Li Boyuan
李伯元
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Li Baojia
李宝嘉
1867-1906
Présentation
par Brigitte
Duzan, 6 septembre 2023
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Li
Boyuan |
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Romancier,
poète, calligraphe et journaliste de la fin des Qing, Li Boyuan
(李伯元),
nom de courtoisie de Li Baojia (李宝嘉),
est connu pour avoir écrit l’un des quatre grands romans dits
« de dénonciation » de la période : « Le monde des
fonctionnaires tel qu’en lui-même » (Guānchǎng xiànxíng jì《官场现形记》),
qui dépeint la détérioration de la bureaucratie et de l’esprit
de service public et donc le déclin de l’Etat à la fin de la
dynastie.
Courte
vie
Li Boyuan est
né en 1867 dans le Shandong où il a vécu toute son enfance et sa
jeunesse, élevé par un oncle après la mort de son père quand il
avait trois ans. En 1892, son oncle a démissionné de son poste
de préfet, emmenant son neveu avec lui à Wujin (武进),
dans le Jiangsu, où était la résidence ancestrale de la famille.
L’oncle est mort deux ans plus tard. Li Boyuan étudie pour
préparer le premier niveau des examens impériaux, le niveau
xiucai (秀才),
qu’il réussit en 1897. Mais il échoue au niveau suivant.
Plutôt que de
passer sa vie à étudier pour tenter de réussir à l’examen,
influencé par les idées réformistes du moment, il part à
Shanghai où il travaille comme éditeur de journaux, et d’abord
de tabloïds : le « Guide » (Zhinan Bao《指南报》),
qu’il quitte l’année suivante pour prendre la direction du
« Journal des divertissements » (Youxi Bao《游戏报》)
qui, sur quatre pages, publie des textes satiriques et
humoristiques. Puis, le 7 mai 1901, il prend la direction du
« Florilège de Shanghai » (Shanghai Shijie Fanhua Bao《上海世界繁华报》),
une sorte de « Vanity Fair » où sont publiés des informations et
commentaires sur l’actualité théâtrale, des ragots sur les
chanteurs, les acteurs et les courtisanes ainsi que des poésies
et des romans sérialisés dont, à partir de 1903, les premiers
chapitres de son propre roman « Le monde des fonctionnaires tel
qu’en lui-même ».
En mai 1903,
il est embauché par la Commercial Press pour devenir rédacteur
en chef d’une autre revue, « La fiction brodée » (Xiuxiang
Xiaoshuo《绣像小说》),
revue bi-hebdomadaire sur le modèle de la « Nouvelle fiction » (Xin
xiaoshuo《新小说》)
de
Liang Qichao (梁啟超)
créée l’année précédente. Malgré sa popularité, elle aura la
même courte durée de vie : Xin xiaoshuo disparaît en
janvier 1906, Xiuxiang Xiaoshuo en avril.
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La revue Xiuxiang
Xiaoshuo |
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Pour la rendre
populaire et atteindre un vaste public, Li Boyuan s’attache à y
publier des textes faciles à lire, et il ajoute des
illustrations (d’où le nom de la revue). Il dépeint les côtés
sombres de la société chinoise, afin de faire comprendre à ses
lecteurs la nécessité de réformes et encourager l’innovation, ce
qui est également le but de ses romans. Entre 1903 et 1906,
parmi les romans sérialisés par la revue figurent ses propres
romans « Petite histoire de notre civilisation » (《文明小史》)
et « Enfer vivant » (《活地狱》),
laissé inachevé, mais aussi « Les
voyages de Lao Can » (《老残游记》)
de Liu E (刘鹗).
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Petite histoire de notre
civilisation Wenming xiaoshi |
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Li Boyuan
meurt à Shanghai en 1906, à l’âge de 40 ans, d’une maladie
pulmonaire aggravée par ses soucis financiers et sa charge de
travail, comme ses deux contemporains,
Zeng Pu (曾朴)
et
Wu Jianren (吴趼人),
morts tous les deux à 45 ans dans des circonstances similaires.
Comme il n’avait pas d’enfant, c’est le chanteur d’opéra de
Pékin Sun Juxiang (孙菊仙),
raconte Lu Xun, qui organisa ses funérailles en témoignage de sa
gratitude envers l’auteur qui lui avait consacré un article
élogieux dans sa revue.
Comme Zeng Pu
et Wu Jianren, Li Boyuan a laissé une œuvre prolifique, dont
seuls quelques titres sont connus, et très peu sont traduits.
Œuvre
prolifique
Au dernier
chapitre de sa « Brève histoire de la fiction chinoise » (《中国小说史略》)
,
Lu Xun
place Li Boyuan en tête des auteurs représentatifs du courant de
« romans de dénonciation » (qianze xiaoshuo 谴责小说) de la fin des
Qing, en le désignant par le surnom qu’il s’était donné et dont
il a signé certains de ses textes : Nanting tingzhang
(南亭停长), le Maître du pavillon du sud. Lu Xun cite une
demi-douzaine de titres, en donnant la primeur à ce qui est
resté comme son magnum opus,
« Le monde des
fonctionnaires tel qu’en lui-même ».
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Romans
- « Petite
histoire de notre civilisation » (Wenming xiaoshi《文明小史》),
sérialisée dans la revue Xiuxiang xiaoshuo. Histoire
surtout de malversations courantes, de chantage, de prostitution
et d’addiction au jeu, d’incompétence et de faux réformisme.
Tout le monde est concerné, des fonctionnaires au petit peuple
personne n’en réchappe.
- « Li
Lianying » (《李莲英》),
biographie du célèbre eunuque impérial qui fut le dernier
,
personnage qui n’était pas indifférent à l’auteur qui avait des
eunuques dans sa famille.
- « Enfer
vivant » (Huo diyu《活地狱》),
brèves histoires inspirées de documents judiciaires témoignant
des pratiques frauduleuses, concussion ou négligence, dans le
système pénal de la fin des Qing. Laissé inachevé à la mort de
l’auteur.
Quant à
« Neige sur le pavillon de la grue céleste » (《海天鸿雪记》),
à l’origine en six volumes, qui dépeint la vie dans une maison
close, l’attribution à Li Boyuan est aujourd’hui contestée. A
l’origine, à partir de 1899, les vingt premiers chapitres du
roman ont été sérialisés dans la revue Youxi Bao (《游戏报》)
puis dans le Shanghai Shijie Fanhua Bao, en même temps
que les propres romans de Li Boyuan. Mais son ami
Wu Jianren (吴趼人),
dans la biographie qu’il lui a consacrée, publiée en novembre
1906 dans la revue Yueyue xiaoshuo (《月月小说》),
ne mentionne pas ce roman. Écrit en langue wu, il est en outre
différent des romans habituels de Li Boyuan qui comportent très
peu de personnages féminins
;
celles qui figurent dans le roman sont des épouses, concubines
ou courtisanes, dépeintes par rapport aux hommes auxquels elles
sont liées.
D’autres
romans qui lui sont attribués ont également une attribution
incertaine, pour les mêmes raisons.
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Ballade
- « Ballade de
la révolte de l’an gengzi » (Gengzi guobian tanci《庚子国变弹词》)
L’an
gengzi
庚子étant
l’année 1900, le titre fait référence à la révolte des Boxers
qui s’est produite cette année-là. Il s’agit d’un texte écrit
aussitôt après et qui en fait l’histoire, sur un modèle
classique original de ballade chantée alternant passages en vers
et en prose (tanci
弹词).
C’est la première œuvre littéraire notable de Li Boyuan,
sérialisée dans la revue Shanghai Shijie Fanhua Bao.
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Ballade de la révolte de
l’an gengzi |
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- « Ballade
pour éveiller le monde » (Xingshiyuan tanci《醒世缘弹词》)
Autre roman
sous forme de ballade chantée, sur un thème différent : la lutte
contre la superstition, la pratique des pieds bandés et la
consommation d’opium.
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Notes et recueils divers
- « Parfum
d’arum, traité de sigillographie » (《芋香印谱》),
témoin de sa passion pour l’art des sceaux autant que la
calligraphie.
- « Notes du
Pavillon du sud » (Nanting biji《南亭笔记》),
dans le
genre biji,
et
« Quatre chapitres du Pavillon du sud » (Nanting sihua《南亭四话》)
publiés de manière posthume, où Nanting est son
pseudonyme.
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« Le
monde des fonctionnaires tel qu’en lui-même »
Guānchǎng
xiànxíng jì
(《官场现形记》)
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Guanchang xianxing ji,
2e volume,
éd. 1934 (coll. Fudan) |
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Officialdom unmasked
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D’après Lu
Xun, le roman devait être publié en dix parties de douze
chapitres. De 1901 à 1903, il en écrivit trois parties, puis
ajouta deux autres parties les deux années suivantes. Mais il
tomba malade au début de 1906 et mourut peu de temps plus tard
en laissant le roman inachevé. Il n’en existe que soixante
chapitres, soit la moitié de ce que Li Boyuan avait envisagé.
Le récit est
une suite d’histoires de mystifications, escroqueries, querelles
et entourloupes diverses. Les intrigues se multiplient, sans
lien entre elles, à la manière de la « Chronique indiscrète des
mandarins » (Wulin waishi《儒林外史》)
de Wu Jingzi (吳敬梓),
structure épisodique qui se prêtait à la publication en
feuilleton dans la presse, et que l’on retrouve aussi dans
l’autre roman de dénonciation de la même époque, les « Curieux
événements observés ces vingt dernières années » (《二十年目睹之怪现状》)
de
Wu Jianren (吴趼人).
Répondant aux
attentes et aux goûts du public, le roman a eu beaucoup de
succès et a fait des émules. Reprenant le xianxing du
titre, ont fleuri dans la même veine les « Monde des
marchands… », « Monde des études… », « Monde des femmes… »,
etc.
On dit par
ailleurs que le livre était devenu tellement populaire que
l’impératrice Cixi en entendit parler et demanda à le voir.
L’affaire remua toute la cour, au point que le roman aurait été
interdit de publication. Li Boyuan aurait même reçu des lettres
de menace. Il alla se réfugier dans la concession française où
il avait des amis et où il continua de publier en changeant
juste sa signature.
En 1998, quand
l’hebdomadaire Asia Weekly de Hong Kong (《亞洲週刊》)
établit une liste des œuvres littéraires les plus remarquables
du 20e siècle, le roman figurait parmi les dix
premiers titres.
Traduction en anglais
- Modern Times: A Brief History of Enlightenment, tr. Douglas
Lancashire, Hong Kong: Chinese University Press, 1996.
[traduction de
Wenming xiaoshi《文明小史》]
-
Officialdom Unmasked, tr.
T.
L. Lang, Hong Kong University Press, 2001, 648 p.
[traduction “abrégée” de
Guanchang xianxing ji《官场现形记》]
Bibliographie
- "A Novel of Setting: The Bureaucrats" by Donald Holoch,
in: The Chinese Novel at the Turn of the Century, Milena
Doleželová-Velingerová ed,
University of Toronto Press,
1980.
- “Fiction from the End of the Empire to the Beginning of the
Republic (1897-1916)" by Milena Doleželová-Velingerová,
in : The Columbia History of Chinese Literature, Victor
H.
Mair ed,
Columbia University Press,
2013. (ch. 38, pp. 697-731)
- Fin-de-siècle Splendor: Repressed Modernities of Late Qing
Fiction, 1849–1911,
David Der-wei Wang,
Stanford University Press,
1997.
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