Expressions de type
Xiehouyu
歇后语
tirées de la Chronique
et du Roman des Trois Royaumes
par Brigitte
Duzan, 26 juin 2024
1. Expressions venant du
Roman des Trois Royaumes《三国演义》
>
兄弟如手足,妻子如衣服。
xiōngdì rú shǒu zú
,qī
zǐ rú yīfú
衣服破,尚可缝; 手足断,安可续?
Les frères
sont comme les membres du corps,
les femmes et
les enfants comme les vêtements.
Un vêtement
déchiré, on peut le recoudre ; mais que faire avec un membre
cassé ?
C’est ce que
dit Liu Bei à Zhang Fei au début du chapitre 15, en lui
rappelant leur serment de fraternité, pour l’empêcher de se
suicider pour avoir par sa faute perdu la ville qu’il devait
garder,.
Chapitre 15 :
太史慈酣斗小霸王--孙伯符大战严白虎
Taishi Ci
s’enivre de la lutte contre le Petit Hégémon –
Sun Baifu [Sun
Ce] sort victorieux d’une grande bataille contre Yan Baihu [le
Tigre blanc]
>
刘备借荆州——有借无还。
Liú Bèi jiè Jīngzhōu -- yǒu jiè wú huán
Liu Bei
emprunte la province de Jing – sans nulle intention de la
rendre.
Chapitre 66 :
关云长单刀赴会伏皇后为国捐生
Guan Yunchang [Guan Yu] se rend à la réunion
avec sa seule épée,
L’impératrice Fu sacrifie sa vie pour le pays.
Contexte :
l’histoire est à replacer dans le contexte des relations tendues
entre Sun Quan (孙权)
et Liu Bei (刘备).
Tous deux ont formé une alliance en 208 contre leur ennemi
commun Cao Cao (曹操).
Mais, début 210, ils entrent en conflit pour le contrôle de la
province de Jing (Jingzhou
荊州),
qui couvrait les provinces actuelles du Hubei et du Hunan, à la
limite de leurs territoires respectifs. Selon un premier
compromis, Sun Quan privilégiant son alliance avec Liu Bei
contre Cao Cao, ils s’étaient divisé la province entre eux, à
l’ouest (pour Liu Bei) et à l’est (pour Sun Quan) de la rivière
Xiang. Mais, en 215, les relations s’étant détériorées entre eux
après les succès remportés par Liu Bei, Sun Quan demande à Liu
Bei de lui « rendre » les commanderies du sud de la province
qu’il lui avait « prêtées. La dispute durera jusqu’à l’hiver
219-220, et se terminera avec la conquête des territoires par
Sun Quan.
C’est dans ce
chapitre 66 que l’on trouve le principe du bon gouvernement,
exprimé par le conseiller Fu Gan (傅干)
qui exhorte Cao Cao à renoncer à une nouvelle campagne :
“干闻用武则先威,用文则先德;威德相济,而后王业成。…”
« Moi, Gan, ai
appris qu’en temps de guerre il faut d’abord s’imposer par la
force, mais que pour gouverner il faut d’abord inculquer la
vertu. Celui qui combine et la force et la vertu est apte à
devenir prince. »
Si Cao Cao,
sur ces paroles, renonce à la campagne dans le sud qu’il
projetait, et même s’il sait attirer auprès de lui des
conseillers de valeur, il règne surtout [dans le roman] par la
terreur qu’il inspire et son implacable cruauté au besoin.
Par ailleurs,
à l’ « emprunt » de la province est lié une histoire
supplémentaire ayant donné une autre expression célèbre.
>
东吴招亲——弄假成真
Dōngwú zhāoqīn – nòng jiǎ chéng zhēn
Dans l’État de
Wu est arrangé un mariage – faux mariage transformé en réalité.
Chapitre 54 :
吴国太佛寺看新郎
刘皇叔洞房续佳偶
L’impératrice
douairière de Wu voit son futur gendre dans un temple,
L’oncle impérial Liu trouve son bonheur dans la
chambre nuptiale
Contexte :
après la bataille de la Falaise rouge, Liu Bei « emprunte » la
province de Jin à Sun Quan qui, de son côté, lui offre sa sœur
en mariage pour sceller leur alliance. Mais c’est un piège : le
ministre Zhou Yu (周瑜)
pense en fait tromper Liu Bei en l’attirant à Wu sous le
prétexte de le faire venir chercher sa future épouse, en pensant
le retenir otage pour récupérer Jingzhou. Mais, en voyant la
prestance de Liu Bei, la mère de Sun Quan lui offre volontiers
sa fille, la princesse Sun Shangxiang (孙尚香).
Les deux époux s’entendent à merveille.
D’où
l’expression : faux mariage devenu réalité, piège tourné à son
avantage.
Cependant,
Zhou Yu, en fait, a ensuite mené une armée pour attaquer Liu
Bei, et, tombant dans une embuscade, a subi une cinglante
défaite. Il était donc doublement perdant.
周郎妙计安天下,赔了夫人又折兵
Zhōu láng miàojì ān tiānxià, péi le fūren yòu zhé bīng
Zhou Lang
avait un plan astucieux pour se rendre maître du monde,
Mais il a
perdu la femme et anéanti l’armée.
D’où l’autre
expression : perdre et la femme et l’armée, c’est-à-dire perdre
sur tous les tableaux.
>
说曹操,曹操到
Shuō Cáo cāo, Cáo cāo dào
Parlez de Cao Cao – et il est déjà là.
[Quand on parle du loup – on en voit la queue]
Chapitre 14 :
曹孟德移驾幸许都
-- 吕奉先乘夜袭徐郡
Cao Mengde [Cao Cao] transfère la cour à Xudou
– Lü Fengxian [Lü Bu] profite de la nuit pour attaquer Xuzhou.
Contexte : à fin de la dynastie des Han, les généraux de Dong
Zhuo (董卓)
continuant le combat contre l’empereur, Cao Cao se porta à son
aide. En 198, il vint à bout des deux généraux qui venaient de
tuer les ministres et l’entourage de l’empereur.
Dans le Roman des Trois Royaumes, Cao Cao venait de se couvrir
de gloire en combattant les Turbans jaunes et avait été promu
général par la cour ; il était replié sur le Shandong avec toute
une armée. Ce sont les ministres de l’empereur qui lui
suggérèrent de faire appel à Cao Cao pour assurer sa défense.
Ainsi appelé, Cao Cao mobilisa une armée au Shandong et accourut
à Luoyang pour protéger l’empereur et la cour.
C’est la version du chapitre 14 du roman. Selon la tradition
populaire, cependant, Cao Cao s’est porté à la défense de
l’empereur de sa propre initiative, d’où le proverbe.
>
三个臭皮匠,胜过一个诸葛亮
Sān ge chòu píjiàng, shèng guò yī ge Zhūgě Liàng
Trois misérables tanneurs, ensemble, peuvent vaincre un Zhuge
Liang
Source : le chapitre du roman sur la bataille de la Falaise
rouge où est expliqué le stratagème de Zhuge Liang pour récolter
les flèches de l’ennemi.
Note :
皮匠
píjiàng –
tanneurs - serait une déformation de
裨将píjiāng :
généraux de rang secondaire, des lieutenants. L’expression veut
donc dire que l’expérience des officiers au combat vaut celle du
grand stratège qu’était Zhuge Liang, et que leur sagesse
combinée, une sagesse populaire, vaut la sienne.
2. Expression tirée de la Chronique des Trois Royaumes (Livre de
Wei)
Livre de Wei, chronique des Trois jeunes empereurs, biographie
de Gao Guixiang
《三国志·魏书·三少帝纪·高贵乡公传》
>
司马昭之心,路人皆知
Sīmǎ Zhāo zhī xīn,lùrén
jiē zhī
Ce que Sima
Zhao a en tête, même l’homme de la rue le sait.
Après le coup d’état de Sima Yi (司马懿),
en 249, pour renverser l’empereur Cao Shuang (曹爽),
petit-fils de Cao Pi, le pouvoir est peu à peu passé aux mains
du clan des Sima, Sima Zhao (司马昭),
fils de Sima Yi, devenant Premier Ministre de l’empereur Cao Mao
(曹髦).
En 260, Cao Mao convoqua ses ministres et leur dit : « Tout le
monde sait ce que Sima Zhao a en tête, je ne veux pas souffrir
l’humiliation d’être déposé, il faut supprimer ce traître. »
Mais vouloir s’opposer à Sima Zhao était comme « frapper une
pierre avec un œuf ». Deux de ses ministres l’avaient déjà
trahi…
3.
Dicton populaire
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少不读水浒,
老不读三国
Shǎo bù dú Shuǐhǔ, lǎo bù dú Sān Guó
« Au bord de
l’eau » n’est pas une lecture pour les jeunes,
« Les Trois
Royaumes » n’est pas pour les personnes âgées.
« Au bord de
l’eau » est en effet une histoire glorifiant des hors-la-loi mis
au ban de la société qui exerce une certaine fascination sur les
lecteurs. Quant au « Roman des Trois Royaumes », il montre
comment se conquiert le pouvoir, comment se forment les empires
et comment ils se désagrègent ; c’est une histoire tragique de
guerres sans fin et d’alliances éphémères qui souligne surtout
l’impermanence des choses.
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