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				Lu Xun 魯迅III. Les « Contes anciens sur un mode nouveau »
 par Brigitte Duzan, 02 Septembre 2014
 
				        
				  
				  
				Ce recueil comporte 
				huit récits, dont le sujet est emprunté à la mythologie ou à 
				l'histoire antique et fait écho aux événements de son époque 
				pour en faire la critique. Ils 
				ont été écrits entre 
				novembre 1922 et décembre 1935. 
				     
				 
				1. Réparer 
				le ciel 《补天》        
				   
				novembre 1922 
				2. Fuir 
				dans la lune 《奔月》       
				 décembre 
				1926 
				3. Réguler 
				les eaux 《理水》       
				 novembre 
				1935 
				4. Cueillir 
				des vesces 《采薇》    
				 décembre 
				1935 
				5. Forger 
				les épées 《铸剑》
				        
				octobre 1926 
				6. 
				Traverser la passe 《出关》    
				  
				décembre 1935 
				7. Contrer 
				l’agression 《非攻》   
				  
				août 1934 
				8. 
				Ressusciter les morts 
				《起死》   
				décembre 1935 
				     
				 
 
				     
				 
				
				Traductions en français : 
				- Contes anciens à 
				notre manière, traduit et présenté par Li Tche-houa, 
				Gallimard/Connaissance de l’Orient, 1959. 
				- Contes anciens sur un mode 
				nouveau, Editions des lettres étrangères, Pékin, 1978. 
				- Histoires anciennes 
				revisitées, traduction d’Alexis Brossolet, éditions du Non-Agir, 
				janvier 2014.  
				     
				 
 
				     
				 
				L’histoire de Mei
				Jianchi : le 
				cinquième des « Contes anciens à notre manière » 
				 
				     
				 
				Achevé en octobre 
				1926, « Forger les épées » est une vision personnelle de 
				l’histoire de Mei Jianchi (《眉间尺》), 
				un conte dont les traces les plus anciennes remontent à des 
				textes compilés sous la dynastie des Han. L’histoire a 
				relativement peu changé au fil des siècles, contrairement à ce 
				que l’on observe habituellement. En revanche, la signification 
				symbolique a évolué, en particulier dans la version qu’en a 
				donnée 
				
				Lu Xun 
				(魯迅). 
				     
				 
				Le conte 
				     
				 
				L’histoire : 
				version courante 
				     
				Il était une fois un enfant au visage peu ordinaire, dont 
				l’espace entre les arcades sourcilières était plus grand que la 
				moyenne. On l’appela donc Mei Jianchi (眉间尺), c’est-à-dire celui 
				qui a une glabelle d’un chi (尺) - soit environ 30 cm (1).
 
 Ce Mei Jianchi était le fils d’un maître forgeron nommé Ganjiang 
				(干将) qui excellait dans la fabrication des épées ; il passa 
				trois ans à en forger une superbe, à la double lame extrêmement 
				tranchante, pour le roi de Chu (楚王) qui le lui avait ordonné. Il 
				savait parfaitement que le roi le ferait mettre à mort pour 
				éviter qu’il n’en forge une autre pour un rival. Avant de 
				mourir, il laissa donc une précieuse épée à son épouse Moxie 
				(莫邪)(1) en lui disant que c’était pour que son fils puisse le 
				venger.
 
 Or Moxie était encore enceinte à la mort de son époux. Elle 
				donna naissance à Mei Jianchi peu après. Quand son fils fut 
				assez grand, Moxie lui raconta comment son père était mort, et 
				Mei Jianchi jura de le venger. Il trouva l’épée qu’avait cachée 
				son père, prit congé de sa mère, et partit d’un pas résolu à la 
				capitale.
 
 Le roi de Chu était assailli de visions cauchemardesques, voyant 
				en songe Mei Jianchi l’assassiner. Il fit peindre un portrait de 
				l’étrange garçon, et fit coller partout un avis de recherche 
				offrant une bonne récompense à qui mettrait la main sur lui.
     
				 
				Quand Mei Jianchi 
				apprit cela, il alla se cacher dans la montagne. Mais il pensait 
				toujours avec affliction à son père qui n’était toujours pas 
				vengé. Un jour apparut un homme en noir qui lui dit : « Si tu me 
				donnes ta tête et ton épée, je vais te venger. » Mei Jianchi 
				pensa que c’était en effet le seul moyen. Il prit son épée et se 
				trancha la tête, puis il tendit l’une et l’autre à l’homme en 
				noir qui lui dit : « Ne t’en fais pas, je ne te décevrai pas. » 
				C’est seulement alors que le cadavre de Mei Jianchi s’effondra 
				sur le sol. 
				     
				 
				Emportant la tête et 
				l’épée de Mei Jianchi, l’homme en noir alla voir le roi de Chu, 
				qui se réjouit à leur vue. L’homme en noir lui dit qu’il fallait 
				mettre la tête dans une marmite de soupe et la faire cuire, 
				autrement, elle lui causerait des ennuis. Le roi de Chu opina ; 
				il fit mettre la tête de Mei Jianchi dans une marmite et la fit 
				mijoter pendant trois jours et trois nuits, mais sans réussir à 
				bien la faire cuire. Alors l’homme en noir suggéra au roi 
				d’aller voir lui-même ce qu’il en était ; seule son autorité 
				souveraine pourrait venir à bout de l’esprit maléfique qui 
				empêchait la tête de cuire. Quand le roi se fut approché du bord 
				de la marmite, l’homme en noir brandit violemment son épée et, 
				en un clin d’œil, fit voler la tête du roi dans la marmite. 
				     
				 
				La tête de Mei Jianchi 
				mordit aussitôt les oreilles du roi de Chu, et les deux têtes se 
				jetèrent l’une sur l’autre pour s’entre-dévorer. Alors, l’homme 
				en noir se trancha lui aussi la tête, pour aider Mei Jianchi à 
				lutter contre le roi. Ils luttèrent ainsi sept jours et sept 
				nuits, et Mei Jianchi fut finalement victorieux. Les trois 
				crânes étaient cuits, et il était impossible de dire lequel 
				était lequel. On sépara en trois ce qui était dans la marmite, 
				et on enterra les portions en leur faisant trois belles tombes, 
				qu’on appela « Tombes des trois rois » (“三王墓”).
				 
				     
				 
				Ses origines et 
				variantes 
				     
				 
					
						| 
						1. L’une des 
						sources les plus anciennes, et les plus fréquemment 
						citées, de cette histoire est le Lieyizhuan (《列异传》), 
						le recueil d’histoires étranges du genre 
						zhiguai 
						(志怪小说) 
						attribué à Cao Pi (曹丕) 
						(2), qui aurait été compilé à la fin du deuxième ou au 
						début du troisième siècle. 
						Ce recueil est 
						perdu, mais on trouve le récit dans des recueils 
						ultérieurs.     
						 
						Sous le titre 
						« Ganjiang et Moxie » (《干将莫邪》),
						il 
						figure dans le 
						
						Shoushenji, 
						
						c’est-à-dire 
						« À 
						la recherche des esprits » (《搜神记》), 
						un recueil de plus de 450histoires étranges compilé par 
						Gan Bao (干宝) 
						au quatrième siècle. |  | 
						
						 
						Le shoushen ji |      
				 
				
				Dans cette version,si le roi fait exécuter Ganjiang, c’est parce 
				qu’il était furieux, d’abordparce que le forgeron avait mis 
				trois ans pour terminer son travail (3). En outre, la fureur du 
				roi redoubla lorsque l’épée fut examinée par les experts du roi, 
				et qu’ils découvrirent qu’il s’agissait en fait de l’épée « 
				féminine » (雌剑) 
				d’un couple d’épées dont manquait l’épée « masculine » (雄剑): 
				“剑有两把,一把雌一把雄,雌剑带来了,雄剑没有带来。” 
				         Il a fait 
				deux épées, une féminine et une masculine, il a apporté la 
				première, mais pas la seconde. 
				
				      
				C’est cette épée 
				« masculine » que Ganjiang a laissée à son fils pour qu’il 
				puisse le venger après sa mort. Mais l’épée est cachée, il a 
				laissé à son épouse les instructions pour que son fils puisse la 
				retrouver : 
					
						| 
						“出房看南山,松树长在石上,剑在它的背面。”于是儿子出房,往南看没有山,只见堂前松柱下有一磨剑石,就用斧头砸开它的背后,得到雄剑... 
						« En 
						sortant de la maison, il verra une montagne au sud ; un 
						pin y a poussé sur un rocher, l’épée est là, du côté 
						nord. » Mais, quand l’enfant sortit de la maison, il ne 
						vit pas de montagne au sud, seulement, devant le hall 
						principal, au pied d’un pin, la meule utilisée pour 
						affûter les lames. En faisant éclater à la hache la face 
						nord, il trouva l’épée mâle…  |  | 
						
						 
						Ganjiang, illustration du “Ganjiang et 
						Moxie”  
						dans le Shoushen ji |  
				     
				 
				Ce thème de la double 
				épée se retrouve dans les versions ultérieures du conte, associé 
				au thème principal : le devoir de vengeance du fils. 
				     
				 
				2. On retrouve le 
				récit dans le Livre des Sui (《隋书》), 
				l’une des vingt-quatre Histoires officielles, commanditée par 
				Tang Taizong (唐太宗) 
				et terminée en 636.     
				  
					
						| 
						On le retrouve 
						surtout, à l’époque des Song du Nord, dans la grande 
						encyclopédie Taiping Yulan ou 
						« Encyclopédie de l’ère Taiping relue par l’empereur » (《太平御览》) (4).Mais, 
						cette fois, la référence n’est pas le Lieyizhuan, 
						mais le Lieshizhuan (《列士传》), 
						autre recueil perdu, attribué au grand bibliographe des 
						Han, Liu Xiang (刘向), 
						actif au 1er siècle avant Jésus-Christ. 
						     
						 
						Ce récit 
						serait donc la matrice originelle.Il est semblable dans 
						ses grandes lignes, avec le thème de la double épée et 
						un rébus similaire pour trouver celle cachée, également 
						sous un pin. Il y a une petite différence dans le nom 
						donné aux tombes : il s’agit ici du « Tertre des trois 
						rois » (“三王冢” 
						zhǒng). 
						     
						 
						Mais la grande 
						différence tient au lieu où se passe l’histoire : non 
						pas le royaume de Chu, mais celui de Jin : 
						干将、莫邪为晋君作剑,三年而成。 
						Ganjiang et 
						Moxie ont forgé des épées pour le souverain de Jin ; ils 
						n’y sont parvenus qu’au bout de trois ans. |  | 
						
						 
						Taiping Yulan |  
				     
				 
				C’est-à-dire que 
				l’histoire ne se passe pas dans le sud, mais dans le nord du 
				pays – c’est le cas aussi du récit compilé dans le Livre des 
				Sui. Si l’histoire a été transférée dans le sud, cela tient 
				d’abord d’une logique historique. Le royaume de Chu était le 
				grand rival des royaumes voisins de Wu et de Yue (吴越) qui 
				étaient des maîtres de la métallurgie, et avaient les meilleurs 
				spécialistes de la fabrication des épées. Il leur arrivait d’en 
				offrir à d’autres souverains.     
				 
					
						| 
						
						 
						Carte schématique de l’évolution 
						 
						des Royaumes combattants,  
						avec Jin au nord et Chu au sud vers 450 
						avant JC |  | 
						Mais on peut y 
						ajouter une autre considération. Le sud a longtemps été 
						considéré comme une zone sauvage, aux limites de 
						l’Empire et de la civilisation chinoise, née autour de 
						la plaine centrale. On peut voir dans le choix du 
						royaume de Chu comme lieu de l’histoire de MeiJianchiun 
						moyen d’expliquer la brutalité du souverain par les 
						conditions locales, en quelque sorte, sans qu’elle 
						puisse être considérée comme un trait normal ou habituel 
						des souverains chinois.Cela aura son importance dans 
						l’évolution du conte et de son interprétation. 
						     
						 
						Adaptant 
						l’histoire en 1926, Lu Xun a repris la variante de 
						l’histoire avec le roi de Chu. Son conte reconfiguré est 
						typique des autres 
						
						« Contes anciens à notre manière » (《故事新编》) : 
						c’est un récit personnel, qui s’insère dans la 
						thématique et  |  
				
				la symbolique de l’écrivain à la fin des années 1920, en 
				introduisant en plus une dose de surnaturel.   
				       
				
				      
				
				
				Le conte revu par Lu Xun 
				
				
				      
				
				
				Le récit 
				
				
				      
					
						| 
						
						Le récit de Lu Xun commence par un premier chapitre 
						introductif qui montre Mei Jianchi, dérangé la nuit par 
						un rat qui l’empêche de dormir en faisant du bruit. 
						MeiJianchi tente à diverses reprises de noyer l’animal 
						tombé dans une jarre d’eau, mais, pris de pitié, le 
						sauve chaque fois ; il finit par réveiller sa mère qui 
						lui reproche alors son caractère indécis, incapable de 
						la force d’âme nécessaire pour venger son père. Et elle 
						lui explique alors pourquoi il doit le faire, et comment 
						: Mei Jianchi a seize ans, il a atteint l’âge de remplir 
						son devoir, et se déclare prêt à le faire. Selon les 
						instructions données par son père,il déterre l’épée, 
						d’un superbe bleu métallique transparent, et, tout de 
						bleu vêtu, s’en va à la capitale à la rencontre du roi. |  | 
						
						 
						Illustration de Lu Yansheng pour le 
						recueil de Lu Xun  
						- Mei Jianchi confie sa tête à l’homme en 
						noir |           
				 
				
				Les choses ne sont cependant pas si simples, le roi n’est pas 
				facile à approcher, Mei Jianchi est soupçonné et dénoncé. 
				Apparaît alors « l’homme noir », maigre et énigmatique, qui lui 
				propose de se charger de sa vengeance, et le reste du conte se 
				déroule grosso modo comme dans la version courante. Mais la 
				narration comporte un certain nombre d’originalités. 
				      
				 
				
				
				Les originalités 
				
				
				      
					
						| 
						
						1. Lu Xun explique pourquoi le roi voulait se faire 
						faire une épée : la première épouse du roi avait 
						accouché d’un bloc de fer, étant tombée enceinte après 
						avoir embrassé un pilier de fer. Le bloc était d’un beau 
						bleu translucide, qui laissait penser qu’il s’agissait 
						d’un fer spécial. D’où la commande au meilleur forgeron 
						de la capitale. 
						
						      
						
						Lu Xun précise que celui-ci battit le fer pendant trois 
						ans, nuit et jour, pour affiner les lames. Il s’agit 
						d’une tradition de l’ancien royaume de Yue. D’après les 
						experts, cet art atteint son apogée sous les Han de 
						l’Est, on parle de « fer battu cent fois » ; en même 
						temps, on imprimait des motifs dans le métal ;il fallait 
						des années pour faire une bonne épée. Puis cet art s’est 
						peu à peu perdu. On considère qu’il était oublié à la 
						fin des Tang.      
						 
						
						2. Lu Xun dépeint « l’homme noir » sous un jour beaucoup 
						plus énigmatique que dans les versions  |  | 
						
						 
						Illustration de Zhao Ji赵奇 (1998) : 
						 
						Mei Jianchi offrant sa tête |  
				
				anciennes du conte où il est généralement présenté comme un 
				ancien élève de Ganjiang, ce qui explique son désir de vengeance 
				à titre personnel. Il apparaît, sous la plume de Lu Xun, comme 
				un étrange personnage tenant du magicien, dont l’apparition 
				soudaine dans le récit en modifie le ton, qui passe du réalisme 
				à l’onirisme. Cela permet à l’écrivain de dépeindre une séance 
				fantastique autour de la danse de la tête dans le chaudron, 
				comme une sorte de danse macabre amenant presque naturellement 
				la fin du conte, qui est une séquence dans la  plus pure 
				tradition des récits fantastiques des débuts du xiaoshuo. 
				 
				
				      
				
				
				La symbolique     
				 
				
				1. La thématique principale du conte est la vengeance : 
				le devoir de vengeance (pour Mei Jianchi), ou le désir de 
				vengeance (pour l’homme noir).      
				 
					
						| 
						
						 
						Lu Yansheng : l’homme en noir  
						s’apprête à trancher la tête du roi de 
						Chu |  | 
						
						Pour Li Tche-houa, le premier traducteur du recueil en 
						français, la vengeance était un sentiment que Lu Xun 
						« méditait dans la solitude » au moment où il écrivait 
						le conte, à l’automne 1926. En effet, le 18 mars 1926, 
						une manifestation d’étudiants avait eu lieu à Pékin pour 
						protester contre l’ingérence du Japon dans les affaires 
						chinoises ; la troupe avait tiré sur eux, faisant 47 
						morts et 150 blessés. Lu Xun écrivit : « Il faut que la 
						dette de sang soit acquittée par un paiement de même 
						nature… »  
						
						      
						
						L’affaire se poursuivit par une chasse aux sorcières. Lu 
						Xun se retrouva sur la liste noire des intellectuels 
						recherchés. Menacé, il alla se réfugier en avril à 
						Shanghai, puis en septembre à Amoy. La vengeance était 
						bien son souci dominant : c’est là qu’il écrivit 
						« Forger les épées ».  |  
				     
				 
				
				2. Par ailleurs, ce n’est pas à Mei Jianchi que Lu Xun 
				s’assimile, mais à « l’homme noir ». Cet homme étrange qui, dans 
				toutes les versions du conte, vient trouver Mei Jianchi pour le 
				raffermir dans sa mission, et l’aider à l’exécuter, en poussant 
				pour cela le jeune garçon au suicide. Mais, si Mei Jianchi est 
				jeune et indécis, l’homme noir est résolu, et résolu à tuer le 
				roi pour libérer le peuple. Le sacrifice demandé à Mei Jianchi 
				va bien au-delà, finalement, de la vengeance par amour filial. 
				
				      
				
				Il y a là comme une image satirique de l’intellectuel guidant 
				les masses sur la voie de la révolte. Bien que marginalement, Lu 
				Xun semble poser ici la question de la responsabilité de 
				l’intellectuel – et la sienne propre - dans les rébellions 
				et les processus révolutionnaires. 
				
				      
				
				
				Rationalisation confucianiste     
				 
					
						| 
						
						Lu Xun a choisi pour thème une vengeance bien 
						particulière : une vengeance accomplie par piété 
						filiale, mais qui s’accomplit par le meurtre du roi, 
						induisant une contradiction apparemment insoluble en 
						termes confucéens. 
						
						      
						
						La contradiction, cependant, n’en est une qu’en 
						apparence. Elle se résout par analogie avec le cas du 
						dernier souverain de la dynastie des Shang, le roi Zhou 
						(商紂王) : 
						un souverain qui, dans ses dernières années, ignora les 
						affaires de l’Etat pour mener une vie de plaisir et de 
						dissipation, en opprimant le peuple. Il n’avait donc 
						aucun sentiment d’humanité (仁义), 
						et on pouvait l’éliminer, raisonna 
						
						Mencius, 
						non comme un 
						souverain, mais comme un homme ordinaire dépourvu de 
						sens moral.  |  | 
						
						 
						Lu Yansheng : l’enterrement des trois 
						têtes |  
				  
				“臣弑其君可乎?”
				
				 Etait-il juste que[le roi Wu] tue ce souverain ?  demande-t-on 
				à Mencius 
				“闻诛一夫纣矣,未闻弑君也”。Il 
				s’agissait d’éliminer un tyran, non de tuer un roi, répond 
				Mencius en jouant sur les mots : 诛 
				zhū tuer un 
				criminel (donc agir pour le bien commun) / 
				弑 
				shì 
				commettre un acte (répréhensible) de parricide ou de régicide. 
				
				      
				
				C’est ainsi que Mei Jianchi est devenu un symbole de résistance au 
				despotisme.      
				
				  
				  
				
				      
				Notes 
				(1) On trouve deux 
				transcriptions de son nom : Moxie ou Moye 
				
				莫邪, 
				selon les deux transcriptions du second caractère. Mais on 
				trouve aussi la graphie Moye 莫耶.
				 
				Dans les premiers 
				textes, le caractère utilisé par Moxie pour le nom de l’enfant 
				est chi赤 
				qui signifie rouge. 
				Dans l’une des sources, l’enfant s’appelle Chibi 
				赤鼻, 
				c’est-à-dire « nez rouge » ; Lu Xun y fait allusion au début de 
				son récit.  
				(2) Cao Pi est le 
				second fils de Cao Cao (曹操), 
				l’un des éminents personnages de la période des Trois Royaumes. 
				Tous deux étaient poètes. Les récits étranges, à fort contenu 
				surnaturel, du genre zhiguai sont l’une des premières 
				formes du xiaoshuo. 
				(3) Dans une version 
				plus dramatique du conte, Moxie se rend compte que le four de 
				son mari n’a pas la température requise pour parvenir à bien 
				forger les épées, elle se jette donc dedans pour que la 
				température augmente et que son mari n’irrite pas encore plus le 
				roi. Dans le scénario du film d’animation qui en est une 
				adaptation, c’est le roi qui l’y fait jeter, mais sans en 
				expliquer la raison, plutôt comme une victime expiatoire. 
				 
				(4) Massive 
				encyclopédie compilée sous la direction de Li Fang (李昉) 
				de 977 à 983, pendant l’ère Taiping Xingguo (太平兴国) 
				du règne de l’empereur Song Taizong (宋太宗). 
				Elle s’appelait à l’origine “Encyclopédie de l’ère Taiping » (《太平类编》 
				
				
				leibian, 
				
				cad ‘arrangé par catégories’), mais le titre fut changé quand 
				l’empereur en eut fini de lire les quelque mille volumes en un 
				an, à raison de trois par jour.  
				     
				 
 
				     
				 
				A lire en 
				complément 
				     
				 
				Le film d’animation 
				« Mei Jianchi » 
				
				《眉间尺》 
				
				
				
				www.chinesemovies.com.fr/films_Animation_Mei_Jianchi.htm 
				    
				      
				     
				    
				      
				     
				    
				      
				     
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