, mais
en symbiose parfaite avec l’univers ; la moindre parcelle de mon
corps en était stimulée. Que je coure ou marche vite, je
transpirais, et même quand il pleuvait. J’ai le souvenir que la
pluie des prunes a duré particulièrement longtemps, cette
année-là ; fine ou drue, elle nous enveloppait ; j’étais en
nage, et les vêtements et les couettes moisissaient.
花街在这一年里没有什么变化,除了出现一个女人。她在雨季的前一天来到花街,梅雨快结束的时候死了。我想讲的就是她的故事。
Cette année-là, il ne
s’est rien passé, dans la rue des Fleurs, à part l’arrivée d’une
femme. Elle y est apparue la veille du jour où la pluie des
prunes a commencé, et elle est morte le lendemain du jour où la
pluie a cessé. C’est son histoire que je veux vous raconter.
老人说,别对着运河发呆,水鬼要抓小孩。我不是小孩。大人了。他们都这么说,栋梁和五百,我同学。放学后我背着书包去学校的厕所撒最后一泡尿,一排子人站在便池前又摇又抖。栋梁弯下腰伸长脖子在我旁边四处瞅,然后叫起来,他长毛了!他长毛了!很多人冲到我面前我才知道他说的是我。栋梁一脸坏笑,五百和其他人也跟着叫嚷和怪笑。他是男人了!他们说我。我突然紧张起来,尿撒了半截就提上裤子,裤裆里湿了。我的脸红得像小偷,全身可能都红了。他们大喊大叫。我知道他们其实早就长了毛,私下里男生们都在说,但为什么他们偏偏对我感到惊奇和兴奋。好像他们是清白的。然而当时我惊恐地提上裤子时,的确觉得只有自己才可耻。所有可耻的人一起讨伐你的时候,他们似乎就清白了,干净了,而你成了唯一可耻的人。十四岁的下午我第一次发现这个道理。此后的多少年里,我一次次地感觉到自己的可耻,尽管事实上我可能比所有人都更清白。我跑出厕所他们跟在后面继续叫,见到女生叫得更起劲。我想我完了,有一个女生知道了,所有女生也就都知道了。我鬼魂附体似的狂奔,五里路没停歇到了石码头上。坐到石阶上时,心脏在嗓子眼里跳,眼泪和汗水一起流下来。老人说,别对着运河发呆,水鬼要抓小孩。跟我没关系。我坐在那里如同屁股生了根,直直地瞪着一大片水和船,两眼里是空的。来来往往走过的人我也不让路。
[l’auteur raconte
ici un souvenir de cette année-là : des camarades s’étaient
moqués de lui, alors qu’ils étaient ensemble aux latrines de
l’école, parce qu’il commençait à avoir du poil au pubis ; cela
lui avait donné un sentiment de honte et d’impureté, comme s’il
était le seul à être impur. Il avait remonté son pantalon à
toute vitesse et avait couru jusqu’au quai]
我不是难过1,也不愤恨2,是什么我不知道。真要找点什么,那只能是空白。就像没有船驶过的宽阔水面一样。
风把我吹干了,天依然热,夕阳落了一半,石码头上忙起来。船和行人该来的来,要走的走。绛红色的光3铺满半边运河,另一半是黑的,远处雾气升起来。一艘船摇着铃当靠上码头,插在并排的几艘船中间的空当里。一个女人拎着巨大的皮箱上了岸,左手里还有一个鼓鼓囊囊的包4。有三十岁?我不知道,我向来猜不准别人的年龄。她在第二个台阶上停下,清冷地5站在水边柳着身子往回看,船夫在数钱。她慢慢地把脸转向花街的方向,傍晚的光像温润6的丝绸拂过她,那个柔和的脸部的弧度7让我有点恍惚8。我觉得一定在哪个地方见过这张脸。我歪着脑袋盯着她看,清晰地感到汗水蒸发9之后留下的琐碎10的结晶盐11。她用右手小拇指把眼前的一缕头发挂到耳后去。她的右耳朵是透明的。我在哪里见过她。要么就是在过去的某个时候,有人对我说,不要在水边和一个坏女人站在一起。为什么坏,我也不知道。
1.
难过
nánguò
attristé, peiné 2.
愤恨
fènhèn
avoir du ressentiment,
de la haine
3.
绛红
jiànghóng écarlate,
cramoisi 4.
鼓鼓囊囊
gǔgǔnángnáng
(sac) bourré,
gonflé
5.
清冷
qīnglěng
solitaire,
abandonné 6.
温润
wēnrùn
doux/chaud et
moite/luisant
7.
弧度
húdù radian 8.
恍惚
huǎnghū
distrait 9.
蒸发
zhēngfā
s’évaporer
10.
琐碎
suǒsuì
minuscule 11.
结晶盐
jiéjīngyán
cristaux de sel
Je ne savais pas
exactement ce que je ressentais, mais ce n’était ni de la peine
ni de la haine. Si je veux essayer de le définir, ce ne peut
être que par le vide. Comme une immense étendue d’eau sans un
seul bateau.
Le vent avait séché ma
sueur, mais j’avais toujours très chaud ; le soleil se couchait
et le quai était très animé, avec des gens et des bateaux dans
tous les sens. Une moitié du bord du canal baignait dans une
lumière cramoisie, l’autre moitié était plongée dans
l’obscurité, tandis qu’une légère brume montait dans le
lointain. Un bateau accosta en sonnant sa cloche, en se
faufilant dans un espace laissé libre entre les rangées de
bateaux. Une femme en descendit en traînant une immense valise
de cuir, tout en tenant de la main gauche un sac bourré. Elle
devait avoir une trentaine d’années, mais je ne suis pas sûr, je
n’ai jamais été très doué pour deviner l’âge des gens. Elle
s’arrêta à la deuxième marche et resta là, son corps très souple
tourné vers le batelier qui comptait son argent. Puis elle
dirigea lentement la tête vers la rue des Fleurs ; à la lumière
du couchant, baigné d’une douce chaleur, elle semblait nimbée
d’un voile soyeux, et je me sentis troublé par l’arc très doux
de ce visage. J’étais sûr de l’avoir déjà vu quelque part. La
tête tournée vers elle pour bien l’observer, je sentais les
minuscules cristaux de sel que ma sueur avait laissés sur ma
peau en s’évaporant. Du pouce de la main droite, elle fit passer
derrière son oreille une mèche de cheveux qui lui tombait dans
les yeux. Son oreille droite semblait translucide.
L’avais-je déjà vue
quelque part ? Ou était-ce simplement que quelqu’un m’avait dit
un jour qu’il ne faut pas rester au bord du canal avec une femme
de mauvaise vie. Pourquoi mauvaise ? Je n’en savais rien non
plus.
她的脸清冷。当她看见我的时候,对我笑了一下,露出了一口白牙齿。然后牙齿消失了。我赶紧把目光躲到一边去。她的那一个笑说明我们是陌生人,我从来没有见过她。那是对陌生人的笑,或者说,是面部表情的一个调整1,而碰巧2我坐在这里。我既失望又坦然3,这样的情景在我时常发生,莫名其妙就会在某个时候觉得眼前的事情发生过,几乎是一模一样。像做过的梦一样。所以我推测4,在过去的十三年里,我一定做了无数的我记不起来的梦。
那个女人经过我面前时磕绊了一下5,最后一个台阶对她的大皮箱来说有点高。我帮她扶住箱子,屁股还是没动,我挡了她的路。我看见她衣服的左胸处绣了一朵小玉兰花6,然后我闻到了幽幽的玉兰花香气。
“谢谢,”她说。“这就是花街?”
她的声音听不出来是哪里人,我敢断7定离这里不是很远。我点点头,往身后指了指。码头饭店旁边的巷子进去就是花街。其实我还想问她要找谁,因为街上所有人我差不多都认识。但最终没吭声8。我羞于开口,也有点怕。
1.
调整
tiáozhěng
ajuster 2.
碰巧
pèngqiǎo
par hasard 3.
坦然
tǎnrán
calme
4.
推测
tuīcè
déduire 5.
磕绊
kēbàn
trébucher 6.
玉兰
yùlán
magnolia
7.
敢断
gǎnduàn
décider, trancher
8.
没吭声
méi kēngshēng
ne pas souffler mot
Son visage avait une
expression froide, mais, quand elle me vit, il s’éclaira d’un
sourire qui découvrit des dents bien blanches. Elles disparurent
bien vite, et je détournai le regard. Ce sourire signifiait que
nous étions des étrangers, que je ne l’avais jamais vue. Ce
sourire est celui que l’on réserve aux étrangers, ce n’est que l’ajustement
de l’expression faciale vis-à-vis d’un inconnu. Je me trouvais
là par hasard, déçu, mais pas décontenancé. Il m’arrivait
souvent d’avoir cette impression de déjà vu, ou de déjà vécu,
comme dans un rêve. J’en déduisais que j’avais dû faire beaucoup
de rêves au cours de mes treize premières années.
Quand la femme arriva
devant moi, elle trébucha, car la dernière marche était un peu
trop haute pour elle, avec sa lourde valise. Je l’aidai à monter
sa valise, mais, comme je restais le derrière scotché par terre,
je la gênais pour passer. Je vis qu’elle avait une fleur de
magnolia brodée sur le côté gauche de son chemisier, puis sentit
une délicate senteur de magnolia.
« Merci, dit-elle, la
rue des Fleurs, c’est par là ? »
A son accent, j’étais
incapable de dire d’où elle venait, mais je décidai que ce
n’était pas loin. Je lui fis oui de la tête, en montrant la rue
derrière moi. La ruelle qui partait derrière le restaurant du
quai était la rue des Fleurs. J’eus envie de lui demander si
elle cherchait quelqu’un, car je connaissais pratiquement tout
le monde, dans la rue, mais je n’ai pas soufflé mot, en fin de
compte. J’étais trop timide pour ouvrir la bouche, j’étais un
peu impressionné.
坐到晚饭时我才回家,父亲正给别人针灸1。他在家里开了间私人诊所2,花街、东大街、西大街甚至更远地方的病人都会赶过来找他。据说我父亲医术不错,中医西医都拿得出手,好像还有几手绝活3和偏方4。深的我不懂,我只零散学了一点皮毛5,头疼脑热的也能给人下点药。父亲不在家这事就归我干。日常用药就那几种,即使医不好病也不会把人治死。父亲有用酒精棉球擦手指的毛病,这和他的一丝不乱的分头一样,培养了我对男医生的基本想像,以后的多少年里都没能改掉。父亲让我去看他针灸,我转身去了另一间屋,那病人瘦骨嶙峋6的后背让我打了个抖,觉得冬天提前到来似的。
1.
针灸
zhēnjiǔ
acupuncture 2.
诊所
zhěnsuǒ
clinique 3.
绝活
juéhuó
spécialité
4.
偏方
piānfāng
remède
traditionnel 5.
皮毛
pímáo
ici :
connaissances superficielles
6.
瘦骨嶙峋
shòugǔlínxún
qui n’a que
la peau sur les os, maigre comme un clou
Je ne suis rentré qu’à
l’heure du dîner. Mon père était en train de soigner un malade à
l’acupuncture. Il avait ouvert une clinique à la maison, et tous
les gens de la rue des Fleurs, et même bien plus loin, venaient
se faire soigner chez nous. Mon père avait la réputation d’être
un bon médecin, il pratiquait la médecine chinoise comme la
médecine occidentale, il avait même d’autres spécialités et
connaissait aussi des remèdes traditionnels. Moi, je n’étais pas
un expert, mais j’avais appris quelques rudiments de ci de là,
et pouvais prescrire des médicaments contre les maux de tête ou
la fièvre. Quand mon père n’était pas là, je le
remplaçais pour les cas de ce genre. Ces médicaments n’étaient
pas forcément très efficaces, mais ils ne risquaient pas non
plus provoquer mort d’homme. Mon père avait l’habitude de se
frotter les doigts de boules de coton imbibées d’alcool ; cette
particularité et ses cheveux impeccablement coiffés, avec une
raie, sont longtemps restés dans mon esprit inséparables de
l’image que je me faisais d’un médecin, j’ai mis des années à
m’en défaire. Un jour, il m’a fait venir pour que je le regarde
poser des aiguilles, mais j’ai tourné les talons et suis parti
dans la pièce à côté : la vue du dos décharné du malade m’avait
donné la chair de poule, comme si l’hiver était soudain arrivé
avant l’heure.
母亲在做饭,见到我就开始训。训我只是一个做母亲的习惯而已,见到我迟归就忍不住想说两句。自言自语也要说。整天游魂。我告诉她,就是在石码头上看船,没跟别人打群架1。母亲哼了一声,早晚也不让我放心,跟你爸一路东西。她总是对我父亲充满仇恨,顺便把我捎带上2。如果我还有一个哥哥或者弟弟,或者祖父还在世,他们应该也逃不掉。男人都不是好东西。花街上的女人都这么认为。所以她和父亲总是吵架。饭桌上说得好好的,我盛一碗饭回来他们可能就吵起来了。一旦这时,母亲就会说:
“花街,该死的花街!”
父亲就低声对着我耳朵篡改3母亲的话:“男人,该死的男人!”
花街被置换成男人4。我当时理不清其中的逻辑。
母亲让我给她打下手。“船有什么好看的,你是运河管理处的干部啊?”
“有个女的下船了。”
“又来一个!祸害啊5!该死的花街,上面为什么不找个推土机6把这地方给推平了7!”
1.
打群架
dǎqúnjià
se battre, prendre
part à des rixes 2.
捎带
shāodài en passant,
de façon incidente
3.
篡改
cuàngǎi falsifier 4.
置换
zhìhuàn
échanger, substituer
(成
chéng
pour/contre)
5.
祸害
huòhài
calamité, fléau
6.
推土机
tuītǔjī
bulldozer 7.
推平
tuīpíng raser
Ma mère était en train
de préparer le dîner et s’est mise à me gronder dès qu’elle m’a
vu arriver. C’était une habitude bien ancrée chez elle ; quand
j’arrivais tard le soir, elle ne pouvait s’empêcher de me faire
une ou deux réflexions, en marmonnant comme pour elle-même, du
genre : toute la journée à courir les rues comme une âme en
peine. J’avais beau lui dire que j’étais resté sur le quai à
regarder passer les bateaux, que je ne m’étais pas battu, elle
rétorquait : avec toi, impossible d’avoir l’esprit en paix,
exactement comme avec ton père. Elle était toujours pleine de
ressentiment envers lui, et m’incluait au passage dans les
reproches qu’elle lui adressait. Si j’avais eu un frère, ou si
mon grand-père avait été encore vivant, ils y seraient passés
eux aussi : les hommes ne valaient rien. C’est d’ailleurs ce que
pensaient aussi toutes les femmes de la rue des Fleurs. Alors
elle n’arrêtait pas de se disputer avec mon père ; nous nous
mettions paisiblement à table, mais il suffisait que j’aille me
chercher un autre bol de riz, quand je revenais, ils
échangeaient des quolibets. Ma mère lançait alors sa charge
usuelle : « Cette rue des Fleurs, maudite soit-elle ! ».
Mon père me glissait
alors à voix basse en modifiant l’invective de ma mère : « Ces
hommes, maudits soient-ils ! » Que rue et hommes soient deux
termes interchangeables, je n’en comprenais pas très bien la
logique, à l’époque.
Ma mère voulait que je
l’aide. « Qu’est-ce qu’il y a de si passionnant, à regarder
passer des bateaux ? Tu n’es pas un cadre de l’administration du
Canal, si ? »
« Il y a une femme qui
est arrivé par un bateau, aujourd’hui. »
« Encore une ! Quelle
calamité ! Cette maudite rue des Fleurs ! Mais pourquoi les
autorités ne font-elles pas venir un bulldozer pour la raser ! »
II.
母亲说“又来一个”,是因为有很多女人在花街上来来往往。我是不是跟你说过,花街现在是名副其实的“花街”?没有?那是你忘了。我再说一遍。
Si ma mère s’est
exclamée « Encore une ! », c’est qu’il y avait beaucoup de
femmes qui fréquentaient la rue des Fleurs. Je vous ai déjà
raconté, n’est-ce pas, que cette rue était effectivement une
« rue de fleurs ? » Non ? Alors c’est que vous avez oublié. Je
recommence.
这地方原来叫“水边巷”。很多年前的名字了。因为靠近石码头,往来的船商要在这里歇脚1。都是长年漂在水上的男人,见了女人就走不动,既然这样,那很好,想钱的女人就打开门,等你带着钱袋进来。生意好,大家就想来,外地的男人来,女人也来。女人在街上租下一个小院,等着男人来。水边巷就慢慢变成了“花街”。后来就只知道花街不知道水边巷了。花街就成了花街的名字。不是所有花街的女人都干那一行,如果我十四岁那时候的某个夜晚你出现在花街,所有门楼底下3挂小灯笼的院子里,都会有一个柔软的2身子迎接你。你摘下4小灯笼,提着敲开她的门,门楼底黑下来。你进去了,然后离开。如果她还要挣钱,灯笼还会再挂出来。当然不是所有女人都愿意挂小灯笼,她们不愿意让所有人知道,那你只好通过其他途径5了解。你别介意6,不是说你。现在看来,其实挂不挂都无所谓,只要哪个男人想,他就能准确无误地找到她。男人在这方面生了一只比狗还好使的鼻子。这是有一天我穿过花街,听见谁家院子里一个女人说的。当然现在已经不一样了,挂小灯笼的越来越少了,门面气派的洗头房、美容院7摆在那里,露着胳膊和大腿的女孩子坐在玻璃门前,大白天她们也敢招呼你。不是说你。
1.
歇脚
xiējiǎo
faire une pause,
une escale… 2.
柔软
róuruǎn
doux, moelleux
3.
门楼
ménlóu arche,
arcade 4.
摘下
zhāixià
décrocher 5.
途径
tújìng
moyen, voie
6.
别介意
biéjièyì
ne craignez rien 7.
美容院
měiróngyuàn
salon de beauté
Cette rue, autrefois,
s’appelait la ruelle du Bord de l’Eau, et ce nom lui est resté
pendant longtemps. Comme elle était tout près du quai, les
bateliers venaient s’y reposer. Mais les hommes qui passent leur
temps en bateau se sentent des jambes de plomb quand ils voient
une femme. Très bien. Les femmes qui voulaient se faire un peu
d’argent ouvraient leur porte à ceux qui en avaient. Les
affaires marchaient bien, tout le monde voulait venir, les
hommes affluaient, et les femmes aussi. Elles louaient une
petite cour, dans la rue, pour y recevoir les hommes. Alors, peu
à peu, la ruelle du Bord de l’Eau est devenue la rue des
Fleurs*, si bien que maintenant on a complètement oublié le nom
initial. Mais toutes les femmes de la rue des Fleurs ne se
livrent pas à ce commerce. Alors, quand j’avais quatorze ans et
qu’on allait la nuit dans la rue, on voyait des lampions pendus
à certaines portes, on savait que, derrière chacune de ces
portes, se tenait un corps tendre pour vous accueillir. Il
suffisait de décrocher la lanterne, et de pousser la porte après
avoir frappé. A l’extérieur, la porte restait dans l’obscurité.
Quand vous partiez, ensuite, si la femme voulait gagner un peu
plus d’argent, elle raccrochait la lanterne à l’arche de la
porte. Mais, bien sûr, toutes les femmes ne le faisaient pas,
certaines ne voulaient pas que cela se sache, alors vous étiez
obligé de vous renseigner par d’autres moyens. Je ne parle pas
de vous, n’ayez crainte. Mais, vous savez, si un homme voulait
trouver une femme, il y arrivait, lanterne ou pas ; les hommes
ont un flair infaillible qui vaut celui des chiens, dans ce
domaine, j’ai entendu une femme d’une de ces cours dire ça, un
jour que je passais dans la rue. Aujourd’hui, de toute façon,
c’est différent, il n’y a plus beaucoup de
lanternes, à la place il y a des enseignes de boutiques de
coiffure, de salons de beauté ; des jeunes filles, bras et
jambes nues, sont assises devant la vitrine et vous interpellent
en plein jour. Je ne parle pas de vous.
* « fleurs » est
le terme traditionnel, en Chine, pour désigner les courtisanes.
D’où le titre, par exemple, du célèbre film de Hou Hsiao-Hsien :
« Les fleurs de Shanghai » (《海上花》)
那不是我十四岁那一年么。
那一年雨季漫无边际。六月刚到,梅雨就来了。在那女人来的第二天。我记得清楚,是因为我差点把她撞倒了。
Mais mon histoire s’est
passée l’année de mes quatorze ans.
Cette année-là, la
saison de la pluie des prunes a duré très longtemps. Elle a
commencé dès le début du mois de juin, le lendemain du jour où
est arrivée cette femme. Je m’en souviens très bien parce que
j’ai failli la renverser.
半下午突然变天,下了课太阳不见了。放学时雨正大。我没带雨具,冲进雨里就往家跑,进了花街浑身已经湿透。花街在阴雨天显得更幽深。青石板路面放出闪亮的青光,雨水一处处汪着,雨点击打路面的声音在两边的高墙间回旋。潮湿的青苔爬满半墙。当时的花街上全是老屋,瘦高,一家家孤零零地站在雨里,像衰弱的老人披着件大衣裳。檐角在半空里艰难地飞起来。墙很多年前是白的,现在布满霉斑,瓦色灰黑,瓦楞和屋脊里长出了一丛丛野草。在雨里它们看起来相当阴冷。所以阴雨天我不太愿意在花街上走来走去,买东西除外。临街两边有很多店铺,林家裁缝店,蓝麻子豆腐店,老歪的杂货店,孟弯弯的米店,冯半夜的狗肉铺,还有寿衣店、小酒馆和服装店。加上一家家的门楼,一条街挤得满满当当。
[Il s’était mis à
pleuvoir dans l’après-midi et il pleuvait très fort quand il
était sorti de l’école. Il était trempé quand il était arrivé
dans la rue des Fleurs, qui semblait encore plus sombre et
décrépie sous la pluie.]
杂货店和米店之间的一个门楼里忽然走出来一个女人,我刹不住脚,撞到了她身上。她小声地叫了一下,一盆水泼到路面,铁盆咣当当响,在青石板上转了好几圈。要不是倚上了院门,她就跟盆一块倒地上了。我惊慌地看她,是昨天在石码头上见到的女人。她换了衣服,头发窝成一个鬏,好像用一根筷子插着,做了簪。我嗯嗯两声,没道歉就跑开了。我感到心慌,跑得像逃。我听见她又叫了一声,可能是我鞋子甩起的水溅到了她身上。
她在这里租了房子,没错。一定是。和昨天相比,她陌生了。不再是我似曾相识的那个侧面的脸,她成了在花街上租房子的陌生女人。而我没变,还是老样子。我突然有些生气。我把脚步沉重激烈地落到雨水路面上,没回头跑进了家门。
[une femme était
soudain sortie entre deux étals et avait failli tomber en le
heurtant ; il avait reconnu la femme de la veille ; de toute
évidence elle avait loué une maison, elle était devenue l’une
des inconnues de la rue. Le jeune garçon s’était enfui en
courant chez lui]
换完衣服,我坐在窗边看屋后树底下的两只麻雀打架。老槐树枝叶茂密,树下那一圈土地基本上是干的。父亲看完了病人,走进来让我背前两天教给我的一个口诀,关于出血热的症状的。我费了很大的力气才想起其中的两句:皮肤粘膜出血点,恶心呕吐蛋白尿。别的打死也记不起来了。父亲又一次对我表示了失望。他习惯了。我也习惯了。父亲一直希望我能成为扁鹊、李时珍那样的旷世名医,希望我的名字能被千秋万代的传下去。而我是他的儿子,他也会被人万代千秋地挂在嘴上。可我不是那块料,在学校成绩一般。尤其这一年,父亲明确表示过,他认为我的智商正在下降,这从平常的言语行动可以看出。我反应迟钝了,动作迟缓了。看来寤生的孩子就是有问题。没错,我是两只脚先来到这个世界上的。
[après s’être
changé, il regarde des moineaux se battre dehors. Quand son père
rentre et lui demande de lui réciter quelques lignes de
symptômes qu’il lui a appris la veille, il est incapable de le
faire jusqu’au bout ; son père avait espéré faire de lui un
médecin célèbre, mais ses notes en classe sont très moyennes,
pire son QI semble empirer]
父亲摇着头出去了,我给自己倒了杯水,喝水的时候总是把握不好杯子的倾斜度,水洒出来,流了我一脖子,好像我弄不清自己的嘴究竟有多大了一样。这也让我生气。我闷不作声,任由水从脖子往下流。那两只麻雀还在打架,我从抽屉里摸出弹弓,拿起一颗在运河边上精挑细选过的石子。只一下,一只麻雀就躺在地上不动了。它死了,毫无疑问,我对自己的弹弓技术还是有相当把握的。这些年弹弓是我最重要的玩具,别人用鱼叉叉鱼,我用弹弓,只要那条鱼在水面上露一个头,我就会让它永远漂在水面上。另一只麻雀先是跳开,然后又跑过来,围着死去的朋友跳舞,唧唧的叫声变了调。它不停地跳,用嘴啄自己的羽毛,一根根往下扯。它以为那是件衣服,要把它脱掉。它不知道逃走。
我把弹弓放下,已经装上的第二颗石子也拿出来。我对着那只活着的麻雀嘘嘘,哄它也不走。然后开始打喷嚏,一连三个。我感冒了。
[son
père s’en va en hochant la tête… il boit de travers, comme
souvent, cela le met en colère… les moineaux sont encore en
train de se battre, il prend son lance-pierre et en abat un,
c’est un domaine où il est très fort. L’autre moineau est
toujours là, mais il range son lance-pierre. … Il éternue trois
fois. Il a attrapé froid.]
III.
躺在床上生病是件无聊透顶的事。我想起来,但是药力让我浑身无力,动一下就觉得骨头和肉一起疼。不知道父亲给我下了什么药。父亲帮我到学校请了假,然后给我配药。他说这些反应是正常的,我已经六年没有感过冒了,所以来势凶猛。六年了,也就是说上一次感冒在八岁。我都想不起来八岁时我是一个怎样的小东西,甚至怀疑是否经历过八岁。至少我没看见八岁留给我的任何痕迹。父亲却说,八岁时整个花街都知道我是个聪明可爱的孩子,成绩一级棒,学什么会什么。我不相信,因为“可爱”这个词让我厌恶,矫情,甜腻腻的,像电视里外国老太太抓着小女孩的手使用的词汇。我不愿意自己在看不见的八岁里可爱。
你连着在床上躺过三天没动吗?哦,没有。那真比死了还无趣。
[malade, il doit
rester au lit trois jours, la chose la plus ennuyeuse au monde,
dit-il ]
我一整天都睁大眼看着屋顶上蜘蛛在结网,窗外雨声急缓相间,我怀疑时间已经停下来不走了。一天都如此漫长,这一辈子可怎么过。我让母亲把老掉牙的飞马牌挂钟挂到我床对面的墙上,我要看着它往前走。其实这样凉爽的天气非常适合昏天黑地地睡觉,可我睡不着,我看着钟摆在潮湿的空气里有气无力地晃荡,突然想到那些出入花街的陌生男人。他们走进花街的时候步履匆匆,当然一般都是在晚上,也有白天来的,离开的时候就像这个老钟摆,有气无力地拖着两条腿晃荡出去。我想像我是其中一个,那一定是穿风衣,竖起高领子,戴礼帽,像个冷酷利落的地下党人。可是,地下党人到花街来干什么呢。晚上九点之后,母亲是坚决不许我在花街上乱转的。
“该死的花街,有什么好看的!”她一直这么说。
[dans
son lit, il n’arrive pas à dormir et regarde le balancier de la
pendule qui lui rappelle les hommes qui fréquentent la rue des
Fleurs ; il s’imagine être l’un d’eux, col d’imper relevé et
chapeau rabattu sur les yeux, comme un membre clandestin du
Parti communiste…]
如果不是那个女人,我还会在床上继续躺下去。父亲去西大街出诊了,母亲在玻璃厂上班,她的任务是从一堆酒瓶子里把有缺口的1挑出来。母亲对我和父亲常常不满,应该是职业病2,她对一切有缺口的东西都不放过。那个女人敲我家的门。我不得不从床上爬起来。
“是你啊,”她摁着3右耳朵后面的那个地方。“你是医生的儿子?哦,我头痛。”
我点点头,两腿发软。身子如同一块板结的4土地,点头的时候能听见生锈的5螺丝6艰难地转动的声音。她的右耳朵已经不再透明。她的蓝底小白碎花雨伞竖在门槛之外,雨水从伞尖流到更多的雨水里。她穿一双塑料拖鞋7,指甲淡红色,脚很白。
1.
有缺口
yǒuquēkǒu
défectueux 2.
职业病
zhíyèbìng
maladie professionnelle
3.
摁
én presser 4.
板结
bǎnjié
durcir 5.
生锈的
shēngxiùde
rouillé 6.
螺丝
luósī
vis
7.
塑料拖鞋
sùliào tuōxié
sabots/sandales de plastique
Sans cette femme, je
serais resté encore longtemps au lit. Mon père était allé à
l’ouest de la rue des Fleurs pour un traitement d’acupuncture,
ma mère était au travail à la verrerie ; son travail consistait
à trier les bouteilles d’alcool pour éliminer celles qui avaient
des défauts. Le fait qu’elle ait souvent des choses à nous
reprocher, mon père et moi, devait être une maladie
professionnelle : elle ne laissait passer aucun défaut où que ce
soit. La femme a frappé à la porte. Il a bien fallu que je me
lève.
« Tiens, c’est toi ! »
dit-elle en pressant l’arrière de son crâne, derrière l’oreille
droite, « tu es le fils du médecin ? Ah, j’ai mal à la tête. »
J’opinai. Je me
sentais faible sur mes jambes, mon corps semblait comme un bloc
d’argile durcie et, en bougeant la tête, j’avais l’impression
d’entendre un bruit de vis rouillées. Son oreille droite n’était
plus translucide. Elle avait laissé sur le seuil son parapluie à
toutes petites fleurs blanches sur fond bleu, l’eau qui
s’écoulait au bout de la pointe allait grossir la flaque qui
s’était formée dessous. Elle était chaussée de nu-pieds de
plastique qui laissaient paraître des ongles laqués, rouges sur
la peau blanche de ses pieds.
“我头疼,”她又说。
我赶紧把目光提上来,顺便把全身的力气也提起来,然后驴唇不对马嘴地1说:“我感冒了。”说完我就尴尬地2笑了。如果有镜子,我一定会发现,那也是会让别人尴尬的笑。
她笑起来。在笑声里我头一次发现她有一点鼻音。之前说话的时候竟然没发现。
如你所知,我那点皮毛功夫用上了。治疗头痛和偏头痛我都懂一点。就那几付药。我不生气了,我很高兴。我给她详细地讲述我所知道的跟头痛和这些药相关的知识,其中五分之一的内容是我临时杜撰的3。我对这些药的价格也熟悉。不能不收钱。离开的时候她夸我真能干,到底是医生的儿子。她撑着4伞跳过一个个小水坑,白白的脚后跟一闪一闪。我换个角度去看她的侧面,我有些兴奋,但是那个下午的光线和熟悉的脸颊的弧度还是没找到。它们一起消失了。陌生的女人。
1.
驴唇不对马嘴
lǘchúnbúduìmǎzuǐ
les lèvres d’une mule
ne vont pas avec la bouche d’un cheval =
qui n’a rien à voir,
sans rapport
2.
尴尬
gāngà
embarrassé 3.
杜撰
dùzhuàn inventer
4.
撑
chēng
tenir levé
« J’ai mal à la
tête », dit-elle à nouveau.
Je levai vite la tête,
rassemblai toute mon énergie, et lui répondis à côté de la
plaque : « J’ai attrapé froid. »
Sur quoi j’eus un
sourire embarrassé. Si j’avais eu un miroir, j’aurais
certainement pu voir que c’était le genre de sourire
embarrassant aussi pour les autres.
Elle se mit à rire, et
je remarquai pour la première fois qu’elle avait une voix un peu
nasale que je n’avais pas remarquée quand elle m’avait parlé,
auparavant.
Comme je l’ai déjà
mentionné, j’avais quelques connaissances rudimentaires de
médecine, de quoi prescrire quelques médicaments pour soigner
maux de tête et migraines. Je n’étais plus en colère, j’étais
même très content. Je lui ai débité en détail tout ce que je
savais sur les maux de tête et les médicaments pour les guérir,
en en inventant une partie au passage. Je connaissais aussi les
prix des médicaments, j’étais bien obligé de la faire payer. En
partant, elle me félicita de mes compétences, disant qu’on
voyait que j’étais fils de médecin. Levant son parapluie, elle
évita la flaque d’eau et
s’éloigna, l’arrière
de ses talons jetant un éclat blanc à chaque pas. Tout excité,
j’ai changé d’angle d’observation pour l’examiner de côté, mais
je n’ai pas retrouvé la courbe de son visage ni la lumière du
premier après-midi. Ils avaient disparu. Elle était une
inconnue.
从床上下来我的病就好了。也许早就好了,只差我站到地上来。我开始上课,跑步和走路,穿过花街,在停雨的间歇来到石码头上。雨没完没了。全世界都是湿的。
Ma santé s’est ensuite
améliorée. Peut-être que j’allais déjà mieux auparavant, et
qu’il suffisait que je me lève. J‘ai recommencé à aller à
l’école, à faire mes exercices de marche et de course, jusqu’à
la rue des Fleurs, et jusqu’au quai de pierre dans les rares
moments où il ne pleuvait pas. Mais la pluie ne cessait pas. Le
monde entier était mouillé.
她的头痛病没有治好,两天以后她又来我家。我给她开的就是两天的量。
周末,父母亲都在家。我发现槐树1底下那只死麻雀不见了。野猫很多,可能已经把它叼走了2。那女人的鼻音一进家门我就听出来了。父亲很客气,他对所有的病人都比对我客气。他让她,让我母亲给她沏茶3。然后他们说起头痛病,可能还有别的病。反正那鼻音反复说她不舒服。父亲为我开的药没效果向她道歉4。她说也不是一点效果没有,只是不彻底5。治病要彻底。我躲在屋里竖起耳朵,看钟摆甩上去6又落下来。它对这种一成不变的体操7早就厌倦了8。
父亲开了处方。他对经手的所有病人都有详细记录。这是成为好医生的前提,因为他能凭借这个说出他们疾病的来龙去脉9。我就是在处方上看到那女人的名字,高棉。一个挺拔10、柔软的词。一个挺拔、柔软的女人。那时候我还不知道有“红色高棉”11这回事。
1.
槐树
huáishù sophora 2.
叼
diāo
tenir dans la
bouche 3.
沏茶
qīchá
faire infuser du
thé
4.
道歉
dàoqiàn s’excuser
5.
彻底
chèdǐ
à fond, total 6.
甩
shuǎi
se balancer
7.
体操
tǐcāo
gymnastique
8.
厌倦
fànjuàn être
fatigué de
9. 来龙去脉
láilóngqùmài
les causes
et effets 10.
挺拔
tǐngbá
plein de force,
énergique
11.
高棉
gāomián prénom +
transcription phonétique de Khmer
红色高棉
hóngse
gāomián
les Khmers rouges
Son mal de tête n’est
pas passé, deux jours plus tard elle était de retour à la
maison. Je ne lui avais donné des médicaments que pour deux
jours.
C’était le week-end,
mes parents étaient là tous les deux. J’ai remarqué que, sous le
sophora, le moineau mort avait disparu. Il y avait beaucoup de
chats errants, l’un d’eux avait dû l’emporter. Dès que je suis
entré, j’ai entendu la voix nasale de la femme. Mon père était
très prévenant envers tous les malades, bien plus qu’envers moi.
Il l’avait fait entrer, et avait demandé à ma mère de préparer
du thé. Ils parlaient de ses maux de tête, peut-être d’une autre
maladie aussi. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle a répété de
cette voix nasale qu’elle ne se sentait pas bien. Mon père s’est
excusé du peu d’efficacité des médicaments que j’avais
prescrits, mais elle lui a répondu que ce n’était pas tellement
qu’ils n’avaient pas été efficaces, mais qu’ils ne l’avaient pas
été totalement. Pour guérir une maladie, il faut une efficacité
à cent pour cent. Dans la pièce voisine, je prêtais une oreille
attentive, tout en regardant le balancier de la pendule monter
et redescendre. Il devait être fatigué de ce mouvement sans fin.
Mon père lui a écrit
une ordonnance. Il tenait des fichiers détaillés sur l’état de
ses patients. C’est nécessaire pour un bon médecin, car il peut
ainsi expliquer les tenants et les aboutissants de leur maladie
à ses malades. J’ai vu le nom de la femme sur l’ordonnance :
Gaomian *. Un nom plein de force et de douceur. Pour une femme
pleine de force et de douceur. A l’époque, je n’avais pas encore
entendu parler des Khmers rouges*.
* jeu de mots sur les
caractères du nom (voir le vocabulaire)
吃饭的时候又吵架了。母亲说,那女人面带桃花1,一看就不是正经人。
“带不带桃花关我什么事?”父亲说,“就一棵桃树来了,我也只负责帮它找虫子。”
“不关你事你还问长问短?眼珠子2都跳到眼镜外面了。”
“街坊邻居嘛,说两句家常而已。”
母亲冷笑一声,“套近乎吧3?人家跟你说了?还不是一问三不答4!”
“不说拉倒5。你还真以为我想知道她是哪里人。”
母亲沉默一会儿,又以她的口头禅6结束争吵。“该死的花街!都跑来找死啊!”
“找钱。”父亲说,“谁想死。”
“面带桃花”让我很费解了几天。字典上查不到。我在学校里又问一个好哥们,他也不明白,就跑回家问他父母,被劈头盖脸7骂了一顿。他懊丧地说,早知道不问了。小孩子问这些,作死啊。我用一包傻子瓜子安慰了他。
Passage très imagé et
plein d’humour.
1.
面带桃花
miàndài táohuā
expression rare liée à au symbole des fleurs de pêchers –
désigne une jeune fille qui cherche le bonheur dans l’amour (桃花运
táohuāyùn)
– avec un sens dérivé péjoratif.
Le père joue ensuite
sur les mots : si un pêcher venait me consulter, mon rôle serait
de chercher s’il a des vers.
2.
眼珠子
yǎnzhūzi
prunelle des yeux
3.
套近乎
tàojìnhu
être gentil,
aimable envers quelqu’un
4.
一问三不答
yíwèn sānbùdá
rester sans réponse 5.
拉倒
lādào
laisser
tomber
6.
口头禅
kǒutóuchán
phrase,
expression favorite 7.
劈头盖脸
pītóugàiliǎn
en pleine
figure
8.
懊丧
àosàng consterné,
abattu 9.
傻子
shǎzi
idiot
瓜子
guāzǐ
graines de melon
Cela nous a valu une
dispute au dîner. Ma mère a dit que cette femme avait une tête
de pute, qu’on voyait tout de suite que ce n’était pas quelqu’un
de bien.
« Et alors ? »
répondit mon père, « moi je suis là pour soigner. »
« Tu te fiches
peut-être de ce qu’elle est, rétorqua ma mère, n’empêche que tu
lui en a posé, des questions ! Même que les yeux te sortaient de
la tête. »
« Conversation banale
entre voisins. » dit mon père.
Ma mère eut un rire
glacial : « Tu voulais être aimable, hein ? Et je parie qu’elle
n’a pas bronché. »
« Laisse tomber, n’en
parlons plus. Tu te trompes si tu penses que je veux savoir qui
elle est et d’où elle vient. »
Ma mère resta sans
rien dire un instant, puis termina la discussion par sa phrase
usuelle : « Maudite rue des Fleurs ! Les gens viennent là pour
mourir ! »
« Pas pour mourir, dit
mon père, pour gagner de l’argent. »
"Tête de pute", je ne
comprenais pas le terme et ne l’ai pas trouvé dans le
dictionnaire. Alors j’ai demandé à un bon copain, à l’école ;
comme il ne savait pas non plus, il a demandé à sa mère, en
rentrant, résultat, il s’est fait passer un savon de première.
Il m’a dit, consterné, que, s’il avait su, il
n’aurait pas posé la
question, c’était un sujet à se faire tuer, pour un enfant. Il
m’a fallu tout un paquet de fichues graines de melon pour le
consoler.
我们都不知道高棉是哪个地方人。我父亲甚至说,名字可能都是假的。很多在花街租房子的女人都不说真名,她们住几年就会搬走,有的一两个月就可能离开。她们对着花街随便报出个名字,一听就不像真的。真的假的有什么关系呢,一个代号而已,杂货铺老歪养条狗还叫哥伦布呢。他连哥伦布都知道。
她们来花街干什么呢?找钱。一想到高棉也来找钱,我就莫明其妙地难过。她为什么也要来找钱。我开始借口买直尺、圆规和本子,在晚上出门,心事重重地穿过花街。
雨正在下,或者刚刚停。都一样,花街是湿的,青石板上汪着水。九点钟,花街在黑暗里安静下来,水越积越多,青苔奋力向上蔓延。屋顶上的草湿漉漉地站着,没有风它们也弯着腰。运河里只有机动船在走,大功率的柴油发动机,可以想像它最多可以在身后绑上二十五条拖船。这是我看到的最高记录。脚步声也湿漉漉的,被石头、墙壁和水放大,花街上好像有很多人在走。当你怀有心事,走路就不像个好人。别笑。那时候我才十四岁。像个十四岁的小嫖客?呵呵。是挺可笑的。十四岁其实啥也不懂。对,没错,我在找灯笼。
九点钟以后该挂的就挂出来了。次第在巷子里亮起来,地面上黑黝黝的,那感觉像走在恐怖片的鬼街里。在杂货店和米店之间,在米店和杂货店之间,我来来回回在花街上走,那个小门楼底下,都没看见小灯笼。好几个晚上,我偷偷地从院门的缝里向堂屋看,要么黑的,要么灯光清白。听不见暧昧的声音。猜不出来她在干什么。
[Personne ne savait
d’où venait Gaomian, c’était peut-être un faux nom, comme
c’était le cas de beaucoup de femmes, dans la rue. Mais quelle
importance ?... L’enfant sort le soir dans la rue, à la
recherche d’une lanterne, et de la voix bizarre… mais la porte
de Gaomian reste sans lanterne, la maison sombre et silencieuse]
IV.
除了在高棉的门楼底下,我基本上见不到她。她不再到我家的诊所里来,也许病已经痊愈了。石码头上也看不到,她好像从不去那里。在整条街上,能不去那里的人几乎没有。码头上宽敞,如果你有兴趣可以坐着看上一天。女人可以去买鱼和蔬菜,很多来往的小船都在码头上做小生意。什么都不买,她吃什么。我上下学都穿过花街,其实完全可以走另外一条路,那样更近一点。我也搞不清为什么快到她的门楼前心里总被一些兴奋紧张的东西填满了,而看见她院门紧闭,所有的东西一下全部从身体里撤掉。身体空了,坦荡荡的空。松了一口气。我是不是想把那个布满阳光的柔和的弧度找回来?
可是,真的在门楼底下碰到她,我根本就把那个弧度给忘了,甚至不敢抬头看她。我装做在地上找硬币,磕磕绊绊从她身边经过。只看见了她的拖鞋里的硬净的脚,白得眩目。有一次我看见她对我笑了,但是因为急切地低下头,忘记了回应。此后,连看她笑一下的时间都没有了,远远地我就自觉地低下头。她的门楼前的路面共有九块青石板铺成,积水有六处,三处大的,三处小的。你别笑话,看多了就清楚了嘛。
[l’enfant
n’arrive à voir Gaomian nulle part, ni dans la rue, ni sur le
quai, pourtant lieu de passage très fréquenté – mais, les rares
fois où il la voit, devant sa porte, sont pour lui des moments
d’émotion, il se souvient jusqu’au nombre de pavés devant cette
porte, et la taille des flaques d’eau sur ces pavés]
有一天夜里做梦,梦里也下雨。满天地都是雨,好像有人告诉我那就是悲伤欲绝的小雨1。悲伤欲绝是个什么状态,我没体会过,因此那场雨对我来说很抽象2。我看见高棉出现在雨里,她的脸上没有了光,是阴天,阴冷,坚硬3,发暗。她在石码头上拦住我4,说,跟我说说话,我就亮起来。梦里就是这么说的,像个病句5。因此醒来我依然感到费解6。窗外的确还在落雨,黑的夜里透明的雨,而透明我们看不见。
我决定跟她说说话。不管说什么。
1.
悲伤欲绝
bēishāng yùjué
triste à
mourir 2.
抽象
chōuxiàng
abstrait
3.
坚硬
jiānyìng
dur 4.
拦住
lánzhù
arrêter 6.
费解
fèijiě
incompréhensible
5.
病句
bìngjù
phrase
grammaticalement incorrecte, bancale (jeu de mots sur
病
bìng
malade)
Une nuit, j’ai fait un
rêve. Il pleuvait, il pleuvait sans arrêt, et quelqu’un me dit
que c’était une pluie
d’une tristesse à
vouloir en finir, en finir avec quoi, je ne savais pas trop,
cette pluie était donc très abstraite pour moi. Je vis alors
Gaomian sortir sous cette pluie : son visage n’avait plus
l’éclat que je lui connaissais, il était devenu sombre, froid,
dur, éteint. Elle m’arrêtait sur le quai et me disait : dis-moi
quelque chose, si tu me parles, je vais m’illuminer à nouveau.
Dans mon rêve, ses propos me semblèrent incohérents et, quand je
me suis réveillé, tout cela me parut incompréhensible. Dehors,
il pleuvait toujours autant, la pluie était translucide dans la
nuit, mais ce qui est translucide, on ne le voit pas.
Je décidai d’aller lui
parler, lui dire n’importe quoi, mais lui parler.
第二天上课我一直走神,设计了不下十个方案。放了学一路小跑,到了门楼底下才发现都使不上,我首先需要解决的是如何见到她,比如敲门。只好继续向前走,雨停了,石码头上闹哄哄一片。我凑上去看见很多人在买鱼。刚从运河里打上来的活鱼,价钱也便宜。我心一横,急冲冲跑到高棉门楼下,敲响她的门。
她出来了,一手掐腰。梦做了一半被叫醒的样子,很疲惫。她看着我。
“石码头上在卖鱼,”我说,“他们让你也去买。”
“我不喜欢吃鱼,”她笑笑。我觉得她是为了迁就我才笑的。她的脸上没有光。她还是没有亮起来。现在即使她笑了,依然是冷的,硬的。整个雨季都在她脸上。“没别的事了?”她努力把微笑坚持到这句话说完,接着就要关门。
我转身就跑。雨滴滴啦啦又开始下。雨点打到脸上热得烫人。我听到关门的声音。我停下来,把左手用力插进墙上的青苔里,然后继续跑,我感到指尖发热变麻,开始尖锐地痛、迟钝地痛、火烧火燎地痛。跑到花街尽头,墙壁和青苔没有了,我的四根肮脏的手指头开始往外冒血。更大规模的痛开始了。我跑到河边,把手插进水里,那感觉像烧红的铁钎在淬火。血溶在运河里,和雨水一起扩散直至看不见,直至手指头再不往外流血,我才把手收回来。除了磨烂的皮肉,这只泡得发白的左手看上去和好手没有区别。
上下学我改了道走。不愿意经过杂货店和米店,只要是在杂货店以南,什么店我都不去。有时候会想起日光里那个柔和的弧度,也就想想而已。说到底,一张脸的一半有什么好想的呢。
[faute
de voir Gaomian dehors, l’enfant va frapper à sa porte, lui
propose d’aller sur le quai, acheter du poisson… elle a l’air
très fatigué, répond qu’elle n’aime pas le poisson, referme la
porte…l’enfant ressort sous la pluie en courant, se blesse
volontairement la main, et court la tremper dans l’eau du canal…
le sang coule.. mais la main blessée, bien qu’enflée et
égratignée, finalement ressemble à l’autre…. Dès lors, il prend
un chemin différent pour aller à l’école et en revenir, pour
éviter la rue…]
周末我在家,决定把挂钟拆开来检查一下。我觉得它走得太慢了,一定比时间走得慢。外面在下雨,从昨天晚饭时开始,一直到现在没停过一分钟。一分钟应该是飞马牌挂钟摆五十下的时间,我说过,它走得太慢了。父亲去给人看病,走了半个小时,母亲从西大街的朋友家里回来了。
“你爸给谁看病了?”
“不知道。”
“往哪走了?”
“我又没看着他。”
“你这孩子!”母亲惊叫一声,“你怎么把钟给拆了?”
她想上来抢救也迟了,已经被我大卸八块。齿轮松了,我把一堆零件递给母亲看。我知道她看不懂。弄坏了怎么办?弄坏了也不过是一座破挂钟。我是说你记清楚了,哪个东西在哪个位置。放心好了,换个地方想搁也搁不进去。我觉得记得挺清楚的,但最后还是出了问题。多出了一个零件。奇了怪了,该放的地方都放了,跟拆之前一模一样,怎么就多出来一个东西呢?我重新拆开继续组装,这回多出了两个零件。第三次又多出了先前的那个。到处都找不到它的位置,被遗弃了。我把它扔到抽屉里。挂钟竖起来,像死人一样安静。完了,真让母亲说中了。我绝望地拨动一下钟摆,动了,声音清晰有力,像心跳一样振奋人心。它竟然活过来了。我拿出电子表核对一下,缺了一个零件之后,飞马牌挂钟终于和时间步调一致了。
[un week-end.
L’enfant entreprend de réparer la pendule qui retarde, la
démonte…. Sa mère lui demande où est parti son père, il ne sait
pas… il finit sa réparation, la pendule marche….]
因为高兴,我感到了闷热,是梅雨天特有的蒸汽升腾弥漫的热。天亮堂不少,我以为太阳出来了。雨倒是停了,太阳遥遥无期。我又想起高棉的半个脸。距上次看见太阳已经一个月了。这时候母亲又走进来,问:
“你真没看见你爸往哪走了?”
“没看见。”
“不是去那个,女人那里了吧?”
“哪个?”
“就是,那个,什么高棉。”
“她不是好了吗?”
“说是别的病,我也不明白。”母亲说,“你爸都去过好几次了。该死,什么病不能到诊所来看!”
“有病在哪看不一样。”
“你这孩子,懂什么你!你们男人哪,都是一路货!这该死的花街!早晚水淹了,雷炸了!”
我漫不经心地出了门,我说得去买块橡皮。母亲说,又买橡皮,吃橡皮啊你,学问不大,字写错了不少。好多天来我第一次接近那个小门楼。院门关着。买完橡皮,我慢腾腾地往回走,看见父亲从那个院门里出来,拎着出诊箱。他习惯性地咳嗽一声,理理头发和衣服。每看过一个病人他都这样。我远远地跟在后面,到了家里父亲正在跟母亲解释。
“我去东大街了,不信你问问儿子,”父亲指着我,“出门时我嘱咐过的。是不是,儿子?”
“是的,”我说,肚子里哪个地方突然剧烈地痛了一下,像被谁扯了一下肠子。
“那你不早说?”母亲很生气。
“忘了,刚想起来的。”肠子又被扯了一下。
[sa mère revient à
la charge : elle soupçonne son père d’être allé chez Gaomian,
elle est malade, mais pourquoi aller chez elle ? elle pourrait
venir à la clinique… Le père revient en disant qu’il est allé à
l’est de la rue, de l’autre côté… et qu’il l’a dit à son fils –
ah oui, dit celui-ci à sa mère furieuse, j’avais oublié…]
V.
我父亲?没有。他从来都没向我道过歉,也没感谢过我。也许他真去过东大街,谁知道。我没有揭穿,我也不知道为什么。我不希望他为此感激我,也说不清楚此刻是否讨厌他。任何人都可以从高棉的院子里出来,也可以从任何人的院子里出来,只要他们愿意。但是就此开始我不愿意和他多搭茬。本来我就不是个话很多的人,尤其这一年。
但是我开始留心很多事。比如父亲提到高棉,或者他从高棉的门楼里走出来,甚至他经过那个小门楼。..
[son père ne s’est
pas excusé, ne l’a pas remercié non plus. L’enfant s’enferme
dans le silence…tout en tentant de comprendre…]
实话实说,那次之后,我只看到过一次父亲从她的门楼里走出来,就是高棉死去的那天。他拎着出诊箱急匆匆地1跑进那个院子,后来垂头丧气地2走出来。他没救活高棉,死亡打败了她,同时打败了我父亲。偶尔看见父亲走到那个小门楼前,我的心总会咯嘣一声3停止跳动,等他走过去之后再接着跳。好在我看见的几次他只是经过。
1.
急匆匆地
jícōngcōngde
en toute hâte, d’urgence 2.
垂头丧气
chuítóusàngqì
tête basse,
déprimé
3.
咯嘣
gēgēbēngbēng
onomatopée imitant le bruit d’un cœur battant très fort
A dire vrai, après cet
incident, je n’ai vu qu’une fois mon père sortir de chez
Gaomian, et c’est le jour de sa mort. Il avait pris en toute
hâte sa trousse d’acupuncture et était parti chez elle en
courant, pour en revenir ensuite tête basse, consterné. Il ne
l’avait pas sauvée, la mort avait eu raison de Gaomian, et eu
raison de mon père par la même occasion. Quand je l’avais
surpris, auparavant, approchant de cette porte, mon cœur s’était
mis chaque fois à battre la chamade, et n’avait repris un
battement normal que quand je l’avais vu passer son chemin.
Toutes les fois où je l’ai vu, il n’a toujours fait que passer
devant sa porte sans s’arrêter.
高棉死去之前,在那个雨季里,除了该死的雨,母亲认为和花街一样该死的就是高棉。母亲和父亲经常吵架,她听到一些传闻,尽管是捕风捉影,母亲宁信其有。她觉得父亲出入高棉的小院次数多得有点过分,街坊邻居放出风,那是因为大家都看不下去了。父亲就解释。和母亲吵架他从来都是解释,就像在做判断改错题。
[avant que Gaomian
ne meure, la mère du narrateur s’était souvent disputée avec son
mari, trouvant qu’il allait trop souvent chez elle, cela faisait
jaser les voisins…son père expliquait, comme on corrige des
copies…]
父亲说:“你看,我是医生,就是一只猫生病我也不能袖手不管,何况是人。”
“那些野猫整天竖着直挺挺的尾巴到处跑,没见你管过。”
“它们没请我。再说,我还不知道猫挺直尾巴是不是一种病。”
“那女人请你了,”母亲用鼻子嘲笑他,“你知道是什么病了?”
“知道我不是早治好了嘛。”
有时候我觉得他们只是在练习绕口令1。经过常年的争吵,他们早就具备出色的口才。他们认为我越来越没出息,很可能就基于这一点。我越来越沉默,都不像他们的儿子了。母亲也只能争吵一下,她拉不下脸2来去跟踪父亲,也不能去那女人那里对质3。也许父亲就捏准了这个,所以总是息事宁人地4解释。
1.
绕口令
ràokǒulìng
phrase
difficile à prononcer, virelangue (tongue twister).
2.
拉下脸
lāxiàliǎn
ménager les
sensibilités, se montrer accommodant
3.
对质
duìzhì
confronter (des
accusés, en justice)
4.
息事宁人
xīshìníngrén
faire des
concessions pour éviter la guerre
Mon père dit :
« Ecoute, je suis médecin, même un chat malade, je le
soignerais, à plus forte raison un homme. »
« Il y a plein de chats
errants qui passent, la queue en l’air, droite comme un i, je ne
t’ai jamais vu t’en occuper. »
« C’est qu’ils ne sont
pas venus me consulter. En plus, je ne suis pas sure que la
queue en l’air, droite comme un i, soit un symptôme de maladie
chez le chat. »
« C’est vrai que cette
femme est venue te consulter, » dit ma mère en ricanant, « et tu
ne sais pas quelle maladie elle a, hein ? »
« Si je le savais, il y
a longtemps qu’elle serait guérie. »
J’avais parfois
l’impression qu’ils ne faisaient que s’entraîner à prononcer des
virelangues. Après tant de disputes, ils étaient passés maîtres
dans cet art. Et moi, si je les comprenais de moins en moins,
comme ils le pensaient, c’est sans doute pour cette raison. De
plus en plus taciturne, je paraissais de moins en moins être
leur fils. Ma mère n’était capable que de se disputer, elle
n’aurait jamais suivi mon père jusque chez Gaomian pour se
confronter à elle, elle préférait ne pas brusquer les choses.
Mon père avait peut-être très bien trouvé comment gérer cela, il
expliquait pour avoir la paix.
说一个可能会让你失望的事实,那就是至今我也不知道父亲是否和高棉有过,那个,你知道的。现在父母正缓慢地走在他们的后半生,不清楚他们是否会在某个时候说起高棉。作为儿子,我不能去问他们中的任何一个人。即使母亲对一切其实了然于胸。关于高棉,我知道的不比十四岁时多一点。
父亲三天两头在诊所里翻他的大部头医书。那可是梅雨天,不下雨身上就开始黏乎,没病人的时候他就把衬衫敞开,一边查书一边挠前胸和后背。按他说的,一直没诊断出高棉到底得的是什么病。扁鹊、张仲景、李时珍都没见过。父亲弓腰趴在书上,头发乱了。
[le narrateur dit
n’avoir jamais élucidé le mystère des relations de son père avec
Gaomian, de même que son père n’a jamais réussi à élucider celui
de sa maladie]
花街上的家具和棉被开始长毛,衣服晒不干总有一股难闻的怪味。那天父母出去,我坐在门槛石阶上看着对面墙上的青苔两眼发直,高棉来了,听不见脚步声,但我闻到一股散淡的玉兰花的香气,神经质地一扭头,她已经到了我跟前。我想站起来的时候她的手已经碰到了我的头,她笑了笑,因为她的手我就那么半弓着站着,直到她跨过门槛进了我家,我才站直了。她尽直进了诊所那间屋,穿拖鞋和一双淡紫色的袜子。我跟进去,她已经开始在药橱里拿药。一小瓶一小瓶地拿。
[un jour que
l’enfant était seul chez lui, Gaomian est arrivée, est allée
directement dans la clinique, et s’est mise à fouiller parmi les
médicaments…]
“你找什么药?”我问。
她转过脸看看我,“我认识。”
她拿了五瓶。然后转身就走。我觉得有点不对劲儿,跟上去问:“你拿药干吗?”
“吃。”她说,又笑笑。我觉得玉兰花的香气是从她的酒窝里1散发出来的。“别跟你爸说。跟谁都别说。”
我又问:“你拿药干吗?”
她腾出2一只手摸了摸我的耳朵,我立马感到整个人绷紧了3,耳朵热起来,慢慢透明。她已经到了街上。我摸着耳朵,忘记了她的脸刚刚是否亮起来过。
我坐在门槛上睡着了。天开始落雨,父亲跑到门口的时候花街上已经喧闹起来,下午五点,飞马牌挂钟精神抖擞地4响了五下。父亲语无伦次地说5,出诊箱,出诊箱。诊所里稀里哗啦一阵6,父亲跑出来,门槛差点把他绊倒,眼镜摔到地上。捡起来只剩下一个镜片。父亲就戴着一个镜片的眼镜继续跑。我从来没见他如此没章法7。我看见父亲在那个小门楼前消失了。很多人都往那里跑。我头脑嗡地一声,撒开腿也往那里跑。
1.
酒窝
jiǔwō
fossette 2.
腾
téng
libérer 3.
绷紧
bēngjǐn
se tendre, se
raidir
4.
精神抖擞
jīngshéndǒusǒu
ragaillardi, requinqué
5.
语无伦次
yǔwúlúncì
incohérent 6.
稀里哗啦
xīlihuālā
(onomatopée)
7.
章法
zhāngfǎ
méthode, sens de
l’ordre
« Qu’est-ce que tu
cherches, comme médicament ? » lui ai-je demandé.
Se tournant vers moi,
elle m’a répondu : « Je sais. »
Elle a pris cinq
flacons, a tourné les talons puis est repartie. Comme cela ne me
semblait pas très normal, je l’ai suivie en lui demandant :
« Qu’est-ce que tu veux faire avec ces médicaments ? »
« Les prendre, »
m’a-t-elle dit avec un sourire. Il m’a semblé que son parfum de
magnolia venait de ses fossettes.
« Ne dis rien à ton
père, ne dis rien à personne. »
Alors je lui ai
redemandé : « Mais pourquoi veux-tu prendre ces médicaments ? »
Elle libéra une main
pour me caresser l’oreille ; je sentis aussitôt tout mon corps
se raidir, mon oreille brûler, et devenir peu à peu translucide.
Elle était déjà dans la rue. J’étais là à me frotter l’oreille,
sans me souvenir si son visage s’était illuminé.
Je me suis endormi
assis sur le seuil. Il s’est mis à pleuvoir. Quand mon père est
entré en courant, une rumeur s’élevait dans la rue des Fleurs,
il était cinq heures de l’après-midi, la pendule ragaillardie
était en train de sonner. Mon père prononça quelques paroles
incohérentes, sors la trousse médicale, sors ma trousse
médicale ; je l’entendis farfouiller bruyamment dans la
clinique. Il en ressortit en courant, trébucha sur le seuil, ses
lunettes tombèrent, quand il les ramassa, il manquait un verre.
Il continua à courir, les lunettes sur le nez, avec un seul
verre, lui qui était toujours l’image même de l’ordre. Je le vis
disparaître par cette petite porte. Beaucoup de gens
accouraient. Moi aussi, la tête bourdonnante, ai suivi mon père
en courant.
高棉死得很难看,嘴角堆着白沫,身体扭曲,旁边放着五个小药瓶。她以为这些药可以让她体面安静地死掉。父亲把急救的法子都用了一遍,高棉的身体还是扭曲着,已经硬了。她是凉的。房间里的日光灯开着,她的脸是灰色的。玉兰花的香气断掉了。父亲颓败地蹲在尸体旁边,灯光打在眼镜上,闪亮的那只眼好像不存在一样。
因为没有人知道高棉家在哪里,无法通知家人,这样的天气尸体又不能长久停放,最后由花街的头头和派出所出面,当天夜里火化。第二天一早葬在了河对岸的公共墓地里。下葬时我没去,我躺在床上没起,做了一夜恶梦,累得我腰酸腿疼。恶梦里的所有天气都是阴的,不刮风就下雨。
[Gaomian a eu une
mort horrible, elle qui avait pensé que les médicaments lui
permettraient de mourir paisiblement…. Comme personne ne savait
d’où elle venait et que son corps ne pouvait être conservé
longtemps dans ce climat, elle fut incinérée le soir même et ses
cendres enterrées dans le cimetière public, sur l’autre rive.
L’enfant passa la nuit à faire des cauchemars…]
两天之后的傍晚,放了学,我在石码头边上随便解了一条小船摇到对岸。天正飘毛毛雨,高棉的坟墓很小,一个新隆起1的土堆。一根木条做的墓碑2,谁在上面用毛笔写了两个笨拙的字3:高棉。连“之墓”都没有。
1.
隆起
lóngqǐ faire une
saillie, être proéminent 2.
墓碑
mùbēi
stèle funéraire
3.
笨拙
bènzhuō
maladroit
Deux jours plus tard,
en fin d’après-midi, après l’école, je suis allé sur le quai, ai
détaché un petit bateau, au hasard, et ramé jusqu’à la rive
opposée. Il tombait un petit crachin très fin. La tombe de
Gaomian était minuscule, un petit monticule de terre tout frais.
Il y avait une stèle faite dans une planche de bois, sur
laquelle quelqu’un avait tracé d’un pinceau malhabile
« Gaomian », c’est tout, même pas « Ici reste… ».
很快梅雨季节就结束了,太阳出来,满世界轰轰烈烈的光亮。你猜得没错,我对谁都没有说过那五瓶药是从父亲的诊所里拿的。除了你。没有人对这感兴趣,因为那些药随便一个药店都能买到,只要想死,谁也挡不住。我不清楚父亲是否发觉他的药少了,没听他提过。
La saison de la pluie
des prunes s’est vite achevée, le soleil est revenu, inondant le
monde d’une lumière éclatante. Comme vous l’avez deviné, je n’ai
dit à personne – sauf à vous - que les cinq flacons de
médicaments venaient de la clinique de mon père. Personne ne
s’en souciait ; après tout, on peut en acheter dans n’importe
quelle pharmacie, si on veut se suicider, personne ne va s’y
opposer. Je ne sais même pas si mon père s’est rendu compte
qu’il manquait des médicaments dans sa clinique, je ne l’ai
jamais entendu y faire allusion.
我还是老样子。念书。生活。在家里和石码头上发呆。看着越来越多的阳光说不出话来。母亲认为,我再这样下去,迟早会变成哑巴。父亲说,为了防止我变成哑巴,他决定提前研制一种能让哑巴说话的药。他们继续吵架,一个提出问题,一个判断改错。一起庆幸漫长的雨季终于结束了。
到了十月份,偶尔经过那个小门楼,发现院门虚掩着。我推门进去,沿一条碎砖头铺成的小路走到堂屋,慢慢地推开门,看见两个人重叠在床上,上面的人是黑的,下面的人是白的,一条大腿垂下床沿,也是白的。他们在动,一起喊着号子。我转身就跑,两腿轻飘飘的。阳光漫溢,比白的更白,我两腿轻飘飘地跑。
[le narrateur
continue ses études, sa vie, plus taciturne que jamais ; son
père tente même de trouver un remède contre le mutisme, au cas
où il deviendrait vraiment muet… Un jour qu’ il passe devant la
maison où vivait Gaomian, la porte n’est pas fermée, il la
pousse, trouve deux personnes au lit, un pied tout blanc
dépassant sous le corps qui le couvre, et s’enfuit épouvanté…]
那是我最后一次去河对岸的公共墓地。高棉的坟上长满茂盛的荒草,本来就矮小的坟堆完全被荒草淹没,如果你不知道这地方埋葬过一个人,你根本就发现不了这地方还有一个坟墓。木条歪倒在草丛里,两个毛笔字也消失殆尽。像从来没有存在过。
La dernière fois que je
suis allé sur la rive opposée visiter le cimetière public, le
petit monticule qui constituait la tombe de Gaomian était
totalement recouvert d’une luxuriante couche d’herbes folles, on
ne pouvait plus guère savoir que quelqu’un avait été enterré là.
Le nom de Gaomian était même presque effacé, sur la petite
planche de bois, tombée au milieu des herbes, qui lui tenait
lieu de stèle. Comme si jamais elle n’avait existé.
就这些。你是不是打瞌睡了。对不起。高棉的故事只有这些。可能我还是不该说出来。这故事只跟我一个人有关。对不起。
Voilà, c’est tout. Je
sens que vous êtes en train de vous endormir, excusez-moi. C’est
tout ce qu’il y a à dire, de l’histoire de Gaomian. Je n’aurais
peut-être pas dû la raconter. C’est une histoire très
personnelle. Excusez-moi.
2007-1-18,芙蓉里
原载《西部·华语文学》07年8期
Terminé le 18 janvier
2007, à Furong.
Publié pour la
première fois en août 2007, dans la revue littéraire Xibu.
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