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Song Ruozhao
宋若昭
761-828
Poétesse et écrivaine de la dynastie des Tang
par
Brigitte Duzan, 12 août 2019
Song Ruozhao est la deuxième de cinq sœurs restées célèbres dans
les annales impériales pour avoir été distinguées par l’empereur
pour leurs connaissances et leur talent littéraire. Elles ont
toutes été admises au palais, non en tant que concubines, mais
avec un poste officiel. Si Song Ruozhao est la plus connue,
c’est peut-être parce qu’elle a vécu le plus longtemps, mais
c’est peut-être aussi parce qu’elle a acquis une autorité morale
en tant que préceptrice de trois empereurs.
Cinq sœurs remarquables
Originaires de ce qui est aujourd’hui Qinghe (清河),
dans le Hebei, elles étaient les filles d’un notable confucéen,
Song Tingfen (宋庭芬),
qui était lui-même le descendant d’un fameux poète des débuts de
la dynastie des Tang : Song Zhiwen (宋之问),
célèbre pour sa contribution à la forme de poésie « régulée »
qui est considérée comme l’une des grandes innovations des
débuts de la dynastie.
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Les cinq sœurs Song |
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Les cinq sœurs – soit, à partir de l’aînée : Song Ruoshen (宋若莘)
,
Song Ruozhao (宋若昭),
Song Ruoxian (宋若宪),
Song Ruolun (宋若伦)
et Song Ruoxun (宋若荀)
– avaient reçu un enseignement très poussé de leur père, mêlant
poésie, histoire et morale confucéenne. Profondément marquées
par cette éducation hors norme, elles jurèrent de ne jamais se
marier. Et tinrent promesse. Mais ce sont surtout les deux
aînées qui ont eu les carrières les plus remarquables.
Carrière au palais
Des femmes de talent
En 788, nous disent les Annales de la dynastie, les cinq sœurs
accompagnent leur père à Shangdang (上党).
Ils rencontrent là le général Li Baozhen (李抱真),
d’une vieille famille très influente à la cour, et lui-même
gouverneur d’une importante région militaire sous l’empereur
Song Dezong (唐德宗).
Impressionné par les cinq sœurs, Li Baozhen écrivit à l’empereur
Dezong une lettre de recommandation chaleureuse. L’empereur les
fit venir et les testa lui-même, sur la poésie, dont il était
très féru, mais aussi sur l’histoire et les classiques
confucéens,
Impressionné à son tour, il les fit entrer au palais, non comme
concubines, mais à des postes officiels, ce qu’on appelait
nüguan (女官),
des femmes chargées de diverses responsabilités dans les
appartements privés des femmes du palais. En même temps, il
donna des postes à leur grand-père, leur père et leur frère.
Song Ruozhao après sa sœur
L’aînée Song Ruoshen fut nommée responsable de la
tenue des livres de compte et des rapports
d’exercice des appartements intérieurs du palais.
Pendant ce temps, elle a rédigé une œuvre majeure :
les « Analectes des femmes » ou
Nü lunyu《女论语》),
tandis que sa sœur était
chargée d’enseigner les classiques confucéens au
prince impérial, le futur empereur Muzong (唐穆宗)
.
Cependant, Song Ruoshen meurt en 1820.
Song Ruozhao est alors nommée par l’empereur Muzong
en remplacement de sa sœur, avec le titre de
shanggong (尚宫),
c’est-à-dire responsable de la gestion de l’ensemble
des services du palais, ce qui était inhabituel pour
une femme.
Finalement, elle servira au palais pendant plus de
quarante ans, au service de six empereurs
successifs ; elle fut |
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Song Ruozhao |
en particulier préceptrice de trois d’entre eux, Xianzong,
Muzong et son successeur Jingzong (唐敬宗),
et respectée à ce titre. Quand elle mourut, en 828, elle eut
droit, selon Dorothy Ko, à des funérailles dignes d’une
impératrice douairière.
Œuvre
Commentaires du
Nü lunyu
Song Ruozhao est surtout connue pour les commentaires qu’elle a
laissés de l’œuvre de sa sœur, les « Analectes des femmes » (Nü
lunyu《女论语》),
ouvrage qui a fait partie des Quatre classiques confucéens pour
les femmes (女四书)
à partir de la fin des Ming, avec en particulier les « Préceptes
pour femmes » ou Nü jie (《女诫》)
de
Ban
Zhao (班昭).
Le Nü Lunyu de Song Ruozhao |
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Dans son
ouvrage sur les femmes et la culture au 17e
siècle, « Teachers of the Inner Chambers »
,
Dorothy Ko raconte une anecdote qui montre les
renoms respectifs de ces deux auteures sous les
Ming. Le Nü lunyu, dit-elle, a connu deux
rééditions à la fin du 16e siècle, en
1592 et 1595, mais l’auteur indiqué n’était pas Song
Ruozhao ou sa sœur, mais … Ban Zhao. L’éditeur
écrivit même une préface donnant quelques données
biographiques sur Ban Zhao. On peut donc se demander
quelle est la raison véritable de la bévue : soit la
mémoire de l’éditeur lui a joué des tours ; soit, et
c’est plus probable, il cherchait à gonfler ses
ventes en affichant un nom bien plus célèbre que ne
l’était celui de Song Ruozhao ou de sa sœur à
l’époque. C’était sans doute bien calculé car les
deux éditions semblent indiquer que le livre eut du
succès. C’était le cas général des recueils de
préceptes du même genre. |
L’ouvrage est en trois parties : la première est celle rédigée
par Song Ruoshen, dans un style imitant celui de Confucius,
avec, de la même manière, des questions et réponses. Les deux
autres sont de Ruozhao et consistent en des explications sur le
but et le sens de l’ouvrage et des commentaires. Il est connu
comme « Les Analectes féminins de Song Ruozhao » (《宋若昭女论语》).
Un poème
De ses poèmes, il ne nous reste malheureusement qu’un long
poème, qui figure dans l’« Anthologie complète de poèmes Tang »
ou Quan Tang Shi (《全唐诗》),
compilée en 1705 pour l’empereur Kangxi (清康熙).
Intitulé « En réponse, à son invitation, au poème de l’empereur
écrit lors d’un grand banquet dans le Hall Linde » (《奉和御制麟德殿宴百撩应制》),
c’est un poème de circonstance, écrit par Song Ruozhao à la
demande de l’empereur, comme elle l’explique dans le titre.
C’est un panégyrique à la gloire de l’empereur sans guère
d’autre intérêt que montrer ce que l’on écrivait à la cour dans
ces circonstances, quand on était une poétesse de renom. Mais ce
n’est certainement pas ce qui lui a valu la célébrité.
Car elle était célèbre, et célébrée, ainsi que ses sœurs, à
l’époque, témoin le poème écrit par leur contemporain Wang Jian
(王建)
et intitulé « Les cinq sœurs Song » (《宋氏五女》).
Témoin, aussi, un autre poème, écrit par un autre poète de la
même époque, Dou Cheng (窦常) :
« En passant là où vivaient les cinq sœurs Song » (《过宋氏五女旧居》),
hommage nostalgique à leur talent.
Quant au style des poèmes de Song Ruozhao, il est décrit dans
l’« Ancien livre des Tang » (《旧唐书》)
comme étant beau dans sa simplicité
.
Une biographie
Il nous reste par ailleurs d’elle une œuvre en prose intitulée
« Biographie de Niu Yingzhen » (《牛应贞传》).
C’est l’histoire quasi légendaire de l’une des grandes femmes de
lettres de la période Tang, férue de religions et de
philosophie, qui a écrit des centaines d’essais et participé à
des débats avec les grands lettrés de son temps. Elle était
célèbre pour avoir acquis ses connaissances en rêve, après avoir
dévoré les livres. Mais elle a aussi écrit des poèmes et des
odes… Et comme beaucoup de ces écrivaines et poétesses
exceptionnelles de l’histoire impériale chinoise, elle est morte
très jeune, à l’âge de 24 ans.
La biographie écrite par Song Ruozhao apparaît comme un hommage
à une autre femme hors du commun de la même époque. Elle figure
dans le « Vaste recueil de l’ère de la Grande Paix » ou
Taiping Guangji (《太平广记》)
compilé sous les Song. On peut en trouver une traduction en
anglais dans l’ouvrage « The Red Brush » d’Idema et Grant (voir
bibliographie ci-dessous).
Ces quelques œuvres qui nous sont parvenues font deviner le
talent et la personnalité de leur auteure et regretter que le
reste de son œuvre ait disparu.
Eléments bibliographiques
- Biographical Dictionary of Chinese Women, Volume II: Tang
Through Ming 618–1644, ed. Lily Xiao Hong Lee, Sue Wiles,
Routledge 2014, 716 p. (p. 374-375).
- Teachers of the Inner Chambers, Women and Culture in 17th-Century
China, Dorothy Ko; Stanford University Press, 1994, 396 p.
- The Red Brush, Writing Women of Imperial China, Wilt L. Idema
& Beata Grant,
Harvard University Asia Center, 2004, 960 p.
Le Nü Lunyu, texte et illustrations en ligne :
http://blog.sina.com.cn/s/blog_626f4b1a0102ea4y.html
Il succéda à son père, l’empereur Xianzong (唐憲宗),
quand celui-ci fut – dit-on – assassiné par un eunuque,
en 820. Mais il ne semble pas avoir bien retenu les
leçons de Song Ruozhao, car il passa les quatre courtes
années de son règne à faire la fête en négligeant les
devoirs du trône. Son règne marque le début de la
décadence de la dynastie. Son successeur Jingzong fut
assassiné à seulement 17 ans par un groupe d’eunuques
avec lesquels il festoyait.
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