La renommée de
Jin Yucheng (金宇澄)
est liée à la publication, en 2012, de son roman
Fanhua (《繁花》)
qui a suscité enthousiasme et débats non tant pour le
fond que pour la forme, étant écrit dans une langue
adaptée du dialecte de Shanghai qui rend la traduction
très difficile – on en attend toujours une.
Le roman a malheureusement éclipsé les autres écrits de
l’auteur qui ne méritent pourtant pas d’être négligés.
On peut les classer en deux catégories, les nouvelles,
courtes et moyennes, et les textes de non-fiction ; dans
les deux cas, cependant, les récits se situent soit dans
le nord-est, au moment où Jin Yucheng y était jeune
instruit, soit dans la région de Shanghai, et en général
juste avant ou pendant l’occupation japonaise. Qu’il
s’agisse de fiction ou non, les nouvelles comme les
essais ont un caractère autobiographique, mais ce qui
domine et retient avant tout l’attention, et surtout
dans le cas des nouvelles, c’est la forme - le travail
d’écriture.
Les nouvelles dominent les années 1980 et 1990, la
non-fiction prenant le relais à partir de la première
moitié des années 2000. Il est intéressant de remonter
le temps pour en revenir aux nouvelles, comme une sorte
de genèse de l’œuvre, avec un aspect expérimental qui
pourrait s’inscrire dans le
courant de littérature d’avant-garde
de la fin des années 1980. L’année 2018 a été marquée
par des rééditions, de textes de fiction comme de
non-fiction.
I. Les essais : retour sur le passé
Deux ouvrages récents, publiés en 2017 et 2018, sont
représentatifs de l’écriture non-fictionnelle de Jin
Yucheng. Mais un recueil précédent de 2006 peut être
considéré comme fondamental.
·
2017 : Regard rétrospectif sur le passé
« Regard rétrospectif sur le passé » (Huíwàng《回望》),
déroule l’histoire de deux jeunes, Chen Weide (程维德)
et Yao Yun (姚云),
qui se sont rencontrés en 1945. Yao Yun était la fille
du propriétaire d’une bijouterie de Shanghai,
étudiante à l’université Fudan, Weide était un agent
secret du Parti communiste pendant l’occupation de
Shanghai. Ils se sont mariés. Weide a été arrêté et
incarcéré dans une prison japonaise, dont il s’est
évadé. Ils ont ensuite vécu une période difficile, comme
tous les jeunes Chinois de la même génération marqué du
sceau du « capitalisme ».
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Huiwang |
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Le récit est en fait une biographie des parents de Jin
Yucheng. Le livre inclut des photos de famille pour en
faire un « livre d’images à lire » Il est structuré en
quatre parties, les deux centrales étant consacrée au
père, puis à la mère, avec des matériaux personnels de
chacun, donc un ton et un style différents, la partie de
la mère étant autobiographique :
Mes parents
我的父母
/
Lili – Weide – Lili
黎里·维德·黎里
/
Shanghai – Yun – Shanghai
上海·云·上海
/
Notre regard rétrospectif
我们回望
Huiwang
est le premier livre écrit par Jin Yucheng après
Fanhua ; son père est mort quelques mois après la
publication du roman, ce qui l’a incité à revenir sur
cette histoire. Mais il avait commencé à en écrire une
première partie vingt ans auparavant : le premier
chapitre, « Tout a retrouvé le calme » (《一切已归于平静》),
qui sert d’introduction au recueil, avait été publié
dans la revue « Littérature de Shanghai », mais avec des
noms fictifs. Ce n’est qu’après la mort de son père, en
2014, qu’il a réédité le texte
dans
le mensuel Shenghuo (《生活月刊》)
en le révisant et en restaurant les noms « mon père et
ma mère ». Il a ensuite lu les écrits laissés par son
père ainsi que des lettres conservées par des amis. Un
de ses propres récits, « L’oiseau de feu » (《火鸟》),
qui avait été publié dans Shouhuo (《收获》),
a été inclus dans
Huiwang
.
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Les documents familiaux |
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Le
livre est truffé de citations, de notes du père, de
recherches historiques, de mémoires de personnages
célèbres, d’extraits d’encyclopédies, et même un article
de Roland Barthes. C’est un style très particulier, que
l’auteur lui-même a qualifié de « mode d’écriture par
références croisées » (“本文的互照样式”),
qui permet d’éviter l’homogénéité, même si ce n’est pas
de la fiction. Mais l’histoire reste malgré tout noyée
dans les brume du passé, surtout s’agissant d’une
période – l’occupation japonaise de Shanghai – bien plus
complexe que ce qu’on en lit habituellement dans la
littérature. Jin Yucheng a dit que l’histoire de
Shanghai est comme une forêt tropicale, impénétrable,
même pour un satellite d’observation ; l’auteur ne peut
guère décrire que ce qu’il voit à ses pieds, et encore,
sans chercher à l’expliquer. Dans l’interview cité
ci-dessus, il utilise une image : c’est comme dans une
boutique de vêtements, on n’a pas besoin d’un vendeur
qui vous fasse l’article comme au 19e siècle,
il suffit de regarder pour faire son choix ; le mieux,
pour un auteur, est d’être stupide et paresseux.
Huiwang
est considéré comme le second titre le plus important de
l’auteur après Fanhua. Le livre marque une
maturation non tant dans l’écriture que dans la manière
même de percevoir la littérature et de l’écrire :
以前我一直以为,文学能够表现最丰富的内容,现在知道是有保留的,甚至是缺失的,对于作者,应该都有所保留,这也是为什么加缪或张爱玲希望烧掉遗稿…。我知道最丰富的内容、细节,往往是烂在肚子里的。
Je pensais autrefois que la littérature peut exprimer le
contenu le plus riche, mais maintenant je sais que cela
a des limites, et même des failles, et que les auteurs
doivent garder des réserves. C’est pour cela que Camus
et Zhang Ailing souhaitaient brûler leurs manuscrits
[…]. Je sais que le contenu le plus riche, nourri des
détails les plus substantiels, est souvent en
putréfaction au fond de l’estomac.
·
2018 : Un bol《碗》
« Un bol » (《碗》)
fait suite à Huiwang et a été publié en août 2018
aux Éditions du peuple de Shanghai (上海人民出版社)
dans une collection « Scène littéraire » (Wenjing
文景)
où ont été publiés par ailleurs, et en même temps, deux
recueils de fiction : nouvelles moyennes, « Légers
frimas » (《轻寒》),
et nouvelles courtes des années 1980-1990, « L’île » (《方岛》)
– voir ci-dessous.
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Un bol (illustration de couverture de
l’auteur) |
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Ce « bol » est un bol de souvenirs. Il s’agit d’une
version révisée d’un recueil d’essais sanwen (散文集)
publié
dans
la revue Zhongshan (《钟山》)
en 2012 : « Un bol – souvenirs des morts » (《碗——死亡笔记》).
Si
Huiwang
évoquait
l’occupation japonaise de Shanghai et la période
postérieure à 1949, « Un bol » est un retour sur une
autre tranche du passé de Jin Yucheng, celle des années
1970 vues sous l’angle des jeunes instruits partis dans
des fermes du nord-est comme l’auteur en 1969.
Une jeune fille rencontrée par hasard évoque des
souvenirs d’il y a trente ans parce qu’elle ressemble à
sa mère, morte en tombant dans un puits après lui avoir
donné naissance. Cette rencontre fortuite suscite un
retour sur ce passé : l’histoire fragmentaire de ces
jeunes instruits, en flashbacks. La langue est ici aussi
mise au service d’une évocation de l’histoire. Le
recueil est en deux parties :
- Bol – notes du nord (碗——北方笔记)
- Morne jour du souvenir (苍凉纪念日)
– à moins que ce ne soit : le jour des mornes souvenirs.
Souvenirs de morts trop tôt disparus qui ne parviennent
pas plus à trouver la paix que leurs camarades qui
tentent d’en effacer la mémoire…
Illustration
Un bol (illustration de couverture de l’auteur)
https://img9.doubanio.com/view/subject/l/public/s29860149.jpg
·
2006 : Xipai niandai《洗牌年代》
Ou « L’époque
du battage des cartes »
Publié
en janvier 2006, ce recueil d’essais sanwen (散文集)
est intéressant car il regroupe des textes qui sont
comme la matrice de Fanhua (《繁花》).
Le recueil a été réédité avec des textes supplémentaires
en 2021
.
Dans
cette
dernière édition,
il est composé de 35 essais et une postface (跋)
,
chacun illustré de la main de l’auteur comme Fanhua.
|
Le
recueil Xipai niandai |
|
Pourquoi « Le battage des cartes » ? C’est une
métaphore d’un monde en changement rapide, de la volonté
de tout recommencer, très vite, et en même temps, de la
difficulté, dans ce brassage perpétuel, de distinguer ce
qui se passe ; le monde est là, mais rien n’est visible,
il y a comme un nuage, un voile qui couvre tout. Tout
est fragmenté, incomplet, appréhendé par bribes. Les
souvenirs affleurent sans être structurés.
Pourtant, il se dégage de l’ensemble une image intime de
la vieille ville de Shanghai, de la ferme du nord-est,
une évocation de la vie et des objets quotidiens, avec
sous la surface les couleurs, les odeurs et les bruits,
une recréation des personnages du passé formant un
canevas de l’histoire de l’époque au gré de la fantaisie
et des souvenirs de l’auteur.
La
description de l’arrivée du printemps dans l’un des
derniers essais du recueil (Le printemps《春》)
semble décrire aussi bien le lent et délicat processus
d’écriture de l’auteur :
四季里,春是最好的,它的变化是点滴中的羞涩,如纸面上慢慢清楚的画意,由简至繁,一笔添上浅浅的半笔,很节制,很懂简单和缓慢的道理,只要阳光与风还是阴冷,它就逐渐延缓脚步,我们能感觉到它的笔锋,而它躲在四周,藏于黄青色的河水里流着,就会在不远的前方停留并且化开一般。但不知春来是几时,如何去等,静候着春至。也所谓即“好饭不怕晚”,大家静看春至,等它,如坐等高厨烧菜,等是最有滋味的体验,盛宴就将开始,春气依稀,算来已经近了。
Des
quatre saisons, le printemps est la plus belle ; c’est
une saison dont les changements procèdent par touches
timides comme d’un pinceau dessinant sur la toile une
image qui se fait peu à peu de plus en plus nette, de
plus en plus riche et complexe, un trait s’ajoutant au
précédent à peine achevé, dans le plus parfait contrôle
du pinceau et selon un principe à la fois de simplicité
et de lenteur. Il suffit que le soleil et le vent
gardent de la fraîcheur pour que le printemps retarde de
jour en jour sa marche en avant ; bien que l’on sente la
vigueur de ses traits, il reste caché, dissimulé dans
les eaux verdâtres des rivières, au fil du courant,
avant de s’arrêter non loin de là, et de se déployer. On
ne sait cependant pas à quel moment il va arriver, on ne
peut que l’attendre calmement. Comme le dit l’adage
populaire « Un bon repas ne peut arriver trop tard » ;
tout le monde attend le printemps, assis dans la plus
grande sérénité comme on attend un mets délicat préparé
par un grand cuisinier, attente qui est elle-même déjà
un délice car elle annonce le festin qui va suivre.
Ainsi pressent-on vaguement les premières effluves du
printemps en se disant qu’il sera bientôt là.
La
caractéristique sans doute la plus frappante de ces
essais tient à la profusion et à la précision des
détails dépeints, par une plume qui fait ainsi ressortir
la poésie de l’instant, un peu à la manière de Francis
Ponge décrivant « la robe des choses », de l’intérieur
de la surface des choses . On a souvent lu, par exemple,
des textes sur la rivière Suzhou, elle a été le cadre ou
la toile de fond de nombreux films, mais jamais elle
n’est apparue comme chez Jin Yucheng, car elle est vue
non tant de la surface de l’eau que de son for
intérieur, « au cœur du rêve » (梦中),
dit-il :
一个男船民端碗持筷,坐于船头棉花秸柴上大口扒着稀饭薄粥。市声里的寒气,回荡于水面和附近的桥洞里,摇晃不停。作为船家,一生就是这样早餐,自以为是,自有规则,处身于紧贴河流的位置,习惯水平视野,熟悉沪西的水上世界——以这种角度看出去,与长期行走岸上、俯观河景的市民不一样,苏州河于梦中,于现实印象里,也就是各种桥洞,红漆涂写的大小水位记号,陡峭灰冷的河堤,系缆铁环锈湿滑腻,工厂烟囱插入云天,河面贴近,日夜随了船身摇晃,漂移,逼仄,辽阔,嘈杂。
Un
batelier tenant un bol et des baguettes
est assis à l’avant de son bateau sur des tiges de coton
et du petit bois, avalant à grandes bouchées un gruau
très léger. Le bruit de la ville où perce un fond d’air
froid se réverbère à la surface de l’eau et sous les
arches des ponts tout proches, dans une vibration
ininterrompue. Quand on est batelier, c’est ainsi que
l’on prend son petit déjeuner, sa vie durant, selon des
règles intangibles, immuables, le corps au fil du
courant, habitué à cette position offrant une vue
horizontale au-dessus de l’eau, en parfaite connaissance
de ce monde à la surface de l’eau de l’ouest de Shanghai
– cet angle de vue est totalement différent de celui du
citadin qui se promène longuement sur la rive et observe
la rivière de côté. La rivière Suzhou appartient au
rêve ; si l’on s’en tient aux impressions nées de la
réalité, c’est une succession d’arches de ponts,
d’anneaux métalliques rouillés et luisants et de marques
peintes en rouge indiquant le niveau de l’eau, le long
de digues escarpées d’un gris morne et froid sous un
ciel où les cheminées d’usines se mêlent aux nuages. [Le
batelier au contraire] fait corps avec la rivière,
épousant jour et nuit le mouvement du bateau, dérivant,
minuscule, immense, tumultueux ….
Chacun
de ses textes est un défi à la traduction, qui doit être
aussi précise et poétique que l’original pour en rendre
non seulement le sens, mais toute la subtilité. Dans ce
dernier extrait
,
on se retient à grand peine de céder à la tentation
d’ajouter, de compléter, pour mieux faire ressortir le
sens, mais la phrase doit rester ce qu’elle est et
inviter à entrer dans le songe.
Il
faudrait s’attacher à relever soigneusement toutes les
références littéraires et cinématographiques qui
truffent le texte, en l’enrichissant, souvent avec
humour et sans être jamais anodines. Le moindre film
cité lève un voile sur un contexte politique en faisant
des parallèles, souvent avec l’Union soviétique. C’est
le cas, par exemple, dans l’essai « Le vent du sud passe
par la fenêtre ouest » (《穿过西窗的南风》) où
il est question des jeunes envoyés à la campagne en 1969
pour se faire rééduquer par les paysans pauvres. Jin
Yucheng évoque le souvenir d’un film vu dans le bateau
qui les emmenait dans le nord : « Lénine en 1918 », film
russe de 1939, sorti en Chine en 1951, reprenant les
thèses révisionnistes de Staline qui venait d’exiler des
« paysans riches » et autres ennemis politiques en
Sibérie. On sourit en pensant à l’affiche du film,
montrant un Lénine en grand-père attentionné, aidant une
petite fille qui apprend à écrire en traçant des lettres
sur une feuille de papier.
|
Lénine en 1918 |
|
Toute
la splendeur du passé de Shanghai apparaît aussi dans
les noms d’artistes ou de cinémas égrenés de ci de là.
Par exemple, dans l’essai « Joyaux sous clef » (《锁琳琅》),
l’acteur Liang Boluo (梁波罗)
ou le cinéma
Da
Guangming,
rue de Nankin (南京路大光明电影院),
généralement appelé « Grand Cinema » ou « Grand
Theatre », achevé en 1933. À ce passage répond
d’ailleurs un paragraphe de Fanhua où Jin Yucheng
décrit les cinémas de Shanghai avec un superbe dessin
(p. 43) de la façade du plus vieux cinéma de la ville,
le Cathay, ou Guotai (上海国泰电影院 ),
où il montre aussi les petits éventails qui étaient
glissés dans une poche à l’arrière de chaque siège pour
que les spectateurs puissent s’éventer en l’absence de
climatisation.
Lire
les essais de Jin Yucheng, c’est s’arrêter à chaque
page, presque chaque ligne, pour savourer les allusions
et références qui y sont cachées et en font toute la
richesse.
Traduction en
français
Battre
les cartes, trad. Stéphane Lévêque et Yannan Wu avec le
concours d’Alexandre Pateau, illustrations intérieures
et de couverture par Jin Yucheng, éd. Picquier 2022.
Traduction de neuf des 27 essais du recueil initial :
1)
L’albizzia des adieux《合欢》
/ 2)
Battre les cartes
《洗牌年代》/
3) Les
cordes au cœur《琴心》/
4) Le sommeil des Shanghaïens《上海人困觉》/
5) Le
vent du sud traverse la fenêtre ouest
《穿过西窗的南风》/
6) Printemps《春》/
7) À
la recherche du prince charmant《上海水晶鞋》/8)
Souvenirs sous le boisseau《锁琳琅》/
9)
Entre joie et attente《在愉快与期待中》.
À lire en complément :
II.
Note complémentaire : Deux essais
non traduits du recueil « Battre les cartes »
III.
Les
nouvelles.
Et
par ailleurs :
-
Le
compte rendu de la séance du club de lecture de
littérature chinoise
consacrée à « Battre les cartes ».
Publication en juin 2021 par la maison d’édition
Sanlian Bookstore de Shanghai (Shanghai
Sanlian shudian上海三联书店).
Cette nouvelle édition comporte de nouvelles
illustrations superbes de la main de l’auteur,
dont beaucoup en couleur.
Les textes originaux de l’édition 2006 :
马语
/ 绿细节 /
穿过西窗的南风 /
我们并不知道 /
此河旧影 /
琴心 /
上海人困觉
/ 看澡 /
多米诺 /
锁琳琅 /
二十五发连射 /
狗权零碎 /
在愉快与期待中
/ 合欢 /上下肢
/ 现实猫 /
洗牌年代 /
嚎叫 /
上海水晶鞋 /
雪泥银灯
/ 新酒 /
杂记 /手工随风远去
/ 灯火平生 /
春 /
插图与回忆 /
答《人物》杂志问
/
跋
Sans vouloir contester les choix de traduction,
celle-ci aurait au moins nécessité des notes
explicatives, pour nombre d’allusions, en
particulier, à des livres, des films ou des
opéras, avec des références plus précises car
elles sont fondamentales pour comprendre les
clins d’œil de l’auteur. Par exemple :
- Le premier roman mentionné, dans le premier
texte traduit, n’est pas « La tempête » mais « L’ouragan »
(《暴风骤雨》)
de
Zhou Libo (周立波),
traduit également « The Hurricane » en anglais –
c’est un grand classique, prix Staline en 1951,
qui dépeint la réforme agraire dans un village
du nord de la Chine, en commençant par la
confiscation des biens du propriétaire foncier
local.
- De même, on peut être intrigué par le film « Les
douze chaises » (p. 27) dont le texte
chinois précise qu’il s’agit d’un film russe (p.
119 de l’édition 2021), sans que ce soit
traduit. En fait il s’agit d’un film de Mel
Brooks de 1970, en français « Le mystère des
douze chaises », adapté d’un roman russe éponyme
d’Ilf et Petrov qui se passe en URSS en 1927 :
au moment de mourir, une vieille femme révèle à
son fils et au prêtre venu lui donner les
derniers sacrements qu’elle a caché ses bijoux
dans une des chaises de son salon avant que
n’éclate la Révolution. D’où le lien avec les
histoires de bijoux et d’argent cachés qu’évoque
Jin Yucheng dans ce passage. Le manque de
référence entraîne ici une erreur de
traduction : il y a dans un parc d’Odessa un
monument à la gloire du roman représentant l’une
des fameuses chaises, que Jin Yucheng définit
comme « une chaise rembourrée à la française » (一把法式软椅)
: il ne s’agit pas d’un fauteuil Voltaire !
Le monument d’Odessa intitulé « Les douze
chaises » :
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- Dans « Souvenirs sous le boisseau », il aurait
aussi été utile de mettre une note pour
expliquer le terme de « petits hauts-fourneaux »
dont il est question au premier paragraphe, pour
les lecteurs qui ne connaîtraient pas l’histoire
du Grand Bond en avant. Mais le terme n’est pas
une traduction exacte et enlève la teneur
ironique de l’expression utilisée par Jin
Yucheng qui parle, lui, de « la grande époque de
la fabrication de l’acier » (“大炼钢时
代”),
ce qui est en outre une allusion au grand
classique de 1933 de l’écrivain soviétique
Nikolai Ostrovski « Et l’acier fut trempé » (《钢铁是怎样炼成的》),
adapté ensuite au cinéma.