Histoire littéraire

 
 
 
     

 

 

Brève histoire du xiaoshuo, de la nouvelle au roman

VI. Les romans historiques sous les Ming

par Brigitte Duzan, 15 juillet 2024

 

1. Les Trois Royaumes

 

1.A L’histoire des Trois Royaumes

1.B  La Chronique et le Roman des Trois Royaumes 《三国演义》

 

1.C Les principaux personnages

 

a)       Les trois frères jurés : Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei

 

Ces trois héros se jurent fraternité et fidélité dès le premier chapitre du roman par le « Triple serment du Jardin des Pêchers » (桃园三结义). D’après ce chapitre introductif, avant leur rencontre, Liu Bei aurait été vendeur de sandales de paille, Zhang Fei boucher et Guan Yu un criminel en fuite. Tous trois sont décrits comme possédant des physiques hors normes.

(les astérisques indiquent les personnages qui font l’objet d’une courte biographie par la suite)

 

 

Les trois frères jurés au Jardin des Pêchers
(peinture du Long Corridor du Palais d’été 颐和园长廊)

 

  

- Liu Bei (劉備/), né dans la commanderie de Zhuo (涿) [aujourd’hui Zhuozhou (涿州) dans le Hebei], était un lointain descendant de l’empereur Jing des Han (景帝), réduit à la pauvreté. Le roman le présente comme un personnage bienveillant et humain, sachant s’entourer de conseillers de valeur et adhérant à des principes moraux (confucéens) de loyauté et de compassion pour le peuple : il est au fil du temps et des interprétations devenu l’héritier des Han, légitimé à la fois par son ascendance et par son caractère loyal et droit[1]. Cependant, malgré l’effort de valorisation du personnage, les événements le montrent lui aussi prône à changer ses allégeances et passer d’un bord à l’autre pour sauver sa peau quand les circonstances le nécessitent.

 

Enfant, un diseur de bonne aventure lui promet un brillant avenir. En 175, sa mère l’envoie étudier avec Lu Zhi (盧植), et il rencontre là Gongsun Zan (公孙瓒)* qui jouera un rôle important par la suite. Deux riches marchands qu’il impressionne lui ayant offert de l’or, il s’en sert pour rassembler des troupes, et se lie alors d’amitié avec Zhang Fei* et Guan Yu* qui deviennent ses frères jurés. Leurs premières victoires sont remportées en 185 contre la rébellion des Turbans jaunes, puis contre d’autres rebelles. Ses hauts faits d’armes lui valent d’être nommé commandant de Gaotang (高唐), dans le nord-ouest du Shandong.

 

Après la mort de l’empereur Ling (汉灵帝) et le chaos qui s’ensuite, il se joint à la campagne contre Dong Zhuo*, mais, quand il revient à Gaotang, en 190, la commanderie est aux mains de rebelles. Il se réfugie auprès de Gongsun Zan (公孙瓒) et se joint à lui pour lutter contre Yuan Shao* pour le contrôle des provinces de Ji (Jizhou冀州) et de Qing (Qingzhou 青州)[2] tout en luttant contre des bandes de Turbans jaunes.

 

En 194, Cao Cao* monte une expédition punitive contre Tao Qian (陶谦), gouverneur de la province de Xu (Xushou 徐州), plus au sud, qu’il rend responsable de l’assassinat de son père. Tao Qian fait appel à Liu Bei qui tente d’abord (selon le roman, chap. 11) de rappeler Cao Cao à la raison, puis lève une troupe et gagne le soutien de deux des familles les plus influentes de Xuzhou. À sa mort, peu après, Tao Qian lui lègue l’administration de la province. Liu Bei, d’abord hésitant, finit par accepter.

 

En 196, cependant, Yuan Shu* envahit la province de Xu tandis qu’un autre dangereux chef de guerre, Lü Bu*, en profite pour envahir la commanderie de Xiapi (下邳郡), dans l’actuel Jiangsu, et capturer la famille de Liu Bei qui s’y trouve. Liu Bei est vaincu et va se réfugier auprès de Cao Cao qui contrôle alors l’empereur et le gouvernement central. Cao Cao l’accueille chaleureusement et, au nom de l’empereur, le nomme gouverneur de la province de Yu (Yuzhou 豫州). Lü Bu est le danger à abattre : il renoue en 198 son alliance avec Yuan Shu pour contrer le pouvoir croissant de Cao Cao, mais il est finalement vaincu, capturé et exécuté.

 

Cao Cao se tourne alors contre Yuan Shao* tandis que Liu Bei, retourné à Xuzhou, échappe à une purge dans la capitale. Mais Cao Cao se rend maître de la province. Liu Bei fuit vers le nord pour rejoindre Yuan Shao et participe à des batailles à ses côtés. Il se joint à des rebelles pour vaincre les troupes de Cao Cao. Puis, en 201, va chercher l’appui de Liu Biao (刘表), gouverneur de la province de Jing (Jingzhou 荊州), qui l’accueille avec courtoisie, mais en se méfiant de lui. Loin des batailles, la province était prospère et attirait les lettrés. C’est là que Liu Bei fait la connaissance de Zhuge Liang (诸葛亮)* qui lui concocte un plan à long terme de conquête des provinces de Jing et de Yi comme avant-postes en tenaille pour conquérir la capitale.

 

Cependant, quand Liu Biao meurt en 208, son fils cadet lui succède et se rend à Cao Cao. Pris par surprise, Liu Bei fuit vers le sud. Mais Cao Cao le rattrape et anéantit ses troupes à la bataille de Changban (长坂坡之战), dans l’actuel Hubei. Liu Bei réussit à s’enfuir en abandonnant sa famille. Sur les conseils d’un proche de Sun Quan*, il charge Zhuge Liang de rechercher une alliance avec lui contre Cao Cao. Résultat : la célèbre bataille de la Falaise rouge (Chibi zhi zhan 赤壁之战). Cao Cao est battu à plate couture et sa flotte anéantie. Liu Bei établit son camp à Youjiangkou (油江口), au sud de la province de Jing. Il renforce son alliance avec Sun Quan en épousant sa sœur, Sun Furen*. Mais il résiste à la proposition de Sun Quan de conquérir avec lui la province de Yi (Yizhou 益州) [à l’endroit actuel du Sichuan et de Chongqing].

 

En 213, Cao Cao passe à l’attaque et prend la ville de Hanzhong (汉中) qui était contrôlée par un chef taoïste de la troisième génération des Maîtres célestes du nom de Zhang Lu (张鲁), menaçant le reste de la province de Yi. Appelé à l’aide par le gouverneur, un de ses parents, Liu Bei en profite pour conquérir la quasi-totalité de la province, avant de reprendre Hanzhong à Cao Cao en 219 à l’issue de la campagne de Hanzhong (汉中之战).

 

Au début de l’hiver 219, les forces de Sun Quan envahissent les territoires de Liu Bei dans la province de Jing et tuent Guan Yu*. Furieux, Liu Bei prépare ses troupes pour attaquer Sun Quan et le venger. Mais, au début de 220, Cao Cao meurt et son successeur Cao Pi (曹丕) met fin au règne de l’empereur Xian et à la dynastie des Han en établissant l’État de Wei ou Cao Wei (曹魏) et en se proclamant empereur. Liu Bei ne réagit pas tout de suite, son fils adoptif ne peut résister à une attaque de Cao Pi : trahi, il est poussé au suicide.

 

Finalement, en 221, Liu Bei se déclare empereur à son tour et annonce la fondation du royaume de Shu ou Shu Han (蜀漢/蜀汉), en proclamant son intention de poursuivre la lignée des Han. Puis il mène une armée contre Sun Quan pour venger Guanyu et récupérer les territoires de la province de Jing. Zhang Fei à son tour est assassiné. Les camps de Liu Bei sont incendiés, ses troupes assiégées et vaincues. Liu Bei meurt de maladie en 223 après avoir nommé Zhuge Liang et son général Li Yan régents de son fils Liu Shan (刘禅). Zhuge Liang s’attache ensuite à faire la paix avec Sun Quan en consolidant leur alliance contre Cao Pi…

 

Si les opinions des historiens modernes sur Liu Bei sont divisées, il est l’objet d’un culte populaire local à Chengdu où il est le patron des marchands de chaussures, avec un temple construit en 1845 en son honneur.

 

 

Représentation traditionnelle de Liu Bei,

empereur de Shu Han 蜀汉皇帝,

par Yan Liben 阎立本 (dynastie des Tang)

 

  

- Zhang Fei (張飛/张飞) est dépeint dans le roman comme quasiment invincible, mais fougueux et porté sur l’alcool. Il est le « petit frère » des trois, suit Liu Bei* dans sa lutte contre les Turbans jaune puis contre Lü Bu*, et se voit offrir en retour le titre de « général émérite » (zhong lang jiang 中郎将). Mais, en 199, Liu Bei se retourne contre Cao Cao* qui l’oblige à s’enfuir. Presque rattrapé, Liu Bei abandonne femme et enfants et ordonne à Zhang Fei de couvrir ses arrières. Zhang Fei suit l’ascension de Liu Bei, et en 221 est promu « général de la cavalerie et des chariots » (cheqi jiangjun 车骑将军). Mais, étant tyrannique envers ses hommes, deux d’entre eux finissent par le trahir et l’assassiner pendant son sommeil alors que Liu Bei l’avait chargé d’une expédition punitive contre Sun Quan* qui avait exécuté Guan Yu*.       

 

 

Zhang Fei à l’opéra de Pékin

 

  

- Guan Yu (關羽/), originaire du district de Xie () [aujourd’hui district de Linyi (临猗) dans le Shanxi]. En l’an 200, Cao Cao capture Guan Yu et, voulant le garder à son service, le nomme lieutenant- général (pian jiangjun 偏将军). Guan Yu reste fidèle à Liu Bei mais ne repart qu’après avoir repayé sa dette envers Cao Cao. C’est un rare exemple de droiture et de loyauté dans cette période troublée. Après ses victoires sur Cao Cao, Liu Bei le nommera « général qui extermine les bandits » (dang kou jiangjun 荡寇将军) et, en 219, « général de l’avant-garde » (qian jiangjun 前将军). Sun Quan tente de le rallier à sa cause, mais finalement met sa tête à prix. Guan Yu est exécuté avec son fils, sa tête est envoyée à Cao Cao. En 263, lorsque le royaume de Wei, ou Cao Wei (曹魏), envahira le Shu, son clan entier sera exterminé, par un homme qui voulait venger son père exécuté par Guan Yu.

 

Il est aujourd’hui divinisé, comme dieu de la guerre, mais aussi bien de la richesse, vénéré à la fois par les forces de l’ordre, et les commerçants, et par les organisations du crime organisé. C’est l’une des principales divinités protectrices locales, en Chine, aussi bien dans le taoïsme et le bouddhisme que dans le confucianisme, où il est souvent confondu avec Wenchang Dijun (文昌帝君), protecteur des lettres, et des lettrés[3].

 

Guan Yu est décrit et représenté avec un visage rouge, symbole de sa dignité et de sa loyauté,[4] une longue barbe et des yeux de phénix.

 

 

Guan Yu à l’opéra de Pékin

 

 

b)       Dong Zhuo, Lü Bu et leurs adversaires

 

- Dong Zhuo () est le type même de l’usurpateur devenu tyran, sans une once de moralité, cruel et corrompu. Gouverneur militaire des franges du nord-ouest, en 189, après la mort de l’empereur Lingdi (汉灵帝),  il est appelé à la capitale par He Jin (何进), frère de l’impératrice, pour aider à liquider les eunuques de la cour impériale. Une fois à Luoyang, il dépose l’héritier du trône, intronise à sa place son demi-frère qui devient l’empereur Xian (汉献) et se nomme Premier Ministre en prenant le contrôle du gouvernement. Pour échapper à la coalition montée contre lui, il s’enfuit de Luoyang avec l’empereur après avoir incendié la capitale, pillé les tombes impériales et les riches demeures de la ville, et déménage la capitale à Chang’an. Menant une vie de débauche, d’une cruauté extrême, il est assassiné en 192 par son âme damnée Lü Bu*, au terme d’un complot orchestré par le ministre de l’intérieur Wang Yun (王允) se servant de sa fille adoptive Diaochan (貂蝉) comme appât[5]. Tous les membres du clan Dong sont exécutés.

 

 

Dong Zhuo entre dans la capitale

 (bande dessinée [lianhuanhua] adaptée du roman)

 

  

- Lü Bu (呂布) a une première biographie dans « La Chronique des Trois Royaumes » (Sanguozhi三国志) écrite par Chen Shou (陳壽/陈寿) au 3e siècle et annotée par Pei Songhzi (裴松之) deux siècles plus tard ; une deuxième biographie se trouvant dans le « Livre des Han postérieurs » (Houhanshu《后汉书》), l’une des premières annales dynastiques, compilée également au 5e siècle.

 

Surnommé le « général volant » (飞将) pour ses prouesses martiales, il est décrit dans « La Chronique des Trois Royaumes » comme un formidable guerrier, impétueux et martial, mais manquant des talents élémentaires du stratège, et surtout de loyauté et de morale : ainsi, recruté et bien traité par Ding Yuan (丁原), commandant de la cavalerie de la province de Bing (Bingzhou 并州), il se laisse convaincre par Dong Zhuo* de trahir Ding Yuan et de le tuer.

 

Devenu bras droit de Dong Zhuo, il participe au complot de Wang Yun (王允) pour éliminer Dong Zhuo ; après quoi, de 192 à 195, il erre dans le nord et dans les plaines centrales en cherchant refuge auprès de différents chefs de guerre, en forgeant des alliances éphémères car tout le monde se méfie de lui. En 194, il réussit à prendre temporairement à Cao Cao* le contrôle de la province de Yan (Yanzhou 沇州). En 195, il se tourne contre Liu Bei qui lui avait offert asile dans la province de Xu (Xuzhou 徐州) et s’empare de la province. En 198, il doit affronter les forces conjointes de Liu Bei et de Cao Cao, confrontation qui se termine par sa défaite à la bataille de Xiapi (下邳之战) en 199. Cao Cao le fait exécuter par strangulation ( ) puis décapiter.

 

Chen Shou dit de lui qu’il n’y a jamais eu dans l’histoire de personnage tel que lui (c’est-à-dire sans morale) qui n’ait pas mal fini. Le roman ne fait que souligner et dramatiser ses défauts, en ajoutant une note sentimentale avec l’histoire de Diaochan[6].

 

 

Lü Bu dans l’opéra « Lü Bu et Diaochan »

《吕布与貂蝉》

 

 

- Yuan Shao (袁绍), puissant seigneur de guerre du nord, élimine en 189 les eunuques qui ont assassiné He Jin. En 190, il est élu chef d’une brève coalition contre Dong Zhuo*. Ayant obtenu par ruse le contrôle de la province de Ji (Jizhou 冀州) aux dépens de Gongsun Zan*, il projette d’étendre son pouvoir en l’éliminant, en soumettant les nomades du nord, et en levant une grande armée pour unifier les territoires du nord et restaurer l’empire. Il fait exécuter tous les membres d’une délégation envoyée par Dong Zhuo qui en retour fait exécuter tous les membres du clan Yuan. Il refuse les avances de Cao Cao* et, en 199, gagne une victoire décisive sur Gongsun Zan, renforce son armée puis, en 200, lance une campagne contre Cao Cao qui vient d’infliger une cuisante défaite à Liu Bei ; mais il est vaincu à la bataille décisive de Guandu (官渡之战). Il meurt de maladie en 202 en laissant Cao Cao bientôt maître de tout le nord de la Chine.

 

- Yuan Shu (袁術), commandant de la Garde impériale et demi-frère (ou deuxième cousin) de Yuan Shao qu’il aide à éliminer les eunuques. Mais, Dong Zhuo voulant le nommer général, il s’enfuit à la commanderie de Nanyang (南陽郡) dont il prend le contrôle, puis participe à la campagne contre Dong Zhuo. Cependant, il entre en conflit avec Sun Jian (孙坚)*, l’homme fort de Nanyang dont il craint le pouvoir. Lui coupant les vivres, il retarde sa progression vers Luoyang où Sun Jian arrive après le départ de Dong Zhuo. La capitale est en ruines. Par un heureux hasard, Sun Jian y trouve le sceau impérial qui avait disparu, mais doit le remettre à Yuan Shu. Celui-ci se lance alors dans une série d’alliances, en rivalité avec Yuan Shao, pour le contrôle du nord. Au début de 193, il subit une série de défaites, contre les forces conjointes de Yuan Shao et de Cao Cao. De 194 au début de 197, il s’allie au fils de Sun Jian, Sun Ce (孫策)*, et à son beau-frère Wu Jing (吴景), pour conquérir des territoires au sud de la rivière Huai, mais il est en lutte contre Liu Bei* et Lü Bu* pour le contrôle de la province de Xu (Xuzhou 徐州).

 

Finalement, début 197, en fondant sa légitimité sur sa possession du sceau impérial, il se proclame empereur d’une éphémère dynastie Zhongshi (仲氏), ce qui, joint à son arrogance et à son mode de vie extravagant, suscite des désertions en chaîne, dont celle de Sun Ce. Après des défaites désastreuses contre les armées de Cao Cao, Lü Bu et Liu Bei, Yuan Shu tente d’obtenir de l’aide auprès de Yuan Shao, qui lui envoie son fils aîné Yuan Tan (袁谭)[7]. Mais celui-ci arrive trop tard : acculé à la retraite par Liu Bei, Yuan Shu meurt de faim en 199.

 

- Gongsun Zan (公孙瓒) est originaire de Zhuo, comme Liu Bei avec lequel il a étudié sous la tutelle de Lu Zhi (盧植). Il est mandaté par He Jin pour écraser une rébellion et, à la tête d’une cavalerie d’élite restée dans les annales car montée sur des chevaux blancs  (Baima yicong白马义从)[8], il  mène des campagnes contre les tribus Wuhuan (乌桓) et Xianbei (鲜卑), mais doit abandonner en 189 car les Han ont conclu une paix avec eux[9]. Posté à Beiping, il se joint à la coalition contre Dong Zhuo* et repart sur ses terres quand la coalition est dissoute. En 191, il va combattre les derniers rebelles Turbans jaunes puis, dans le roman, il attaque la province de Ji (Jizhou 冀州) après s’être entendu avec Yuan Shao* pour se partager le territoire. Mais il est floué par Yuan Shao qui s’empare de la totalité. Gongsun Zan lui déclare donc la guerre en s’alliant avec Yuan Shu et mobilise une armée avec l’aide de Liu Bei. Défaites et victoires se succèdent.

 

En 192, après la mort de Dong Zhuo, Gongsun Zan contrôle toute la province de You (Youzhi 幽州), mais son pouvoir est fragile : il ne sait pas s’attacher la loyauté de ses subordonnés. Il fait ériger une imposante forteresse à Yijing (易京) où il se retranche. Il y est assiégé par Yuan Shao en 199. À bout de ressources, il tue toute sa famille, sœurs, femme et enfants, et se suicide.

 

c)       Cao Cao et le royaume de Wei

 

Toute l’histoire des Trois Royaumes tourne cependant autour du personnage de Cao Cao.

 

- Cao Cao (), fils d’un officier de la cour impériale, fait ses premières armes en 184 contre les Turbans jaunes, dont la rébellion, cependant, ne cesse de renaître sporadiquement – au printemps 196 encore, Cao Cao est obligé de mater une nouvelle révolte et de faire exécuter ses meneurs, ce qui lui vaudra le titre glorieux de « général établissant la vertu » (jiàn dé jiānjūn 建德将军) qui lui sera conféré par l’empereur, avant celui bien plus ronflant octroyé trois mois plus tard de « général gardien de l’est » (zhèn dōng jiānjūn 镇东将军).

 

Des Turbans jaunes à l’unification du nord

 

Il est Premier Ministre de l’empereur Xiandi (汉献帝) placé sur le trône en 189 par Dong Zhuo. Après la mort de celui-ci, en 192, l’empereur se retrouvant isolé passe sous le contrôle de Cao Cao qui, à partir de 196, fait la pluie et le beau temps à la cour en émettant des décrets au nom de l’empereur et en éliminant ceux qui se risquent à le critiquer – y compris l’impératrice Fu qu’il fera exécuter avec une centaine de membres de son clan.

 

Dong Zhuo avait emmené l’empereur et la cour à Chang’an. En septembre 196, Cao Cao ramène l’empereur à Luoyang, où il se rend lui-même pour y assurer l’ordre. Mais la capitale est dévastée et en ruines. Sur avis de son conseiller Dong Zhao (董昭), Cao Cao transfère la capitale à l’est, à Xu (, aujourd’hui Xuchang 许昌 dans le Henan). Le conseiller et historien-astrologue de l’empereur voit alors dans Cao Cao le détenteur du mandat céleste, capable de réunifier et pacifier l’empire. Cao Cao lui répond que les voies du ciel sont impénétrables, mais il garde l’empereur sous sa coupe et part en campagne.

 

Ce sont ces circonstances qui justifient sa prétention à réunifier l’empire. De défaites en victoires et vice versa, et d’une alliance à l’autre, il devient peu à peu maître de tout le nord de la Chine.

 

Le tournant du siècle est déterminant, avec la victoire sur Yuan Shao, vaincu en 200 à la bataille de Guandu (官渡之战).  En 208, le nord-est est « pacifié ». Cao Cao part à la conquête du sud. Liu Biao (刘表), qui gouvernait la province de Jing (荆州), soit le Hubei et Hunan actuels, meurt ; son fils terrifié se rend. Cao Cao poursuit son avance, défait Liu Bei à la bataille de Changban (长坂之战), mais, l’hiver 208-209, il subit une défaite désastreuse à la bataille de la Falaise rouge (Chibi zhi zhan 赤壁之战) : son armée est décimée et sa flotte incendiée[10].

 

La bataille est devenue légendaire. D’après la première version de la Chronique, se voyant perdu, Cao Cao aurait préféré mettre le feu à ses bateaux plutôt que de les voir tomber aux mains de ses ennemis et aurait battu en retraite. Mais les conteurs se sont emparés de l’histoire et ont brodé une série de stratagèmes, que l’on retrouve dans le Roman, expliquant le triomphe de Sun Quan et Liu Bei secondés par de brillants généraux et stratèges : celui des « bateaux enchaînés » et celui de l’escadron d’attaque (méngchōng dòujiàn 蒙冲斗舰) transformé en bateaux incendiaires ; les premiers attachés les uns aux autres pour réduire le roulis, et le mal de mer ressenti par les soldats de Cao Cao, sans expérience sur l’eau ; les deuxièmes transformant les premiers en un immense brasier, attisé par le vent du sud. L’armée de Cao Cao périra en partie par le feu, en partie par noyade.

 

Mais ce n’est pas fini : voyant la situation désespérée, Cao Cao donne aux quelques forces qui lui restent l’ordre de la retraite, et celle-ci les mène à travers une zone marécageuse qui s’étendait alors au nord du lac Dongting (洞庭湖). Or de fortes pluies avaient transformé la zone en une vaste tourbière impraticable pour les chevaux comme pour les hommes, épuisés et malades.

 

C’est une véritable déroute, étonnante pour le nombre d’erreurs stratégiques commises, sans doute dues à la mort l’année précédente du stratège conseiller de Cao Cao, Guo Jia (郭嘉)[11]. Et pourtant, on est surpris de voir Cao Cao très vite à la tête d’une nouvelle armée – les soldats se « prêtent » autant qu’ils se mobilisent. Au printemps 210, en quête de nouveaux talents, aussi importants que l’infanterie, il émet un décret pour qu’on lui en recommande. Et il repart à l’offensive dès 211. Il est duc de Wei (魏公) en 213 puis, en 216, se proclame « roi de Wei » (魏王) contre les règles de la dynastie des Han.

 

Mais il meurt soudain en mars 220, peut-être d’une tumeur au cerveau – il est souvent dépeint souffrant de violents maux de tête. Et cette mort apparaît comme une autre déroute : son second fils, Cao Pi (), lui succède et, après avoir officiellement déposé le malheureux empereur Xian et mis ainsi fin à plus de quatre siècles de règne des Han, proclame en décembre la fondation de la dynastie Wei, conférant à son père, à titre posthume, le tire d’empereur Wu de Wei (魏武帝). Mais Cao Pi meurt six ans plus tard, en 226, après une série de défaites. Son fils Cao Rui (曹叡) lui succède, mène une série de campagnes militaires mais ruine l’Etat en faisant construire de grandioses palais. Malade, il meurt en 239 à l’âge de 34 ans. Son fils Cao Fang n’a que huit ans ; il tombe sous la coupe du clan des Sima qui le forcent finalement à abdiquer en 254.

 

L’empereur Xian, lui, a vécu encore quatorze ans après sa déposition avec le titre de duc de Shanyang (山阳公) ; il est mort en 234 sur ses terres, à l’âge de 53 ans.

 

Un personnage de légende plein de contradictions

 

C’est un personnage de légende, fascinant par ses contradictions, dont les biographies fourmillent d’anecdotes et dont la tombe même reste un mystère, mais dont l’image a évolué au fil du temps.

 

Le commentaire final de l’auteur de la Chronique des Trois Royaumes, Chen Shou, est un éloge de ses faits d’armes, en mettant l’accent sur sa capacité à utiliser les talents des mandarins autour de lui pour élaborer des stratégies supérieures. Pei Songzhi qui compléta la Chronique deux siècles plus tard le présente sous un aspect tyrannique et cruel, mais un peu à la manière d’un évangile apocryphe : lorsqu’il faisait exécuter quelqu’un, il pleurait mais jamais ne suspendait l’exécution. … lors d’une campagne il donna l’ordre d’exécuter quiconque aurait détruit du blé [en le piétinant][12], mais son cheval s’étant enfui dans un champ sans qu’il arrive à le retenir, il reconnut avoir violé la loi et, pour se punir, se coupa les cheveux (au lieu de se couper la tête) … un autre jour, voulant faire une sieste, il ordonna à une concubine de le réveiller, mais celle-ci n’ayant pas osé le déranger, à son réveil il la fit battre à mort. 

 

Malgré tout, le personnage était encore perçu positivement sous les Tang, mais la personnalité des principaux acteurs de cette histoire a été reconfigurée dans un sens confucéen à partir du 12e siècle. Dans ce contexte, le roman de Luo Guanzhong a contribué à forger de Cao Cao une image de personnage machiavélique qui lui est restée dans la tradition populaire : celle de « Héros perfide des temps de chaos » (世之奸雄) préférant « trahir plutôt que d’être trahi » (寧我負人,毋人負我!)[13]. Chaque époque de trouble, et de division, a apporté une raison supplémentaire au niveau symbolique pour démoniser Cao Cao et valoriser Liu Bei.

 

 

Masque de Cao Cao datant de la dynastie des Qing

(Musée de Shanghai)

 

 

Politique agraire et œuvre littéraire

 

On finirait par en oublier les côtés positifs du personnage, comme administrateur d’abord, soucieux du bien-être de ses troupes et de la population, et en particulier de l’approvisionnement à une époque où les disettes étaient fréquentes, et ralentissaient la progression des armées comme le mentionne le Roman à plusieurs reprises (chap. 13, chap. 17, etc.). Ainsi, à l’automne 209, à quelques mois de la bataille de la Falaise rouge, Cao Cao émet un décret pour offrir de la nourriture aux familles dans le besoin. Et en même temps, il ordonne d’établir dans la région des túntián (屯田), système de mise en culture de terres par l’armée, voire des paysans sans terre ou des réfugiés, qui reste attaché à son nom : c’est en grande partie la clé de ses succès militaires, mais c’est une véritable politique agraire qui a permis à l’économie chinoise de ne pas sombrer totalement pendant ce siècle de chaos, car le système sera repris aussi par ses adversaires, dont Zhuge Liang.

 

On ne peut pas non plus passer sous silence son œuvre littéraire : il a laissé des journaux de guerre ainsi qu’un commentaire sur « L’art de la guerre » de Sun Zi (Sūn Zǐ bīngfǎ《孙子兵法》) : « Brèves annotations sur le Sun Zi » (Sūn Zǐ lüè jiě《孫子略解》). Mais surtout il était un grand poète, et ce n’est pas là l’une de ses moindres contradictions. Avec ses fils Cao Pi et Cao Zhi, il a contribué à créer un style de poésie  dit « de Jian’an » (建安文学), du nom de l’ère 196-220.

 

L’un de ses poèmes les plus célèbres est celui qu’il a composé, et chanté, la veille de la bataille de la Falaise rouge, lors d’un ultime festin sur le fleuve, et l’événement va à son tour inspirer poèmes et peintures sur le thème de la Falaise rouge.

 

 

Illustration du chapitre 48 du Roman des Trois Royaumes :

Cao Cao, glaive en main, déclamant un poème à la veille de la bataille de la Falaise rouge.

Peinture du Long Corridor du Palais d’été.

 

  

d)       Le clan des Sun et le royaume de Wu

 

Au royaume de Wei au nord s’oppose le royaume de Wu au sud, aux mains du clan des Sun.

 

- Sun Jian (孙坚) est originaire de la commanderie de Wu (吴郡) établie en 129 sous l’empereur Shun des Han (汉顺帝), qui couvrait ce qui est aujourd’hui le nord du Zhejiang et le sud du Jiangsu, dans la province de Yang (Yangzhou 扬州) [voir les neuf provinces n. 4]. En 184, quand éclate la révolte des Turbans jaunes, Sun Jian rejoint le général Zhu Jun dans la province centrale de Yu (Yuzhou 豫州). Au même moment, dans la province de Liang (Liangzhou 涼州), au nord-ouest, deux officiers alliés aux nomades Qiang () se soulèvent ; Sun Jian est invité comme conseiller, puis une autre se produit à la commanderie de Changsha dont Sun Jian est nommé administrateur. Un mois plus tard, il a écrasé la rébellion, mais il doit encore en écraser deux autres dans des commanderies voisines. Ce sont ses premiers faits d’armes.

 

Après la campagne contre Dong Zhuo, Sun Jian lève une armée et rejoint Yuan Shu qui le nomme « général destructeur des barbares » (pòlǔ jiāngjūn 虏将军) et inspecteur de la province de Yu. Dong Zhuo tente de le supprimer, puis de le rallier à sa cause en lui proposant un mariage avec sa fille. Plus tard, Sun Jian entre dans Luoyang en ruine après la fuite de Dong Zhuo et trouve par hasard le sceau impérial. Mais il est forcé de le donner à Yuan Shu qui détient sa femme en otage.

 

En 191, Yuan Shu l’envoie attaquer le gouverneur de la province de Jing (Jingzhou 荆州). Mais il est vaincu et a une fin tragique : tombé dans un traquenard, il est tué d’une flèche et écrasé sous des pierres en poursuivant le commandant ennemi. Son neveu Sun Ben rapporte sa dépouille à Yuan Shu qui le nomme en remplacement de son oncle inspecteur de Yuzhou.

 

- Sun Ce () est le fils aîné de Sun Jian, qui n’avait que seize ans à la mort de son père. Il se lance dans des conquêtes militaires avec l’aide de troupes « prêtées » par Yuan Shu, luttant contre les bandits et les tribus rebelles de montagnards Shanyue (山越) que les Han n’avaient jamais réussi à contrôler.

 

Cependant, il rompt avec Yuan Shu en 197 lorsque celui-ci se proclame empereur. Sun Ce part alors au « sud du fleuve » (dans le Jiangdong 江东) pour établir sa propre base d’opérations. Il y fonde les bases de l’Etat de Wu (), ou Wu de l’Est pour le distinguer de l’Etat éponyme des Printemps et Automne. En 199, il semble pouvoir contrôler tout le sud du territoire chinois. Son principal rival est Yuan Shao* au nord. Cao Cao, lui, renforce son alliance avec lui par mariages croisés.

 

Cependant, en 200, au moment de la bataille de Guandu opposant Yuan Shao à Cao Cao, Sun Ce conçoit le plan d’attaquer la base de Cao Cao à Xuchang laissée avec une garde réduite, mais il est assassiné avant d’avoir pu le mettre en œuvre. Il est honoré de manière posthume du titre de « Prince Huan de Changsha » (长沙桓王) par son frère cadet Sun Quan devenu empereur fondateur de l’État de Wu.

 

Le roman dramatise une version apocryphe de sa mort faisant intervenir un prêtre taoïste du nom de Yu Ji (干吉) que Sun Ce aurait fait exécuter en raison de sa popularité comme sorcier, Yu Ji devenant alors un fantôme vengeur[14]. À l’opéra, Sun Ce est une figure tragique, tandis que certains opéras font de son frère son assassin.        

 

- Sun Quan (), frère cadet de Sun Ce, hérite à sa mort du territoire que celui-ci a conquis au sud-est du Yangtsé, ainsi que de ses officiers et conseillers. En 207, il remporte une victoire finale sur Huang Zu (黃祖) qui, sous la tutelle de Liu Biao (劉表/刘表), gouverneur de la province de Jing (Jingzhou 荆州), dominait la région du moyen-Yangtsé. Huang Xu est tué au combat. Mais, l’hiver suivant, Cao Cao lance une vaste offensive pour conquérir le sud et réunifier la Chine. Avec l’aide de Liu Bei, il remporte la bataille de la Falaise rouge (赤壁之战) qui freine temporairement les ambitions de Cao Cao.

 

En 211, Sun Quan transfère sa capitale à Moling (秣陵) dont il reconstruit les fortifications de manière à mieux contrôler l’estuaire du Yangtsé et qu’il rebaptise Jianye (建康) en 212. Cao Cao tente une attaque en 213, il est battu à la bataille de Ruxu (濡须口之战). Mais Sun Quan le reconnaît en 217 comme représentant légitime du gouvernement central. Dans ces conditions, l’alliance avec Liu Bei est fragile. En 219, Guan Yu est vaincu par Cao Ren et exécuté. Le province de Jing repasse sous le contrôle de Sun Quan…

 

Après la mort de Cao Cao, à la fin de 220, son fils et successeur Cao Pi (曹丕) se proclame empereur Wen de Wei (魏文帝). Sun Quan en est nominalement le vassal sous le titre de roi de Wu. Mais il refuse la requête de Cao Pi d’envoyer son fils Sun Deng (孫登) en otage à Luoyang. En novembre 222, Sun Quan se déclare indépendant, puis se proclame empereur en 229. Les combats continuent. Cependant, la mort de Sun Deng en 241 provoque une crise dynastique entre deux factions rivales. Sun Quan règle la question en exilant l’un des prétendants et en forçant l’autre à se suicider. Il meurt en 252 à l’âge de 70 ans, le plus long règne de la période. Son plus jeune fils Sun Liang (孙亮) lui succède. Mais il est déposé en 258 par le régent… et les luttes reprennent, entre régents successifs et leurs protégés.

 

e)       Et du côté des femmes…

 

- Sun Shi (), sœur de Sun Jian, est la mère de Xu Kun (徐琨), devenu conseiller de Sun Ce après la mort de Sun Jian. C’est elle qui, accompagnant l’armée, aurait suggéré à son fils la stratégie qui permit la victoire de Sun Ce à Danglikou (當利口) en 195.

 

- La fille de Xu Kun, Dame Xu (徐夫人), devient vers 200 la concubine de Sun Quan dont la première épouse tombe alors en disgrâce et meurt peu après ; Sun Deng, l’héritier de la couronne de Wu, est son fils adoptif, né d’une femme de moindre statut. Cependant, Sun Quan refusa de proclamer Dame Xu impératrice, préférant réserver le titre à une autre femme, nommée Bu Lianshi (步练师), mais à titre posthume (大帝步皇后, 孙吴追尊皇后).

 

- Sun Furen (孙夫人), ou Sun Ren (孙仁) dans le Roman des Trois Royaumes, également appelée Sun Shangxiang (尚香) à l’opéra, est la fille de Sun Jian, sœur cadette de Sun Ce et  Sun Quan. Vers 209, son frère Sun Quan la donne en mariage à Liu Bei pour renforcer l’alliance avec lui. Elle est réputée avoir été brillante et pleine de talent, mais, formée aux arts martiaux dès l’âge de huit ans, aussi audacieuse et dangereuse que ses frères. Elle aurait été entourée d’une centaine de femmes armées, et d’après Zhuge Liang[15], Liu Bei la considérait comme un danger : quand il était à Jingzhou, il redoutait la menace de Cao Cao au nord et celle de Sun Quan à l’est, mais chez lui il avait également peur des manigances de sa femme. Pour cette raison, il avait nommé le général Zhao Yun (赵云) responsable de la supervision des affaires domestiques et du maintien de l’ordre à Jingzhou.

 

Les circonstances montrent que Liu Bei n’avait pas tort. En 212, lorsqu’il part en campagne dans la province de Shu, il laisse Sun Furen à Jingzhou. Sun Quan envoie alors un bateau chercher sa sœur, et elle tente d’emmener avec elle Liu Shan (), le fils que Liu Bei avait eu d’une autre femme[16]. Zhuge Liang dut envoyer Zhao Yun et Zhang Fei ramener Liu Shan… il sera le deuxième et dernier empereur de Shu-Han (223-263).

 

Sun Shangxiang est un personnage d’opéra et de feuilletons télévisés. Au cinéma, son rôle est interprété par Zhao Wei (赵薇) dans le film de 2008 de John Woo (吴宇森) « Red Cliff » (《赤壁》) ou « La Falaise rouge ». Dans la première partie (de la version en deux parties sortie en Chine), elle attire Cao Cao dans une embuscade avec les femmes de sa garde. Et dans la deuxième partie, elle s’infiltre dans le camp de Cao Cao et parvient à dresser une carte de la formation de l’armée ennemie…

 

 

Sun Furen, ou Shangxiang, représentée
comme une héroïne d’arts martiaux
(ill. d’une édition du Roman des
Trois Royaumes datant des Qing)

 

 

En 214, sur les conseils de ses ministres, Liu Bei prendra ensuite comme deuxième épouse la sœur de Wu Yi (吴懿), veuve du troisième fils d’un gouverneur de la fin des Han qui, délaissant l’empereur, était l’un des premiers à s’être rallié à lui[17]… C’est elle qui deviendra ensuite impératrice.

 

Liste des personnages des Trois Royaumes (par ordre alphabétique de la transcription pinyin)

https://en.wikipedia.org/wiki/Lists_of_people_of_the_Three_Kingdoms

Liste des personnages fictifs chapitre par chapitre

https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_fictional_people_of_the_Three_Kingdoms


 

[1] Voir l’évolution de la « vérité historique » dans le roman et l’accent mis sur la « droiture » de Liu Bei et des « frères » autour de lui, à partir surtout du 12e siècle sous l’influence de Zhu Xi (朱熹).

[2] Selon la section « Tribut de Yu » (Yu gong 禹贡) du « Livre des Xia » (Xia shu 夏书) du « Classique des documents » (Shujing书经ou Shangshu《尚书》), le territoire de l’empire était divisé en « neuf provinces » (zhou ) qui varient selon les périodes et les ouvrages. Elles deviennent régions administratives à partir des Han de l’Est.  Mais sont étendues à treize pendant la période des Trois Royaumes, avec une région administrative centrale.

Distribution géographique des neuf provinces d’après le Yu Gong :

https://en.wikipedia.org/wiki/Yu_Gong#/media/File:Yugong_Nine_Provinces_Map_%E7%A6%B9%

E8%B4%A1%E4%B9%9D%E5%B7%9E%E5%9B%BE.svg

[3] Guan Yu, ou Guandi, est l’un des « cinq Wenchang » de la tradition confucéenne, avec des avatars locaux.
Voir :
http://www.chinese-shortstories.com/Articles_Epidemies_III_Wenchang.htm

[4] Le rouge, associé au feu, est généralement symbole en Chine de bonne fortune, de vitalité et de succès, mais aussi de pouvoir – symbolisé par les portes laquées de rouge (zhu men 朱门) des hauts fonctionnaires et éminents personnages de la Chine ancienne.

[5] Diaochan (貂蝉) est l’une des « quatre beautés » (四大美女) légendaires de la Chine ancienne, célèbres pour avoir influé sur le cours de l’histoire en suscitant des passions dévastatrices chez des souverains et des empereurs. La première de ces beautés, Xi Shi (西施), est mentionnée dans le chapitre 2 (Qí wù lun 齐物论) du Zhuangzi, mais c’est pour dire que la beauté est relative et dépend du regard de chacun : « {comme une tige mince et un gros pilier,] une femme laide et la belle Xi Shi se résorbent dans l’unité du dao. » (lài yǔ Xī Shīdào tōng wéi yī 厉与西施,道通为一).

[6] Outre l’opéra « Lü Bu et Diaochan » (《吕布与貂蝉》), l’histoire a été adaptée en une série télévisée éponyme tournée par Chen Kaige (陈凯歌) et diffusée en avril 2002 sur Shenzhen TV. Mais la série a été critiquée pour son excès de violence et interdite. De nombreuses séquences ont dû être filmées de nouveau avant que la diffusion puisse reprendre.

L’histoire de Diaochan avait auparavant été adaptée au cinéma par Bu Wancang (卜万苍) à la fin des années 1930. Commencé à Shanghai en 1937, le tournage du film a été interrompu par l’invasion de la ville par les Japonais. Bu Wancang a réussi à terminer son film à Hong Kong l’année suivante et il y est sorti sous le titre « Sable Cicada » (《貂蝉》).

[7] Brièvement courtisé par Cao Cao, Yuan Tan finira, dans le roman, tué au combat par Cao Hong (曹洪) – jeune cousin de Cao Cao auquel il avait sauvé la vie en lui donnant son cheval lorsque Cao Cao avait été capturé dans l’attaque contre Dong Zhuo. C’est un soutien indéfectible de Cao Cao qui ira jusqu’à faire pression sur l’empereur Xiandi pour qu’il abdique en faveur de Cao Pi après la mort de Cao Cao.

[8] Les chevaux blancs étant considérés comme sacrés par les nomades Wuhuan.

[9] Alliés au clan des Yuan, les Wuhuan recommenceront à faire des raids dévastateurs au début de la décennie 200, et c’est Cao Cao qui leur infligera une cuisante défaite à la Bataille de la Montagne du Loup blanc (白狼山之战) en 207. Cette victoire entraîne des déplacements de ces populations qui sont absorbées par les Xianbei et les populations locales et détruisent en fait leur identité. Cette pacification des frontières nord apporte un immense prestige à Cao Cao.

[10] D’autant plus mythique qu’on ne sait même pas exactement où elle s’est passée, la bataille a inspiré un film aussi épique que le roman : « Red Cliff » (《赤壁》) de John Woo (吴宇森), sur un scénario plein d’humour qui réinvente quasiment l’histoire, le tout interprété par de formidables d’acteurs.  

[11] Ce qui montre bien l’importance de ces conseillers à l’époque, et du soin avec lequel les seigneurs de guerre s’attachaient à s’entourer des meilleurs.

[12] Anecdote reprise dans le Roman (fin du chap. 17), pour montrer que Cao Cao était conscient de l’importance du soutien de la population pour toute armée, à l’époque, qui vivait des ressources des pays qu’elle traversait, le problème du ravitaillement étant vital. En l’occurrence l’anecdote se place au moment de la moisson.

[13] Selon la Chronique des Trois Royaumes, Royaume de Wei, livre 1.

[14] C’est le scénario adopté par le film « The Weird Man » (神通術與小霸王) réalisé par Chang Cheh (张彻) en 1983, l’un des derniers tournés par le réalisateur avec la Shaw Brothers.

[15] Selon la Chronique des Trois Royaumes (Sanguozhi chap. 37).

[16] Selon une autre version, il s’agissait d’un complot ourdi pour mettre la main sur Liu Shan et demander une rançon à Liu Bei.

[17] L’obligation morale interdisant aux veuves de se remarier n’était pas aussi stricte qu’elle le deviendra par la suite. Jouant un rôle important par le biais des alliances matrimoniales, les femmes étaient souvent remariées après la mort de leur premier mari.

 

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

© chinese-shortstories.com. Tous droits réservés.