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Bi Shumin
毕淑敏
Présentation
par
Brigitte Duzan, 31 mars 2020
2012,
c’était l’année de la fin du monde, d’après le
calendrier maya
.
C’est aussi l’année de publication du roman de Bi
Shumin (毕淑敏)
« Coronavirus »
(《花冠病毒》),
inspiré par son expérience de médecin au moment de
l’épidémie du SRAS en 2003. Il lui aura fallu près
de dix ans pour l’écrire, mais sans savoir que,
moins de dix ans plus tard, un autre coronavirus du
même genre redonnerait à son récit une actualité
nouvelle : depuis le mois de février 2020, elle est
à nouveau sous les feux des projecteurs et multiplie
les interviews.
Cela incite à lire ses autres récits et à découvrir
une œuvre foisonnante, peu traduite.
Médecine militaire au Tibet
Psychothérapeute, écrivaine et vice-présidente de la
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Bi Shumin |
branche pékinoise de l’Association des écrivains chinois, Bi
Shumin (毕淑敏)
est née en octobre 1952 dans la ville de Yining (伊宁市),
dans le Xinjiang, dans une famille d’officiers. Mais elle a
grandi à Pékin.
Bi Shumin jeune engagée
dans l’Armée populaire |
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En 1969, à l’âge de seize ans, elle s’engage dans
l’armée et elle est envoyée dans les monts Kunlun (喀喇昆仑山脉),
au nord du Tibet, à cinq mille mètres d’altitude,
sans doute parce qu’elle était solide, dit-elle.
Elle a eu l’impression de débarquer sur Mars.
D’abord infirmière, puis médecin militaire, elle y
est restée onze ans, et elle est la seule des cinq
femmes de sa base militaire à être restée là aussi
longtemps – les autres ont été expulsées pour
« conduite inappropriée » ou après mariage.
Cette expérience a été déterminante pour inciter Bi
Shumin à écrire, écrire pour raconter tout cela, et
en particulier le sentiment que la vie est fragile
et précieuse. Mais c’est surtout son expérience de
médecin qui constitue la thématique fondamentale de
son œuvre. |
De la médecine à l’écriture
1987-1998 : débuts d’écrivaine
Quand elle rentre à Pékin, en 1979, elle continue à pratiquer
son métier de médecin : elle travaille comme chef de clinique
dans l’hôpital d’une usine de cuivre, puis elle prend la
direction d’un institut de recherche
Mais, en 1987, à l’âge de 35 ans, poussée par le
désir de raconter son expérience de médecin au
Tibet, elle s’inscrit à un master en littérature
chinoise à l’Université normale de Pékin, et elle
commence à écrire. A la fin de l’année, dans le
numéro 4 de la revue Kunlun, elle publie sa première
œuvre de fiction, une nouvelle "moyenne" intitulée
« Mort à Kunlun » (《昆仑殇》)
.
Elle y dépeint la marche éprouvante de jeunes
soldats sur les monts Kunlun. Le récit reflète la
pensée tibétaine et le désir de briser la réticence
des Chinois à parler de la mort. Le thème de la vie
et de la mort restera dominant dans son œuvre.
Elle entre en 1989 à l’Association des écrivains et,
à partir de 1991, après l’obtention de son master,
se consacre uniquement à l’écriture. En 1993, elle
fait partie d’un mouvement de littérature qui se
développe à Pékin, fondé sur l’expérience
personnelle des auteurs. |
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Mort à Kunlun |
En 1994, elle attire l’attention des critiques comme des
lecteurs avec « Rendez-vous avec la mort » (《预约死亡》)
qui poursuit sa réflexion sur les thèmes abordés sept ans plus
tôt, mais avec de l’audace. Elle
aborde en effet, sur le mode du reportage, le sujet des patients
en fin de vie et de leur famille en tentant de montrer qu’on
peut se préparer à la mort et au travail du deuil avec dignité.
Un an plus tard, « Renaissances sans fin » (《生生不已》)
décrit l’instinct maternel d’une jeune femme qui domine le
danger que la conception d’une nouvelle vie fait courir à la
sienne. C’est l’exemple même de sa manière de faire l’éloge de
la vie tout en décrivant des maladies graves, souvent mortelles,
et leur impact sur la vie et la psychologie des patients et de
leur entourage.
En 1997, « Ordonnance rouge » (《红处方》)
est son premier roman. Elle y dépeint des drogués dans un centre
de désintoxication.
Pause, retour à la médecine
En 1998, elle apprend que
Lam Mengping (林孟平),
professeure en psychologie de l’Université chinoise de Hongkong
est en visite à Pékin pour donner des conférences à l’Université
normale de Pékin. Passionnée de psychologie, Bi Shumin se remet
à l’étude et prépare un doctorat qu’elle obtient en 2002. Avec
des amis, elle fonde alors une clinique de psychothérapie.
Mais, au bout de deux ans, perturbée par les centaines d’appels
de détresse qui lui parviennent, elle traverse une crise.
Psychologie et écriture
En 2004, elle abandonne le métier de médecin pour se consacrer à
l’écriture. Elle fait un voyage autour du monde avec son fils ;
ce sont cent quatorze jours au cours desquels elle a tout loisir
de réfléchir sur la vie, la mort et le destin. A son retour,
elle publie un recueil d’essais, « Paradis bleu » (《蓝色天堂》),
dont le titre est une référence à son mode de locomotion, un
navire postal.
Au secours des seins |
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En 2005, « Au secours des seins » (《拯救乳房》)
est une série de récits éprouvants et oppressants
décrivant des patientes atteintes d’un cancer du
sein qui craquent devant la menace de la mort, ou
après avoir été opérées. On a appelé le récit
« premier roman de psychothérapie en Chine »,
utilisant la narration comme thérapie
.
Mais c’est aussi une réflexion sur l’identité
féminine.
Bi Shumin est devenue la spécialiste de l’analyse
des rapports entre médecins et patients, entre
maladie et thérapie, avec une orientation surtout
psychologique. Mêlant observation clinique et
humanisme, elle est l’une des rares écrivaines à
savoir traiter d’histoires médicales avec un art
littéraire plein de chaleur, voire d’humour, en
jetant un regard plein de compassion et de
sollicitude sur les patients. |
En 2007, elle évoque son métier de
psychologue au quotidien dans le roman intitulé « Une femme
psychologue » (《女心理师》).
Wang
Meng (王蒙)
l’a appelée « l’ange en blanc de la littérature » (“文学的白衣天使”).
Suspense et science-fiction
Cela ne l’empêche pourtant pas de savoir imaginer
des intrigues captivantes, comme dans son roman « Un
sang précieux », en anglais « Blood Crystal » (《血玲珑》),
paru en août 2005. Elle imagine une femme qui dirige
une société, et dont la fille est atteinte d’une
grave maladie : une anémie galopante car sa moelle
osseuse ne fabrique plus les globules et plaquettes
nécessaires pour renouveler son sang. Une greffe
s’impose pour sauver l’enfant, mais les analyses
montrent que le père biologique de l’enfant n’est
pas celui qu’on croit…
C’est une histoire qui a inspiré nombre de
scénarios, et qui n’est pas sans rappeler celui du
film de Wang Xiaoshuai (王小帅)
« Une famille chinoise » (《左右》)
sorti en 2007
.
Bi Shumin a même écrit un roman de science-fiction :
« L’anneau du professeur » (《教授的戒指》).
Elle |
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Sang précieux |
a imaginé un médecin, le professeur Táo Ruoqiè (陶若怯),
qui dispose
d’un anneau sensible qui, une fois qu’il l’a au doigt, lui
permet de percevoir les douleurs de ses patients et ainsi de
mieux les soigner. A la fin, lui-même souffre d’un cancer,
et il lui faut se trouver un successeur à qui léguer la
bague hypersensible. Il s’agit en fait d’un fantasme de
l’auteure : pouvoir ressentir ce que ressentent ses malades.
Coronavirus
Entre-temps, en 2003, Bi Shumin a vécu l’épidémie de
SRAS et s’est inspirée de cette expérience pour
écrire son roman
« Coronavirus »
(《花冠病毒》)
qui ne sera cependant publié que près de dix ans
plus tard, en 2012. Et près de dix ans plus tard
encore, l’épidémie de « nouveau coronavirus » partie
du centre de Wuhan en décembre 2019 semble une
redite de l’histoire, avec quelques variantes,
justifiant ce qu’elle disait à la sortie de son
roman :
« Je crois que le virus est un être très, très
ancien. L’'humanité, elle, est faite d’êtres
supérieurs. Cependant, l'humanité et le virus sont
en lutte, obligés de se livrer à un duel incessant.
C'est ainsi que les êtres supérieurs tombent sous la
menace d’êtres inférieurs. Alors, sur notre planète,
que faut-il faire pour qu'on puisse être en
harmonie, en paix avec tous les êtres, pour faire de
notre planète un |
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Coronavirus |
système encore plus harmonieux ? C'est la question que je me pose, et c'est la raison
pour laquelle j'ai écrit ce livre. »
Un regard, aussi, sur les femmes
Outre son regard de médecin et de psychologue, Bi Shumin porte
aussi son attention sur le sort des femmes des couches
défavorisées de la société. C’est le sujet de son roman de 2004
« Les ouvrières » (《女工》),
mais c’est aussi le thème de nombre de ses essais, comme « Quand
les femmes vont-elles pouvoir commencer à jouir de la vie ? »
traduit dans l’anthologie « Once
Iron Girls: Essays on Gender by Post-Mao Chinese Literary
Women »
(voir Traductions en anglais ci-dessous). Elle dit :
« J’ai accordé beaucoup d’attention aux ouvrières d’usine avec
lesquelles j’ai été amenée à travailler au quotidien. Je les ai
vues vieillir sous leurs uniformes comme des fleurs qui se
fanent, tandis que leur beauté et leur jeunesse était peu à peu
remplacées par des machines de métal rutilantes… »
Un vêtement coupé dans un nuage blanc |
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Dans son œuvre, depuis la fin des années 1980, les
travailleuses ont en effet été éliminées du fait des
diverses vagues de réforme économique. Ce sujet
n’est plus à la mode, en particulier auprès des
jeunes générations, mais Bi Shumin y reste fidèle.
En s’intéressant encore au rôle des femmes au
travail dans la société et l’économie, elle continue
de poser le problème, de tenter de voir ce qu’on
peut attendre, quels espoirs peuvent avoir les
femmes frappées par la pauvreté et celles qui
tentent de poursuivre des carrières dans une société
qui a tendance à les reléguer aux emplois
subalternes. Elle encourage les jeunes, en
particulier, à se libérer des structures mentales
héritées du passé qui les enferment dans des rôles
préétablis.
L’anthologie complète de ses œuvres comporte douze
volumes. Il n’y a aucune traduction en français. |
Quelques publications
Romans
1997 L’ordonnance rouge
《红处方》
2005 Un sang précieux
《血玲珑》
2007 Une femme psychologue
《女心理师》
2012
Coronavirus
《花冠病毒》
Nouvelles
1987 Un centimètre《一 厘米》
(nouvelle courte)
1994
Rendez-vous avec la mort 《预约死亡》
1995 Renaissances sans fin
《生生不已》
2003 Un pantin pourpre《紫色人形》
(recueil de nouvelles,
dont « Mort à Kunlun »《昆仑殇》et
« Rendez-vous
de femmes »《女人之约》)
Essais et récits
2004 Paradis bleu
《蓝色天堂》
2009 Codes mentaux
《心灵密码》
2010 Les sept couleurs du bonheur
《幸福的七种颜色》
2011 Emmenons notre âme en voyage
《带上灵魂去旅行》
2015 Un vêtement coupé dans un nuage blanc
《白云剪裁的衣服》
2016 15 000 kilomètres en Afrique (journal de voyage)
《非洲三万里》
Quelques textes originaux :
http://www.millionbook.com/xd/b/bishuming/index.html
Traductions en anglais
- “An Appointment with Death” Tr. Qin Yaqing and Jin Li. Chinese
Literature (Spring 1997): 5-45.
- “Broken Transformers.” Chinese
Literature (Summer 1992): 88-98.
- “The Hitchhiker.” Chinese
Literature (Spring 1997): 47-58.
- “One Centimetre” In Carolyn Choa and David Su Li-qun, eds., The
Vintage Book of Contemporary Chinese Fiction.
NY: Vintage Books, 2001, 278-94.
Quatre essais initialement parus dans un recueil en 1996, sauf
le premier, publié dans la revue littéraire Xin Chao, ou
Nouvelle vague (新潮) en
1995 :
- “A Writer’s
Fate.” In Hui Wu, ed., Once
Iron Girls: Essays on Gender by Post-Mao Chinese Literary Women.
Lanham, MD: Lexington Books, 2010,
pp 17-22.
- “Androgyny” id. pp 23-26.
- “When Can Women Start Enjoying Life?” id pp 27-29.
- “Seeking Amazon Women” id pp 31-34.
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