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Yang Zhijun 杨志军

Présentation

par Brigitte Duzan, 12 août 2023

 

 

Yang Zhijun en 2007 (photo sina)

 

 

Né en 1955 à Xining (西宁), dans le Qinghai, mais résidant aujourd’hui à Qingdao, Zhang Zhijun est considéré en Chine comme le maître conteur des hauts plateaux tibétains : son roman « Le Mastiff tibétain » (Zang Ao藏獒) a été en 2005 un bestseller qui a déclenché une vague de fascination en Chine continentale pour la « culture tibétaine ».

 

En 2023, Zhang Zhijun a été l’un des cinq lauréats du 11e prix Mao Dun pour son roman « Le vaste pays des montagnes enneigées » (《雪山大地》) qui revient sur ses souvenirs de jeunesse, et surtout sur la jeunesse de ses parents dépeinte comme une époque pionnière.

 

Le « Mastiff tibétain » et ses adaptations

 

Né dans le Qinghai par les hasards de l’histoire, son père étant originaire de Luoyang, dans le Henan, Yang Zhijun avait dix ans quand a éclaté la Révolution culturelle. Il a raconté l’histoire de ses parents dans son dernier roman, celui couronné du prix Mao Dun (voir ci-dessous). Il a été soldat et a travaillé dans une ferme avant d’entrer à l’université et de devenir reporter.   

 

Il s’est fait connaître en 1987 avec la publication d’un premier roman, « L’effondrement autour du lac » (环湖崩溃), qui a été couronné du Prix national de littérature contemporaine. Ce succès a été suivi l’année suivante du Prix littéraire des nouveaux auteurs décerné au roman « La mer hier  s’est retirée» (海昨天退去).

 

Une aventure commerciale réussie

 

C’est en 2005, après la publication d’une demi-douzaine d’autres titres, que Zhang Zhijun est devenu célèbre avec l’incroyable bestseller qu’a été le roman « Le Mastiff tibétain » (藏獒), écrit sur la base de témoignages personnels de son père [1]. C’est une histoire picaresque sur fond de vieilles luttes fratricides entre clans du haut plateau tibétain, ravivées lorsqu’un journaliste han arrive là au début de la République populaire. Un clan ayant fomenté l’enlèvement de sept enfants à titre de vengeance, c’est le chien, luttant bravement contre loups et autres dangers, qui aidera le journaliste à les sauver, au bout d’un périple extraordinaire dans les étendues sauvages du haut plateau. C’est beau comme une histoire de wuxia où le mastiff est le redresseur de torts.

 

 

Le Mastiff tibétain (éd. 2005)

 

 

Le roman a été adapté en film d’animation : « Le Chien tibétain » (藏獒多吉) a été présenté au Festival d’animation international d’Annecy en juin 2011. C’est une coproduction sino-japonaise, mais le film est en fait de facture japonaise. Il a été réalisé par Masayuki Kojima sur des dessins initiaux du dessinateur de mangas Naoki Urasawa. Dans le film, un jeune garçon de dix ans qui vivait à Xi’an avec sa mère doit partir sur le haut plateau tibétain après la mort de celle-ci pour aller vivre dans un minuscule village d’éleveurs de moutons avec son père qui est le médecin du village.  L’enfant en veut à son père de ne pas être venu soigner sa mère ; le père le garde à distance et l’envoie garder les moutons. Il se retrouve attaqué par des loups, ours et autres, et sauvé par un mastiff. L’animal continuera à le protéger.

 

 

The Tibetan Dog (le film)

 

 

Comparé à bien d’autres animations plombées sorties cette année-là en Chine, le film n’est pas si mal, même si le dessin et l’expression des visages sont peu élaborés. Mais il n’a eu aucun succès en Chine, sans doute parce que perçu comme japonais. Au Japon même il n’a eu aucun succès non plus, et là sans doute à cause de la concurrence des films du studio Ghibli.

 

Mais le roman, lui, a continué à se vendre. Il a été suivi en 2007 et 2008 de deux séquelles qui ont également été des bestsellers, ainsi que de divers autres romans reprenant le thème du chien. Il a même inspiré une série d’histoires pour enfants : « Le dernier mastiff-roi tibétain » (最后的藏獒王).

 

Totem du mastiff contre totem du loup

 

On peut se demander – et on s’est demandé – ce qui avait poussé Yang Zhijun à écrire « Le Mastiff tibétain ». L’une des réponses suggérées est « Le totem du loup » qui est paru en 2004. Le roman de Yang Zhijun oppose le mastiff au loup, en le présentant comme un animal courageux, loyal et altruiste, à l’opposé du loup qui ne combat que pour lui-même ; selon l’auteur, les loups sont des voleurs sans scrupules méprisés et craints des bergers.

 

« Le mastiff tibétain » est une fable qui tend à une emprise idéologique à l’égal de celle du « Totem du loup », pour promouvoir les valeurs populaires de bonté, de bravoure et de résilience à l’opposé de celles du loup promues par le discours officiel à des fins nationalistes. L’adaptation du roman en manga a beaucoup fait pour sa popularisation auprès des jeunes, plus que le film d’animation.

 

 

Le Mastiff sauvage (2010)

 

 

Mais ce ne sera qu’un exemple de plus de l’utilisation de la « culture tibétaine » par des auteurs de Chine continentale pour créer des histoires populaires et en faire des bestsellers. Le mastiff tibétain est devenu un animal de compagnie à la mode pour les Chinois branchés dans la deuxième moitié des années 2000, justement, et Pema Tseden en a fait un symbole autrement plus profond des tensions entre culture tibétaine et modernité agressive venue du Continent. Il faut revoir « Old Dog » (《老狗》) et éventuellement oublier les romans de Yang Zhijun, sauf comme phénomènes de littérature populaire et en tant que tels marqueurs d’une époque.

 

 

La Prairie de la grande compassion (2011)

 

 

2023 : Lauréat du prix Mao Dun

 

Avec son roman « Le vaste pays des montagnes enneigées » (《雪山大地》) publié en décembre 2022 par les éditions de l’Association des écrivains, Yang Zhijun est revenu aux sources de son inspiration : le haut plateau tibétain où il a passé son enfance et sa jeunesse et qui lui a inspiré toute son œuvre. Cette longue saga est animée d’un souffle romantique et épique [2] qui correspond à la tonalité générale des œuvres retenues dans la présélection du 11e prix Mao Dun. Aucune surprise donc qu’il figure parmi les cinq lauréats de ce 11e prix.

 

 

Le vaste pays des montagnes enneigées

 

 

C’est une œuvre de maturité, dédiée aux « pères » du haut plateau, dont celui de l’auteur. Il vaudrait mieux dire « parents ». C’est en effet un témoignage nostalgique sur les années de jeunesse du père, mais aussi de la mère, sur leur engagement passionné dans les années 1950, qui forme la partie la plus sensible et la plus touchante, sans doute, du roman. Le père, originaire de Luoyang, est en effet allé étudier à l’université du Nord-Ouest de Xi’an, et c’est de là qu’il est parti à Xining avec un groupe d’autres étudiants pleins d’idéaux. Ils ont créé le « Quotidien du Qinghai » dans un vieille charrette de marchand ambulant.

 

Au même moment, la mère faisait des études dans la plus grande pauvreté ; quand elle a entendu parler d’une école médicale qui assurait vivres et vêtements, elle est immédiatement allée s’inscrire. C’est ainsi qu’elle est devenue étudiante en médecine sous la juridiction du Bureau de la Santé de la Première Armée de campagne. Elle est devenue l’une des premières doctoresses avec un diplôme de l’Etat sur le plateau du Qinghai.

 

 

Yang Zhijun de retour sur le haut plateau du Qinghai (photo nanfang dushibao)

 

 

Le roman dépeint avec chaleur le mouvement des jeunes partis « vers l’ouest », volontairement, dans un grand élan d’enthousiasme, et se retrouvant dans un paysage immense, presque désert, où tout était à faire, à commencer par trouver de l’eau. Finalement, c’est ce pays-là, sous leurs pieds, qui est devenu le leur, bien plus que le pays ancestral, vague et lointain. Un pays dont le climat rigoureux encourageait à se rapprocher, à partager et à communiquer pour lutter contre le froid et l’altitude.

 

Le père a appris le tibétain, a mangé de la tsampa, vécu sous la tente et suivi ses moutons en partageant la vie des bergers. Le fils en a gardé des souvenirs vivaces : les bergers venaient de loin pour consulter sa mère médecin. Sa mère est toujours vivante, son père est mort d’une maladie pulmonaire courante à ces altitudes. Mais tout a changé, les conditions de vie ne sont plus les mêmes, avec les progrès de l’urbanisation, des transports, des infrastructures sanitaires et éducatives.  Alors Yang Zhijun a ressenti le besoin de faire revivre ces premiers pionniers, en témoignant de son propre enracinement dans ce vaste pays de montagnes enneigées, et en revenant à ses préoccupations initiales, celles pour l’environnement qui avaient inspiré son premier roman, en 1987 [3].

 

Quelle que soit l’utilisation politique qui pourra être faite du roman, on ne peut dénier à l’auteur de l’avoir écrit dans la plus grande sincérité. On en retiendra le témoignage empreint de nostalgie sur une période d’idéalisme passionné auquel le prix Mao Dun rend hommage. 

  


 

Principales publications

 

1987 : L’effondrement autour du lac环湖崩溃

1988 : La mer hier s’est retirée海昨天退去

1994 : Adam qui a perdu ses racines masculines 《失去男根的亚当》

1994 : Printemps et automne en secret à la source du fleuve《江河源隐秘春秋》

2001 : La tribu sans hommes 无人部落

2002 : La grande prière 《大祈祷》

2002 : Sur les traces de l’exil亡命行迹

2004 : L’histoire de la catastrophe sur le plateau《高原大劫史》

2005 : Le Mastiff tibétain 藏獒

2005 : Le battement des tambours de tête 《敲响人头鼓》

2005 : Le Mastiff parti au loin 远去的藏獒》

2007 : Le Mastiff tibétain II藏獒二》

2008 : Le Mastiff tibétain III藏獒三》

2008 : Le terma 伏藏》

2010 : Le Mastiff tibétain sauvage原野藏獒》

2011 : La Prairie de la grande compassion《大悲原》  

2012 : Le Chameau骆驼》  

2018 : La mer sans rivage《无岸的海》

2019 : Cent mille mani十万嘛呢

2020 : Le Mastiff tibétain n’est pas un chien《藏獒不是狗》

2021 : Les derniers travailleurs migrants最后的农民工》

2023 : Le vaste pays des montagnes enneigées《雪山大地》

 

Livres pour enfants

2015 : Le retour du mastiff roi《獒王歸來》

2017 : Le dernier mastiff roi tibétain I : le mastiff roi et les sept enfants

         《最后的獒王Ⅰ: 獒王和七个孩子

2017 : Le dernier mastiff roi tibétain II : guerre sanglante entre le mastiff et le loup

         《最后的獒王二世: 獒狼血战  

2017 : Le dernier mastiff roi tibétain III : l’âme loyale du pays des neiges

         《最后的藏獒王三世: 雪域忠魂

2017 : Le tunnel sous-marin 海底隧道》 

2021 : Les enfants du mont Bayan Har巴颜喀拉山的孩子》

 


 

Adaptation au cinéma

 

The Tibetan Dog / Le Chien du Tibet (藏獒多吉), coproduction sino-japonaise réalisée par Masayuki Kojima sur des dessins initiaux de Naoki Urasawa. Sortie en Chine en juillet 2011.

 


 

Traduction en anglais

 

Mastiffs of the Plateau, tr. Jiang Lin, Horsham: Sinoist Books, 2018.

 

 

[1] Texte numérisé en ligne, en 34 chapitres et une préface : https://www.99csw.com/book/2547/index.htm

[2] Souffle romantique autant qu’épique souligné dans divers commentaires :

http://epaper.tyrbw.com/tyrb/html/2023-04/11/content_8_128570.htm

 

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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