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Chen
Sihe
陈思和
Critique littéraire
Présentation
par Brigitte
Duzan, 22 janvier 2022
Chen Sihe est l’un des plus éminents critiques
littéraires chinois, spécialiste de la littérature
chinoise moderne et contemporaine. Il est
aujourd’hui, entre autres, vice-président de
l’Association des écrivains chinois et de l’Institut
de littérature chinoise moderne, professeur à
l’université Fudan de Shanghai et directeur du
département de chinois de l’université.
La critique littéraire, il a contribué à son
émergence et à son développement en |
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Chen Sihe (photo sohu) |
Chine au
début des années 1980. Mais c’est devenu pour lui bien plus que
ce qu’on entend généralement par ce terme :
评论是我看待世界的方式
La
critique est ma manière d’appréhender l’univers
.
Éléments biographiques
Chen Sihe
est né en janvier 1954 à Shanghai.
La
revue numérique Lire (《读品》),
octobre 2020 |
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Au printemps 1978, à l’âge de 24 ans, il est admis
dans le département de chinois de l’université Fudan
(复旦大学).
C’est alors qu’est publiée, dans le numéro spécial
du 11 août de la revue littéraire Wenhuibao (《文汇报》),
la nouvelle « La cicatrice » (《伤痕》)
de
Lu Xinhua (卢新华)
qui avait été lui aussi admis dans le même
département de Fudan. La nouvelle allait lancer le
mouvement dit « de littérature des cicatrices ».
Extrêmement touché par le texte, Chen Sihe en
souligna tout de suite l’importance dans une
critique parue onze jours plus tard dans la même
revue : « Réalité de la vie reconstruite
artistiquement – commentaires critiques sur "La
cicatrice" » (《艺术地再现生活的真实——论〈伤痕〉》).
Avant d’entrer à Fudan, Chen Sihe avait participé à
un petit groupe de critique littéraire et avait
publié quelques articles, mais empreints d’un léger
dogmatisme. Avec « La cicatrice » volent en éclat
les bastions doctrinaires. L’atmosphère libérale sur
le campus de Fudan l’a alors |
beaucoup
influencé en l’incitant à adopter une pensée plus indépendante,
une manière d’écrire différente.
C’est dans la seconde moitié de cette même année
1978 qu’il commence à entreprendre des recherches
sur
Ba Jin (巴金)
avec un autre camarade de classe, Li Hui (李辉).
C’est alors qu’ils rencontrent le professeur Jia
Zhifang (贾植芳)
qui était encore en travail surveillé à l’imprimerie
de Fudan.
Autour d’un verre, de temps en temps, le vieil homme
leur parle de l’histoire de la littérature chinoise
moderne. |
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Chen Sihe (à g.) avec Jia Zhifang |
Jeune,
outre Hu Feng (胡风),
il avait également connu
Lu Xun (鲁迅).
Il parlait de Hu Feng comme d’un ami et de Lu Xun comme d’un de
ses vieux professeur. Pour Chen Sihe, la littérature moderne
devenait ainsi l’histoire de relations humaines entre proches.
“我常会出现一种幻觉,鲁迅、巴金对我来说更像是前辈,不是研究对象。我把自己纳入知识分子的传统谱系,也在奉献自己的力量。有些学者研究和学习分得很清楚,对我来说不是这样;向研究对象学习,要了解他们是怎么想的,把我的学习体会放进去。”
« J’ai
souvent le sentiment que Lu Xun et Ba Jin sont pour moi des
aînés bien plus que des sujets d’étude. Je me suis intégré dans
la généalogie traditionnelle des intellectuels, en y apportant
ma force personnelle. Les chercheurs, dans l’ensemble, ont des
conceptions individuelles très nettes, ce n’est pas mon cas :
moi, il me faut d’abord comprendre leur pensée, pour y intégrer
ensuite ma propre expérience. »
Sous la direction de Jia Zhifang, Chen Sihe et Li
Hui se lancent dans des études sur Ba Jin ; ils
écrivent et publient une série d’articles approuvés
par Ba Jin lui-même. Finalement, en 1982, tous deux
rencontrent le vieil écrivain qui venait d’être élu
à la présidence de l’Association des écrivains. Tout
l’avenir de Chen Sihe, son parcours professionnel
comme ses idéaux de vie, sont étroitement liés à ces
premières rencontres et recherches.
Il termine en 1982 ses études de littérature
chinoise à l’université Fudan où il reste enseigner,
commençant en 1985 des recherches sur l’histoire de
la littérature chinoise moderne.
En 1993, il est devenu professeur et directeur de
thèses dans le département de chinois de
l’université. En mai 1994, il est devenu vice-doyen
du département de sciences humaines de l’université
(复旦大学人文学院副院长)
et, en juin 2001, directeur du département de langue
et littérature chinoises (中国语言文学系主任).
En août 2018, il a été lauréat du prix de théorie et
critique littéraire lors de la 7ème
édition du Prix littéraire Lu Xun (第七届鲁迅文学奖文学理论评论奖)
pour son essai sur « Divers problèmes concernant les
recherches sur l’histoire de la littérature chinoise
au 20e siècle » (《有关20世纪中国文学史研究的几个问题》).
Depuis le début des années 2000, il a consacré
beaucoup de son temps et de son énergie au
département de chinois de Fudan, puis à la
bibliothèque de l’université dont il est le
directeur. À l’avenir, il désire se consacrer
surtout à la bibliothèque, à la compilation d’une
histoire littéraire et à l’écriture de plusieurs
ouvrages de théorie. |
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Cours d’histoire de littérature
contemporaine chinoise, éd. révisée 2008
Étude critique des recherches sur Ba
Jin |
Une
conception originale de la critique littéraire
Quand il parle de critique littéraire, Chen Sihe
utilise de préférence le terme wenxue pinglun
(“文学评论”)
en soulignant la différence avec wenxue
piping (“文学批评”) :
commentaires critiques à fin d’évaluation et
meilleure compréhension d’une œuvre littéraire et
non attaque visant à dénoncer, impliquant souvent
une dimension idéologique. Cette conception même est
la marque d’une ouverture.
“文学评论者不是居高临下的指导者,而是作品的阐释者和解读者。评论者首先是社会生活中的人,是有感情、有观点、有生命力的人,批评家不能脱离生活环境,他的评论工作只是依托了作家的文学创作来表达自己对生活的看法、对时代的看法、对文学的看法,是用自己的观点来解读生活。…”
« Les critiques littéraires ne sont pas des
guides supérieurs mais des interprètes des œuvres
qui aident à en décoder la lecture. Les critiques
sont d’abord des gens intégrés dans la vie sociale,
avec des sentiments, des opinions et une force
vitale. Le critique ne peut se séparer de
l’environnement dans lequel il vit ; son travail de
critique ne s’appuie sur l’analyse de la création
littéraire que pour refléter sa propre vision de la
vie, de l’époque, de la littérature, et finalement
en arriver ainsi à décrypter la vie… »
En jetant un regard rétrospectif sur toute sa
carrière, Chen Sihe estime que les meilleurs
critiques sont les écrivains de la même génération
que lui, comme
Jia Pingwa (贾平凹)
ou
Mo Yan (莫言) :
“虽然他们跟我的生活经历不太一样,贾平凹、莫言都是农村(长大)的,我是在城市长大的。但是因为我们是同一代人,他们的思想,他们对生活的认知方法与我非常接近。所以我在阐释他们的作品时,我觉得特别有话可说,能激起我很多联想与想法。”
Bien qu’ils n’aient pas eu les mêmes expériences
dans la vie, Jia Pingwa et Mo Yan ayant grandi à la
campagne et moi en ville, parce que nous sommes de
la même génération, notre mode de pensée et notre
approche de la vie sont très proches. C’est
pourquoi, lorsque j’analyse leur œuvre, j’y trouve
énormément à dire en accord avec mes propres idées.
Ce n’est pas qu’il ne lit pas de jeunes auteurs,
beaucoup de leurs textes sont même parmi ses
favoris, mais quand il les analyse, il trouve
toujours un fossé entre eux et lui. C’est pourquoi
il encourage ses étudiants à étudier les auteurs
contemporains. Les normes de la critique chinoise,
dit-il, ont été élaborées au début des années 1980,
sur les bases de la
tradition du 4 mai.
Il faut les faire évoluer pour combler la fracture
entre générations. Il faut voir le futur dans le
contemporain, envisager le futur à partir de l’étude
du contemporain. C’est pourquoi il accorde beaucoup
d’importance à l’enseignement ; avant d’être |
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Quinze conférences sur des textes
célèbres de la littérature chinoise
moderne et contemporaine
Jours sombres
L’anthologie Lulu ji |
critique,
il se voit d’abord comme maître. Ses anciens élèves témoignent
de « l’énergie spirituelle » (精神能量)
qu’il a su leur insuffler, et qu’il a lui-même trouvée auprès de
ses propres maître, Ba Jin, Jia Zhifang et autres.
Quelques concepts originaux
Chen Sihe
est l’auteur de plusieurs notions théoriques dont il a fait des
outils pour mieux analyser et comprendre la littérature chinoise
moderne et contemporaine. Après l’idée de « morphologie de la
culture populaire » (民间文化形态),
il a développé la théorie des « écrits cachés » ou « écriture
invisible » ("潜在写作")
opposée à « l’écriture visible » ("显在写作")
qui est comme la partie émergée de l’iceberg. Conçu pour la
période 1949-1976,
le concept permet de combler les « trous noirs » de la création
littéraire en Chine sur ces 25 années, mais peut être étendu
bien plus largement. Il débouche sur l’idée de « littérature
potentielle ».
Principales publications
En
chinois
- Zhongguo xin wenxue de zhengti guan
《中国新闻学的整体观》
[Vue globale de la nouvelle littérature chinoise],
上海文艺出版社
1987, éd. révisée 2000.
- Zhongguo dangdai wenxue shi
《中国当代文学史》[Histoire
de la littérature chinoise contemporaine, éd.]
复旦大学出版社
1999.
- Zhongguo xiandangdai wenxue mingpian 15 jiang
《中国现当代文学名篇十五讲》[Quinze
conférences sur des œuvres célèbres de la littérature chinoise
moderne et contemporaine]
北京大学出版社
2004.
- Andan suiyue 1966-1970 [Jours sombres 1996-1970]
上海书店出版社
2013 (Autobiographie, 1ère partie)
- Lulu ji《碌碌集》[Recueil
de textes divers] 复旦大学出版社
2020 (anthologie de 66 articles)
Sur
Ba Jin :
- Ba Jin yanjiu lungao《巴金研究论稿》[Étude
critique des recherches sur Ba Jin], Chen Sihe / Li Hui
李辉),
复旦大学出版社
2009.
- Renge
de fazhan - Ba Jin zhuan
《人格的发展-巴金传》
[Développement d’une personnalité - Biographie de Ba Jin]
En
anglais
Sur
Shen
Congwen :
- From Enlightenment to The Folk, Border Town, Chen Sihe/Jeffrey
Kinkley, in : The Routledge Companion to Shen Congwen,
Routledge 2019.
Chapter 12
(19 p.)
Table des
matières :
https://www.taylorfrancis.com/books/edit/10.4324/9781351253727/
routledge-companion-shen-congwen-zhou-gang-chen-sihe-zhang-xinying-jeffrey-kinkley-
jeffrey-kinkley-zhou-gang?refId=c7e9a87f-2b1b-4ea8-87f6-6c5e6564bf81&context=ubx
Interview du 19 octobre 2020 publiée dans la revue
numérique Lire (《读品》)
qui a repris la phrase en couverture.
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