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Vient de sortir : « Les
aveugles » de Bi Feiyu
par Brigitte Duzan,
03
septembre 2011
Il s’agit de la
traduction, par Emmanuelle Péchenart, du dernier roman
de
Bi Feiyu (毕飞宇),
intitulé en chinois
《推拿》
tuīná,
c’est-à-dire massage – le titre se référant à une
spécificité de la médecine traditionnelle chinoise,
pratiquée par des aveugles, visant à traiter la douleur
par le massage.
Selon
l’éditeur, Philippe Picquier, « Bi Feiyu a fait un pari
audacieux qui donne un livre époustouflant. Il a voulu
transmettre aux voyants que nous sommes une manière de
voir le monde que nous n'imaginons même pas, celle des
non-voyants. »
L’accent n’est donc pas mis sur le massage lui-même,
mais sur ceux qui le pratiquent. D’où la logique de la
traduction du titre en français.
Dans son numéro
du 1er septembre, Le Monde des Livres a
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Bi Feiyu |
salué la publication
du roman par un long et très bel article de Nils C. Ahl qui
commence par la fin :
« Quelques pages
avant de conclure, le narrateur des Aveugles a cette remarque
sibylline : "On dit toujours que les non-voyants ont une
existence monotone, or tout dépend de ce qu’on met derrière ce
mot". Monotone : l’adjectif dit précisément l’étrangeté de ce
texte. Car, monotone, la vie de ce groupe de masseurs aveugles …
au cœur de ce roman l’est indéniablement. … Et pourtant, reclus
en eux-mêmes, ces aveugles-là connaissent des existences
mouvementées… dans le silence de leurs pensées… »
Les Aveugles |
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Bi Feiyu pose
subtilement le problème de ces aveugles :
c’est qu’ils
vivent au milieu de nous, mais que leur monde
n’est pas le
nôtre. La ‘vision’ de chacun est différente, avec son
lot de dissimulations réciproques, mais dans un rapport
inégal, car les uns ne peuvent savoir comment ils sont
vus par les autres, et la beauté, en particulier,
devient un mystère angoissant...
Mais j’en
reviens à Nils C. Ahl car il offre dans son article une
lecture qui dépasse le récit de Bi Feiyu et lui donne
une profondeur inattendue. Il fait de ce livre une
métaphore du livre en général : une affaire de cécité,
un dialogue entre auteur et lecteur, chacun d’un côté du
texte, avec la littérature comme langue commune, mais ne
se rencontrant
qu’à tâtons,
« en se devinant ». Et dans une multiplicité
d’affects et
d’interprétations, comme dans un jeu de miroir, à
l’infini... |
Les Aveugles, de Bi Feiyu
Traduit par Emmanuelle
Péchenart
Ed. Philippe Picquier,
septembre 2011.
Extrait du livre :
www.editions-picquier.fr/medias/cat_1314347928_1.pdf
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