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Jin Jin 金近

Présentation

par Brigitte Duzan, 17 décembre 2016  

 

Jin Jin est l’un des grands auteurs chinois de littérature pour enfants du 20ème siècle. Après des débuts autodidactes pendant la guerre, il est devenu très populaire après 1949, et a même participé à l’essor du cinéma d’animation chinois dans les années 1950.

 

Débuts pendant la guerre

 

Une enfance misérable, mais des dons précoces

 

Jin Jin (金近) est son nom de plume. De son vrai nom Yu Zhiwen (余知温), il est né en 1915 dans le

 

Jin Jin (années 1980)

Zhejiang, dans le district de Shangyu (上虞) de la préfecture de Shaoxing, plus exactement dans le bourg de Songsha (崧厦镇), au bord de la mer. De temps à autre, pour les grandes fêtes de l’année et les foires du temple, le village voit passer des troupes de théâtre qui donnent des représentations sur des estrades de fortune, et bien sûr des pièces d’opéra de Shaoxing ; c’est son premier contact avec l’art.

 

Il est enfant de paysans pauvres, tellement pauvres qu’il doit travailler dans les champs ; n’ayant même pas de chaussettes, il a les pieds qui gèlent en hiver ; pourtant, il réussit quand même à étudier quatre ans dans une école privée traditionnelle (私塾). En 1927, à l’âge de douze ans, il est envoyé à Shanghai comme apprenti dans une boutique de tissus. Mais, son maître l’ayant battu parce qu’il s’était trompé de coupon d’étoffe en servant une cliente, il s’enfuit.

 

Avec l’aide d’un oncle, il parvient à étudier encore deux ou trois ans. Son professeur, ces années-là, lui a laissé une profonde impression. Pendant les cours, il racontait des histoires aux élèves, et lisait en classe les meilleurs devoirs, en soulignant les points intéressants, les devoirs du collégien Yu Zhiwen étant souvent parmi ceux sortant du lot.

 

Mais il ne peut pas continuer. Le futur Jin Jin devient alors correcteur dans une imprimerie. Ayant énormément envie d’apprendre, il fait de la bibliothèque son école, lisant la nuit les livres empruntés…

 

Débuts dans l’édition pour enfants

 

En 1935, grâce à des voisins de sa sœur, il trouve un travail au « Quotidien des enfants » (《儿童日报》) à Shanghai. En 1937, l’un des rédacteurs étant tombé malade, le rédacteur en chef demande à Jin Jin de le remplacer pour rédiger les nouvelles du jour ; il devient ainsi rédacteur adjoint. 

 

Jin Jin jeune

 

Cette même année, il publie son premier conte dans la revue « Petit ami » (《小朋友》杂志) : « Les heurs et malheurs du vieux faucon » (《老鹰鹞的升沉》).

 

Peu après le début de la guerre, cependant, il perd son emploi et part dans un village du Sichuan travailler comme assistant dans un orphelinat. Il s’agit non seulement d’enseigner, de superviser les enfants, régler les petits vols, les disputes et les fuites, mais aussi de créer des textes et raconter des histoires. Les enfants ont tous vécu des drames personnels : les uns sont orphelins dès leur plus petite enfance et ont survécu en chapardant, d’autres ont vu leur maison bombardée par les Japonais et leurs parents mourir sous les bombes, d’autres encore sont venus de très loin pour échapper à la misère.

 

« Ces enfants m’ont montré combien, dans de telles circonstances, la culture est nécessaire, » a dit Jin Jin. Et en l’occurrence le conte, qui s’adresse directement à l’imaginaire et incite au rêve.

 

A Chongqing et Shanghai : naissance d’un conteur

 

En 1944, il va à Chongqing oùil est traducteur pour le bureau local d’une agence de presse britannique. Il y fait la connaissance de plusieurs écrivains chinois ainsi que, entre autres, de Xia Yan (夏衍) qui travaillait alors à l’agence Xinhua [1]. C’est là aussi qu’il découvre des auteurs étrangers comme Tolstoï ou Romain Rolland.

 

C’est une période très riche pour la formation de sa pensée et de sa personnalité. Les autres écrivains autour de lui n’écrivaient pas eux-mêmes de littérature pour enfants, mais y étaient très ouverts et s’intéressaient à ce qu’il écrivait.

 

Après la guerre, en 1946, il revient à Shanghai et se met à écrire. Il publie de brefs articles dans le supplément « société » du Wenhui Bao (《文汇报》), mais aussi, dans diverses autres revues, des récits décrivant les souffrances des enfants pendant le conflit comme « Le livre de prières du petit moine » (《小和尚法本》), « Le pays des bonnes gens » (《好人国》), « Le sinistre magicien » (《黑心魔术家》) …

 

En 1948, il publie un recueil de contes, « Le monstre rouge à visage de coquillage » (《红鬼脸壳》), et un recueil de poèmes pour enfants « La vie du petit Mao » (《小毛的生活》). Tous ces textes reflètent la corruption et l’atmosphère sombre de l’époque, mais aussi la grande créativité et l’amour des enfants de leur auteur.

 

Auteur populaire dans la Chine nouvelle

 

En 1949, avec les principaux représentants du monde des arts et de la culture de Shanghai, Jin Jin va à Pékin participer à la première conférence de ces représentants au niveau national. C’est à partir de ce moment-là qu’il commence vraiment sa carrière d’écrivain pour enfants.

 

Il devient membre de l’Association des écrivains chinois, adjoint du responsable de la branche s’occupant de la littérature pour enfants ; à ce titre, il édite le livre « La littérature pour enfants » (《儿童文学》).

 

Jin Jin en 1954 avec de jeunes écolières venues l’interviewer

 

Hommage de Jin Jin (à g.)

 à Ye Shengtao (au milieu), années 1980

 

Dans les premières années de la République populaire, la littérature pour enfants est un secteur en plein développement. Jin Jin rencontre souvent Bing Xin (冰心), Ye Shengtao (叶圣陶), Zhang Tianyi (张天翼), et ils discutent ensemble de la meilleure manière d’écrire pour les enfants. Travaillant pour la fédération des écrivains, Jin Jin aide Zhang Tianyi à organiser des manifestations pour promouvoir la littérature pour enfants, et c’est pour lui l’occasion de nouvelles rencontres avec Bing Xin dont il devient très proche.

 

Dans les années 1950, Jin Jin habite dans une petite école dans un quartier ouest de Pékin. Il participe aux activités des enfants, et écrit le soir, en mangeant des petits pains froids que lui ont apportés les enfants pour calmer sa faim. C’est ainsi qu’il écrit « Les tourments du chef d’équipe », (《小队长的苦恼》) « Le camarade le plus farfelu » (《最糊涂的同学》).

 

Pendant l’hiver 1957, le Comité central convoque une assemblée des travailleurs des arts et de la culture et leur demande d’aller vivre avec les familles pauvres des coins les plus

 

Jin Jin avec Bing Xin à la fin des années 1980

déshérités du pays. Jin Jin s’inscrit pour le Zhejiang.

 

A la fin du mois de décembre, il arrive à Hangzhou avec sa famille. Après la fête du Printemps, il se roule une couverture, prend un parapluie et part dans le district de Lin’an (临安县), dans un petit village des monts Tianmu (天目山) où il prend trois orphelins en charge. Le plus jeune, le petit Mao, avait perdu ses parents à l’âge de dix ans et avait un mouton pour toute compagnie. L’enfant lui apporte des haricots la nuit pour que Jin Jin n’écrive pas le ventre vide. Jin Jin a ensuite raconté leur histoire dans la nouvelle « Les trois orphelins » (《三个孤儿》).

 

Non seulement il écrit des contes, mais aussi des poèmes pour enfants, comme « Une Rose en hiver » (《冬天的玫瑰》), ainsi que des récits divers publiés dans le recueil « Leur jeunesse » (《他们的童年》).

 

Célébrité après la Révolution culturelle

 

Jin Jin revient sur le devant de la scène dès 1978, alors qu’est adapté en film d’animation l’un de ses contes les plus célèbres qui a connu d’innombrables rééditions par la suite : « Le renard chasse le chasseur » (《狐狸打猎人》).

 

 

1978 film d’animation Le renard chasse le chasseur

 

 

En 1979, il publie un nouveau recueil, de contes écrits entre 1946 et 1978 : les « Contes apportés par le vent du printemps » (《春风吹来的童话》), le printemps de l’ouverture ! Les éditions se multiplient après 1980, avec chaque fois des illustrations différentes : contes, poèmes, et même nouvelles, publiées dans le recueil « Le petit buffle aux yeux noirs » (《小牛黑眼儿》).

 

En mai 1987, cependant, Jin Jin a une hémorragie cérébrale, il ne peut plus tenir sa plume. Il espère pouvoir récupérer très vite, pour recommencer à écrire. Mais il meurt deux ans plus tard.

 

Sa disparition ne fait qu’amplifier le mouvement des rééditions. En 2009, pour le dixième anniversaire de sa mort, sous le titre « Le monstre rouge et autres histoires » (《红鬼脸壳(金近童话全集)) est publié un recueil de vingt-cinq de ses contes pour enfants parmi les meilleurs et les plus connus, dont, outre le conte qui a donné son titre à l’ouvrage : « Le sinistre magicien »《黑心魔术家》、« Le pays des bonnes gens »人国》、« Le ballon jaune »《黄气球》、« La souris et le kaléidoscope »《老鼠和万花筒》、 « La sœur Vent d’automne »《秋风姐姐》、« Xiexie le chat sauvage »《谢谢小花猫》...

 

Un conteur très proche des enfants

 

Il était proche des enfants, il parlait leur langue, a dit Bing Xin. Il vivait avec eux, écrivait les histoires qu’ils lui inspiraient, puis les leur lisait et attendait leurs commentaires.

 

C’est vrai tout au long de sa vie. En 1986 encore, après avoir terminé la première partie du conte « Le renard idiot » (《傻狐狸》), il dit à sa fille : « Donne-le à la petite Xing Xing, et demande-lui comment elle le trouve. » ; le dimanche suivant, l’enfant revient et lui dit : « Xing Xing était tellement contente en entendant l’histoire qu’elle dansait toute seule, elle voudrait que je rapporte le papier pour le lui relire. »

 

Il n’y a rien d’artificiel dans ses histoires ; elles ont leur logique propre qui tient à l’authenticité des personnages et des situations. Lui-même a dit :

美是童话的灵魂,童话需要美,这种美是从童话中人物的思想感情里产生的,而不是外加上去的。

« La beauté est l’âme des contes, ils en ont besoin, et cette beauté particulière naît de la pensée et des sentiments de leurs personnages, ce n’est pas quelque chose d’extérieur qui auraitété rajouté. »

 

Sa tombe porte une inscription de Bing Xin qui exprime toute l’admiration qu’elle avait pour lui :

         (冰心为金近墓碑题词)

你为小苗洒上泉水

Pour les jeunes pousses, tu es ce qu’est l’eau de

source dans le vin.

 

 

Premier recueil après la Révolution culturelle, en 1979 :Contes apportés par le vent du printemps《春风吹来的童话》

 

Une illustration du recueil de 1979

 

Recueil de contes 1980

 

Recueil de contes posthume, édition 1990

 

Les contes pour enfants de Jin Jin
(avec à g. l’illustration du conte adapté

en film d’animation en 1978 :

 le renard chasse le chasseur)

 

Adaptations en films d’animation

 

A partir de 1952, quatre de ses contes les plus célèbres sont adaptés en films d’animation, d’abord par le département animation du Bureau central du cinéma, puis, à partir de sa fondation en 1957, par les plus grands artistes des Studios d’art de Shanghai (上海电影制片厂美术片) dont il devient scénariste.

 

Ce sont quatre courts métrages de 14 à 18 minutes, les deux premiers réalisés en noir et blanc au début des années 1950, les deux derniers aux Studios d’art de Shanghai à la fin des années 1950 et au lendemain de la Révolution culturelle.

 

1. Le petit chat va à la pêche 《小猫钓鱼》

 

Court métrage de 1952 en noir et blanc, réalisé par Fang Ming (方明) [2]. Débuts de l’animation chinoise, reflétant l’idéologie et les chansons d’enfants de l’époque.

 

Le petit chat joue au lieu de surveiller sa ligne, il n’attrape rien. Il apprend que, s’il veut manger, il faut qu’il s’applique, sans se laisser distraire par les libellules et les papillons. Finalement, il attrape un gros poisson. 

 

Le petit chat va à la pêche

 

2. La cueillette des champignons 《采蘑菇》

 

Court métrage de 1953 en noir et blanc, réalisé par Te Wei (特伟).

 

Un petit lapin part avec son ami ramasser des champignons, mais il se dispute avec lui, continue seul, se retrouve dans une vallée encaissée où il est surpris par un orage… Il est sauvé par son ami, ils se réconcilient et, ensemble, trouvent plein de champignons.

 

La cueillette des champignons

 

3. Les petites carpes et la Porte du Dragon 《小鲤鱼跳龙门》

 

Court métrage de 1958, réalisé par He Yumen (何玉门), Prix du meilleur film d’animation au festival des Cent Fleurs en 1959.

 

Cinq petites carpes espiègles s’amusent à sauter par-dessus les ponts. Mais leur grand-mère leur raconte l’histoire de la porte du Dragon, où se trouvait une superbe cascade, en leur disant que c’est seulement en sautant par-dessus cette porte qu’elles pourront être dignes de leurs ancêtres…. Alors les petites carpes partent à sa recherche…. Elles trouvent un barrage, et arrivent à sauter par-dessus. De l’autre côté, elles se retrouvent dans le lac de retenue, avec un paysage urbain plein de lumière qui les éblouit. Mais une hirondelle vient leur expliquer plein de choses…

 

Les petites carpes et la Porte du Dragon

  

4. Le renard chasse le chasseur 《狐狸打猎人》

 

Court métrage de 1978 réalisé par Hu Xionghua (胡雄华), avec de superbes dessins aux couleurs fantastiques de Han Meilin (韓美林) [3], dont on retrouve les dessins animaliers, et en particulier la célèbre chouette.

 

L’histoire est un conte de l’ethnie des Oroqen (鄂伦春族), en Mongolie intérieure. Elle se passe dans un village de montagne ; sur un rocher est dessiné un renard qui, dans les histoires qu’on raconte, finit par devenir un loup féroce et effrayant, terrorisant les animaux et les hommes. Un renard rusé, pour utiliser ce sentiment de terreur, s’allie avec un loup pour se faire passer pour ce méchant loup, et fait fuir un jeune chasseur terrorisé qui en fait tomber son fusil. Le renard le ramasse, le recharge et prend le chasseur en chasse.

 

En fait, c’était un poltron indigne d’être un vrai chasseur. Un vrai chasseur abat le renard d’un coup de fusil, en riant de la terreur de l’autre.

 

Le renard chasse le chasseur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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