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« I love dollars et autres histoires de
la Chine profonde » : recueil de six nouvelles chinoises publié
chez Albin Michel
par Brigitte Duzan, 22 janvier 2010
« I love dollars et autres
histoires de la Chine profonde » est une traduction en
français de nouvelles de
Zhu Wen
(朱文),
parues en 1995 sous le titre《我爱美元》wǒ
ài měiyuán, j’aime les dollars.
C’était son premier recueil de nouvelles. Il était surtout connu comme poète
jusque là.
« Ces nouvelles brossent le portrait
halluciné de la Chine d'aujourd'hui où tout s'achète et
se consomme » nous dit la présentation de l’éditeur. En
fait, il ne s’agit pas de la Chine
d’aujourd’hui : ces
nouvelles datent déjà de quinze ans. Elles décrivent en
fait la Chine des années 1990, une période de transition
pendant laquelle les changements initiés par les
réformes de Deng Xiaoping, dix ans plus tôt, se sont
accélérés. Elles présentent les thèmes classiques que
l’on retrouve dans les |
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œuvres qui décrivent la même période, y compris au
cinéma (je pense en particulier aux films de Jia Zhangke) :
- les personnages sont généralement sans but et sans racines,
dans un univers où tout change autour d’eux ; dans plusieurs des
nouvelles, ils sont engagés dans un voyage qui ne mène nulle
part, ou qui est des plus incertains ;
- les liens des personnages, familiaux, amicaux ou amoureux,
sont très lâches, ce qui accentue leur sentiment de flotter dans
un monde qui n’est pas le leur ;
- l’argent est effectivement une obsession permanente,
essentiellement parce que les personnages en manquent ; si la
Chine est en train de se convertir au capitalisme, eux sont en
marge, et le capitalisme, de toute façon, est encore loin : la
seule nouvelle qui se passe dans une usine (‘Ah, Xiaoxie’
autobiographique), concerne en fait un complexe d’Etat obsolète,
avec de gigantesques problèmes de coûts ;
- il ne se passe pas grand-chose, dans toutes ces nouvelles, les
personnages font du sur-place, comme si le monde, justement, ne
bougeait pas.
Ceci n’enlève rien à la qualité de ces nouvelles, mais il faut
les replacer dans le contexte de l’époque et de l’œuvre de leur
auteur. Zhu Wen est certainement un écrivain qui aura marqué la
littérature chinoise dans les années 1990, mais il n’est pas «
le chef de file de la nouvelle littérature chinoise », comme le
voudrait l’éditeur avec quelque emphase. En fait, il a cessé
d’écrire depuis dix ans, et s’est maintenant tourné vers le
cinéma, avec succès d’ailleurs. Le seul recueil de nouvelles de
lui publié récemment, en 2007, ne rassemble que des nouvelles
anciennes.
On peut donc se demander pourquoi choisir les nouvelles de son
plus ancien recueil pour les traduire aujourd’hui en français,
surtout qu’une superbe traduction en anglais, par l’excellente
traductrice britannique Julia Lovell, en a déjà été publiée en
2007. Il y a trois autres recueils, et un roman, qui n’ont pas
été traduits.
Nous remercierons cependant Albin Michel de nous donner
l’occasion d’un coup de projecteur sur un écrivain présenté
comme « insolent », mais qui a surtout un humour décapant (voir
sa présentation et la nouvelle publiées sur ce site).
Lien vers la bio de l'auteur
Zhu Wen 朱文
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