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Zhang Ling
张翎
Présentation
par Brigitte Duzan, 16
juillet 2010,
actualisé 19 juin 2020
Zhang Ling
(张翎)
a fait parler d’elle en juillet 2010 quand est sorti le film
de Feng Xiaogang (冯小刚)
« Aftershock »
(《唐山大地震》),
film sur le tremblement de terre de Tangshan adapté
de l’une de ses nouvelles
.
Bien que publiant depuis plus de dix ans et ayant
glané nombre de prix, elle était encore peu connue :
la première traduction d’un de ses romans, en
français, n’a été publiée que l’année suivante.
C’est l’un des plus célèbres : « La Montagne d’Or »
(《金山》).
Mais il faudra attendre 2017 pour que le roman soit
traduit en anglais, puis en espagnol et en d’autres
langues.
En 2020 est
annoncé un deuxième roman traduit en anglais, mais
on attend toujours une nouvelle traduction en
français.
Native du Zhejiang, émigrée au Canada |
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Zhang Ling (photo Zhejiang News) |
Zhang Ling est née en
1957 à Hangzhou, mais sa famille a ensuite déménagé à Wenzhou (温州)
et c’est
là qu’elle a passé toute son enfance, c’est là qu’elle a ses
attaches et ses souvenirs : sur les bords de la rivière Ou (瓯江).
Puis, à la sortie du lycée,
elle est partie continuer des études d’anglais à Shanghai, à
l’université Fuda (复旦大学外文系),
dont elle
est sortie diplômée en 1983.
C’est ce sud de la
Chine qui lui a inspiré ses premières nouvelles ; elle a déclaré
que, aussi loin que puisse aller un écrivain, il n’oubliera
jamais son enfance, sa région natale et sa langue maternelle, et
y reviendra toujours.
Elle a évidemment vécu
entre temps toute la période de la Révolution culturelle, mais,
contrairement à quelqu’un comme
Yu
Hua, par exemple, son cadet de seulement
quatre ans et natif de Hangzhou, elle n’en a fait, de près ou de
loin, le sujet d’aucune de ses nouvelles. Chez elle, la clé de
son écriture est à rechercher ailleurs.
Après avoir été pendant
trois ans traductrice, à Pékin, dans un office ministériel en
charge de l’industrie charbonnière, elle part en 1986, comme
tant de ses compatriotes de Wenzhou partis chercher fortune qui
en Europe qui en Amérique, mais elle, c’est au Canada, pour
continuer ses études : elle passe d’abord un master d’anglais à
l’université de Calgary, puis enchaîne sur un second master, en
audiologie cette fois, à l’université de Cincinnati, aux
Etats-Unis, avant de retourner vivre et travailler, comme
audiologiste, à Toronto.
Elle garde de ses
premières années d’expatriée un souvenir de cauchemar. Pour
vivre, elle a fait tous les petits boulots imaginables, y
compris vendeuse de hotdogs, pensant ne jamais réussir à avoir
un salaire ou même une adresse stable : elle a mis dix ans à
s’accoutumer à la vie au Canada. Maintenant, elle peut dire
qu’elle n’a jamais douté qu’elle écrirait un jour, simplement
elle n’aurait jamais pensé qu’il lui faudrait autant de temps
pour y parvenir. Ce fut un long processus de maturation.
Maintenant, elle
continue son travail d’audiologiste à l’hôpital, quatre jours
par semaine, et elle écrit le soir, à ses heures de loisir.
C’est ainsi qu’elle a trouvé son équilibre, et elle l’explique
poétiquement :
« Mon travail est
comme une assise sur laquelle je peux m’appuyer fermement des
deux pieds, tandis que l’écriture me donne des ailes pour
permettre à mon âme de s’envoler. Personne ne peut marcher trop
longtemps sans se fatiguer, et personne ne peut non plus voler
longtemps sans se sentir seul. J’apprécie de pouvoir à mon gré
choisir de me poser ou de voler. »
Premiers écrits
《望月》
« Pleine lune » |
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《交错的彼岸》« l’autre
rive » |
Zhang Ling a commencé à
écrire en 1997. Elle écrit en chinois et ses œuvres sont
publiées en Chine. Sa première œuvre est parue en 1998. C’est un
roman ouvertement autobiographique :
Wàngyuè (《望月》),
c’est-à-dire
« Pleine lune », mais aussi « Regarder la lune au loin » ; c’est
Shanghai vu de Toronto, le roman a pour autre titre
Shànghǎi xiǎojiě (《上海小姐》),
disons « La
demoiselle de Shanghai » comme on dit les ‘demoiselles de
Rochefort’. Zhang Ling montre là qu’elle a dépassé la nostalgie
du pays natal, et les regrets qui vont avec.
Son deuxième roman,
publié en 2001, est en quelque sorte la suite de sa réflexion,
une étape plus loin : avec Jiāocuòde bǐ’àn
(《交错的彼岸》), « L’autre rive » où l’on vient littéralement s’empêtrer, elle exorcise
le présent après avoir exorcisé le passé.
Puis, en
2004, Zhang Ling change légèrement de style et de
thème : le roman Yóugòu
xīnniáng (《邮购新娘》),
« Mail Order Bride » pour reprendre le titre du film
qui en a été adapté
,
est l’histoire d’une jeune Birmane qu’un Américain
fait venir pour l’épouser après l’avoir choisie dans
une agence matrimoniale. C’est un être fruste,
amateur de serpents, et il a passé un contrat avec
un réalisateur de documentaires qui a concocté
l’affaire pour pouvoir filmer leur relation.
Evidemment, rien ne se passe comme prévu, mais la
jeune Birmane, après un mauvais départ, s’en tirera
assez bien. C’est une histoire qui reprend
évidemment le thème de l’Orientale recherchée pour
son exotisme, thème qui a
nourri la
littérature et le cinéma américains et contre lequel
se sont élevés artistes et écrivains chinois de la
diaspora. Mais il est traité de manière très
originale.
Ecrivaine couronnée |
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《邮购新娘》
« Mail Order Bride »
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Ce sont des œuvres plus
courtes, publiées dans divers magazines littéraires chinois, qui
sont remarquées par la critique et remportent plusieurs prix en
Chine à partir de 2003, dont le prestigieux prix littéraire de
la revue Octobre, à deux reprises. Elle en a publié une dizaine
de recueils depuis lors.
《金山》
« Jinshan » ou « Gold
mountain blues »
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Mais le
livre qui fait vraiment parler d’elle, c’est son
quatrième roman : « La Montagne d’or » (Jinshan《金山》),
publié à Pékin en 2009, qui a remporté le premier
Prix Zhongshan de littérature chinoise décerné par
la ville de Canton à des auteurs vivant à l’étranger
(“中山杯”华侨文学奖).
Ce roman
est le résultat d’un travail de maturation de vingt
deux ans. Zhang Ling avait été frappée, lors d’une
visite à Calgary, de voir des tombes couvertes de
mousse, éparpillées dans l’herbe haute d’un petit
cimetière des environs de la ville : les restes des
immigrants chinois anonymes, venus pour la plupart
de villages du sud de la Chine, de chez elle entre
autres, chercher l’eldorado dans les Montagnes
rocheuses, à la fin du dix-neuvième et au début du
vingtième siècle, au moment de ‘l’autre’ ruée vers
l’or, celle du Klondike. « Jinshan », c’était la
montagne de l’or, celle qui devait permettre de
revenir au pays riche et heureux. Mais bien peu en
sont revenus. |
Le roman de Zhang Ling,
dans la tradition des grandes sagas familiales chinoises,
retrace l’histoire de cinq générations de la famille Fang, des
années 1860 jusqu’à aujourd’hui. Mais ce n’est pas seulement une
épopée familiale : Zhang Ling y a incorporé des histoires qui
font la légende des gens du sud, de Wenzhou en particulier, tous
ces Chinois partis braver les océans et débarqués dans des pays
inconnus, poussés par des rêves d’enrichissement bien vite
évaporés, mais finissant par plus ou moins réussir leur
intégration dans un autre univers, après avoir en avoir été
rejetés pendant plus d’un siècle. C’est toujours une histoire
personnelle.
L’histoire elle-même,
la grande, n’apparaît qu’en toile de fond, mais en épisodes
intimement mêlés aux destins individuels : la construction du
chemin de fer du Pacifique au Canada, dans les années 1870 et
1880, mais aussi la réforme des Cent Jours en Chine, en 1898, ou
la guerre de résistance contre le Japon, et même la réforme
agraire des années 1950.
Zhang Ling a
passé beaucoup de temps en recherche, recherche de
documents et archives, dans nombre d’universités et de
bibliothèques, mais aussi recherches sur le terrain,
voyageant pour ce faire à Victoria et Vancouver, et
jusqu’à Kaiping (开平),
dans le Guangdong, d’où sont partis beaucoup d’émigrants
vers le Canada au tournant du vingtième siècle.
Elle a terminé
le roman pour les fêtes de Noël 2008, avec, dit-elle, un
sentiment de mission accomplie. Le livre a été présenté
à la foire |
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Kaiping
(开平) |
de Francfort, en
octobre 2009 : onze éditeurs en ont acheté les droits et le
livre est en cours de traduction pour paraître prochainement
dans ces divers pays, dont la France.
Mais ce qui a fait
parler de Zhang Ling juste après cela, c’est le film de Feng
Xiaogang adapté de sa nouvelle de taille
moyenne « Aftershocks »
(《余震》).
Le tremblement de terre
L’idée du
livre lui est venue un jour de juillet 2006, alors
qu’elle était à l’aéroport de Pékin, attendant, pour
rentrer à Toronto, un avion que des pluies
torrentielles empêchaient de décoller. Ne sachant
que faire, elle était allée à la librairie, bondée
de gens cherchant comme elle à tromper leur ennui.
Elle tomba alors par hasard sur divers livres sur le
tremblement de terre de Tangshan : il se trouvait
que c’était le trentième anniversaire d’une
catastrophe dont l’ampleur avait été jusque là
soigneusement passée sous silence par les médias
officiels en Chine. En un instant furent ainsi
effacés trente ans d’ignorance ; elle réalisa, sous
le choc, les souffrances endurées par la population
de la ville.
Le pire
était un livre qui relatait des histoires d’enfants,
chez lesquels le séisme occasionna de profonds
traumatismes. L’un de ces récits racontait
l’histoire de deux petites filles coincées sous une
plaque de béton, de |
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《余震》
« Aftershocks » |
telle sorte qu’on
ne pouvait la soulever pour sauver l’une sans condamner
l’autre : c’est ce qui fut l’idée de départ de son livre.
Photo du film
« Aftershocks »
《余震》 |
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Il raconte
les souffrances engendrées par le tremblement de
terre, non sur le coup, mais par la suite, d’où le
titre, et en particulier chez les enfants laissés à
leur sort, sans soutien psychologique. Son
personnage principal est une petite fille qui avait
sept ans lors du drame, et ne survécut que de
justesse, mais après avoir entendu sa mère demander
de sauver son petit frère coincé à ses côtés sous la
même dalle de béton, souvenir traumatisant qui la
poursuivra toute sa vie…
Le thème du
livre est donc cette souffrance terrible (“疼痛”)
qui rend
ensuite l’enfant, puis l’adolescente incapable
d’aimer, car incapable de faire confiance. Feng
Xiaogang a transformé ce caractère essentiel, très
dur, de la nouvelle en centrant son film sur trois
personnages, la mère et ses deux enfants, et non
plus sur la petite fille seule ; l’importance donnée
au personnage de la mère contribue à donner à son
film une chaleur humaine qui lui fait friser le mélo
. |
Et maintenant…
Malgré sa nouvelle
célébrité, Zhang Ling continue à écrire le soir, pendant ses
heures de libre après son travail ; l’écriture continue à être
pour elle une sorte de luxe, quelque chose comme un
« désinfectant » (有些消毒药水味儿),
dit-elle
en riant, qui la lave des soucis quotidiens. Mais
c’est
aussi une drogue dont il lui faut sa dose quotidienne.
Depuis « La Montagne
d’or », elle a publié cinq romans en dix ans, et autant de
recueils de nouvelles qu’il s’agit maintenant de découvrir.
Publications
Neuf romans
1998《望月》
Wàngyuè
(Pleine lune)
海外版名《上海小姐》)
2001
《交错的彼岸》
Jiāocuòde
bǐ'àn
(L’autre rive)
2004
《邮购新娘》
Yóugòu xīnniáng
(Mail Order Bride)
2009
《金山》
Jīnshān
La Montagne d’Or
2011
《睡吧,芙洛,睡吧》
Shuì
ba,
fúluò, shuì ba
(Dors, Fuluo, dors)
2013
《唐山大地震》
Tángshān dàdìzhèn
(Le grand
tremblement de terre de Tangshan)
2014
《阵痛》
Zhèntòng
(Les
douleurs de l’enfantement)
2016
《流年物语》
Liúnián wùyǔ
(Poème
épique du temps qui passe)
2017
《劳燕》
Láo yān
(tr.
A Swingle
Swallow)
《流年物语》
« Poème épique du temps qui passe » |
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《劳燕》
« tr.
A Swingle Swallow » |
Nouvelles
Ses nouvelles sont
encore relativement peu connues, malgré les prix qu’elles ont
remportés. En quinze ans, elle en a publié une douzaine de
recueils.
2004《尘世》
(Ce monde de
poussière)
2005《盲约》
(Mangyue)
2006《雁过澡溪》
(La crique aux
oies sauvages)
2011
《女人四十》
(Une femme à quarante
ans)
2012
《生命中最黑暗的夜晚》
(Les soirées les plus
sombres d’une existence)
2012
《恋曲三重奏》
(Chanson d’amour en
trio)
2013
《一个夏天的故事》
(Une histoire estivale)
2016
《一个人站起来的方式,千姿百态》
(Mille façons de se
lever)
2018
《生命力三部曲》
(Trilogie vitale,
recueil avec trois autres nouvelles : Fard《胭脂》、Mourant《死着》、Aftershocks《余震》)
Principaux prix
2003
《羊》 (Lamb) Nouvelle moyenne, figure parmi les dix meilleures nouvelles de
l’année 2003.
2000 et
2007 Prix littéraire de la revue Octobre (十月文学奖)
2006 Prix
littéraire de la revue Littérature du peuple (第四届人民文学奖)
Traduction en
français
Le Rêve de la Montagne
d’Or 《金山》,
trad. Claude Payen, Belfond, novembre 2011, 540 p.
Traductions en
anglais
Gold Mountain Blues
《金山》,
tr. Nicky
Harman, Corvus, mai 2017, 400 p.
A Single Swallow
《劳燕》,
tr. Shelly Bryant, Amazon Crossing, octobre 2020, 304 p.
A lire en complément
Nouvelle traduite en
anglais par Emily Jones, à lire dans Read Paper Republic :
A Woman, at Forty《女人四十》
https://paper-republic.org/pubs/read/a-woman-at-forty/
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