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Chen Xiefen
陈撷芬
1883-1923
Présentation
par
Brigitte Duzan, 7 juillet 2019
Comme son
aînée
Qiu Jin (秋瑾)
dont elle a été très proche, Chen Xiefen a été l’une
des premières femmes en Chine à utiliser la presse
pour dénoncer l’oppression dont étaient victimes les
femmes dans la société chinoise, demander leur
émancipation du joug familial et lutter pour leurs
droits – et à créer son propre journal pour ce
faire.
La
presse comme arme de combat féministe
Née à
Hengshan (衡山)
dans le Hunan en 1883, Chen Xiufen a grandi dans ce
qui est aujourd’hui Changzhou (常州)
dans le Jiangsu. Elle était la fille aînée de Chen
Fan (陈范),
magistrat du district de Yanshan (雁山区)
dans le Guangxi. Ayant perdu son poste et s’étant
installé à Shanghai, il y lance en 1898 le journal
Subao (《苏报》)
dans lequel il exprime son soutien au mouvement de
réforme mené par |
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Chen Xiefen |
Kang Youwei (康有为)
et à une monarchie
constitutionnelle.
Le Nüxuebao
Le Subao |
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En 1899, encouragée par son père alors qu’elle n’a
que seize ans, elle publie elle-même un journal, le
Journal des femmes ou Nübao (女报),
d’abord distribué comme supplément gratuit du
Subao : elle s’y donne pour mission de militer
pour l’abolition des pieds bandés, les droits des
femmes et l’amélioration de leur éducation. En mai
1902, le Nübao est transformé en mensuel
indépendant publiant des essais, des œuvres de
fiction et même des poèmes, des traductions, des
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photographies et des rubriques d’actualités ; en février
1903, elle le rebaptise « Journal d’études féminines » ou
Nüxuebao (女学报).
Le Nüxuebao |
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Le Nüxuebao et ses
illustrations
(l’élevage des vers à soie, activité féminine) |
Outre la charge de
l’édition, elle assume aussi celle de la rédaction car c’est
elle, au début, qui rédige les principaux articles si bien
qu’elle devient vite célèbre comme auteur d’essais critiques sur
l’émancipation, l’éducation et les droits des femmes. Elle
recevra ensuite des articles de femmes engagées, dont des
éducatrices, comme la directrice de l’école de filles
Fengyuanli de Canton, et des militantes, comme la Japonaise
Fukuda Hideko, éminente personnalité du mouvement pour la
liberté et les droits du peuple au Japon dans les années 1880.
Ses premières contributrices ont été Kang Tongwei (康同薇), fille
du grand réformateur Kang Youwei (康有为)
et Qiu Yufang (裘毓芳),
réputée être la première femme journaliste en Chine.
Action en faveur de
l’éducation des femmes
Parallèlement, en
1902, avec un groupe d’intellectuels réformistes dont Cai
Yuanpei (蔡元培),
elle participe à la création de l’Ecole patriotique pour filles
de Shanghai (上海爱国女校)
dont la direction lui est confiée, puis, en 1903, établit une
petite école pour femmes dans les bureaux de la rédaction du
Nüxuebao.
Exil au Japon
Mariage évité
En juin1903,
cependant, le gouvernement impérial interdit le Subao et
inculpe le père de Xiefen et ses amis de trahison ; c’est ce
qu’on a appelé « l’affaire du Subao » (苏报案).
Elle-même doit suspendre la publication de son journal mais
réussit à s’enfuir au Japon avec son père et sa sœur cadette,
tandis que d’autres collaborateurs du Subao sont arrêtés,
jugés et exécutés. A Tokyo, père et fille se joignent à la
communauté des intellectuels chinois et à divers groupuscules
dissidents.
Bien que progressiste
et ouvert aux activités éditoriales de sa fille, Chen Fan
accepte cependant les avances d’un marchand cantonais qui veut
prendre Chen Xiufen comme concubine. Celle-ci est atterrée, mais
sur le point de céder aux injonctions de son père quand son amie
Qiu
Jin,
récemment arrivée dans la capitale nippone et indignée par la
veulerie du père, lance une campagne publique dénonçant son
attitude envers sa fille. Elle aura gain de cause et l’affaire
sera annulée.
Reprise du Nüxuebao
Tout en suivant des
cours à l’Ecole chinoise de Tokyo (华族学校),
Chen Xiufen relance alors la publication de son journal dont le
4ème numéro paraît en novembre 1903 ; elle va réussir
à l’éditer encore deux ans, ce qui est particulièrement long
pour des journaux féminins de ce genre à l’époque. Elle y
publie, sous le pseudonyme de Chunan nüzi (楚南女子),
des articles précurseurs du mouvement féministe qui va se
développer près de quinze ans plus tard ; faisant preuve d’un
esprit très en avance sur son temps, elle milite en particulier
pour le développement de l’indépendance des femmes et leur
éducation, mais avec une approche empreinte de patriotisme
typique de l’époque, comme le montre son « Discours en faveur de
l’éducation physique des femmes » (《论女子宣讲体育》)
qui prône des femmes fortes pour un pays fort.
Le Nüxuebao
reste une aventure éditoriale unique et un événement fondateur.
En 1905, le journal avait réussi à réunir une trentaine de
contributrices. Il sera un modèle et une inspiration, à
commencer pour
Qiu
Jin :
quand, en 1907, elle créera son « Journal des femmes chinoises »
(《中国女报》),
elle le concevra comme une continuation du journal de son amie
Xiufen.
Action en faveur
des droits des femmes
En même
temps, au début de 1905, celle-ci collabore avec
Qiu
Jin
et Lin Zongsu (林宗素)
pour remettre à flot la moribonde Société pour
l’amour universel (共爱会),
société qui avait été fondée en 1903 par des
étudiantes chinoises pour protester contre
l’occupation de territoires chinois par la Russie,
mais avait pris par la suite une orientation
nationaliste plus féministe. Xiufen en est élue
présidente, et Qiu Jin secrétaire. La nouvelle
charte de 1905 précise la mission résolument
féministe de la société :
“拯救二万万之女子,复其固有之特权,使之各具国家之思想,以得自尽女国民之天职”
Venir
en aide à deux cents millions de femmes et leur
permettre de recouvrer leurs droits naturels afin
que, soucieuses du bien de la nation, elles soient
capables d’assumer leurs responsabilités de
citoyennes.
A
l’automne 1905, toujours avec Qiu Jin, elle
participe |
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Lin Zongsu |
également à une
organisation clandestine établie à Yokohama par Huang Xing (黄兴)
pour fabriquer des bombes avec l’assistance technique
d’anarchistes russes en vue du soulèvement armé en
préparation.
Mariage et mort
précoce
A Yokohama, Chen
Xiufen a fait la connaissance d’un Chinois originaire du
Sichuan, Yang Jun (杨儁),
qu’elle a ensuite épousé et avec lequel elle est partie aux
Etats-Unis poursuivre des études. Elle est rentrée en Chine en
1912 et a alors intégré l’Association des femmes chinoises de
Shenzhou (神州女界共和协济社).
Mais on perd ensuite
ses traces, jusqu’à sa mort en 1923, à l’âge de seulement 40
ans.
Bibliographie
- Biographical
Dictionary of Chinese Women, the Qing Period 1844-1911,
editors-in-chief Lily Xiao Hong Lee and A.D. Stefanowska, East
Gate Book, M.E. Sharpe, 1998.
- Women Journalists
and Feminism in China, 1898-1937, Yuxin Ma, Cambria Press, 2010,
447 p.
Traduction en
anglais
Crisis in the Woman
World (1904), tr. Jennifer Carpenter, in :
Writing Women in
Modern China, an Anthology of Women’s Literature from the Early
20th Century,
Columbia University Press, 1998, pp. 83-86.
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