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Peng Jianming 彭见明

Présentation

par Brigitte Duzan, 05 mars 2015

  

Peng Jianming serait sans doute tombé dans l’oubli si, en 1999, l’une de ses nouvelles n’avait été adaptée au cinéma par le réalisateur Huo Jianqi (霍建起) [1], avec le même titre  chinois : « Postmen in the Mountains » (《那山,那人,那狗》).

   

La nouvelle elle-même a connu un grand succès, et tend, comme souvent, à éclipser le reste de son œuvre. Et comme celle-ci a été très peu traduite, Peng Jianming reste méconnu à l’étranger ; son nom apparaît rarement dans les manuels de littérature chinoise. Il a pourtant été primé nombre de fois en Chine, et il continue à écrire et publier.

   

Ecrivain du Hunan

   

Natif de Pingjiang  

 

Peng Jianming (彭见明) est né en 1953 dans le district de

 

Peng Jianming

  

Pingjiang

 

Pingjiang, au nord-est du Hunan (湖南平江). C’est, au sud du lac Dongting, un pays de montagnes et d’eaux, traversé par la rivière Miluo (汨罗江), celle-là même où se noya le poète Qu Yuan (屈原), en 278 avant Jésus-Christ. C’est là, aussi, qu’est enterré le poète Du Fu (杜甫). 

  

C’est une région,à la frontière du Hunan, du Hubei et du Jiangxi, à la longue histoire et à la riche culture, auquel Peng Jianming a consacré tout un livre, paru en mars 2010 : « Pingjiang » (《平江》). Pingjiang est pour lui ce que Fenghuang (凤凰) et le Xiangxi (湘西) sont à Shen Congwen (沈从文), autre célèbre natif du Hunan qui a beaucoup influencé Peng Jianming. Il y a chez lui le même rapport à la terre, le même amour pour une culture rurale où se trouvent les racines les plus profondes de la culture chinoise.

  

En 1970, à la fin de ses études secondaires, il entre dans la troupe de théâtre de Pingjiang (平江县剧团), et va y travailler huit ans, comme décorateur. Il dira plus tard, comme pour s’excuser :

我没有上过大学,小说是乱写成的。在写文章之前,我的职业是县剧团里的美工。

Je n’ai pas fait d’études universitaires, mes livres sont écrits n’importe comment. […] Avant d’écrire, mon métier était d’être décorateur de théâtre.

  

Il commence cependant à écrire à la fin des années 1970 ; ses premières nouvelles sont publiées en 1981 et sont tout de suite remarquées. Il est nommé directeur adjoint du bureau de la culture de Pingjiang. Mais c’est la publication, en 1983, de « Facteurs dans les montagnes » (《那山,那人,那狗》), qui le rend soudain célèbre.

   

Facteurs dans les montagnes

   

La nouvelle est d’abord publiée dans la revue littéraire de Shanghai Mengya (《萌芽》杂志), ainsi que dans deux autres revues. Elle est couronnée du prix de la meilleure nouvelle de l’année (全国优秀短篇小说奖) et aussitôt traduite en anglais, la traduction étant publiée dans la revue « Chinese Literature » (《中国文学》杂志(英文版)). Elle est incluse dès l’année suivante dans un recueil de nouvelles publié aux éditions Littérature du peuple (《全国优秀短篇小说集》).

  

C’est un récit tiré de l’expérience personnelle de l’auteur, et

 

Facteurs dans les montagnes

ce sont toujours les meilleures. En 1982, Peng Jianming s’est réfugié, pour écrire, dans la vieille maison familiale, dans son village natal dans les  montagnes de Pingjian. Il n’y avait évidemment pas le téléphone, et tous les contacts avec l’extérieur passaient par le courrier. Or l’employé du bureau de poste lui parla un jour de la vie pénible des facteurs dans les montagnes : il lui raconta qu’ils passaient trois à quatre jours d’affilée dans les coins reculés de la montagne à chaque tournée, et s’usaient à la tâche en faisant ce métier des dizaines d’années.  C’est de là qu’est née l’idée de la nouvelle. 

   

Dans un essai sur le sujet [2], Peng Jianming explique :

   

理由有二:一是想写一写诸如我祖父这样默默无闻、勤勤恳恳、一心为公家着想的普通人。二是当时的中国小说,几乎全部是伤痕小说、反思小说、知青小说,人人都在痛斥文革,整个文风沉闷压抑。我想文学不应该是这样的,应该有各种不同的面目和气象。

C’est une double raison qui m’a poussé à écrire cette nouvelle : d’une part, je voulais exprimer les sentiments d’un homme du peuple dont les ancêtres ont tous été d’obscurs et diligents serviteurs de l’Etat ; d’autre part, à l’époque, la littérature chinoise était presque uniquement constituée de la littérature des cicatrices (伤痕小说), la littérature d’introspection (反思小说) et la littérature des jeunes instruits (知青小说), tout le monde dénonçait la Révolution culturelle, l’atmosphère littéraire était lourde et oppressante ; je pensais qu’il ne devait pas en être ainsi, qu’il fallait que la littérature reflète toutes sortes de points de vue différents.

    

Jeu avec le passé

 

Il avait donc le désir de s’affranchir des courants littéraires dominants à l’époque pour écrire une histoire de chez lui, une histoire de tous les jours dans les montagnes de son Pingjiang natal.

  

Il dépeint la dernière tournée d’un vieux facteur que l’âge contraint à la retraite ; pour cette ultime randonnée dans les montagnes, il emmène avec lui son fils unique qui va lui succéder et auquel il doit transmettre les ficelles du métier.

   

La nouvelle est très courte [3]. Toute la première moitié est une simple description des difficultés du parcours, des souvenirs du vieil homme, du rôle du chien dans sa vie solitaire. Et le chien, finalement, restera comme ultime legs laissé à son fils, relais d’une génération à l’autre.

   

Mais la dernière page laisse soudain éclater la réalité : le

drame familial, celui du fils, qui, en l’absence de son père, toujours par monts et par vaux, a dû assumer les lourdes charges familiales, et en particulier celle de la mère, absente du reste de la nouvelle, comme un immense non-dit…

  

C’est le condensé d’une vie en quelques pages, écrit dans un style où l‘émotion n’affleure que peu à peu, comme si, trop longtemps retenue, elle ne pouvait qu’éclater soudain, mais tout en gardant l’éternelle  réserve des gens qui n’ont pas l’habitude de beaucoup parler.

   

C’est un récit qui tranche sur ceux de la période ; c’est aussi une peinture d’une sensibilité très subtile d’un pan de vie représentatif de toute une culture rurale en voie de disparition, et pas seulement à Pingjiang. C’est certainement ce qui lui a valu le succès qu’il n’a cessé d’avoir depuis sa première publication et lui a valu des rééditions régulières jusqu’à ce que Huo Jianqi s’en empare pour l’adapter à l’écran et lui donne une nouvelle vie [4].

 

  

Ferry in the Night

   

Trente ans de nouvelles, romans et essais

  

L’œil du ciel

 

Outre de nombreuses nouvelles, Peng Jianming a aussi publié une série de romans, dont le premier a été publié en 1986 : intitulé « Le général et son clan » (《将军和他的家族》), il a initialement paru dans la revue Le monde du roman (《小说界》).

  

Ces romans sont des incursions dans la culture de Pingjiang, mais elles ont aussi pour thème celle de Chu, dont elle est historiquement la lointaine héritière. C’est, par exemple, le cas de l’un de ses romans récents les plus célèbres : « L’œil du ciel » (《天眼》) ; il part en effet de l’histoire d’une sorte de mage, qui prédit l’avenir en le lisant dans les traits du visage, pour dresser un tableau de la culture populaire locale à travers cet art ancien de la divination par la physionomie (相术巫文化). 

   

Peintre et calligraphe

    

Peinture

   

  

En 2009, cependant, après avoir terminé d’écrire « Pingjiang », il s’est tourné vers la peinture, comme un retour vers son métier initial de décorateur, dans les années 1970, et, en décembre 2014, la soixantaine passée, il a exposé 75 de ses peintures et calligraphies, sous le thème « Beyond Imagination » (《意想天开》).

   

Toujours aussi modeste, il a dit qu’il peint comme il écrit, n’importe comment :

“… 不可能端着老脸去找个名家工作室当徒弟了,又只能是乱画。好在我平生很喜欢这个字。” 

[quand j’ai commencé à peindre] je ne

 

Exposition décembre 2014

pouvais pas à mon âge jouer les élèves dans un atelier, alors je ne peux que peindre n’importe comment. … 

   

Calligraphie

 

Mais c’est l’attitude qu’adoptaient aussi les grands peintres chinois dans le passé : une attitude de fin lettré face aux gens qui vendaient bassement leurs toiles. Finalement, quand on lit ses nouvelles, maintenant, on les voit à travers le prisme de son œil de peintre, comme des peintures de paysage, des portraits finement brossés…

   

   

Principales publications

   

Romans

1986 Le général et son clan 《将军和他的家族》

1987 De bruit et de fureur 《风流怨》

1990 Le pays des eaux 《大泽》

1991 Le chef de famille 《家长》

1994 Jeux avec le passé 《玩古》

1996 Le bateau de poudre 《粉船》

1998 Une goutte de pluie dans le vent 《风中一滴雨》

2002 L’arrivée du phénix 《凤来兮》

2008 L’œil du ciel 《天眼》

2010 Pingjiang 《平江》

2011 Les métamorphoses du tigre 《虎变》

   

Nouvelles

1988 L’énigme du chercheur d’or 《淘金者之谜》

1994 Petits boulots 《零活》

1995/98 Ferry de nuit 《野渡》

2000 A la rencontre d’un Tibet inconnu 《走进陌生的西藏》

   

Adaptations cinématographiques et télévisées

(outre « Postmen in the Mountains »)

   

2001 Chrysanthemum Tea (《菊花茶》) réalisé par Jin Chen (金琛) d’après la nouvelle爱情

(Histoire d’amour entre un jeune cheminot et une jeune enseignante malade du cœur, rapprochés parleur goût commun pour le thé aux fleurs de chrysanthèmes)

2008《玩古》 adapté en une série télévisée de 80 épisodes

     
  


[2] Intitulé « A propos de "Facteurs dans les montagnes" » (《与<那山 那人 那狗>有关的话》)

[4] Voir l’analyse comparée de la nouvelle et du film : chinesemovies (à venir…)

  


 
A lire en complément
  
Facteurs dans les montagnes, ou La montagne, l’homme et le chien 《那山,那人,那狗》
(texte chinois et résumé en français, alinéa par alinéa)

   

 

   

 

 
 

 

 

 

     

 

 

 

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