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« Ecrire, ce n’est pas transmettre, c’est appeler. » Pascal Quignard

 
 
 
     

 

 

Zhang Yu 张宇

Présentation 介绍
Par Brigitte Duzan, 3 décembre 2009
 

 

Zhang Yu est né en 1952 dans le Henan, dans le district de Luoning (洛宁县, un district de Luoyang 洛阳). A la fin de ses études secondaires, pendant la Révolution culturelle, il a travaillé comme simple ouvrier, puis est entré à la station de radio du district ; ayant commencé à écrire, il est devenu membre du bureau local de la culture. Sa première publication date de 1979.

 
                   L’écrivain du Henan

C’est un personnage original et inclassable, alliant activités d’écrivain en vue et d’homme d’affaires. A la fin des années 1980, il a été nommé rédacteur en chef de la revue littéraire
《莽原》mǎngyuán (la prairie sauvage) (1). Par ailleurs, il a été un temps le vice PDG du Groupe immobilier du Henan (河南建业集团), le premier groupe de promotion immobilière de la province, créé en 1992 à Zhengzhou (郑州市), ainsi que le dirigeant du club de football qui lui est affilié (河南建业足球俱乐部). Elu président de l’Association des écrivains du Henan en 2001, il en est aujourd’hui le président d’honneur. Ecrivain populaire, il a reçu une vingtaine de prix littéraires.

Il est le plus souvent décrit comme « l’écrivain du Henan », émaillant ses interviews d’expressions en dialecte de Luoyang, buvant du thé ‘maojian’ de Xinyang (
信阳毛尖茶)(2), portant des vestes à col ‘Mao’ et des chaussures de toile, et se régalant des nouilles braisées du Henan (河南烩面), bref cultivant une image très « terroir » (“乡土”). La première phrase de l’un de ses livres les plus célèbres, mais controversé (3) - 《乡村情感》le sentiment du terroir – est à l’image du personnage :

“我是乡下放进城里来的一只风筝,飘来飘去已经二十年。…… 城里的街道很宽,总觉得这是别人的路,没有自己下脚的地方。……”
Je suis un cerf-volant venu de la campagne et lâché dans la ville, cela fait déjà douze ans que je la survole de ci de là …. La ville a des avenues très larges, j’ai toujours le sentiment que ce sont des chemins pour les autres, je n’ai nulle part où me poser. …. »

Attitude délibérément affichée par un écrivain par ailleurs aussi urbain que vous et moi.
 
                   Un écrivain célèbre et populaire

Logiquement, ses récits se déroulent pour la plupart dans son pays natal, et décrivent les mœurs et les différents aspects de la vie de l’ouest du Henan. Il a publié plusieurs romans, des recueils de nouvelles et des essais, ainsi que des scénarios pour la télévision.

Un de ses romans a été traduit en français : « Ripoux à Zhengzhou » (Editions Picquier, 2004). Deux modestes flics à la poursuite de pickpockets et de malfrats découvrent les multiples combines de leur cité provinciale où le célèbre slogan " servir le peuple " a été remisé au rayon des accessoires : on dirait plutôt maintenant « se servir soi-même ». Ce roman est devenu un best-seller, décrivant à sa

 

manière les dessous du socialisme à la chinoise. Il est assez caractéristique du ton de Zhang Yu, critique et persifleur, non tant à l’égard des institutions qu’envers la société elle-même, où l’argent est roi et la préoccupation essentielle le succès matériel. Il en sait quelque chose.
 

Mais il ne faudrait pas réduire l’œuvre de Zhang Yu à une satire ‘conjoncturelle’ ; il a aussi écrit des romans qui retracent des destins marqués par le cours de l’histoire, comme 《疼痛与抚摸》téngtòng yú fǔmō (douleurs et caresses), épopée retraçant quatre destinées tragiques de femmes sur trois générations. C’est d’ailleurs une grande fresque de ce genre, 《蚂蚁》mǎyǐ (littéralement : fourmis), qui lui a valu, en 2004, une accusation de plagiat et un procès retentissant qui fit scandale dans le milieu littéraire chinois et alimenta les rumeurs pendant quatre ans.

 
                   Une histoire de fourmis

L’histoire, comme toujours, n’est pas si simple, et n’aurait guère d’autre intérêt que journalistique, si elle ne donnait en filigrane un aperçu du processus de création en œuvre dans cet ouvrage, et surtout du statut actuel de la défense des droits d’auteur en Chine.

Lorsque
《蚂蚁》est sorti, en juillet 2004, un écrivain amateur, nommé Xia Bo (夏泊), eut la surprise de constater que non seulement le sujet était celui d’un de ses propres livres, mais que, en outre, nombre de passages étaient identiques ; il en dénombra soixante trois, et décida de porter plainte pour plagiat. Le roman (《离散的音符》lísànde yīnfú – notes [de musique] disséminées)était un récit autobiographique en six parties, couvrant la période allant du Grand Bond en avant à la fin de la Révolution culturelle (en gros de 1958 à 1976), et publié à Hong Kong à cinq cents exemplaires.

Le livre de Zhang Yu reprenait trois des six histoires de Xia Bo et était donc deux fois moins long ; mais, publié à Pékin à trois mille exemplaires, il était devenu un bestseller. L’affaire semblait entendue. Elle n’était pourtant pas si simple. En effet, Zhang Yu et Xia Bo se connaissaient depuis longtemps. Zhang Yu était en particulier au courant de l’histoire qui était arrivée à Xia Bo en 1970, alors qu’il avait 23 ans : un peu comme dans « La plaisanterie » de Milan Kundera, pour avoir dit en riant que Lin Biao (4) avait les sourcils qui tombaient en décrivant un accent circonflexe (en chinois ‘comme les aiguilles

d’une montre à huit heures vingt’ 像八点二十的表针), il avait été dénoncé, déclaré « contre révolutionnaire » et condamné à cinq ans de prison. Il avait été relâché en 1975, et réhabilité quatre ans plus tard.

 

C’est Zhang Yu lui-même qui lui avait conseillé, en 1993, de coucher par écrit ses expériences et souvenirs personnels. Et Xia Bo s’était mis à écrire, produisant six nouvelles, puis un roman, apportant chaque fois les manuscrits à Zhang Yu pour avis critique, et ne sortant la version définitive qu’après correction. Xia Bo attendait de Zhang Yu que celui-ci utilise ses relations pour faire publier ses livres, mais Zhang Yu prétend que les manuscrits furent retournés – et l’éditeur a depuis lors confirmé qu’il n’avait pas trouvé suffisamment d’intérêt dans ces écrits pour les publier. Quoi qu’il en soit, Xia Bo, excédé, finit par s’adresser à un éditeur de Hong Kong. On imagine

 

sa colère et son dépit en lisant 《蚂蚁》.

Zhang Yu s’est défendu en disant que, à force de corriger les manuscrits de Xia Bo, il les connaissait par cœur, et qu’il y avait une entente tacite entre eux pour qu’il utilise le matériau qui lui était soumis. Certains critiques ont souligné que, étant très occupé par ses activités professionnelles dans

l’immobilier, il n’avait matériellement pas le temps d’écrire un livre aussi long.
  
                   Un jugement à pondérer

Le jugement, rendu en 2008, a conclu non au plagiat, mais à la violation de droits d’auteur, et condamné Zhang Yu à verser un dédommagement à son confrère et à l’obligation de publier une lettre d’excuse officielle (ce qui rappelle le bon vieux temps des « autocritiques », à la différence qu’aujourd’hui une phrase suffit). Le jugement semble vouloir concilier deux objectifs : ne pas trop faire perdre la face à celui qui était, il y a peu encore, le président de l’association des écrivains de sa province tout en donnant satisfaction au plaignant, et vice versa, et rappeler le devoir fondamental et moral de probité à respecter même, ou surtout, quand on a une position officielle.

Le fait que Zhang Yu soit aujourd’hui le président honoraire de l’association des écrivains du Henan, et qu’il ait été parmi les personnalités littéraires choisies pour accompagner la présidente nationale Tie Ning dans son déplacement à Paris, montre bien que la page est tournée. Le jugement semble souligner

l’importance de la défense des droits d’auteur en Chine. Mais on peut en faite une toute autre lecture, beaucoup plus yin, concluant que la violation de ces droits y est toujours considérée comme une offense mineure en comparaison d’un plagiat avéré….
 

 
(1) Revue dont la création, à Pékin, remonte à avril 1925, à l’initiative, entre autres, de Lu Xun.
(2) Ce thé est un thé vert de qualité supérieure cultivé dans la région de Xinyang, dans le sud-est du Henan, au sud de la rivière Huai.
(3) On a accusé l’auteur de « chauvinisme mâle » (
大男子主义), défendant la culture patriarcale

d’autrefois.
(4) Lin Biao (
林彪), maître de l’Armée de Libération populaire et acteur majeur de la Révolution culturelle, était alors à l’apogée de son pouvoir, après avoir été désigné pour succéder à Mao au IXème congrès du Parti, en avril 1969.
 


 

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《八字》 « Les huit caractères » 
 

 

 


 

 

 

 

     

 

 

 

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