Publication de la traduction en français
du scénario de « La cité des douleurs » de Hou Hsiao-hsien
par
Brigitte Duzan, 26 mai 2015
Sorti en 1989, Lion d'or à la Biennale de Venise cette
année-là,« La Cité des douleurs » (《悲情城市》)
est l’un des sommets de la filmographie de
Hou Hsiao-hsien (侯孝贤)
[1].
C’est à la
faveur de la levée de la loi martiale à Taiwan que le
réalisateur a pu aborder un sujet jusqu’alors tabou : la
répression sanglante menée par le Guomingdang pour
assurer son pouvoir dans l’île ; en 1947, en effet,
après une période de tensions et une manifestation
contre le gouvernement, « l’incident 228 » ou « massacre
du 28 février » (二二八大屠杀) a
marqué le début de la
« terreur
blanche » (白色恐怖
báisèkǒngbù)
pendant laquelle des dizaines de milliers de Taiwanais
furent torturés, exécutés ou emprisonnés.
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La Cité des douleurs |
Le
film raconte l’histoire d’une famille décimée pendant cette
période, du grand-père au dernier des petits-enfants. Pour la
première fois, Hou Hsiao-hsien donne un rôle à un acteur très
connu : Tony Leung Chiu-wai. Son incapacité à parler le mandarin
imposa un rôle muet, exemple type de l’adaptation des scénarios,
sous l’influence des circonstances, par le réalisateur et sa
scénariste, qui vient ici renforcer le caractère dramatique du
personnage.
Le
film eut un impact inespéré sur la scène politique, suscitant un
débat public et, in fine, un mea culpa du Guomingdang…. C’est
donc une œuvre clé tant dans l’histoire du cinéma que dans
l’histoire tout court.
Or, le réalisateur a dû pratiquer des coupes dans le scénario
original. C’est donc une excellente idée de le traduire dans sa
totalité. C’est à la fois un exemple du travail scénaristique
effectué par le réalisateur et ses coscénaristes,
Chu Tien-wen (朱天文)
et Wu Nien-jen (吴念真),
et un travail historique, résultat de recherches approfondies.
La traduction est accompagnée d’une préface de Wafa Ghermani,
spécialiste du cinéma taïwanais qui vient de terminer une thèse
sur le sujet. Elle y explique la genèse du film, l’apport des
coscénaristes, leur influence sur le style même du réalisateur
et, plus généralement, l’importance de l’œuvre :
Quand Chu Tien-wen, Hou Hsiao-hsien et Wu Nien-jen se lancent
dans l’écriture de la Cité des douleurs, ils forment une équipe
dont les films rencontrent à la fois un succès critique et un
succès commercial. Leur évocation d’un passé récent ainsi que la
revendication d’une certaine taïwanité dans leurs films
tranchent avec les productions standard. Cependant, le recours à
leurs souvenirs leur a permis jusque-là d’éviter de se
confronter à la politique et la nostalgie a évacué toute réalité
historique. Leur décision de retourner à un passé plus lointain,
à une histoire qu’ils n’ont pas connue, traduit cette urgence
d’alors de se ressaisir de l’histoire du pays, d’échapper à des
décennies d’enseignement de l’histoire chinoise et de films de
propagande sur la grandeur de la République de Chine.
La romancière et scénariste
Chu Tien-wen (朱天文)
sera à Paris les 28 et 29 mai pour présenter l’ouvrage et son
travail scénaristique. Elle animera une série de séminaires, et
rencontrera le public à la librairie Potemkine le jeudi 28
mai à 18 heures.
La publication de cette traduction inaugure la nouvelle
collection littéraire « Taiwan Fiction » de l’Asiathèque,
dirigée par Gwennaël Gaffric.
La Cité des douleurs
Scénario du film de Hou Hsiao-hsien par
Chu Tien-wen et Wu Nien-jen
Traduit du taïwanais et du mandarin par Gwennaël Gaffric
Préface de Wafa Ghermani
(livre illustré par 22 photographies de Chen Shao-wei,
photographe de plateau de Hou Hsiao-hsien sur la Cité des
douleurs)
L’Asiathèque, collection « Taiwan Fiction »
Parution : 3 juin 2015
Librairie Potemkine
30 rue Beaurepaire
75 010 Paris
[1]
Sur Hou Hsiao-hsien,
voir :
www.chinesemovies.com.fr/cineastes_Hou_hsiao_hsien.htm
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