Auteurs de a à z

 
 
 
     

 

 

Yang Jinyuan 杨金远

Présentation

par Brigitte Duzan, 7 mai 2016

 

Yang Jinyuan doit sa notoriété au film de Feng Xiaogang (冯小刚) « Assembly » (集结号) qui est adapté de sa nouvelle « Le procès » (Guansi《官司》) [1].

 

Plusieurs autres de ses romans et nouvelles ont par ailleurs été adaptés à la télévision. Sa notoriété ne dépasse cependant guère les frontières de son Fujian natal où il vit toujours et dont l’histoire constitue le sujet principal de ses œuvres.

 

Ecrivain du Fujian

 

Eléments biographiques

 

Yang Jinyuan est né en 1956 à Putian, sur la côte du Fujian (福建莆田). C’est sa donnée biographique essentielle. L’autre

 

Yang Jinyuan

concerne son parcours après la Révolution culturelle : il est entré dans l’armée en 1976, y est resté jusqu’en 1982, et il est alors revenu travailler à Putian, au bureau de la culture de la ville.  

 

Il a commencé à publier en 1984, mais ses principales œuvres ont été publiées à partir de la fin des années 1990 et il est membre de l’Association des écrivains depuis 2004. Il a été nommé directeur adjoint de la branche édition du département de la radio et de la télévision du bureau de la culture de la ville de Putian.

 

Double ligne thématique

 

Son œuvre reflète son expérience personnelle, sous deux aspects essentiels : son attachement à l’histoire et à la culture de sa région natale et de ses habitants, et le temps passé sous les drapeaux, en l’occurrence dans la Marine, où il se trouvait au moment de la brève guerre sino-vietnamienne de 1979. Il n’a pas eu l’occasion de participer à des combats, mais il en a tiré d’autres leçons.

 

Cette double thématique est plus généralement le reflet de préoccupations humanistes ; Yang Jinyuan se fait très souvent le défenseur des oubliés de l’histoire, « les petits, les obscurs, les sans-grades » d’Edmond Rostand. C’est le cas dans « Le procès », mais pas seulement. C’est un thème récurrent dans son œuvre, et peut-être le thème principal, qui relie les deux autres.

 

Porte-parole des oubliés de l’histoire

 

Le procès

 

Assembly

 (au bas de l’affiche : adapté de Guansi)

 

Publié en 2002, « Le procès » (《官司》) est presque une clé de lecture pour les romans suivants qui forment une sorte de trilogie avec lui. Le fil narratif est inspiré d’une histoire vraie entendue à la télévision, mais recoupe son expérience de soldat à la fin des années 1970.

 

Comme il l’a expliqué, c’est en décembre 2001, alors qu’il était en train de dîner, qu’il a vu dans une émission de téléréalité de CCTV (Histoires de personnages ordinaires 《百姓故事》) un ancien combattant raconter son histoire : il cherchait les traces de ses anciens compagnons, morts au combat pendant la guerre de libération, pour prouver qu’ils n’étaient pas « disparus » mais morts en héros ; seul survivant, il passait son temps depuis lors aux portes du quartier général pour tenter de se faire entendre… et écouter régulièrement le clairon.

 

La nouvelle a initialement été publiée dans le numéro d’avril

2002 de la revue Littérature du Fujian (福建文学), et a été reprise dans le numéro de juin du Mensuel de la fiction (小说月报). C’est le réalisateur Zhang Guoli (张国立) qui, après l’avoir lue, l’a signalée à Feng Xiaogang. Celui-ci était alors en train de tourner « A World Without Thieves » (天下无贼) (sorti en 2004) [2], il n’avait pas la tête à s’occuper d’autre chose.

 

Ce n’est qu’après avoir terminé le tournage du film suivant, « Le Banquet » (夜宴), que Feng Xiaogang a repensé à la nouvelle dont lui avait parlé Zhang Guoli. Il a pris contact avec la rédaction du Mensuel de la fiction pour avoir les coordonnées de Yang Jinyuan. Il lui a téléphoné le 4 février 2005, à la grande surprise, et joie, de l’écrivain. Après quelques échanges téléphoniques, Feng Xiaogang a acheté les droits d’adaptation de la nouvelle.

 

Feng Xiaogang lui a ensuite demandé plusieurs fois s’il ne voulait pas écrire lui-même le scénario. Mais Yang Jinyuan lui a répondu qu’il n’en avait jamais écrit, et qu’il valait mieux qu’il s’adresse à un professionnel. Le premier scénariste a été un écrivain du bureau politique de l’armée de l’air, Qiao Liang (乔良), mais finalement la tâche est revenue à Liu Heng (刘恒).

 

On retrouve donc dans le scénario des traits caractéristiques de Liu Heng, en particulier des points communs entre le personnage principal, Gu Zidi (谷子地), et Qiu Ju (秋菊) : leur caractère opiniâtre, et leur inébranlable volonté d’obtenir justice [3]. Mais l’essentiel du scénario vient de la nouvelle de Yang Jinyuan, nourrie, au-delà de l’histoire vraie, par son expérience personnelle dans la Marine.

 

A la fin des années 1970, Yang Jinyuan était soldat dans la Marine chinoise, mais il n’a participé à aucun combat. La seule fois où il a eu l’occasion de passer à l’action, c’est pendant la guerre sino-vietnamienne, conflit frontalier qui n’a duré qu’un mois, en février-mars 1979. A cette occasion, le navire de Yang Jinyuan a un jour reçu l’ordre de lever l’ancre pour aller en mer, avec mission d’inspection des sampans dans tous les îlots au large de la côte.

 

Or, quand ils sont arrivés à Sandu Ao (三都澳), au sud du

 

Ce n’est pas une vierge qui m’a épousé

Fujian - baie donnant accès au nord du détroit de Taïwan - la Navy américaine est apparue en mer du Sud ; ils n’ont donc pas continué. Tout cela se retrouve dans ses nouvelles, avec le sentiment d’être le jouet d’ordres arbitraires, sans que l’armée se sente tenue de rendre des comptes. C’est aussi ce qui se passe dans la nouvelle, mais de manière bien plus dramatique, la compagnie de Gu Zidi étant sacrifiée pour protéger la retraite du gros du bataillon dans l’une des batailles les plus sanglantes contre l’armée du Guomingdang, dont l’issue victorieuse a ouvert la voie à la victoire finale des forces communistes.

 

Ce sont ces héros anonymes que Yang Jinyuan s’attache à célébrer dans son œuvre, comme Gu Zidi, pour qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli. Et ce sont des héros de chez lui, souvent des Hakkas du Fujian. Sous sa plume, l’histoire locale vient illustrer l’histoire nationale et en combler quelques lacunes.

 

Tuwei

 

Tuwei

 

Publiée en décembre 2007, à quelques jours de la sortie du film de Feng Xiaogang, Tuwei (突围), ou « Levée de siège », est considérée comme une œuvre « jumelle » (姊妹篇) de Guansi.

 

C’est un roman en trois parties, qui conte l’histoire d’un jeune garçon d’une famille paysanne du Fujian nommé Chen Chilong (陈池龙) qui a appris avec son père le travail du bois. Mais, pour une sombre histoire familiale et dans un esprit de vengeance, Chen Chilong rejoint les rangs des révolutionnaires et participe dès lors à toutes les guerres qui ravagent la Chine : la guérilla, la guerre de résistance contre le Japon, et les combats menant à la Libération. Il y gagne peu à peu des galons, mais, dans le cours de son engagement pour la révolution, il est souvent encerclé, assiégé ; l’encerclement dont il est question est cependant autant mental et spirituel que physique.

 

Xia Nan Hai

 

Xia Nan Hai (下南洋), ou “Dans les mers du sud”, est un troisième volet de cette série d’hommages aux héros anonymes de l’histoire. Publié en juillet 2009, il retrace la saga des huaqiao (华侨), les émigrés du Fujian, de la fin de la dynastie des Qing [4] à la fondation de la République populaire.

 

Il décrit trois grandes vagues d’émigration (三次人口大迁徙), à « l’est de la passe » (闯关东), c’est-à-dire à l’est de Shanhaiguan, au nord, puis une vague à l’ouest (走西口), et la plus importante, celle « vers les mers du sud » (下南洋). En même temps, c’est une histoire d’amour entre le personnage principal Huang Zeru (黄泽如) et son amie d’enfance Gao Lanxiang (高兰香). C’est donc une saga historique assez classique dans son style narratif, sauf que l’histoire est celle des habitants du Fujian, et que ce n’est pas courant.

 

Issue

 

« Issue » (出路) est un hommage à d’autres héros du Fujian oubliés par l’histoire : ceux qui sont partis au Nevada et ont joué un rôle primordial dans la construction de la voie ferrée du Pacifique (太平洋铁路) qui a changé la face des Etats-Unis. Un reportage de la BBC en a fait l’une des « sept merveilles de la Révolution industrielle ». On l’appelle aussi « la Grande Muraille chinoise des montagnes du Nevada » (内华达山上的中国长城). Mais, lors de l’inauguration de la voie ferrée, pas un Chinois n’a été invité aux cérémonies.

 

Le roman de Yang Jinyuan relate les souffrances endurées à travers l’histoire de trois jeunes partis du Fujian.

 

Chant à la gloire des Hakkas

 

Dans les mers du Sud

 

Chu lu, présenté comme la suite

des trois romans précédents

(Guansi, Tuwei et Xia Nanhai)

 

 

Chant à la gloire des Hakkas

 

Un cinquième roman, « Chant de gloire des Hakkas » (《客家壮歌》), est un chant à la mémoire des Hakkas qui ont participé à la Grande Marche ; là encore le sujet est peu connu. Le roman se situe dans le contexte du district de Ninghua (宁化县) [5], à l’ouest du Fujian,près de la frontière avec le Jiangxi, où, sur une population de 130 000 personnes, 20 000 jeunes se sont enrôlés dans l’Armée rouge au début des années 1930.

 

C’est de Ninghua qu’est partie la Longue Marche, en 1934. Mais, quand l’armée rouge est arrivée dans le Shaanbei, à la fin du périple, des Hakkas de Ninghua il ne restait que 58 personnes. C’est ce détail peu connu de la Longue Marche qui est le thème historique du récit de Yang Jinyuan, dans son style très particulier où l’histoire nationale recoupe celle de sa province, et ses préoccupations personnelles.

 

Adaptations au cinéma et à la télévision

 

Une vingtaine d’œuvres de Yang Jinyuan ont donné lieu à des adaptations. La plus connue est bien sûr Guansi, les autres sont surtout des adaptations télévisées.

 

Parmi les plus connues sont les adaptations télévisées des romans Tuwei et Xia Nanhai : le premier en un feuilleton de 36 épisodes diffusé en mars 2015, le second en un feuilleton de 40 épisodes, « South of the Ocean », diffusé sur CCTV8 en mars 2011.

 

Mais une autre nouvelle a également été adaptée au cinéma : « Je veux t’emmener dans un bel endroit » (《我要带你去一个美丽的地方》), publiée en février 2008 dans la revue Littérature du Fujian (《福建文学》). C’est ce récit qui a inspiré le film « Le village de Luhua » (ou Lúhuazhài《芦花寨》) sorti en 2012. C’est à nouveau une histoire d’amour sur fond de lutte révolutionnaire, puis de guerre contre le Japon, s’achevant avec les combats pour la Libération. Mais une attention particulière a été portée à l’authenticité des personnages et des situations, dans une sorte de docu-fiction.

 

Yang Jinyuan (à g.) lors de la cérémonie du début

du tournage du film Le village de Luhua

 

 

Principales œuvres

 

Nouvelles

 

1999 Recueil : La femme au poignard 《命里带刀的女人》

Avril 2002  Le procès / Guansi 《官司》

Février 2008 Je veux t’emmener dans un bel endroit 《我要带你去一个美丽的地方》

 

Romans 

 

Septembre 2003 Ce n’est pas une vierge qui m’a épousé 《不是处女别嫁我》

Décembre 2007 Levée de siège / Tuwei 《突围》

Juillet 2009 Vers les mers du sud / Xia Nan Hai 《下南洋

Avril 2010 Issue / Chu lu出路

Décembre 2010 Chant à la gloire des Hakkas 《客家壮歌》

2012  La concubine Mei des Tang 《大唐梅妃》


 


[2] Voir la filmographie de Feng Xiaogang :  http://www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Feng_Xiaogang.htm

[3] Sur le film « Qiu Ju, une femme chinoise » (《秋菊打官司》), voir :

http://www.chinesemovies.com.fr/films_Zhang_Yimou_Qiu_Ju.htm

[4] Et plus précisément du conflit naval sino-japonais de 1894, la 1ère guerre sino-japonaise qui se termine, le 17 avril 1895, côté chinois, par la perte de l’Etat vassal de Corée et l’ascendance du Japon, ce qui sera un catalyseur pour Sun Yat-sen et Kang Youwei, menant à la Révolution Xinhai.

[5] La ville de Shibi (石壁), ou Muraille de pierre, du district de Ninghua, est considérée comme le berceau des Hakkas (客家人的摇篮).

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

© chinese-shortstories.com. Tous droits réservés.