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Traduction en
anglais de cinq récits de guerre de Xue Yiwei
par Brigitte Duzan, 27 avril 2016, actualisé 31 mai 2016
C’est fin décembre 2015, dans le volume 5 de la revue
littéraire Chinese Literature and Culture
,
qu’ont été publiés cinq récits de
Xue
Yiwei (薛忆沩)
traduits en anglais sous le titre « Xue Yiwei and his
War Stories ». L’ouvrage a été édité sous la direction
de Chu Dongwei qui a aussi traduit trois des cinq
textes.
Les cinq récits ont été choisis pour leur thème commun,
le destin de l’homme et ses rapports avec l’histoire, ce
que Xue Yiwei appelle
« l’histoire à l’extérieur de l’histoire » (“历史外面的历史”) ;
c’est l’un de ses sujets privilégiés, la guerre étant un
moyen parmi d’autres de l’aborder.La question est dès
lors : que représente la guerre pour un individu ?
1. Gods’s Chosen Photographer 《上帝选中的摄影师》, tr. Chu Dongwei
2. The True Story of a Family
《一段被虚构掩盖的家史》,
tr. Chu Dongwei
3. Winning the First Battle
《首战告捷》,
tr. Chu Dongwei
4. A Turning Point in History
《历史中的一个转折点》,
tr. Alison Sen Li
5. The Veteran《老兵》,
tr. Alison Sen Li
Une légende et un idéaliste
Les textes sont précédés d’une introduction, par Chu
Dongwei : « Xue Yiwei : the Road Not Trodden ». Chu
Dongwei y revient sur le succès inouï qu’a connu
l’écrivain depuis 2012.
Il est aujourd’hui devenu une légende. Quand son premier
roman « Désertion » (《遗弃》) a été publié, au printemps
1989, il a eu une quinzaine de lecteurs ; il n’a été
découvert que huit ans plus tard, et il est alors devenu
aussitôt célèbre. Ce romanest aujourd’hui considéré
comme l’un des grands classiques des années 1980, ce qui
n’empêche pas
Xue Yiwei
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Chinese Literature and Culture Volume 5:
Xue Yiwei and His War Stories
Winning the First Battle,
édition
chinoise 2013 |
à avoir
beaucoup de difficultés à publier ses œuvres ; deux
de ses romans, dont « Les
enfants du Dr. Bethune » n’ont toujours pas été publiés en Chine
continentale.
Autre trait légendaire : la réécriture de ses œuvres, qui
participe de sa vision dynamique de l’écriture. De 2010 à 2015,
il a réécrit tout ce qu’il avait publié avant 2010. Il a en
outre une immense culture littéraire et a publié de nombreux
ouvrages sur des auteurs étrangers et leur œuvre: il a introduit
Umberto Eco en Chine, sa lecture des « Cités invisibles »
d’Italo Calvino est considérée comme un chef-d’œuvre, de même
queson essai de 10 000 caractères sur Gabriel García Márquez,
« Elégie à la Solitude » (《献给孤独的挽歌》).
Pour lui, le plus important pour un écrivain est de préserver
son indépendance, il n’est donc membre d’aucune organisation
officielle et ne fait aucun compromis sur ses critères
littéraires ou esthétiques. C’est un idéaliste, d’abord
intéressé par l’exploration de la langue et le perfectionnement
du style.
C’est l’idéalisme qui est la caractéristique essentielle de son
œuvre et ses histoires de guerre en sont un excellent exemple.
Sur fond d’histoire douloureuse de la Chine, il y dépeint les
absurdités des révolutions et les malheurs des hommes. Depuis
deux ans, ces nouvelles figurent en tête des meilleurs
bestsellers de fiction courte.
Cinq destins marqués par la guerre
La chambre ambulante, réédition 2013 |
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Les textes traduits ici en anglais sont tirés du recueil
publié en 2006 aux éditions cantonaises Huacheng (花城出版社) :
« La chambre ambulante » (《流动的房间》),
les trois centraux étant repris dans le recueil publié
aux mêmes éditions Huacheng en août 2009 « Dernière
étape sur la voie du paradis » (《通往天堂的最后那一段路程》).
Les cinq récits décrivent les efforts de chacun des
héros de ces histoires pour tenter de trouver un sens à
la vie au milieu de la guerre, mais aucun n’y parvient.
Le résultat atteint n’est pas celui qu’ils attendaient.
La première histoire est caractéristique : c’est celle
d’un photographe, formé par un missionnaire étranger,
devenu reporter de guerre, dans l’armée nationaliste.
C’est chez lui une mission, et un idéal : rendre compte,
tout en cherchant un sens profond aux images qu’il
saisit. Mais il se rend compte qu’elles sont trompeuses
et son but s’éloigne au fur |
et à mesure qu’il progresse et réfléchit. C’est à la fois
absurde et ironique.
Le vieux soldat, pour sa part, n’arrive à revivre, dans ses
souvenirs, que son rôle personnel dans la guerre. Le trauma subi
a détruit chez lui la perception normale du temps, et
l’équilibre entre passé, présent et futur. L’expérience vécue
est telle qu’elle bloque toute autre chose ; il est enfermé dans
son passé comme derrière des murailles.
Quant au « vainqueur de la première bataille », c’est le fils
d’un riche propriétaire qui est élevé pour lui succéder. Mais il
se rebelle et va rejoindre les rangs de l’Armée de libération.
Il participe à la lutte pour la révolution, mais, une fois
celle-ci achevée, en quête de sens à sa vie, il revient vers son
père pour se réconcilier avec lui. Le père représente tout ce
que la révolution a voulu abolir, mais, en même temps, le fils
se rend compte que toutes ses actions avaient pour but de lui
assurer une vie tranquille. Le fils a remporté son premier
combat, contre son père, il lui reste à trouver un sens à cette
victoire.
Ce sont des récits qui suscitent la réflexion. Ils sont
accompagnés d’analyses et de commentaires pour aider à en
apprécier la valeur littéraire :
Myth, Truth and Power, by Liu Xiao
The Pain of the Past, by Fraser Sutherland
The Fight for Meaning, by Craig Hulst
Haunting Images and the Palimpsest, by Caroline A. Brown
A Step Further, by Stephen Nashef,
My Uncle’s War Stories, by Amy Hawkins.
Xue
Yiwei est encore très peu traduit, mais il mériterait
pourtant plus d’attention car il est aujourd’hui l’un des
écrivains chinois les plus importants, au niveau stylistique en
particulier. Ses textes sont d’ailleurs maintenant étudiés dans
les programmes universitaires. C’est un maître de la nouvelle,
et de la nouvelle moyenne en particulier, comme les nouvelles de
ce recueil de traductions.
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