« IT84 » : 
						Zhang Xinxin et la science-fiction comme autobiographie
						
						
						par Brigitte Duzan, 
						16 novembre 2018
						
						
						« IT84 » 
						by Zhang Xinxin : science-fiction as autobiography
						
						
						English translation by Helen Wang
						
						 
					
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						Zhang Xinxin (张辛欣) 
						est de retour aux vitrines des libraires, trente ans 
						après la publication de sa dernière œuvre de fiction, la 
						nouvelle « Le partage des rôles » (《这次你演哪一半》) 
						publiée au début de l’automne 1988. Elle revient 
						cependant là où on ne l’attendait pas : avec un roman de 
						science-fiction, intitulé « IT84 », paru en octobre 2018 
						aux éditions Littérature et arts Phénix du Jiangsu 
						(江苏凤凰文艺出版社). 
						
						  
						
						Roman de 
						science-fiction, certes, mais très personnel comme on 
						peut l’imaginer : on peut y voir une autre forme 
						d’autobiographie après son magistral « Wo/Me » (《我》) 
						en deux volumes publiés en décembre 2010/janvier 2011. 
						Ce n’est donc pas trente ans après, comme l’annonce 
						l’éditeur dans sa quatrième de couverture, mais plutôt 
						dix ans plus tard. Et c’est ce qu’elle-même décrit comme 
						période de gestation. 
						
						  
						
						Un monde 
						où l’intelligence artificielle a remplacé l’homme 
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						IT84  | 
					
				
						
						Dans « IT84 », 
						le monde est gouverné par deux puissances 
						intergalactiques dont la caractéristique est d’être des 
						intelligences artificielles : l’une, Star 05 (星05), 
						a une puce électronique implantée à la base du cerveau ; 
						l’autre, 50 Star (50星), 
						a des puces implantées dans tout le corps. Ces deux 
						puissances gouvernent une humanité elle-même truffée de 
						puces, qui permettent d’accroître la longévité en 
						éradiquant les cancers, la démence, la myopie, etc… Tout 
						le travail est exécuté par des robots, les hommes n’ont 
						rien à faire, mais les puces électroniques ne peuvent 
						lutter contre leurs problèmes psychologiques, leurs 
						déprimes et leurs angoisses.
						
						 
						
						Un personnage 
						nommé « Grand frère » (“老大哥”) 
						pense pouvoir résoudre ces problèmes par le biais d’une 
						licorne merveilleuse proposant des migrations 
						interstellaires. Le nombre des hommes diminuant, les 
						deux puissances font appel à un robot humanoïde nommé « Voudraitpleurer » 
						(“想哭”) 
						pour supprimer ledit « Grand frère ». 
						
						 
				
					
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						Zhang Xinxin, trente ans plus tard…  | 
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						Mais « Voudraitpleurer » 
						est en fait un virus informatique initialement créé par 
						« Grand frère », qui a acquis bien des fonctionnalités 
						humaines au cours de ses nombreuses réincarnations et 
						mutations, et en particulier la pensée. Restée 
						éternellement dans un corps de seize ans, « Voudraitpleurer » 
						est aussi devenue capable de sentiment, son cœur étant 
						localisé dans son corps tout entier. Liquider son 
						créateur n’est donc pas pour elle une mission anodine….  | 
					
				
						
						 
						
						« Voudraitpleurer » 
						est la plus belle création de Zhang Xinxin : un être 
						entre femme et machine, qui est autant Zhang Xixin que 
						madame Bovary était Flaubert. C’est ce qu’elle explique 
						dans la postface du roman, publiée sur internet. 
						Elle a passé dix ans à y penser, à l’écrire, le réviser 
						et le réécrire… 
						
						 
						
						La 
						science-fiction comme autobiographie
						
						 
						
						« IT84 » est 
						né de l’expérience acquise par Zhang Xinxin au long de 
						ses années de travail sur le web, lorsqu’elle assurait 
						la supervision artistique et littéraire du site de la 
						librairie en ligne bookuu.com. Internet lui avait 
						apporté un espace de liberté où pouvoir développer son 
						imagination. 
						
						 
						
						« IT84 » est 
						un fantasme né de cette même imagination, mais surtout 
						des circonstances douloureuses engendrées par un 
						accident terrible qui a nécessité une intervention 
						chirurgicale sur la colonne vertébrale. On lui a 
						remplacé les vertèbres lombaires par une baguette de 
						titane. Elle a ainsi créé « Voudraitpleurer » à 
						son image
						, 
						tellement dévastée par la douleur qu’elle n’en arrivait 
						même pas à pleurer… 
						
						 
						
						En même temps, 
						grâce à ce personnage mi-robot mi-humain, capable de 
						souffrir par empathie avec le sort de son créateur, son 
						« IT84 » n’est pas une dystopie sombre à la manière de 
						« 1984 » ou de « Brave new World » qui en sont les 
						références évidentes. Il y a dans ce récit aux marges de 
						la science-fiction encore un peu de la chaleur d’un 
						monde d’où les sentiments n’ont pas disparu. Mais ce 
						monde est toujours limité par l’impossibilité tragique 
						de réaliser ses rêves : le « Grand frère » rêve de 
						l’immortalité de sa créature, qu’il ne peut atteindre, 
						et sa créature bionique sombre dans le désespoir d’avoir 
						été abandonnée par son créateur…
						
						 
						
						La grande 
						nouveauté apportée par Zhang Xinxin au genre de la 
						science-fiction est ce personnage de « Voudraitpleurer » : 
						un personnage qui n’est autre qu’elle-même, qui a écrit 
						son roman en dialogue avec son mari, aujourd’hui 
						disparu, auquel elle l’a dédié. Tout « IT84 » peut se 
						lire comme une mise en abyme de la vie de la romancière 
						au cours des dix années d’écriture. 
						
						 
						
						Une 
						œuvre de longue haleine
						
						 
						
						La première 
						version d’« IT84 » a d’abord été publiée en décembre 
						2015 dans la revue mensuelle Littérature de Shanghai 
						(上海文学月刊), 
						sous forme de nouvelle « moyenne » (ou novella) 
						intitulée « Un conte IT » (《IT童话》).
						
						
						 
						
						Elle l’a 
						ensuite réécrite et développée pour en faire un roman, 
						présentant le manuscrit à la revue Shouhuo (收获) 
						où elle avait publié ses premiers textes, et le révisant 
						à plusieurs reprises jusqu’à sa publication en 2018.
						
						
						 
						
						A un moment où 
						la science-fiction chinoise est en plein essor, « IT84 » 
						arrive à point nommé pour apporter une vision 
						personnelle des plus originales qui renouvelle le genre.
						
						 
						
					 
					
					
					
					Traduction en anglais par Helen Wang
					
					
					 
					
					
					Thirty years after the publication of her last work of 
					fiction (Role-swap, 
					1988), Zhang Xinxin is back ... with a science 
					fiction novel! IT84 was published in October 2018, by 
					Jiangsu Phoenix Literature and Arts.
					
					
					 
					
					
					It’s science fiction, but it’s also very personal, as we 
					might expect, and draws on her own experiences, in a very 
					different way from her masterly autobiographical Wo/Me (2 
					vols, Dec 2010/Jan 2011). Not exactly the thirty year gap 
					the publisher claimed on the cover of the book, more like 
					ten years, which the author refers to as the novel's period 
					of gestation.
					
					
					 
					
					
					
					A world where artificial intelligence has replaced mankind
					
					
					 
					
					
					IT84, the world is ruled by two intergalactic powers 
					defined by different types of artificial intelligence. One 
					(Star 05) has a single microchip implant at the base of the 
					brain. The other (50 Star) has chips implanted throughout 
					the body. The two powers rule the human world that is packed 
					with chips that extend life by eradicating cancer, dementia, 
					myopia, etc… Robots do all the work, humans have nothing to 
					do. But the microchips cannot help their psychological 
					problems, their depression and anxiety.
					
					
					 
					
					
					Big Brother thinks he can solve these problems with a 
					miraculous unicorn and the promise of migration to another 
					planet. As the population shrinks, the two powers call on 
					the humanoid robot Wannacry to overcome Big Brother.
					
					
					 
					
					
					Wannacry is a digital virus, initially created by Big 
					Brother, that has acquired human functionality through her 
					numerous reincarnations and mutations, in particular in 
					its/her thinking.  Housed eternally in a sixteen-year-old’s 
					body, her heart is not in a fixed location, but runs through 
					every part her body. Annihilating her creator will be 
					painful …
					
					
					 
					
					
					Wannacry, a unique creation by Zhang Xinxin, is somewhere 
					between woman and machine, as much Zhang Xinxin herself as 
					Madame Bovary was Flaubert. In her postscript to the novel, 
					published online, she writes that she spent ten years 
					thinking, writing, and rewriting...
					
					
					 
					
					
					
					Science fiction as autobiography
					
					
					
					 
					
					
					IT84 was born from Zhang Xinxin’s own experience of working 
					on the web, when she was artistic and literary director of 
					the online bookshop bookuu.com. The Internet provided a 
					place of freedom where she could develop her imagination.
					
					
					 
					
					
					IT84 is a fantasy born of that imagination, but above all of 
					the pain she suffered following a terrible accident which 
					required surgical intervention on her spinal column - her 
					lumbar vertebrae were replaced with titanium rods. She 
					created Wannacry in her own image, in such devastating pain 
					that she cannot cry…
					
					
					 
					
					
					At the same time, thanks to this half-robot half-human 
					character, who is able to empathise with the fate of her 
					creator, IT84 is not the dark dystopia of 1984 or Brave New 
					World (the references are obvious).  At 
					the margins of the science fiction world there is a little 
					warmth from a world that still has feelings. But it’s a 
					world limited by the tragic impossibility of realising one’s 
					dreams. Big Brother’s dream that his creation will be 
					immortal cannot be achieved, and his creation sinks into 
					despair at abandonment by her creator…
					
					
					 
					
					
					In Wannacry, Zhang Xinxin has brought something new to the 
					science fiction genre. Wannacry is herself. She wrote the 
					novel, discussing it all the way with her late husband, to 
					whom it is dedicated. IT84 is a mise en abyme of the 
					novelist’s life during the decade she spent writing it.
					
					
					 
					
					
					
					A long time in the making
					
					
					 
					
					
					The first version of IT84 was published in December 2015 in 
					the monthly journal Shanghai Literature, as a novella.
					
					
					 
					
					
					She then rewrote it and developed it as a novel, and 
					submitted the manuscript the journal Shouhuo, which had 
					published her previous works, and revised it many times 
					before publication.
					
					
					 
					
					
					Just as Chinese science fiction is flourishing, IT84 arrives 
					with perfect timing, bringing a very original and personal 
					vision to the genre.
						
						 
						
							
							
							
 
							
							
								
							
							
								
								
								
								
								Il se 
								trouve en outre que, alors qu’elle écrivait, 
								elle ne se doutait pas qu’en 2017 un véritable 
								virus informatique nommé « WannaCry » allait 
								attaquer les ordinateurs du monde entier…. Par 
								ailleurs, son personnage est inspiré par 
								AlphaGo, un programme informatique développé par 
								l’entreprise britannique DeepMind rachetée par 
								Google en 2014, premier programme à battre un 
								joueur de go professionnel (le joueur français 
								champion européen Fan Hui), en octobre 2015 et 
								finissant, le 27 mai 2017, par battre le 
								champion du monde Ke Jie (柯洁). 
								La version AlphaGo Zero (octobre/décembre 2017) 
								était améliorée uniquement par 
								autoapprentissage.