« Sous le pêcher » est l’une des nouvelles récentes de
Lin
Bai (林白),
qui a été publiée dans le recueil des meilleures nouvelles de
l’année 2015 des Editions du Peuple du Liaoning (辽宁人民出版社)
[1].
C’est une nouvelle écrite dans un style d’un réalisme très
moderne, qui représente, par rapport aux nouvelles antérieures,
un renouvellement formel et thématique tout en restant fidèle
aux lignes directrices que l’on retrouve dans toute l’œuvre de
Lin Bai depuis ses débuts. Il y a à la fois continuité et
évolution, ce qui est le propre d’une forte personnalité
d’écrivain.
« Sous le pêcher » reprend en effet le schéma récurrent chez Lin
Bai, fondé sur l’interaction de deux personnages féminins, qui
sont ici en opposition. L’une des femmes est une villageoise qui
revient chez elle après avoir travaillé plusieurs années à
Pékin, l’autre est sa voisine, qui, elle, n’est jamais sortie de
chez elle. Lin Bai dessine ainsi un tableau moderne de la vie au
village, du point de vue féminin, comme toujours chez elle -
village où prédomine une mentalité encore très traditionnelle,
où même les phénomènes de mode s’inscrivent dans la tradition.
La grande originalité tient à la thématique retenue, qui fait de
cette nouvelle une sorte de petit opéra de village : les danses
dites de square, ou de place publique (广场舞),
qui remontent, elles aussi, à une longue tradition, mais sont un
élément de culture populaire rarement abordé dans la littérature
chinoise. Le texte ne s’apprécie qu’en ayant en tête les danses
évoquées, avec leur musique ; c’est l’une de ces danses, en
particulier, qui définit l’image du personnage principal et
constitue le thème principal de la nouvelle. La traduction est
donc donnée avec les vidéos permettant de reconstituer
l’ambiance musicale suggérée par le texte.
Cependant, Lin Bai est fidèle à la thématique de fond qui a été
la sienne depuis les années 1980 : la psyché et la sexualité
féminines, dans le contexte du monde moderne. Le titre est
révélateur, qui porte sur les dernières lignes du texte,
soulignant la conclusion amère, mais aussi sensible et poétique,
qui donne tout son sens à l’histoire que l’auteur vient de
dérouler.
La traduction (partielle pour l’instant) est donnée avecun
complément de notes et commentaires, outre les vidéos, pour bien
comprendre les allusions à la fois culturelles et historiques,
mais aussi tout simplement locales, dont le texte abonde.
2.
le Chǔjù (楚剧) est
une forme de théâtre populaire chanté originaire du Hubei
[2],
que l’on appelle aussi "théâtre des tambours fleuris de la route
de l’ouest" (西路花鼓戏).
3.
炊烟
chuīyān
fumées venant des cheminées de cuisine (炊
chuī
faire la cuisine)
En revenant de Pékin pour rentrer chez elle, sur le chemin
menant duchef-lieu du district au village, Zhenlan entendit au
loin des airs d’opéra de Chu – chantés par un homme à la voix de
fausset prenant les inflexions d’une vieille femme, haha
yayayiyihoho. A l’entendre, on en avait des fourmis dans la
peau du crâne. Au loin, dans les champs, on voyait des gens
récolter des arachides. Un petit magnétophone était posé sur le
rebord de la fenêtre d’une maison, sur le bas-côté de la route,
et dessous était assis un vieil homme occupé à attacher des
sarments d’arachides tous tordus, jetés en monceaux étalés à ses
pieds ; les chants de l’opéra venaient de son appareil.
Au-dessus du village montaient de ci de là quelques fumées de
cuisine qui dégageaient une odeur de sarments d’arachide brûlés.
Au moment du dîner, Zhenlan entendit un fracas tonitruant
provenant de la maison d’à côté, comme le grondement d’un coup
de tonnerre diffusé par des haut-parleurs, suivi d’un brouhaha
de voix diverses. Puis retentit soudain celle de Laoye
l’appelant de la porte : Lan’er ! Lan’er ! Zhenlan lui répondit
d’un air absorbé : je suis en train de manger ! Alors Laoye
entra en trombe, et la tira par le bras : viens voir, viens
voir, je viens d’acheter une enceinte, huit cents bâtons !
Passe-moi une clé usb pour l’essayer.
Il y avait un immense baffle posé sous l‘avant-toit, de la
taille d’une malle, d’un noir luisant au milieu de la poussière
de tuiles ambiante. Avec une clé usb, on pouvait diffuser de la
musique pour danser. Bien qu’ayant été domestique à Pékin
pendant un bon nombre d’années, Zhenlan ne savait pas se servir
d’un ordinateur et encore moins d’internet, et n’avait donc pas
de clé usb. Qui plus est, elle pensait au début qu’une enceinte
fonctionnait avec une bande magnétique, puis, devenue plus
moderne, elle était passée au DVD, mais elle n’avait jamais
entendu dire que l’on pouvait insérer directement une clé usb.
Elle était un peu ignorante de tout cela.
1.
满身生风
mǎnshēn shēngfēng
être plein d’énergie, dynamique
2.
坨
tuó bosse, motte…
En revoyant Laoye, elle la trouva complètement changée, d’abord
parce qu’elle avait beaucoup maigri, et ensuite parce qu’elle
débordait d’énergie. Auparavant, elle était la plus grosse de
tout le village, avec un corps comme une boule, une boule de
chair toute en rondeurs. A vue de nez, elle avait perdu au moins
dix ou quinze kilos.
Tu es revenue à point, lui dit Laoye d’un air joyeux, tu vas
pouvoir aller à la compétition de Sandian, puis à celle de
Guankou, et enfin au district ! Tu es responsable du comité
local de la Fédération des femmes ? demanda Zhenlan. Laoye
rougit jusqu’à la racine de cheveux : comment pourrais-je y
prétendre ? répondit-elle, je suis juste chef d’équipe. Et elle
entraîna Zhenlan chez elle pour lui montrer les nouveaux
costumes faits pour la danse.
C’est seulement alors que Zhenlan trouva l’occasion de lui
dire : dis-moi, tu as beaucoup minci ! Ah mais ce n’est rien à
côté de toi, Lan’er, lui répondit Laoye en jouant l’embarras, tu
as un corps naturellement superbe. Mais elle ne put s’empêcher
d’ajouter : j’ai perdu vingt-cinq kilos ! et ce disant,
s’empressa de soulever sa robe pour montrer son ventre en en
martelant la peau flasque de petits coups sonores
bang-lang-bang-lang…
Après le dîner, Zhenlan enfourcha sa mobylette pour aller à
Sandian acheter du lait. Elle avait rapporté de Pékin l’habitude
à la mode de boire du lait et de manger des fruits au petit
déjeuner ; selon la fille de la maison où elle travaillait, qui
était cadre dans une société étrangère, c’était la manière la
plus scientifique de se nourrir. Simplement, les gens du village
n’y entendaient goutte. Comment ça ? Lan’er ne prend pas de
petit déjeuner. Elle est devenue immortelle ? Non, elle prend
juste du lait et des fruits. Ah vous appelez ça manger, vous ?
vous croyez que ça peut rassasier ? Bien sûr que ce n’est pas
manger. Si au moins elle prenait un peu de gruau, déjà ce serait
mieux.
2.
划拉huála faire un mouvement de balayage de la main
En passant par le terrain vague à l’entrée du village, elle vit
Laoye à la tête d’un groupe de quelques personnes en train de
danser, portant des jupes à fleurs toute neuves qui faisaient un
effet d’ensemble assez laid. C’était le modèle que Laoye avait
enfilé chez elle pour le lui montrer: un ensemble chemisier-jupe
à fleurs blanches sur fond bleu, avec un haut très court, une
ceinture haute à la taille, et une jupe également courte qui,
bien qu’ayant une bordure de feuilles de lotus, couvrait à peine
les cuisses. A la limite, une personne isolée portant ce
costume, cela allait encore, mais un groupe entier vêtu ainsi
était d’une laideur à mourir. C’était comme un vol de vieux
papillons battant des ailes dans le plus grand désordre ; toutes
donnaient l’impression d’avoir pris dix ans, celles de quarante
ans en paraissaient cinquante, et celles de cinquante semblaient
en avoir soixante.
Elles étaient en train d’apprendre une nouvelle danse que Laoye
avait apprise au bureau de la culture : la main gauche au-dessus
de la tête descendant dans un mouvement de balayage, puis la
main droite. En les regardant, Zhenlan avait envie de rire, mais
elle se retint.
Zhenlan resta un moment sur le côté à les regarder, mais Laoye
la tira pour qu’elle se joigne au groupe. Ne mets pas tout de
suite la musique, lui dit alors Zhenlan, il faut d’abord
apprendre les pas. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,
huit, un saut. Quand elle sauta, tout le monde sauta avec elle,
et le groupe devint déjà plus ordonné.
Les quelques mouvements étaient très simples : à droite
mouvement d’éventail, à gauche mouvement comme pour s’essuyer la
sueur du front, et on reprend en inversant, à gauche on s’essuie
la sueur du front, à droite on manie l’éventail, mouvement
d’éventail paume rentrée, mouvement pour sécher la sueur du
revers de la main, paume extérieure. Expliqués ainsi, les
mouvements furent retenus illico, et rendus avec légèreté et
vivacité ; tout le monde s’exclama : super, vraiment super !
Certaines eurent même des idées neuves : ce mouvement des deux
paumes de la main pressant vers le bas, on dirait un mouvement
pour regonfler une bicyclette ! et deux coups à gauche, et deux
coups à droite. Et il y a aussi un autre mouvement, c’est tout
simplement taper dans un mur. Alors tout le monde de
« s’éventer », de « s’essuyer la sueur », de « taper dans le
mur », de regonfler sa bicyclette en l’air, et de tourner, de
danser, de crier, de rire, une cacophonie sans fin.
2.
交警
jiāojǐng (交通警察)
agent de police réglant la circulation
3.
《接新娘》
jiēxīnniáng
accueillir la nouvelle mariée
La chanson
La danse
4.
抬轿子
táijiàozi
lever le palanquin
Ainsi, Zhenlan se mêla aux autres.
En fait, elles connaissaient déjà beaucoup de danses, par
exemple « Arrêtez, arrêtez », avec des mouvements d’agents de la
circulation brandissant les bras pour régler la circulation, ou
« Accueillir la nouvelle mariée », jouant la levée du palanquin.
2.
《北江美》
Běijiāngměi
La Beauté du fleuve Bei (ou fleuve du nord, qui est en fait dans
le sud)
La danse La Beauté du fleuve Bei
《北江美》
3. 弹簧
tánhuáng
ressort
4.
上发条
shàngfātiáo
remonter une pendule
Pour la compétition de Sandian, Laoye avait choisi un air appelé
« La fille n° 32 est pour toi », mais Zhenlan n’était pas
d’accord et voulait qu’elle le change pour « La Beautédu fleuve
Bei » ; c’était un numéro qui passait à la télévision, un très
beau numéro. C’est bien trop difficile à apprendre, contesta
Laoye qui ajouta : et qui a dit que l’autre n’est pas bien ?
c’est quoi qui n’est pas bien, quoi précisément ? Le directeur
du bureau de la culture, il le connaît, il a dit que le rythme
est enlevé, c’est facile à enseigner et facile à apprendre, une
dansepleine d’énergie. Zhenlan ne dit plus rien. Debout au
premier rang, ventre rentré et torse bien droit, elle commença à
danser dès que la musique se fit entendre, elle connaissait les
pas au bout de deux fois, et un on lève un bras, et deux on
avance un pied, le tout porté par le rythme. Elle semblait
montée sur des ressorts, comme mue par un mécanisme d’horlogerie
bien remonté. Levée, baissée, tendue, relâchée, à gauche, à
droite, en avant, en arrière. Elle avait la taille fine et
souple, l’entrejambe déliée, inutile de dire qu’on la remarquait
tout de suite au milieu des autres. Zhenlan avait le sentiment
d’être vraiment la meilleure, le modèle pour mener la danse.
1.
顺义
Shùnyì
quartier périphérique de Pékin, près de l’aéroport, au nord-est
de la capitale, à la hauteur du 6ème périphérique.
2.
提亲
tíqīn
faire une proposition de mariage
3.
算命
suànmìng
établir l’horoscope, prédire le sort
4.
彩礼钱
cǎilǐqián
prix du cadeau à faire par la famille du garçon lors d’une
demande en mariage
Zhenlan avait plus de quarante ans et deux fils. L’aîné avait
vingt-et-un ans, et était parti travailler à Pékin comme maçon ;
il avait une petite amie avec laquelle il habitait dans un
appartement loué dans le quartier de Shunyi ; tous les ans
enceinte, elle se faisait tous les ans avorter, et ce depuis
plusieurs années.
Pour la Fête du Printemps, le fils revenait passer les fêtes
chez lui en amenant sa petite amie et demandait chaque fois à sa
mère d’aller rendre visite à la famille de la fille et de la
demander en mariage, autrement elle ne resterait pas avec lui.
Et chaque fois, Zhenlan tergiversait : pourquoi se presser, on
en reparlera l’année prochaine. Cela faisait trois ou quatre ans
qu’elle repoussait ainsi l’échéance d’année en année. Pourquoi
barguignes-tu ainsi ? lui avait demandé Laoye, j’ai entendu dire
que cette fille s’est déjà fait avorter trois fois. Pourquoi se
presser, avait répondu Zhenlan, de toute façon, j’ai fait
établir son horoscope, elle ne va pas. Tu as peur d’avoir à
payer le cadeau de la demande en mariage ? lui avait demandé
Laoye. Exactement, avait rétorqué Zhenlan, je n’ai aucune envie
de gaspiller quelques dizaines de milliers de yuans sur ce genre
de cadeau. Si j’avais de l’argent, ça ne me gênerait pas. Laoye
n’avait rien ajouté, mais elle avait dit à d’autres : subir des
avortements à répétition, c’est douloureux, cette fille fait
terriblement pitié, cette Zhenlan n’a pas de cœur.
Zhenlan ne travaillait pas la terre ; son lopin étant resté en
friche plusieurs années, elle avait chargé le mari de Laoye,
Wang Laoda, de le cultiver. Wang Laoda adorait la terre ; le
temps qu’il ne passait pas à manger et à dormir, il le passait
courbé sur la glèbe, dormant presque dans les champs comme
autrefois les valets de ferme. Coton, riz, arachides, patates
douces, tout ce qu’il cultivait venait mieux qu’ailleurs, son
maïs était deux fois plus haut, et ses cultures donnaient en
moyenne moitié plus que chez les autres. Quant à ses légumes,
ils étaient inépuisables : haricots verts, concombres, courges,
piments, aubergines, etc… Laoye disait parfois qu’elle donnerait
volontiers son mari à qui en voudrait, proches parents ou pas,
peu importe, si elle trouvait une intéressée, elle le lui
donnait illico, il suffisait de venir le chercher, merde quoi,
en dehors des repas il était constamment fourré dans ses
champs !
3.
桃花运
táohuāyùn
avoir des aventures, de la chance auprès des femmes
[…] Zhenlan aimait aller faire un tour auchef-lieu du district ;
la viande à la sauce de soja et les gâteaux y étaient bien
meilleurs qu’à Sandian, mais il y avait aussi un tailleur et on
pouvait s’y faire établir son horoscope. Pour cela, il fallait
aller dans la ruelle au bout du pont, c’était un aveugle qui le
faisait. Elle y était allée l’année précédente, il lui avait dit
que son mari, ces derniers temps, avait de la chance auprès des
femmes et qu’il était extrêmement prospère, mais que son fils,
avec cette petite amie, ça ne pouvait pas marcher.
A
Pékin, au début, son mari fabriquait des placards ; ils
habitaient ensemble, dans un appartement loué, et il n’y avait
pas de problème. L’année précédente, il était rentré au village
pour refaire le toit de leur maison ; une cousine de Zhenlan
était venue l’aider à faire la cuisine ; résultat, ils s’étaient
amourachés, et étaient devenus inséparables. La toiture une fois
terminée, son mari était revenu à Pékin faire ses placards, et
la cousine l’avait suivi. Quant à Zhenlan, son plus jeune fils
devant revenir chez eux pour entrer au collège
[3],
elle fut bien obligée de revenir au village, et de cuver sa
colère à cinq cents kilomètres de distance. Ce n’est pas si
grave, lui dit-on pour la consoler, quand un homme est seul hors
de chez lui, c’est bien le diable s’il ne va pas se chercher une
femme, au moins si c’est une cousine, on reste en famille, comme
on dit, l’engrais ne va pas fertiliser le champ du voisin.
1. 开水间
(=房)
pièce où l’on peut aller chercher de l’eau, aujourd’hui en
général à des distributeurs
2.
《太湖美》
Tàihúměi
La Beauté du lac Tai
Tàihúměi
(variante avec des éventails)
3.
发髻
fàjì
chignon
4.
刘海
liúhǎi
frange
Elle partit en moto auchef-lieu du district, et alla
droit à la ruelle au bout du pont, mais la vieille
maison avait été détruite, il y avait à la place un
immeuble dont on achevait le toit ; on lui dit que
l’aveugle avait déménagé dans la salle des
distributeurs d’eau en face de l’immeuble de la
troupe d’opéra de Chu du district. Zhenlan partit à
sa recherche, mais il n’était pas là, il était sorti
établir des horoscopes. Zhenlan s’assit sur le pas
de la porte pour l’attendre. Un vendeur de DVD à la
sauvette vint lui proposer des enregistrements
d’opéras de Chu par des interprètes célèbres.
[il lui propose divers enregistrements, mais il
Salle de distributeurs d’eau
n’a pas « La Beauté du fleuve Bei »… il a « La Beauté du
lac Tai »…]
Taihu mei, la Beauté du lac Tai
« La Beauté du lac Tai », c’est aussi très beau, et à écouter et
à regarder : il faut mettre un qipao, prendre une
ombrelle en papier huilé, transparente, et se faire un chignon,
en laissant une frange ; cela se danse en rond, d’un pas
harmonieux, c’est superbe. Zhenlan prit le DVD tout en regardant
à droite et à gauche. Comme justement l’aveugle rentrait, elle
se leva et s’empressa de le suivre.
La salle des distributeurs d’eau donnait sur un couloir long et
étroit qui menait vers l’intérieur [un couloir sombre où
l’aveugle se dirige à tâtons, en montant un escalier…]
1. 生辰八字
shēngchén bāzì
les huit caractères de la date de naissance qui permettent de
pratiquer la divination, année, mois, jour et heure, qui sont
« les quatre piliers du destin » (四柱命理)
– ce sont huit caractères car chaque « pilier » est représenté,
comme l’année, par un double caractère constitué d’une branche
terrestre (DìZhī
地支)
et d’un rameau céleste (Tiān
Gān
天干).
2.
掐指(一)算
qiāzhǐ (yī) suàn
pratiquer la divination des huit caractères en s’aidant de ses
doigts, chaque phalange des quatre doigts (hors le pouce)
représentant un rameau céleste et une branche terrestre.
3.
枉然
wǎngrán
en vain
4.
强弩之末
qiángnǔ zhīmò
(chengyu) une flèche au bout de sa course, donc qui a
perdu sa force.
Schéma des mains pour la divination
par les huit caractères
Après lui avoir donné à voix basse les huit
caractères de sa date de naissance, Zhenlan attendit
calmement. L’aveugle resta un moment silencieux,
plongé dans ses calculs en s’aidant de ses doigts,
et, bien que n’y voyant pas, feuilletant son manuel,
en pure perte donc. Ils étaient dans un minuscule
réduit sans fenêtre, avec au
plafond une petite lampe qui n’était pas allumée. La seule
lumière était celle qui parvenait du bas de l’escalier, et
éclairait à peine, comme une flèche arrivant en bout de
course. Zhenlan était assise sans broncher tout près du pâle
faisceau de lumière quand soudain l’aveugle énonça : ce que
je vois de ton destin est celui de l’impératrice Cixi, oui
c’est ton destin. Ces paroles firent trembler Zhenlan de
frayeur. Comment cela ? demanda-t-elle précipitamment.
Entendons-nous, dit l’aveugle, n’allez pas croire que vous
allez devenir impératrice. Bien sûr que non. Il s’arrêta un
moment, puis reprit : le destin de l’impératrice, c’est quel
destin ? C’est la promesse d’une vie facile, nourriture,
vêtements et loisirs assurés, sans nécessité de travailler,
un bon destin, vraiment. Après un instant de raidissement de
tout le corps, Zhenlan se détendit. Un bon destin, vraiment.
Effectivement, depuis l’année écoulée, elle avait le
quotidien assuré, nourriture, vêtements, loisirs, sans avoir
à travailler. Elle demanda combien de temps son mari aurait
encore de la chance avec le sexe opposé. Deux ans. Elle
ouvrit la bouche pour demander si elle en aurait aussi,
mais, gênée, ne dit rien. Alors l’aveugle lui dit : avoir de
la chance avec le sexe opposé est un trait du destin qui ne
s’applique qu’aux hommes, pas aux femmes. Inutile donc de
demander.
Au sortir de là, dehors, le soleil avait un éclat tapageur. Le
vendeur de DVD attendait encore près de la porte. En l’entendant
venir, il recouvra ses esprits et l’interpella. Zhenlan choisit
deux DVD et les lui acheta.
1.
屎难吃
shǐnánchī
litt. de la m… impossible à manger = insupportable
2.
江南小调
jiāngnán xiǎodiào
musique du Jiangnan, le sud de la Chine : mélodies très douces
dont Tàihúměi est un exemple.
3.
袅/婷
niǎo
délicat/ tíng gracieux (adjectifs typiques de cette
musique)
4.
蒸
zhēng
faire cuire lentement / à la vapeur (en autocuiseur =
电饭煲
diànfànbāo)
Furieuse, Zhenlan ne revint pas. Elle fait chier, dit Laoye,
elle est imbuvable. Qu’elle vienne ou pas, qu’elle participe ou
pas, on gagnera le premier prix. Zhenlan resta un jour chez elle
à faire la tête, puis alla s’acheter une enceinte, une petite, à
trois cent quatre-vingt yuans, c’était bien suffisant. Elle
inséra la clé usb et, au son de la musique, se mit à danser à
l’intérieur. Elle aimait les danses compliquées, déclara-t-elle
à l’envi. On était au mois de septembre, dehors il faisait une
chaleur infernale, mais, chez elle, il y avait des mélodies du
sud, une petite pluie fine etdes volutes de brume, et elle
virevoltait avec grâce et délicatesse d’un côté à l’autre, en ne
mangeant qu’un fruit même au déjeuner ; ce n’est que le soir
qu’elle allumait son réchaud électrique pour se faire cuire du
riz. […]
2. 百花齐放
bǎihuā qífàng
(expression) que les cent fleurs s’épanouissent (référence
ironique à la Campagne des Cent fleurs
百花运动,
en 1956, tirant son nom du poème
百花齐放,百家争鸣
bǎihuā qífàng, bǎijiā zhēngmíng
que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles de pensée
rivalisent.
Un soir, le chef du bureau de la culture vint au village et alla
voir les groupes de gens qui dansaient sur le terrain vague ; le
plus grand de ces groupes comptait plus d’une vingtaine de
personnes, avec Laoye face à sa troupe brandissant une longue
baguette de bambou. Le plus petit avait cinq ou six personnes,
auxquelles une femme aux cheveux longs enseignait une danse ; en
s’approchant, il reconnut l’air de
Tàihúměi.
A côté, le morceau du groupe de Laoye une fois fini, tout le
monde demanda en chœur : alors, c’était comment ? Très bien,
très bien, répondit le chef de bureau. Mais, tout en répondant,
il se tourna du côté de Tàihúměi et interrogea Laoye.
C’est la femme du fils de mon cousin, Zhenlan, répondit Laoye,
elle vient juste de rentrer de Pékin et trouve notre morceau
trop vulgaire à son goût, elle veut une danse plus raffinée.
Très bien, dit le chef du bureau, que cent fleurs
s’épanouissent.
Alors, le chef de bureau donna quelques indications pour danser
Tàihúměi.
Bien qu’il eût les cheveux blancs, il n’avait pas l’air vieux du
tout. [.. il sait danser, donne des conseils en dansant
lui-même : épaules souples, torse droit …] Quand il eut
terminé, il s’adressa à Zhenlan : avec ces cheveux longs, cette
silhouette, vous avez tout l’air d’une femme du sud, cette danse
vous convient mieux que toute autre. Malgré elle, Zhenlan se
sentit flattée ; reprenant son souffle, la main sur la poitrine,
elle s’exclama : ah, vous savez, nous les femmes de la campagne,
nous dansons n’importe comment, c’est surtout pour faire un peu
d’exercice, c’est tout. Non, dit le chef de bureau, je vous ai
observée, vous n’avez pas l’air du tout d’une femme de la
campagne, vos vêtements et votre allure le montrent bien. Et,
pour en revenir à cette danse, vous la danseriez en qipao,
ah, ce serait encore plus merveilleux. A ce moment-là, quelques
personnes du groupe de Laoye s'étant également approchées de
leur côté, il ajouta : mais, je dis bien mais, Tàihúměi
ne convient pas pour ce concours, cette danse est trop
difficile. Si, à l’avenir, le district organise des spectacles,
alors là vous pourrez vous inscrire.
Laoyedit en douce à Zhenlan : dis donc, le chef de bureau t’en
as raconté, des histoires, on dirait qu’il y a anguille sous
roche. Anguille sous roche ? s’étonna Zhenlan. Oui, répondit
Laoye, j’ai entendu dire que la femme du chef de bureau est
morte il y a trois ans, alors, avec la prestance qu’il a, il
fait la cour à toutes les jolies filles. Faut pas le prendre au
sérieux, tu es au courant ? Prendre quoi au sérieux ? rétorqua
Zhenlan.
[… Laoye en revient à la danse et au concours… mais Zhenlan
refuse de participer au concours, mais promet de revenir pour la
suite … Laoye enthousiaste prévoit un triomphe]
[Le lendemain, Zhenlan va au chef-lieu de district se faire
faire un qipaodans une boutique où elle s’était arrêtée la fois
précédente pour demander le prix, mais le tailleur lui avait dit
qu’il n’avait plus la soierie adéquate…]
1.
泄气
xièqì
être découragé
不甘
bùgān ne
pas se résigner
2.
缝纫机
féngrènjī
machine à coudre
3.
折腾 zhēteng se tourner et se retourner
4.
绵绸
miánchóu
bourre de soie (lassis)
Cette fois-ci, quand Zhenlan arriva, elle s’arrêta à la porte ;
le tailleur ne leva même pas la tête, il lui jeta juste un coup
d’œil au niveau de la taille et s’écria : alors vous êtes
revenue vous faire faire un qipao ! Zhenlai était
stupéfaite : comment m’avez-vous reconnue sans même m’avoir
regardée ? C’est à cause de vos cheveux qui tombent jusqu’à la
taille, répondit en riant le tailleur, cela ne peut être que
vous. Il poussa de côté ce qu’il avait à la main avant de
continuer : mais je n’ai toujours pas le tissu, comment faire ?
Zhenlan eut un moment de découragement, mais ne se laissa pas
abattre. Elle alla fouiner dans les étoffes de la boutique, en
sortit un rouleau, en étendit un bout pour regarder, le remit en
place, en sortit un autre. Le tailleur resta sans rien dire, un
pied sur la pédale de sa machine à coudre, en la laissant
brasser à son aise un bon moment avant de lui dire : si vous
voulez vraiment un qipao, la seule possibilité est
d’utiliser de la bourre de soie ; bien que cela n’ait ni la
qualité ni la tenue de la vraie soierie, ce sont quand même des
tissus qui tombent bien, et les couleurs ne sont pas mal non
plus. En outre, c’est bien meilleur marché ; en tout, tissu et
main-d’œuvre, vous en aurez pour quatre-vingt-dix yuans. En
entendant le chiffre, Zhenlan en écarquilla les yeux de joie et
s’empressa de conclure l’affaire. Elle choisit la couleur et se
fit prendre ses mesures, sans avoir oublié de faire baisser le
prix à quatre-vingt-cinq yuans. Elle prit la facture, en paya la
moitié, la livraison étant prévue pour la semaine d’après.
[comme elle passe devant le bâtiment de la troupe d’opéra de
Chu, elle tombe sur le chef du bureau de la culture qui
l’apostrophe : ah c’est vous, la beauté du lac Tai !... et lui
fait des compliments, sur ses cheveux etc… ]
[alors que Zhen Lan reprend ses esprits, apparaît le vendeur
de DVD : vous connaissez cet homme ? et lui raconte les bruits
qui courent sur lui : un coureur de jupons, qui était
librettiste de la troupe d’opéra de Chu, mais a eu des problèmes
et a été rétrogradé… mais Zhen Lan se contente de regarder ses
nouveaux DVD qu’il lui vante : des enregistrements comme pour la
télé… mais Zhen Lan a la tête ailleurs et repart…]
1.
Comme autrefois les examens impériaux, ces compétitions sont
organisées par étapes, correspondant aux divisions
administratives, d’abord au niveau du village (乡),
puis du canton (区).
2.
《绿旋风-凤凰传奇》
Le tourbillon vert - du groupe Phoenix Legend, une danse
martiale développée dans l’armée dans les années 1990, d’une
chorégraphie très simple, qui se prête aux manifestations de
grande envergure pour les effets de masse.
La chanson
Version dansée
Laoye et sa
troupe, comme prévu, remportèrent la compétition à Sandian ;
l’étape suivante était donc la compétition au niveau du canton.
Le chef de bureau les aida à choisir un nouvel air : « Le
tourbillon vert », du
groupe Phoenix Legend. Laoye relança Zhenlan : cet air est plein
d’énergie, faut que tu viennes, le chef de bureau va venir nous
diriger. Quand il arriva et vit Zhenlan, il s’exclama, les yeux
brillants : ah, la beauté du lac Tai. Cette fois-ci, évitant
d’être tout à fait derrière,mais aussi en première ligne,
Zhenlan alla d’elle-même se placer au deuxième rang, sur le
bord, et Laoye ne dit rien. Pour commencer, le chef de bureau
montra le mouvement, puis il se mit devant elles pour les
observer. Zhenlan avait l’impression qu’il avait les yeux
constamment tournés dans sa direction ; les yeux brillants, elle
faisait donc un effort particulier pour dresser le torse et
rentrer le ventre.[ …] Le chef de bureau s’exclamait en les
regardant : très bien, très bien, formidable !
1.
不同凡响
bùtóng fánxiǎng
pas ordinaire, hors du commun
2.
睥睨
bìnì
regarder avec mépris
群雄
qúnxióng
héros populaire / star (musique pop etc.)
Pour la compétition de Guankou, tout le monde dût se payer un
nouveau costume : tout vert, bien plus joli que le précédent à
fleurs blanches sur fond bleu, et non seulement d’une belle
couleur, mais aussi d’une belle coupe ; les femmes en étaient
rajeunies de dix ans, le regard radieux et le corps plein de
fougue. [mais, à Guankou, c’est différent, la compétition est
plus dure… ] L’un des groupes était amené par la responsable
de la Fédération des femmes en personne ; cette femme s’était
fait friser les cheveux, portait un qipao extrêmement
moulant, et s’était peint les sourcils d’un noir de jais et les
lèvres d’un rouge vif. Cette femme est une dépravée notoire, dit
Laoye, tout le monde le sait, elle ne vend pas vraiment ses
charmes, mais bon, d’après ce qu’on dit, c’est comme ça qu’elle
a obtenu son poste à la tête de la Fédération des femmes ! Elle
n’est pas ordinaire, du genre « je fais ce qui me plaît et
laisse les gens parler », partout où elle va, elle joue les
stars en regardant tout le monde d’un air condescendant. [quand
arrive le chef de bureau, elle se met à minauder, et s’attire
les sarcasmes des femmes du groupe de Laoye]
[ finalement, c’est un autre groupe qui arrive en premier, la
responsable de la Fédération des femmes arrive en second. Laoye
remporte une bannière portant l’inscription « première
mention du concours de danse de square »… tout le monde fait la
fête, sauf Zhenlan : cachée derrière les femmes du premier rang,
elle n’apparaît pas sur la vidéo… ]
[à la répétition suivante, Zhenlan se plaint à Laoye : sur la
vidéo, on ne me voit pas… Elle va chez le tailleur chercher son
qipao, et, en l’essayant, le trouve parfait…. Elle le met pour
sortir répéter, mais, en la voyant, les femmes disent qu’elle
est comme la responsable de la Fédération des femmes… une homme
la remarque et lui demande le prix… alors il appelle sa
femme :je te donne deux cents yuans, fais-en faire deux, tu en
mettras un tous les jours…]
[après le dîner, les deux groupes sont là quand arrive le
chef de bureau… alors il demande à Zhenlan pourquoi elle ne se
joint pas à l’autre groupe… ah quel dommage, dit-il en
soupirant… c’est autre chose avec vous… Zhenlan ne dit rien… et
ce qipao vous va à merveille… puis il repart sur sa moto,
séduisant et charmeur, comme en représentation, sous le regard
des femmes…]
Tout le monde dans le village était occupé à récolter le coton
et ramasser les arachides, mais Zhenlan, elle, n’avait rien à
faire. Elle mit donc son qipao et alla en se promenant
jusqu’à la brigade de production, pour se montrer autant que
pour dissiper son ennui. Quand elle parlait du village, elle
usait encore par habitude du terme de brigade de production,
comme les gens de sa génération ; c’était un terme de l’époque
de la collectivisation, il y avait longtemps de cela ; c’était
alors un endroit important, avec coopérative, école, dispensaire
collectif, projections de films et représentations en ouverture
de réunion, avec ses travailleurs et ses soldats. Maintenant, il
est vrai, rien de tout cela n’était plus pareil.
[si la coopérative est devenue un supermarché, au dispensaire
il y a un jeune médecin ; c’est lui que vient voir Zhenlan,
parce qu’elle souffre d’insomnie, sans raconter qu’elle rêve du
chef de bureau… elle demande des somnifères… le médecin la met
en garde, mais lui fait une ordonnance. En même temps il lui
conseille de travailler, si elle est morte de fatigue, elle
dormira d’un sommeil de plomb…]
En sortant du dispensaire, Zhenlan passe par la petite école à
côté, complètement dilapidée bien que le bâtiment soit encore
récent ; sur le faîte du toit, les tuiles vernissées jaunes
brillent encore de tout leur éclat, mais, dans la cour, les
herbes folles arrivent à la taille, le mât pour hisser le
drapeau national est cassé à moitié, le lieu respire l’abandon.
L’école étant désaffectée, les portes des salles de classe ont
été démontées, les vitres des fenêtres ont des trous, et, à
l’intérieur des salles, il y a des tables et des chaises un peu
partout tandis que, dans un coin, sont entassées des tiges
noircies d’arachides. Le sol du bureau des professeurs est
jonché de crottes de poules, et sur le bureau, il reste encore
un plumeau de plumes de poulet complètement dégarni. Zhenlan
voulait aller aux toilettes, mais vit qu’il était impossible d’y
mettre un pied.
Alors elle se dirigea vers le coin le plus éloigné de l’école,
du côté du mur d’enceinte, là où elle se souvenait qu’il y avait
quelques pêchers ; c’était des arbres dont les plants avaient
été apportés de l’extérieur, une espèce superbe, bien plus haute
que les espèces locales, avec des fleurs différentes aussi, qui
resplendissaient vues de loin ; ils continuaient à orner la cour
désormais privée du bruit des lectures à haute voix.
Cela faisait quelques années qu’elle était partie, et ces
arbres, elle ne les avait vus qu’en fleurs, elle n’en avait
jamais vu les fruits.
1.
辟邪
bìxié
animal mythique dont le rôle était de traquer les mauvais
esprits
/ d’où : chasser les mauvais esprits
Maintenant, c’était déjà le début de l’automne ; les
couleurs de la végétation avaient pâli, non
seulement la saison des arbres en fleurs était
passée, mais celle des fruits aussi. Les pêchers
avaient perdu leur éclat, et quand à leur utilité,
ils gardaient celle d’éloigner les mauvais esprits
quand on en posait une branche sur le bord de la
fenêtre. Zhenlan avait un peu peur des fantômes,
comme toutes les femmes de la campagne ; elles
craignent que, si elles sont seules, le soir, dans
une pièce, un esprit vienne les observer par la
fenêtre ; il leur arrive même d’entendre son
souffle, et ce souffle n’est pas le
Un
bixie
même pour tous les esprits, il y a des différences. Alors
elles posent toutes sortes d’objets en fer sur le rebord des
fenêtres, couteaux ou ciseaux, mais aussi des branches de
pêchers et des peignes en bois de pêcher, les uns renforçant
le pouvoir des autres. Même si un esprit vient se poser sur
le rebord d’une fenêtre, s’il y a ces deux sortes d’objets,
cela l’empêchera d’entrer.
[…et l’homme repasse par le trou du mur et repart…]
Zhenlan restait étendue par terre,comme paralysée. Elle
entendait, venant de la route, les cris de vendeurs de fruits,
des klaxons de voitures, les aboiements d’un chien, le bruit du
broyage de graines de sésame. Et la branche au-dessus de sa tête
avait une forme très bizarre, une sorte de tige de fer toute
tordue traçant sur le ciel comme le dessin d’un visage déformé,
arborant d’innombrables cicatrices inexpliquées.
Au même moment, le mari de Laoye était, non loin de là,en train
de ramasser des arachides. Il vit un homme entrer par le trou
dans le mur, puis entendit les cris étouffés d’une femme, mais
il ne s’occupait pas de ce genre de chose. S’il n’avait pas vu
Zhenlan, aussitôt après, sortir clopin-clopant du même trou dans
le mur, il n’en aurait certainement pas parlé à Laoye.
1.
叮嘱
dīngzhǔ
mettre en garde, exhorter de manière répétée
Ce soir-là, après le dîner, au moment de prendre son enceinte
pour sortir danser, Laoye répéta encore à son mari de ne rien
dire : ce genre de chose arrive souvent, si tu le racontes, tu
feras perdre la face à Zhenlan.
En passant devant chez elle, Laoye jeta un coup d’œil par la
fenêtre, mais la lumière n’était pas allumée, la maison était
plongée dans l’obscurité, on entendait juste de la musique, à
peine distincte : « Beauté du lac Tai ah Beauté du lac Tai,
belle vraiment belle sur l’eau du lac… » La musique de l’opéra
de Chu vibrait dans la maison, où la mélodie, semblant ne jamais
devoir cesser, revenait comme un sanglot.
(traduction en cours)
[1]
C’est la seconde nouvelle du recueil, pp 10-20.
[2]
Chǔ楚
étant le terme populaire désignant la
province, d’après le nom de l’ancien Etat de la dynastie
des Zhou de l’Est qui se trouvait au même endroit.
[3]
Ce sont des travailleurs migrants qui
n’ont pas de hukou urbain, l’enfant ne peut donc
pas être scolarisé à Pékin.