存文学《兽之谷》
Cun Wenxue : « La
gorge aux animaux »
par Brigitte Duzan, 6 juillet
2010
Présentation
Cun Wenxue nous livre
ici une nouvelle qui regorge de souvenirs personnels et de
détails autobiographiques, et peut être considérée comme
représentative de son œuvre, par la profondeur et la poésie qui
la caractérisent.
Forêt dans la brume, au Yunnan |
|
Cun Wenxue
dépeint un de ces endroits perdus dans les montagnes du
Yunnan, très semblable, sans doute, à ce village dont il
a raconté la visite lors d’une interview (1) : un
village qui n’avait été « découvert » qu’en 1958, et
dont tous les habitants étaient illettrés parce qu’ils
n’avaient pas assez
d’enfants pour
justifier l’ouverture d’une école.
Quant à
l’institutrice au centre du récit avec le chien de
chasse, son personnage rappelle
l’expérience
personnelle de l’auteur qui a été |
pendant cinq ans
instituteur dans un petit village de montagne après avoir obtenu
son diplôme universitaire.
La montagne est ici
essentiellement un monde forestier, un monde sauvage où les
hommes vivent en symbiose avec la nature et les bêtes sauvages
qui la peuplent, le monde humain étant régi par des règles
strictes qui sont là pour garantir la survie.
Il se dégage de cette
nouvelle une impression d’authenticité : tout est vrai, du
paysage dans la brume aux mentalités et aux discours mêmes des
personnages que l’on imagine sans effort. Nous sommes à des
lieues des dépliants touristiques et du folklore, ou des
discours esthétisants vaguement écologiques/ethnologiques sur
les minorités nationales à la mode aujourd’hui. Les problèmes de
la modernisation sont à peine esquissés, en quelques lignes
poétiques sur l’influence exercée par
l’institutrice dans le
village, le changement apparaissant comme un phénomène naturel,
dans l’ordre des choses.
On a avec cette
nouvelle un bout de Yunnan vu de l’intérieur, dont on se demande
s’il en existe encore beaucoup aujourd’hui…
(1) Voir dans sa
présentation,
l’explication de la genèse de son dernier roman.
存文学《兽之谷》
Cun
Wenxue : « La gorge aux animaux »
一
山寨里处死了1一条错把小孩当野兽的猎狗。
一条狗影凝然不动地在老栗树下2站着,二豹走近时那影子倏然消逝3。他感到很奇怪。朝四周看了看,什么也不见,只嗅到一股浓浓的腥味4从树洞里冒了出来,他停下来站了很久,很久。
雾很浓,浓得像米浆5。林子里的蜘蛛被牢牢地粘在自己织的网上,飞鸟的翅膀也被紧紧地粘住了,成了一个个雾团子。
懒懒散散6的雨在沙沙地飘洒着7,沿着那条被野兽踏出的小径,二貌走进了灰濛濛的山谷8,那扛着的老枪也仿佛刚从水里捞出来的树枝一样,漓漓淋淋地往下掉着水珠。他放眼望去9,黑糊糊的远山像只僵死10的野兽躺在那里,近处的树也是隐隐的一片,而且那雾还在加浓着。
这样雾气弥漫的早晨11,除了二豹,那些猎人们谁也不会闯到这山谷里来的,视线不清,随时都可能突然和野兽相遇,让人防不胜防12。二豹顾不上这些了。
学校放了假,老师就要回城里去,他要猎一只野兽给她带去。
林子里,野果和蘑菇13散发出诱人的气息,这些浓郁14的香味会把野兽牵来的,他不由得警惕起来15,放慢步子,小心翼翼地拨开挡着16的枝条,像山猫一样竖起耳朵搜寻着每一种声响。
二豹不禁想起了那条猎狗。
那是一条极优秀的猎狗啊,每年都有几桩惊心动魄17的故事发生在它身上,它成了山寨的骄傲。
二豹清楚地记得,那次人们把一只受伤的老熊追进了怪石嶙峋18的山洞,且洞内非常晦暗19,在猎人们本以为无望了的时候,那猎狗却一头扑进了洞内,接着就听到一片嗷嗷的搏斗声20传来,人们于是就在洞外呐喊助威21,一会儿,洞内的声响没了,那狗满身是血一嘴熊毛地走出了洞子。那可是一头二百斤以上的大熊啊。
穿过一片茂密的杂木林22,林子更深了,走来十分艰难,一条条纵横交错的藤子和荆棘23,一棵棵横七竖八24的风倒木,使得他不得不时而弯腰,时而侧身,时而像蛇一样爬行。好似为了证实25二豹的判断,远远的林坡上传来了几声麂子26的吼叫和奔跑的声响,附近的树木也神经质地27摇晃起来。
吼声过后,他突然听到前方传来一阵窸窸窣窣的28响动,这一带他带着老师来过的,响声传来的林溪旁有一棵大叶枇杷29,它结出的果子像蜜一样甜。
“唦唦!”
“唦唦!”
驻足细听30,他辨出了雾雨被骤然摇落的声音31。他想一定是蹿32来寻早食的野兽正上树呢,果子狸33?猴子?抑或是熊34?他的心怦怦然然跳了起来,他放下枪来把上面的雾珠子抹去,迅速拔去塞在枪口上的干草,从贴身的衣袋里掏出卵形的麂皮弹袋35,把一粒沉甸甸的铅弹填进了枪膛36。
来了一股大风,林木吱吱嘎嘎地37摇响起来,整个山谷也发出了声响,黑雾像波浪一样涌了起来38。
“呜哇!”
“呜哇!”
一种不知名的鸟在一处角落里发出了凄惶的怪叫39,二豹感到有些莫名的惊恐和不安,禁不住打了个冷颤。
阵风过后,林子又恢复了宁静。
二豹小心地又往前挪了几步,这时他隐隐约约地看到了一团黑影正在蠕动40,看那笨拙的上树姿势41,一定是头熊。他猛力吸了一口气,想从空气里得到一点气味,可是那讨厌的雾是从他的身后缓缓往前涌的。他不再往前,要是熊闻到了人的气息,它肯定会下树就逃,它的鼻子比狗还灵哩。
他只好蹲下来,张眼窥望着42。对!它那一举一动肯定是只熊43。那熊掌可是一味大补呢44。对,就把它给老师带去。二豹想起了那条猎狗,要是它在多好,它可是个最得力的好助手啊45,那次猎豹多亏它帮了大忙46。
二豹
èrbào
nom du personnage
principal de la nouvelle (豹bào
léopard)
01
处死
chǔsǐ
exécuter,
mettre à mort
02
栗树
lìshù
noisetier
03
倏然
shūrán
(lit.) soudain
消逝xiāoshì
passer (temps), s’évanouir
04
腥味
xīngwèi
odeur
forte de poisson ou d’animal
05
米浆
mǐjiāng
bouillon, brouet de riz
06
懒散
lǎnsǎn
paresseux
07
沙沙
shāshā
bruissement
飘洒piāosǎ
tourbillonner, voltiger
08
濛濛
méngméng
brumeux, bruineux
山谷shāngǔ
vallée
09
放眼望去
fàngyǎn wàngqù
marcher en regardant
aussi loin que le regard puisse porter
10
僵死
jiāngsǐ raide mort
11
弥漫
mímàn
envahir, remplir/se répandre
12
防不胜防
fángbúshèngfáng
être incapable de se
défendre
13
蘑菇
mógu
champignon
14
浓郁
nóngyù fort
(odeur)
15
警惕
jǐngtì
être
sur ses gardes, aux aguets
16
拨开挡
bōkai
dǎng écarter
17
惊心动魄
jīngxīndòngpò
effrayant (桩zhuāng
classificateur : affaire, cas…)
18
怪石嶙峋
guàishí línxún
(rocher) aux formes
étranges, et aux contours déchiquetés, accidentés
19
晦暗
huì'àn
sombre
20
嗷嗷
áo'áo
onomatopée (cri de douleur…)
搏斗bódòu
lutte, combat
21
呐喊助威
nàhǎn zhùwēi
hurler des cris d’encouragement
22
茂密
màomì
dense
23
纵横交错的
zònghéngjiāocuòde
mêlé,
entrecroisé
藤子
téngzi
liane, vrille
荆棘jīngjí
ronces
24
横七竖八
héngqīshùbā
jonchant le sol de tous côtés
25
好似为了
hǎosì wèile
comme pour
证实 zhèngshí
confirmer, prouver |
|
muntjac, petit cerf
d’Asie du sud-est |
26
麂子
jǐzi
muntjac, petit
cerf d’Asie du sud-est
27
神经质地
shénjīngzhìde
nerveusement
28
窸窸窣窣
xīxīsūsū (onomatopée) bruissement
29
溪旁
xīpáng bord d’un ruisseau
枇杷pípá
néflier du Japon, bibassier
30驻足细听
zhùzú xìtīng
s’arrêter pour écouter, tendre l’oreille
31
骤然
zhòurán
soudain
摇落
yáoluò
secouer pour/et faire tomber
32
蹿
cuān
bondir
33
果子狸
guǒzilí
civette masquée, pagume
34
抑或
yìhuò
ou (bien)
35
卵形
luǎnxíng
en forme
d’œuf
麂皮弹袋jǐpí
dàndài
cartouchière en
peau de chamois |
|
néflier du Japon,
bibassier |
36
沉甸甸
chéndiàndiàn
lourd
铅弹qiāndàn
cartouche à plomb (cartouche de chasse)
填进
tiánjìn
fourrer dans, bourrer
枪膛qiāngtáng
âme du
fusil (intérieur du canon)
37
吱嘎
zhīgā
émettre des craquements
38
涌起来
yǒngqǐlái
surgir, affluer
39
凄惶
qīhuánɡ
lugubre,
désolé
40
隐隐约约地
yǐnyǐnyuēyuēde
vaguement, indistinctement
蠕动rúdòng
se
tortiller
41
笨拙
bènzhuō
maladroit
姿势zīshì
allure,
posture
42
窥望
kuīwàng
guetter, surveiller
43一举一动肯定是
yìjǔyídòng
kěndìng shì
(tout montrait, tendait à prouver que) c’était
assurément
(一举一动
yìjǔyídòng
chaque mouvement et
chaque geste)
44
一味大补
yíwèi
dàbǔ toujours très nourrissant
45
得力
délì
compétent
46
猎豹
lièbào
guépard
多亏duōkuī
grâce à / fort heureusement
I
Dans ce village de
montagne fut abattu un chien de chasse qui avait pris un enfant
pour une bête sauvage.
Erbao vit l’ombre d’un
chien, immobile, sous le vieux noisetier, mais, quand il s’en
approcha, elle disparut aussitôt. Cela lui sembla très bizarre,
mais il eut beau regarder de tous côtés, il ne vit rien, il
pouvait juste sentir, venant d’une cavité dans l’arbre, une très
forte odeur animale, alors il s’arrêta et resta là longtemps,
très longtemps.
Il y avait un épais
brouillard, si épais qu’on eût dit du brouet de riz. Dans la
forêt, les araignées en restaient collées sur leurs toiles, et
même les ailes des oiseaux en vol y étaient engluées, devenues
inséparables du brouillard.
Une bruine diffuse
tombait paresseusement avec un léger bruissement ; en suivant le
petit sentier foulé par les bêtes sauvages, Erbao pénétra dans
la gorge profonde plongée dans l’obscurité, le vieux fusil qu’il portait à
l’épaule dégoulinait, donnant l’impression, tout comme les
branches des arbres, d’avoir juste été repêché après être tombé
dans l’eau. Regardant aussi loin que son regard pouvait porter,
il vit les montagnes obscures, dans le lointain, couchées raides
comme des animaux morts ; le brouillard dissimulait même les
arbres proches, et, qui plus est, il s’épaississait.
Par une matinée envahie
très tôt par une telle nappe de brouillard, à part Erbao, aucun
chasseur ne se serait aventuré dans la gorge, on n’y voyait pas
assez, et à chaque instant on pouvait se trouver, sans défense,
nez à nez avec une bête sauvage. Erbao, lui, s’en souciait comme
d’une guigne.
C’étaient les vacances
scolaires, l’institutrice voulait revenir à la ville, et il
voulait lui rapporter une bête avant qu’elle parte.
Dans la forêt, il y
avait une odeur pénétrante de fruits sauvages et de champignons,
autant de senteurs qui pouvaient attirer les bêtes ;
instinctivement sur ses gardes, il ralentit le pas, en écartant
les branches devant lui avec prudence, et dressant les oreilles
comme un ocelot à l’affût du moindre bruit.
Il se mit à penser
malgré lui au chien de chasse.
C’était un chien
extraordinaire, il lui arrivait tous les ans des histoires à
faire dresser les cheveux sur la tête, et il était devenu
l’orgueil de ce village de montagne.
Erbao se souvenait très
clairement d’une fois où les villageois avaient pourchassé un
ours blessé jusqu’à une caverne, dans un rocher escarpé aux
formes étranges, où il s’était réfugié ; les chasseurs avaient
cru l’affaire close, mais le chien s’était précipité à
l’intérieur de la caverne, on avait alors entendu des bruits de
lutte et des gémissements, les hommes hurlaient de l’extérieur
des cris d’encouragement au chien, et, au bout d’un moment, on
le vit ressortir couvert de sang, et la gueule pleine de poils
de l’ours. C’était quand même un gros animal de près de cent
kilos.
L’épaisse forêt
d’essences diverses qu’Erbao traversait à cet endroit devenait
de plus en plus profonde, et il lui était de plus en plus
difficile d’avancer, à cause des lianes entremêlées, des
buissons de ronces, et du bois mort que le vent avait fait
tomber un peu partout, ce qui l’obligeait à tout instant à se
courber ou passer de côté, en se glissant comme un serpent.
Comme pour tester son discernement, les pentes de la forêt, au
loin, lui renvoyaient des cris de muntjac ou des bruits de
galopade, et les arbres près de lui, eux-mêmes, oscillaient
nerveusement.
Après un hurlement, il
entendit soudain, quelque part devant lui, un bruit qui
ressemblait à un susurrement ; c’était un endroit où il avait
déjà emmené l’institutrice, le bruit provenait d’un ruisseau au
bord duquel poussait un néflier du Japon à larges feuilles qui
donnait des fruits sucrés comme du miel.
« chacha ! »
« chacha ! »
S’étant arrêté pour
écouter avec attention, il distingua un bruit comme celui de
l’eau qui tombe lorsqu’on secoue une branche. Il pensa que
c’était sans aucun doute une bête sauvage qui avait sauté dans l’arbre à la recherche
de nourriture matinale : une civette masquée ? un singe ? ou un
ours ? Son cœur battait à grands coups ; il posa son fusil,
essuya les gouttes de pluie qu’il y avait dessus, enleva vite la
touffe d’herbe sèche qu’il avait fourrée dans le canon, sortit
de sa poche intérieure une cartouchière en peau de daim de forme
oblongue, et chargea son fusil d’une lourde cartouche à plomb.
Une bourrasque de vent
fit trembler les arbres qui craquèrent de tous côtés, le bruit
se répercutant dans toute la gorge, et la nappe noire de
brouillard fut soulevée comme une vague.
« Wou ha ! »
« Wou ha ! »
Un oiseau inconnu ayant
poussé, quelque part, cet étrange cri désolé, Erbao se sentit
gagné par une peur et une anxiété indicibles, et il frémit
malgré lui.
Après la bourrasque,
cependant, la forêt retrouva son calme.
Erbao avança encore de
quelques pas, en faisant très attention ; il aperçut alors
indistinctement une ombre noire bouger, et, à son allure
maladroite, il se dit que c’était sans aucun doute un ours. Il
inspira violemment, pensant capter quelques odeurs dans l’air,
mais le brouillard surgit lentement de derrière son dos et
progressa devant lui. Alors il s’arrêta, car, si l’ours sentait
l’odeur humaine, il descendrait de l’arbre et s’enfuirait,
son odorat était plus fin que celui d’un chien.
Il valait mieux
s’accroupir, et rester aux aguets. Oui, ce genre de mouvement,
cela ne pouvait être
qu’un ours. Il faut
dire que les pattes d’ours, c’est toujours très nourrissant,
Oui, c’est cela qu’il allait apporter à son institutrice. Erbao
pensa à nouveau au chien : il était bon pour beaucoup de choses,
mais il était surtout un aide très compétent à la chasse, et,
dans l’histoire du léopard, il lui avait donné un précieux coup
de main.
二
一只金钱豹1被打伤了,他顺着血痕尾随而去。二豹毕竟年轻,想不到那豹子的狡滑。那豹子走了一段后突然从上面踅转回来2,悄悄地在上面潜起3。二豹提着枪两眼只盯着前面,陡然听到飕地4一声响,他把身子一偏,根本来不及放枪,那影子便遮在了眼前5。他下意识把枪一丢,一抬手便抓住了那热烘烘、粘乎乎的一块东西6,他抓得很紧,只是顺着手看过去时,才知道抓着的是那条豹子糙烈烈的舌头7,他和它都没了办法。
它和他对峙了8大半天,那豹子痛不欲生地9哼哼着用那粗硬的尾巴不停地扫着身后,二豹的手也渐渐失去了气力。他想,只怕要倒霉呢,不料10那条猎狗突然出现了,它汪地叫了一声就朝豹子扑上来。事后,二豹抱起那猎狗又亲又吻的,把豹皮剥了,把那豹子的心赏给了它。那狗也深情地对二豹摇了摇尾巴,仿佛不是它救了二豹,而是二豹救了它。
唉,那是一条多么知情知理的猎狗啊。
雾很浓,浓得像米浆。太阳大概被死死地粘在山腰上了,不然11它为什么升不起来!
那黑影在树枝上动荡不停的12,看来熟透的13果子真不少呢,千万可不能让它撑饱肚子14逃了。他全神贯注地15注视着那影子的一举一动。
一条草蛇探着头从旁边游了过来,吐着艳红的蛇芯子16悄悄地从他的脚面上滑过,没入了一片茵绿的草丛17。
二豹把枪端起,贴在前面的树干上,枪口对准了那团影子——
“砰!”18
一束火光划开了一道雾的口子。
林子里一只卧着的公鹿蓦然惊起,几只躲在树下的白鹇鸟被吓得呱呱乱叫19,这同一时刻,枇杼树上的影子也重重地跌落在地上。二豹抑住喜悦20,赶快装上了又一枪弹药,听地上没了动静,他才拖枪奔了过去。
可是,当他赶到猎物面前时,那猎物却惊得他发出一声撕心裂肺的惨叫21。
“啊——!”
雾太浓了,浓得像米浆。痛苦被稳稳粘住了……
她躺在披着挡雾雨的簑衣上22,身旁倒着一只竹篮,竹篮边滚落着些彤红的23枇杷果……
二豹耷拉着脑袋24,抖抖战战地拄着25枪站在老师面前。
一切都是因为那张金钱豹皮啊。豹皮绷晾上了26,还没来得及把它拿去供销社27换成铅弹,来了阵风把那皮子卷了下来,一个调皮的小孩28就把那皮子披到身上在寨边的灌木丛里29藏起来吓唬自己的小伙伴们。那个暮色朦胧的傍晚30,那猎狗自个儿到林子里追到了一只山猫叼着回来31,走到灌木丛附近时它嗅到了那股浓烈的豹子味,它放下山猫,朝气息飘来的地方一看,它看到了那色彩斑斓32的豹皮,便不顾一切地扑上去,当听到孩子的尖叫声时,它松了口,孩子的脖子上已留下了两排血口子。
那猎狗急得噢噢地大叫着,刮风似地跑回家去,咬住了主人的裤脚,把主人拖到了咬伤孩子的地方。
01
金钱豹
jīnqiánbào
léopard
02
踅转
xuézhuǎn se
retourner, faire volte face
03
潜起
qiánqǐ
plonger/foncer sur
04
陡然
dǒurán
soudain
飕sōu
comme le bruit du vent
05
遮
zhē
cacher aux
regards
06
热烘烘
rèhōnghōng
tout chaud
粘乎乎
niánhūhū
collant, visqueux
07
糙烈烈
cāolièliè
extrêmement grossier, rugueux
08
对峙
duìzhì
se confronter
09
痛不欲生
tòngbúyùshēng
être submergé de douleur
10不料
búliào
ne pas
avoir prévu, anticipé
11
不然
bùrán
sinon, autrement
12
动荡不停
dòngdàngbùtíng
s’agiter sans cesse
13
熟透
shútòu complètement mûr
14
撑饱肚子
chēngbǎo dùzi
avoir le ventre plein, être rassasié
15
全神贯注
quánshénguànzhù
se concentrer totalement sur, porter toute son attention sur
16
艳红
yànhóng
écarlate
蛇芯shéxìn
langue de serpent
17
一片茵绿的草丛yípiàn
yīnlǜde
cǎocóng
un
coussin/tapis d’herbe verte
18砰
pēng
son comme un coup de tonnerre
19
白鹇
báixián
faisan
argenté
呱呱叫guāguājiào
caqueter, croasser
20
抑住喜悦
yìzhù xǐyuè
réprimer, contrôler sa joie
21
撕心裂肺
sīxīn lièfèi
à
fendre l’âme
惨叫cǎnjiào
pousser un cri horrible
22
簑衣
suōyī imperméable de paille ou d’écorce de palmier/en fibre de palme |
|
imperméable de paille ou
d’écorce de palmier/en fibre de palme |
23
彤红
tónghóng
rougeâtre
24
耷拉
dāla baisser, pencher
25
拄
zhǔ
s’appuyer sur (canne, bâton…)
26
晾
liàng mettre à sécher (au soleil ou au vent)
27
供销社
gōngxiāoshè coopérative (供销合作社 :
coopérative d’achat et de vente)
28
调皮
的小孩
tiáopíde
xiǎohái
garnement, enfant espiègle
29
灌木丛
guànmùcóng
buissons
30
暮色朦胧
mùsè ménglóng
obscurité du crépuscule |
|
fruits du néflier |
31
山猫
shānmāo
ocelot
叼diāo
tenir dans
la bouche
32
色彩斑斓
sècǎi
bānlán multicolore, aux vives couleurs (斑bān
tache)
II
Un léopard avait été
blessé, et Erbao l’avait poursuivi en se guidant sur les traces
de sang. Il était jeune, et n’avait pas idée des ruses dont est
capable un tel animal. Au bout d’un moment, le léopard,
brusquement, fit demi tour, et fonça sur lui sans un bruit. Le
fusil braqué, le regard fixé devant lui, Erbao perçut soudain
comme un souffle, sou.., il se baissa, sans avoir le
temps de tirer, il ne voyait plus rien, que cette ombre sur lui.
Par un réflexe inconscient, il laissa tomber son fusil, et,
levant la main, attrapa un chose toute chaude, gluante, qu’il
serra très fort, mais, lorsqu’il regarda ce qu’il avait ainsi
dans la main, il vit que c’était la langue râpeuse du léopard :
il n’y avait plus d’issue, ni pour l’un ni pour l’autre.
La confrontation dura
un long moment ; le léopard ne cessant de balayer le sol
derrière lui de sa queue puissante en grognant de douleur, Erbao
sentit peu à peu ses forces l’abandonner. Il pensa que c’en
était fini de lui, lorsque soudain le chien apparut en aboyant,
et se précipita sur le léopard. Une fois
l’incident clos, Erbao
enlaça le chien et l’embrassa, puis il écorcha l’animal, prit la
peau et donna le cœur au chien. Celui-ci remua vivement la queue
pour lui témoigner, lui aussi, sa profonde émotion, comme si ce
n’était pas lui qui avait sauvé Erbao, mais Erbao qui l’avait
sauvé.
Ah, c’était vraiment un
chien de chasse plein de savoir et de raison.
Le brouillard était
épais, si épais qu’on eût dit du brouet de riz. Le soleil était
probablement coincé à mi pente, allez savoir pourquoi il ne se
levait pas !
L’ombre noire ne
cessait de s’agiter dans les branches de l’arbre, il y avait
sans doute beaucoup de fruits murs, elle n’arrivait pas à se
rassasier et à partir. Toute l’attention d’Erbao était
concentrée sur le moindre des mouvements de l’ombre.
Une couleuvre passa
près de lui, la tête tendue, et, pointant une langue écarlate,
lui fila sans un bruit entre les pieds pour aller se glisser
dans un coussinet d’herbe verte.
Erbao épaula son fusil,
debout au pied de l’arbre, le canon pointé sur l’ombre
——
« Pan ! »
Une traînée de feu
déchira la nappe de brouillard.
Dans la forêt, un cerf
qui reposait prit peur, et quelques faisans argentés cachés dans
la futaie, sous le coup de la frayeur, se mirent à
criailler tandis que l’ombre dans le néflier tombait lourdement
sur le sol.
S’efforçant de
maîtriser sa joie, Erbao se hâta de recharger son fusil ; ce
n’est que lorsqu’il n’entendit plus aucun bruit dans l’arbre
qu’il se précipita en traînant le fusil derrière lui.
Mais, parvenu devant sa
proie, il poussa à sa vue un cri horrifié à fendre l’âme :
« Ah ——! »
Le brouillard était
épais, si épais qu’on eût dit du brouet de riz. Il lui colla la
douleur au cœur, et l’y maintint fermement….
Elle était là, étendue
sur l’imperméable en fibres de palme qu’elle avait mis pour se
protéger de la bruine, à côté d’elle était tombé son panier,
autour duquel étaient éparpillées des nèfles orangées….
Tête basse, appuyé sur
son fusil, Erbao se tenait, tremblant, devant son institutrice.
Tout cela était à cause
de cette peau de léopard. Il l’avait étendue dehors pour la
faire sécher, mais
n’avait pas eu le temps
de l’apporter à la coopérative pour l’échanger contre des
cartouches ; un coup de vent l’ayant fait tomber, un enfant
espiègle se l’était mise sur les épaules et était allé à la
sortie du village se cacher dans un buisson pour faire peur à
ses petits copains. A la tombée de la nuit, ce soir-là, le chien
revenait de la forêt en rapportant dans sa gueule un ocelot
qu’il avait attrapé, lorsque, passant près du buisson et sentant
l’odeur très forte du léopard, il avait laissé là l’ocelot pour
aller voir l’endroit d’où provenait cette odeur, et, à la vue de
la peau tachetée du léopard, s’était instinctivement rué
dessus ; il n’avait lâché prise qu’en entendant les cris aigus
de l’enfant dont le cou portait la marque de deux trous
sanguinolents.
Le chien s’était
précipité, aboyant et hurlant, et était rentré chez lui à la
vitesse de l’éclair, s’était accroché au bas du pantalon de son
maître et l’avait traîné jusqu’à l’endroit où gisait l’enfant
qu’il avait mordu.
三
远远的传来了一阵钟声,放假了,谁还去敲它呢!他缓缓抬起头来。他感到犹如做了一场出人意外的莒噩梦1!
他把目光投向了躺着的老师,他没见过睡着时的老师的样子,但他知道老师每晚上都在熬夜2呢。他觉得老师像是太疲乏了3,她睡着了。
雾无声无息地散去了,太阳透过密密匝匝4的枝叶,斑斑驳驳地荡漾5在老师的身上。一片晚落的阔叶闪烁6着金黄色的光亮从高高的枝头悠悠地6落下,飘入了老师那梦幻的土地。老师再也站不起来了,她永远走不出这片痛苦的林子了。
二豹的心在阵阵涌痛,他希望能有谁来惩罚7自己:让熊拍扁8自己的脑袋!让豹撕碎8自己的胸膛……让,让天大的痛苦盖下来吧!
“讨厌的毒雾啊,是你伸出的摩掌把我的眼睛给遮住了。现在要我怎么办呢。”他搂住一棵树使劲地摇撼着9。
“唦啦!”
“唦啦!”
他好似要从树身上摇出个主意来。
自从老师把那只金灿灿的铜钟挂到老榕树上后10,那钟声就挤进了山民的日子里,掺入了11雾气和阳光中。每当钟声一响,人们就会发现,那老榕树的每一片叶子都奇异地颤动起来。
开初是没人到学校里去读书的,因为寨子里很多的人都在看着二豹,他的阿爸12是猎人们的头,他不干的事很少有人去干的。
老师找上门来了:“大叔,叫二豹上学去吧。”
二豹的阿爸指着门前的一蓬竹子13说:“山里人有这样的一个谜语14:小时做菜,大了做筷,说的就是这竹子,现在二豹年纪不小了还去读书,合适吗?”
“二豹年龄是大了些,学些知识总是有好处的,再说寨子里好多人都望着他呢。”
“老师,难得你的好心了,要没人去读,你就回城去吧,这山里的孩子长大了不是尾在麂子马鹿后面跑,就是在犁沟15后面跟的,你教他们些字用不了几年就会在坑坑洼洼里漏光的16。”
“……”
看老师挺委屈的样子,二豹的阿爸又不忍心17,就对他说:“老师那样好,你就去给老师读吧,风来了树叶要响,她是老师,总得有人去听听她讲的……不想听,就是看看那钟也有意思的。”
二豹到教室里一坐,在那些小同学中间就像林子里的望天树一样高出了一节,他在教室的后面可以看到每个同学的头顶。是啊,都长成了一棵可以制筷的竹子了,还和这一棵棵嫩笋在一起多没劲18。
老师在黑板上写着字,他可以从一行行的字缝里看出一只只獐子19、麂子隐着的身子来,那一个个拼音字母20,又常常使他想到那些小动物的耳朵;列算式的时候21,他眼前的枝头上就会有一群荡来跳去的小鸟。
老师站在讲台上见二豹愣愣地盯住22一个地方发呆,就猛然提问二豹,二豹会不着天地的回答:“野熊!”把全班人逗得大笑23,这一来常把他弄得十分狼狈24。
只要一听到林子里传来砰砰的枪声,二豹心里就像一条被拴着的猎狗一样发慌,脚板的肉就不由自主地跳起来。因此,他恨透了那刺眼的钟25。
一天,他趁老师不在一枪把那挂钟的绳子给射断了,他以为这一来被激怒的老师就会把他赶出教室。可是第二天钟又挂好了。第二次他干脆当着老师的面把那拉绳给射掉了。
老师走过来,伸出大拇指说:“好枪法!”她还对四周的学生说,“你们以后当猎手就得像二豹一样。”
二豹大致有些不自在。
“二豹,你能把天上的云彩给射落吗?”老师微笑着问他。
“下次我跟你进林子里,你教我放放枪好吗?”
“寨子里的女人都不打猎。”
“我是山外来的女人想好好地跟你学学。”
“你们城里又没有麂子。”二豹嘿嘿地笑了起来。
“现在我不是在城里呀!”
不管怎样老师还是跟他进林子了,二豹感到很高兴。想好好地露一手26给她看看。
“二豹,我考考你,这叫什么样的森林。”
“森林就森林呗,树的森林,野兽的森林。”二豹不以为然地说27。
“这叫热带雨林28,和北方的大森林不一样。”接着老师给他讲了一串森林的故事。
二豹想不到老师知道得那么多,他觉得很奇怪,就问老师,老师告诉他这大都是从书里看来的,要知道就得去读这些书。
渐渐地二豹和那钟有了一种特殊的情感,星期天要是钟声不响,心里就不是滋味29。学校放了假,他也常去老榕树下转悠着,按捺不住他也会拉一阵子钟30。
01
出人意外
chūrényìwài
surprenant, inattendu
02
熬夜
àoyé
veiller
tard dans la nuit
03
疲乏
pífá
fatigué
04
密密匝匝
mìmìzāzā
épais, dense
05
斑斑驳驳
bānbānbóbó
couvert de taches de toutes les couleurs
荡漾
dàngyàng
onduler
06
闪烁
shǎnshuò
scintiller
悠悠yōuyōu
lointain
/ sans se presser
07
惩罚
chéngfá
punir
08
拍扁
pāibiǎn
écraser
撕碎sīsuì
déchirer en
mille morceaux
09
摇撼
yáohàn
secouer violemment
10
金灿灿
jīncàncàn
doré et brillant
榕树róngshù
banian
11
掺入
chānrù
se mêler à, être incorporé à
12
阿爸
ābà
forme dialectale de papa
13
一蓬竹子
yìpéng
zhúzi un
groupe, une touffe de bambous
14
谜语
míyǔ
devinette,
énigme
15
犁沟
lígōu
sillon d’une charrue
16
坑洼
kēngwā
creux,
trous
漏光lòuguāng
(appareil
photo) laisser passer la lumière
17
不忍心
bùrěnxīn ne pas supporter
18
嫩笋
nènsǔn
pousse de bambou tendre
没劲méijìn
sans force
/ sans grand intérêt, insipide
19
獐子
zhāngzi
chevrotain
20
拼音字母
pīnyīnzìmǔ
lettres de transcription pinyin
21
列出算式
lièchū
suànshì écrire une
formule mathématique
22
愣愣地盯住
lènglèngde dīngzhù
regarder
fixement, l’air hébété, absent
23
逗得大笑
dòude
dàxiào tellement drôle que cela fait éclater de rire
24
狼狈
lángbèi
décontenancé, embarrassé
25
恨透
hèntòu haïr
profondément
刺眼cìyǎn
aveuglant,
criard / (son) assourdissant
26
露一手
lòuyishǒu
montrer ses talents
27
不以为然
bùyǐwéirán
désapprouver, ne pas être d’accord
28
热带雨林
rèdàiyǔlín forêt
tropicale humide
29心里不是滋味xīnlǐ
búshì zīwèi
ressentir un trouble, être perturbé
30
转悠
zhuànyou se
promener, flâner
按捺不住
ànnàbúzhù ne pas
pouvoir réprimer…
III
On entendait au loin la
cloche tinter, mais c’étaient les vacances, qui pouvait bien la
sonner ! Il leva lentement la tête, avec le sentiment d’avoir
fait un cauchemar surprenant.
Il baissa les yeux vers
son institutrice étendue à ses pieds, il n’avait jamais vu
comment elle était quand elle dormait ; il savait qu’elle
veillait toujours tard dans la nuit : elle lui donnait
l’impression de s’être endormie de fatigue.
Le brouillard finit par
se disperser, sans un bruit, et le soleil, filtrant à travers
les feuillages denses, vint poser des taches bigarrées et
mouvantes sur le corps de l’institutrice. Une large feuille,
réfléchissant la lueur scintillante dorée, tomba tout doucement
du haut de l’arbre, et vint se poser en virevoltant sur ce sol
irréel où gisait l’institutrice. Elle-ci ne se relèverait plus,
elle ne sortirait plus jamais de cette forêt de douleur.
Erbao se sentit le cœur
submergé par une vague de douleur, il espérait que quelqu’un pût
le châtier :
qu’un ours lui écrasât
le crâne, qu’un léopard lui déchirât la poitrine….simplement
pour en finir avec cette peine immense !
« Tu es vraiment
pénible, toi, le brouillard, c’est toi qui m’as gêné et m’as
empêché de voir. Et maintenant, qu’est-ce que je vais faire ? »
dit-il en secouant violemment un arbre.
« Cha la ! »
« Cha la ! »
On eût dit qu’il
voulait, en le secouant ainsi, en faire tomber quelque idée.
Depuis que
l’institutrice avait suspendu à une branche du vieux banian
cette cloche d’une brillante couleur dorée, le son en était
devenu partie intégrante de l’existence des montagnards,
intimement mêlé au brouillard et à la lumière du soleil. Chaque
fois que la cloche tintait, les montagnards remarquaient que
chacune des feuilles du vieux banian frémissait de manière
étrange.
Au début, personne
n’allait à l’école, parce que beaucoup dans le village prenaient
modèle sur Erbao, son père étant le chef des chasseurs, s’il ne
faisait pas quelque chose, peu de gens le faisaient.
L’institutrice était
venue le voir chez lui : « Oncle, envoie Erbao à l’école. »
Le père d’Erbao avait
répondu en montrant les bambous devant la porte : « Les gens de
la montagne ont une devinette : petit, on en fait des légumes,
grand, on en fait des baguettes, la réponse est le bambou.
Maintenant, Erbao a grandi, est-ce qu’il a l’âge d’aller
étudier ? »
« C’est vrai qu’Erbao
n’est plus tout petit, mais apprendre a toujours des avantages,
surtout que bien des gens dans le village attendent beaucoup de
lui. »
« Maîtresse, vous avez
certainement les meilleures intentions du monde, si personne ne
va à l’école, vous reviendrez à la ville ; les enfants, ici, à
la montagne, ne deviennent pas adultes en courant derrière des
daims et des cerfs, mais en traçant des sillons derrière une
charrue ; tous les caractères que vous pourriez leur apprendre
ne leur seront d’aucune utilité et en quelques années auront
disparu comme les images d’un négatif exposé à la lumière.
« …….. »
En voyant l’air affligé
de l’institutrice, le père d’Erbao avait cédé et avait dit à son
fils : « La maîtresse est tellement bonne, tu n’as qu’à aller
étudier avec elle, quand passe le vent, il fait bruire les
feuilles, une institutrice, il faut toujours l’écouter… et si tu
ne veux pas écouter, tu n’auras qu’à regarder la cloche, c’est
pas mal non plus. »
Assis dans la salle de
classe, Erbao avait l’impression, au milieu de ses camarades, de
les dépasser comme ces arbres, dans la forêt, qui poussent vers
le ciel ; de derrière, il dominait chacune de leurs têtes.
C’était vrai, il avait atteint l’âge où l’on peut faire des
baguettes du bambou, et il ne trouvait guère d’intérêt à se
retrouver mêlé avec ces pousses toutes tendres.
Quand la maîtresse
écrivait des caractères sur le tableau noir, il pouvait voir des
montjacs et des chevrotains cachés dans les intervalles entre
les lignes ; les lettres de pinyin lui faisaient souvent penser
aux oreilles de ces petits animaux et, quand elle écrivait des
formules mathématiques, il voyait des foules de petits oiseaux
voleter dans les branches devant lui.
Debout sur l’estrade,
quand la maîtresse voyait Erbao l’air absent et le regard fixe,
elle lui posait brusquement une question, sur quoi Erbao
répondait totalement à côté de la plaque : « Un ours sauvage ! »
ce qui faisait s’esclaffer toute la classe, et le mettait
souvent dans un grand embarras.
Il suffisait qu’un coup
de feu résonnât dans la forêt pour qu’Erbao se sentît nerveux
comme un chien de chasse attaché, et il ne pouvait réprimer des
fourmillements involontaires dans la plante des pieds. C’est
pour toutes ces raisons qu’il détestait cette cloche qui lui
perçait les tympans.
Un jour, il profita de
l’absence de l’institutrice pour rompre d’un coup de fusil la
corde par laquelle elle était attachée, pensant que, furieuse,
elle le renverrait de l’école. Mais, le lendemain, la cloche
était à nouveau à sa place. Alors, le jour suivant, il rompit à
nouveau la corde d’un coup de fusil, cette fois en présence de
l’institutrice. Celle-ci s’avança et, levant le pouce, lui dit :
« Superbe, le tir ! », ajoutant à l’adresse des autres élèves
autour : « Plus tard, quand vous serez chasseurs, il faut que
vous fassiez tous comme Erbao. »
Lui se sentait plutôt
mal à l’aise.
« Erbao, est-ce que tu
pourrais aussi atteindre les nuages dans le ciel ? » lui demanda
la maîtresse en souriant.
« La prochaine fois
qu’on va dans la forêt, tu vas m’apprendre à tirer, d’accord ? »
« Au village, les
femmes ne chassent pas. »
« Mais moi je ne suis
pas du village, et je voudrais bien que tu m’apprennes. »
« Il n’y a pas de
daims, en ville. » dit Erbao en riant aux éclats.
« Mais je ne suis pas
en ville, maintenant ! »
Quoi qu’il en soit,
quand la maîtresse alla avec lui dans la forêt, Erbao fut ravi.
Il comptait bien lui montrer ses talents.
« Erbao, réfléchis un
peu, comment s’appelle une forêt comme celle-ci ? »
« C’est une forêt, une
forêt d’arbres, une forêt de bêtes sauvages. » dit Erbao d’un
ton réprobateur.
« Cela s’appelle une
forêt tropicale humide, c’est complètement différent des grandes
forêts du nord. » et la maîtresse enchaîna sur toute une série
d’histoires sur les forêts.
Erbao n’aurait jamais
pensé que la maîtresse pût savoir autant de choses, il trouvait
cela étrange, mais la maîtresse lui dit qu’elle avait lu tout
cela dans des livres, et que, s’il voulait en savoir autant, il
n’avait qu’à les lire lui aussi.
Peu à peu, Erbao sentit
naître en lui un sentiment très particulier pour la cloche, et
quand, le dimanche, elle ne sonnait pas, il en ressentait un
certain trouble. Lorsque l’école ferma pour les vacances, il
alla souvent faire un tour du côté du vieux banian, pris de
l’envie de sonner un peu la cloche, lui aussi.
四
钟声仍在回荡着1。
也许,这是老师拉响的吧,莫不是2什么猛兽又闯到了学校。那一夜,她也是这样拉的。
一群野牛从林子里出来,沿着小路蹿到学校又是斗架又是蹭墙的3,尽管老师大吼大叫,它们也毫无惧怕。是老师拉响了钟唤醒了沉睡的猎人。
人们赶去,朝天放了一阵乱枪,嗾猎狗追撵4,才把它们赶回了森林。
以后,每当夜幕来临的时候,一种奇怪的声音就在学校附近的林子里响了起来。
呜——!
伊伊哟哟——!5
那声音似猎人的吆喝6,又似无形的幽灵在呼喊。它忽高,忽低,忽缓,忽急,时远,时近,时东,时西,它不断地变幻着不论刮风还是下雨它都在响。
起初,老师感到惶恐得很7,它渲染着8无边的夜。后来,她发觉从那以后野兽再也不来侵扰了9,她逐渐地感到了一种安慰,以后,要是迟迟听不到那声音时,心境便变得不安宁起来。
她问遍了寨子里所有的山民:“那声音是什么发出的呢?”有的就说:“那是森林发出的吧。”
“森林,会吗?”
“听了你的课孩子们都聪明了。森林难道就不会变。”
问二豹,回答也一样。
是的,老师正在悄悄地改变着这里的一切,她把人们带到了一片峡谷之外的迷人世界,多少年来山民们心里的土地上除了峡谷就是森林,现在也奔驰起了梦幻中的长龙10。原来猎到一只野熊就自以为是了不起的“英雄”也偷偷地站到教室外,听老师讲那些树叶一样多的新奇事物11,他们打心里佩服起了这位老师,夜深人静时有的人就会带着猎狗到学校周围转悠一圈把那些靠近学校的野物赶跑,不过他们也闹不清那声音究竟是谁发出的。
为了表示感谢,每当那声音响起的时候,她就要轻轻地敲几声钟,对着森林唱上一支歌。
老师的歌清亮得像春天那森林里泛着野花的溪水12,二豹一听到她的歌声就会停下来,让那歌声流进心里。
现在,二豹的心里却在流着血!
就像那天将被处死的那条优秀的猎狗:
……那天,二豹放学回家的时候,那条猎狗已被他的阿爸用条牛皮绳拴了拉到老栗树下。四周站了一群牵着自家猎狗的猎人,他们要让这些猎狗知道失误的下场13。
按规矩,猎狗处死前可以享用14一次丰盛的食物。一盆喷香15的食物就摆在树下,那猎狗走过去连嗅都不嗅一下。
“它知道要死了害怕呢。”
“它肚子饱着呢。”
那猎狗冷漠地16看着人们,一副毫不在乎的样子。
这时,那个被它咬伤过的孩子,手里拿着一坨肉17走来了,人们拉住他说:“别喂它了,它胆虚了,没心肠吃东西了18。”
孩子不听,走到那条猎狗面前。
那猎狗一见孩子,就亲切地对他摇了摇尾巴,孩子把那坨肉递上去,那狗突然向孩子跪了下去19,掉了一串泪水。孩子伸手抚摸了一下它的头20,那狗便张口接着那肉,“格吱!”“格吱!”地吃了起来。
人们不禁愣住了。
那猎狗津津有味地21吃完了肉,伸出舌头舔了舔嘴巴,又高高地昂起了头22。
二豹想起了那狗的许多好处,就走到阿爸面前替狗求情说23:“阿爸,就饶了它吧24,一年四季它在林子里穿来钻去的25,它的胯毛26都磨得光秃秃的,身上带着多少兽爪兽牙的痕迹。”
“别多话,这是规矩!”他的阿爸厉声制止说26。
二豹抬起头来想从人群里找到一双同情的眼睛。可是向他射来的却是刺一样的目光。他无可奈何地想去最后摸一摸那狗,那狗却傲然地闪开了。
就这样那猎狗被吊到了树枝上,它没有哼一声,也没挣扎,只是把身子挺得直直的,像条不屈的汉子一样竖立着27。
……
那钟声又清清楚楚地响了起来。
二豹伏下身去,凑在老师的耳边说:“走吧,老师,钟声在催28我们呢,是上路的时候了。”
他把老师托了起来,向着前方走去,双脚落在厚厚的叶堆上,他感到有千万只手不停地把他举了起来,推向前去。
一道道,一缕缕色彩绚丽的绳子在他的面前闪烁着29,晃动着。那是透下来的阳光。
“老师,快了,我们快到了。”
走着走着老师的身躯云一样地飘了起来,二豹紧紧地跟着她。
当他们过了一道架在深谷的倒木后,二豹转过身来,把这唯一的“桥”一拆30,站在陡直的壁顶上呆了一会儿31,便头也不回地走了。他走得非常规矩。
01
回荡
huídàng
résonner, faire écho
02
莫不是
mòbúshì serait-ce que ?
03
斗架
dǒujià
se battre
蹭
cèng
égratigner, écorcher
04
嗾
sǒu
siffler
追撵zhuīniǎn
pourchasser
05呜 !
wū !
伊哟 !
yīyō !
(cris)
06
吆喝
yāohe
cri, appel
07
惶恐
huángkǒng
être terrifié
08
渲染
xuànrǎn
colorer, rehausser (atmosphère…)
09
侵扰
qīnrǎo
envahir, faire des incursions
10
奔驰
bēnchí
galoper à toute allure
梦幻mènghuàn
illusion,
rêve
11
新奇事物
xīnqí
shìwù choses nouvelles (donc étranges)
12
泛
fàn
flotter, se répandre
溪水xīshuǐ
ruisseau
13
失误的下场
shīwùde xiàchǎng
erreur finale
14
享用
xiǎngyòng
jouir de (festin, aubaine…)
15
喷香
pènxiāng
délicieux
16
冷漠
lěngmò
être indifférent =
不在乎búzàihu
17
一坨肉
yìtuóròu
un morceau de viande
18
胆虚
dǎnxū
être
intimidé, effrayé
没心肠
méixīncháng
ne pas avoir le cœur à
19
跪下去
guìxiàqù s’agenouiller, s’incliner devant quelqu’un
20
抚摸
fǔmō
caresser
21格吱 !
gé
zhī ! (bruit du chien qui mange)
22
津津有味地
jīnjīnyǒuwèide
avec plaisir,
délectation
23
昂起头
ángqǐtóu lever la tête
23
求情
qiúqíng
demander clémence, intercéder en faveur de (替
tì)
24
饶
ráo absoudre, faire grâce
25
穿来钻去
chuánlái zuāngqù
traverser de part en part
胯 kuà
entrejambe, cuisse
26
厉声制止
lìshēng zhìzhǐ
arrêter d’une voix
sévère
27
不屈
bùqū
qui ne cède pas, inflexible, indomptable
28
催
cuī
presser
29
绚丽
xuànlì
somptueux,
splendide
闪烁shǎnshuò
scintiller
30
拆
chāi
démolir
31
陡直
dǒuzhí
escarpé
壁顶bìdǐng
le haut du précipice
IV
La cloche continuait de
tinter.
Peut-être était-ce
l’institutrice qui sonnait, peut-être y avait-il quelque bête
furieuse qui se précipitait vers l’école ?
Un troupeau de buffles
sauvages était un jour sorti de la forêt, et, en suivant la
route, était arrivé jusqu’au mur de l’école sur lequel ils
passèrent leurs cornes. Elle eut beau crier, hurler, elle ne
réussit pas à les effrayer. Elle sonna alors la cloche pour
réveiller les chasseurs profondément endormis.
Ceux-ci se
précipitèrent en tirant en l’air de tous côtés, sifflant les
chiens pour les lancer à la poursuite des bêtes qui finirent par
regagner la forêt.
Par la suite, tous les
soirs à la tombée de la nuit, un cri étrange se fit entendre
dans la forêt non loin de l’école.
Wou——!
Hi Ho—— !
Le cri ressemblait à un
appel des chasseurs, ou à celui de quelque fantôme invisible.
C’était un cri tantôt fort, tantôt bas, tantôt lent, tantôt
pressé, tantôt loin, tantôt proche, résonnant d’un côté puis de l’autre, en perpétuel
changement, et toujours là, qu’il pleuve ou qu’il vente.
Au début,
l’institutrice en avait été terrorisée, ce cri rendait plus
profonde encore l’immensité de la nuit. Mais elle avait ensuite
remarqué que, depuis lors, les animaux sauvages ne venaient plus
l’envahir, et elle y trouva peu à peu un certain réconfort, si
bien que, lorsqu’il tardait à se faire entendre, elle se sentait
devenir nerveuse.
Elle demanda partout
dans le village, à tous les montagnards : « Qui pousse ce cri
? » Certains lui dirent : « C’est la forêt. »
« La forêt, comment
cela ? »
« En assistant à vos
leçons, les enfants deviennent plus intelligents. Et pourquoi la
forêt ne changerait-elle pas elle aussi ? »
Quand elle demanda à
Erbao, il lui fit la même réponse.
De fait, la maîtresse
était en train, sans faire de bruit, de changer profondément le
village, elle y avait apporté un monde mystérieux, étranger à
cette vallée encaissée ; depuis des temps immémoriaux, pour ces
montagnards, la terre qu’ils portaient au cœur était réduite,
hormis la vallée, à la forêt … Ils allaient maintenant écouter
en cachette, à l’extérieur de la classe, la maîtresse parler de
nouvelles choses, aussi nombreuses que les feuilles des arbres,
ils en ressentaient pour elle un grande admiration, et, au plus
profond de la nuit, quand tout le monde dormait, il y avait
souvent quelqu’un pour aller faire un tour avec son chien
jusqu’à l’école pour faire fuir les bêtes sauvages qui
peuplaient les alentours, mais personne n’aurait pu dire qui,
exactement, poussait ce cri.
Pour exprimer sa
reconnaissance, chaque fois que le cri se faisait entendre, elle
allait sonner tout doucement la cloche, et fredonnait un chant
pour la forêt.
Le chant de la
maîtresse résonnait comme le ruisseau de la forêt au printemps,
quand flottent sur l’eau des fleurs sauvages. Dès qu’Erbao
l’entendait chanter, il s’arrêtait pour laisser le chant lui
pénétrer au fond du cœur.
Maintenant, cependant,
il avait le cœur qui saignait !
C’était comme le jour
où ils avaient tué cet extraordinaire chien de chasse :
…. Ce jour-là, quand
Erbao était rentré chez lui après l’école, son père avait
attaché le chien avec une laisse de cuir au pied du vieux
noisetier. Tout autour se tenait une foule de chasseurs qui
avaient amené leurs propres chiens de chasse, pour qu’ils
sachent bien les conséquences de l’erreur commise.
D’après les règles
coutumières, avant de le tuer, on pouvait offrir au chien un bon
repas ; on avait donc déposé une assiette de nourriture
délicieuse sous l’arbre, mais le chien ne s’était même pas
approché pour la renifler.
« Il sait qu’il va
mourir, alors il a peur. »
« Il n’a pas faim. »
Le chien jetait des
regards détachés aux gens autour de lui, des regards totalement
indifférents.
A ce moment-là,
l’enfant qu’il avait mordu s’approcha en lui apportant un
morceau de viande ; le retenant, les gens lui dirent : « Ce
n’est pas la peine de lui donner à manger, il est effrayé, il
n’a pas le
cœur à manger. »
Mais l’enfant, sans les
écouter, s’approcha du chien.
Dès que le chien vit
l’enfant, il se mit à remuer amicalement la queue et, lorsque
l’enfant lui tendit le morceau de viande, il se coucha soudain
devant lui, en versant deux larmes. L’enfant tendit alors la
main pour lui caresser la tête, et le chien ouvrit la gueule
pour manger la viande en l’avalant à grand bruit.
Les gens s’étaient
malgré eux figés tout autour.
Après avoir mangé la
viande avec délectation, le chien se lécha les babines, puis
leva la tête, très haut.
Pensant à tous les bon
côtés de ce chien, Erbao s’approcha de son père pour plaider en
sa faveur : « ‘pa, épargne le, il court toute l’année dans les
taillis, dans la forêt, à force de s’y frotter, il en a le poil,
dans le bas du corps, complètement pelé, et on ne compte plus
les cicatrices qu’ont laissées sur son corps les griffes et les
dents de je ne sais combien de bêtes »
« Pas la peine de
continuer, c’est la règle. » l’interrompit son père d’un ton
sévère.
Levant la tête, Erbao
tenta de trouver un regard compatissant dans la foule des gens,
mais il se sentit comme transpercé par les regards tournés vers
lui. Alors, impuissant, il pensa qu’il ne lui restait qu’à
caresser un peu le chien, mais celui-ci l’évita avec hauteur.
On pendit le chien à
une branche de l’arbre, il ne broncha pas, ne se débattit pas
non plus, simplement il se raidit, le corps droit comme un
homme inflexible.
…………
La cloche continuait de
sonner, très distinctement.
Erbao se pencha pour
parler à l’oreille de l’institutrice : « Allons-y, maîtresse, la
cloche nous presse,
c’est le moment de
partir. »
Il leva le corps de
l’institutrice et se mit en marche, ses pieds s’enfonçant dans
l’épais tapis de feuilles ; il avait l’impression que des
millions de mains le soutenaient, et l’aidaient à avancer. Une
pléiade de traits et de fils aux couleurs somptueuses étincelait
sur son visage, bougeant sans cesse. C’étaient les rayons du
soleil qui avait réussi à percer.
« Maîtresse, on y est
presque, on est bientôt arrivés. »
Ils avançaient ainsi,
le corps de l’institutrice voletant comme un nuage, et Erbao
l’accompagnant tout près.
Lorsqu’ils eurent passé
la passerelle de bois jetée en travers de la gorge, Erbao se
retourna et détruisit cet unique « pont » ; debout sur le bord à
pic du ravin, il resta sans bouger un instant, puis y alla, sans
même tourner la tête. Tout cela était parfaitement dans les
règles.
获第三届全国少数民族文学创作“骏马奖”(
jùnmǎjiǎng :
prix de l’étalon)
Prix de la création
littéraire des minorités nationales (période 1985-87) dans la
catégorie
«新人新作»
(nouveaux
écrivains, nouvelles œuvres),
«中,短小说»
(nouvelles courtes et moyennes)
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