Au loin, les
montagnes, Nie Chongrui témoigne cinquante ans plus tard, en
dessins
par
Brigitte Duzan, 19 avril 2019
Nie Chongrui (聂崇瑞)
était à la librairie Le Phénix le 19 avril 2019 pour
présenter son roman graphique sorti le mois précédent
aux
éditions Steinkis : « Au loin, une montagne ».
L’histoire d’un jeune dessinateur envoyé dans le Shanxi
en 1966
Il a expliqué qu’il voulait écrire - et dessiner - cette
histoire depuis cinquante ans. Cette histoire, c’est la
sienne : il était un jeune doué en dessin, mais, quand
il a terminé
Au loin, une montagne
le lycée, en 1962, aucune école des Beaux-Arts en Chine
n’acceptait plus d’élève. Fort heureusement, pour combler le
vide, une école privée s’est ouverte à Pékin, et il a pu y
suivre des cours. L’école se trouvait près du temple de
Confucius (Kong miao
孔庙),
et il se souvient qu’il pouvait voir le temple de l’école.
Nie Chongrui au Phénix
Nie Chongrui dessinant une dédicace
Sa formation a été de courte durée car l’école a dû fermer une
an et demi plus tard. Mais il avait acquis les bases qui lui
serviront par la suite.
Par ailleurs son père meurt en 1964, et il est alors obligé de
travailler en usine. En 1966, au début de la Révolution
culturelle, il tente l’école des Arts décoratifs, seule école
qui offre alors des cours de dessin. Mais il n’est pas admis. En
1968, il est envoyé dans une usine d’armement dans le
Shanxi, dans les monts Guancen.
Nie Chongrui - une dédicace
C’est bien sûr très dur, mais il est fasciné par la beauté de
cette région montagneuse, et c’est plus une bénédiction qu’une
épreuve, dit-il a posteriori.
Une histoire racontée… en dessins
Nie Chongrui - une dédicace Zhang Juquan
Il est revenu depuis lors trois fois sur les lieux, la
dernière fois à la fin des années 1990 avec sa femme,
dans le cadre d’un voyage touristique. Il a retrouvé les
émotions du passé au contact de la nature, et a pris une
masse de photos qui lui ont permis de raviver ses
souvenirs et de se mettre au travail.
Il a lui-même écrit l’histoire, en chinois, personne ne
pouvait le faire pour lui, dit-il. Le texte a ensuite
été traduit en français par un ami chinois qui parle
très bien français, puis la traduction a été lissée par
sa femme. Il raconte
la Révolution culturelle telle qu’il l’a vécue dans ces
montagnes, avec l’industrialisation forcée et l’exploitation
sauvage de la campagne.
Mais tout est en fait parti des dessins. Et cette
fois-ci, contrairement aux dessins des albums du juge
Bao, qui sont faits à l’ordinateur, « Au loin, une
montagne » est un roman graphique dessiné entièrement à
la main, sur des feuilles de format A3, le dessin final
étant réalisé après de nombreuses études.
Les éditions Fei (éditeur de la série des juge Bao)
n’ayant pas trouvé que le livre correspondait à leur
ligne éditoriale, ce sont les éditions Steinkis qui
l’ont édité,
Nie Chongrui - dédicaces
et il est effectivement tout à fait en ligne avec la leur, axée
sur le thème de la relation à l’Autre. La maison a laissé son
entière liberté à l’auteur sans chercher à contrôler ou censurer
le texte ou les dessins. En revanche, il est exclu que le roman
puisse être publié en Chine.
Le dieu du Tonnerre, Lei Shen 雷神
(dédicace personnelle)
Mais, outre les dessins, c’est aussi une histoire du
Shanxi rural de la fin des années 1960, avec ses
traditions, ses croyances populaires, ses anciens
temples, malheureusement détruits par des bandes de
Gardes rouges : le temple du Tonnerre et le temple
suspendu. Ce sont sans doute les meilleures pages,
pleines de nostalgie, avec celles, chargées d’émotion
évoquant son ami Zhang Juquan.
Des dédicaces superbes
Nie Chongrui - un renard du Temple des
renards
Nie Chrongrui a conclu la rencontre au Phénix par une
séance de dédicace pendant laquelle il a ajouté sans
lésiner toute une galerie de portraits incroyablement
vivants aux livres des lecteurs présents.
Nie Chongrui en train de dessiner (Vidéo
Corinne Lecrosnier)