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Wu Hongda
吴弘达/
Harry Wu
1937-2016
Présentation
par Brigitte Duzan, 5 septembre
2022
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Harry Wu en 2011 (Nina Lincoff/Medill News Service)
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Pour avoir été étiqueté
« droitier contre-révolutionnaire », Wu Hongda a passé dix-neuf
ans, de 1960 à 1979, en camp de réforme par le travail ou
laogai (劳改).
Ayant réussi à émigrer aux Etats-Unis, afin de témoigner pour la
postérité, il y a publié ses mémoires sous le nom de Harry Wu et
a fondé une Fondation de recherche sur ces camps, ainsi qu’un
musée à Washington. L’histoire du
laogai sur le site de la Fondation est un outil
utile pour mieux comprendre les œuvres d’écrivains comme
Zhang Xianliang (张贤亮)
ou
Yang Xianhui (杨显惠),
eux-mêmes anciens détenus dans ces camps, et son autobiographie
« Vents amers » en offre un
contrepoint littéraire.
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Laogai, the Chinese Gulag |
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Jeunesse dorée
Il raconte lui-même, au début
de « Vents amers », qu’il est né à Shanghai dans une famille
aisée de huit enfants qui vivait dans la Concession française ;
banquier et catholique, son père a confié l’enfant aux Jésuites.
Après une éducation mêlant anglais au collège et culture
chinoise à la maison, le jeune Wu Hongda part à Pékin en 1955
faire des études de géologie – pour répondre à l’appel de Mao et
œuvrer pour le développement du pays. En 1949, son père avait
refusé de fuir, sans envisager qu’il puisse être dépouillé de
ses biens et se retrouver peu à peu parmi les ennemis du peuple.
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Vents amers, couverture Fabienne Verdier |
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Lors de la campagne des Cent
Fleurs (百花运动),
lancée en février 1957, Wu Hongda reste au début très prudent,
puis, incité à participer au mouvement de critique demandé par
Mao, il se lance, lors d’une réunion d’étudiants, dans une
dénonciation de la répression par l’Union soviétique de
l’insurrection de Budapest, en novembre 1956, révolte qui avait
commencé par une manifestation étudiante et s’était étendue à
toute la Hongrie – en janvier 1957, l’URSS avait installé un
nouveau gouvernement et supprimé toute opposition politique. Wu
Hongda est ainsi catalogué « contre-révolutionnaire de droite »
et mis sous surveillance.
Finalement, alors qu’il est en
dernière année de licence de géologie, le 27 avril 1960, il est
soudain arrêté et envoyé dans un camp de réforme par le travail.
Sa famille et ses amis sont obligés de le dénoncer ; refusant de
le faire, sa mère se suicide. Il se retrouve en camp dans la
ferme de Qinghe (清河农场),
ou camp de laogai n° 1 de Pékin qui avait été ouvert dès
février 1950 pour accueillir les premières victimes des purges
maoïstes.
Camp et famine
Le pire est qu’il s’y trouve au moment de la
Grande Famine consécutive au Grand Bond en avant qui transforme
les camps en mouroirs. Il s’en sort
miraculeusement, mais réduit à la peau et les os. En 1965, ne
voyant pas de signe laissant présager la fin de sa détention, il
écrit une lettre à Mao avec deux autres prisonniers pour
demander quand les droitiers seront libérés. La lettre est
interceptée, il est dénoncé et condamné au cachot – ce qui était
souvent équivalent à une condamnation à mort vu les conditions
de détention
.
En 1969, il devient « prisonnier libre »,
mais cela ne signifie pas la liberté, juste la libération du
camp. Le travailleur dit « libre » ne quittait pas en fait le
système pénitentiaire, il était affecté – transféré - à une
unité de travail, la seule différence étant qu’il n’était plus
astreint à la discipline collective du camp et touchait un
salaire
.
Mais il était toujours isolé de sa famille, coupé de
l’extérieur, et condamné en fait à ne jamais retrouver une
existence normale.
« Prisonnier libre », Wu Hongda
est envoyé travailler dans une mine du Shanxi où il va rester
neuf ans. Il n’est libéré, et réhabilité, qu’en 1979, au bout de
dix-neuf ans et après avoir été transféré douze fois d’un camp à
un autre.
La vie après
Après sa réhabilitation, il
obtient un poste d’enseignant à l’université de géoscience à
Wuhan. Mais, en 1985, il reçoit de l’université de Berkeley une
proposition de poste de chercheur invité pour deux ans. Il part
donc aux États-Unis bien que le poste ne soit pas rémunéré, ce
qui l’oblige à travailler de nuit en faisant divers petits
boulots. Au début, il évite les discussions politiques, mais, en
1986, on lui demande de parler de son expérience en camp devant
une classe d’étudiants à l’université de Californie à Santa
Cruz. L’émotion le submerge.
En 1988, bien qu’il n’ait
qu’une formation de géologue, il est ensuite recruté comme
chercheur par l’Institut Hoover, à l’Université Stanford. Il
commence à travailler sur les camps chinois.
En 1991, il décide de retourner en Chine sur
les lieux où il a été détenu pour y filmer clandestinement ce
qui deviendra un documentaire, diffusé le 15 septembre 1991 sur
le réseau de télévision CBS et couronné aux Emmy Awards. L’année
suivante, avec Jean Pasqualini
,
il fonde à Washington la Laogai Research Foundation,
organisation non gouvernementale partiellement financée,
jusqu’en 2009, par la NED (Fondation nationale pour la
démocratie).
Harry Wu est naturalisé
américain en 1994. Il figure sur un document secret de la
Sécurité publique chinoise indiquant les noms d’une cinquantaine
de personnes auxquelles il est interdit de revenir en Chine. Il
prend pourtant à nouveau le risque d’y revenir, en 1995, mais il
est arrêté à la frontière chinoise, gardé en détention pendant
soixante-six jours et condamné à quinze ans de camp pour
espionnage. Sous la pression du gouvernement américain qui
menaçait de boycotter une conférence de l’Onu qui devait se
tenir à Pékin, le gouvernement chinois finit par expulser
l’impétrant. Il n’a pourtant pas renoncé à revenir en Chine,
mais, en 2002, Hong Kong lui refuse l’entrée sur son territoire.
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Thunderstorm in the
Night, publication en chinois, 2003 |
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En novembre 2008, il inaugure
le musée du Laogai à Washington.
Il est décédé au Honduras le 26
avril 2016 alors qu’il était en vacances chez des amis.
Publications
L’intérêt des écrits de Harry
Wu est qu’ils évitent le sensationnalisme ou l’anecdotique ; ce
sont des références sur une histoire toujours taboue en Chine
qui permettent d’éclairer les rares
œuvres littéraires chinoises dont nous disposons sur le
sujet.
- Laogai, the
Chinese Goulag, foreword by Fang Lizhi, Routledge, 1992/2019.
-
Vents amers, traduit en
français de l’ouvrage écrit en anglais avec Carolyn Wakeman
« Bitter Winds, a Memoir of My Years in China’s Gulag » (John
Wiley & Sons, 1994), trad.
Béatrice Laroche, préface de
Danielle Mitterrand, introduction de Jean Pasqualini, couverture
Fabienne Verdier, éd. Bleu de Chine, 1994.
- Troublemaker :
One Man’s Crusade Against China’s Cruelty, tr. Georges Vecsey,
Time Books 1996
(son récit de son retour
clandestin en Chine en 1995 et de son arrestation et détention)
- Thunderstorm in the Night (《昨夜雨骤疯狂》),
Laogai Research Foundation 2003.
(son autobiographie traduite en
chinois)
Lui-même ancien
détenu lui aussi arrêté en 1957 et condamné à douze ans
de détention, mais libéré après « seulement » sept ans
de détention à la faveur du rétablissement en 1964 des
relations diplomatiques entre la France et la Chine. Lui
aussi a vécu la famine dans le camp. Il est l’auteur
d’un livre de mémoires publié en 1974 : « Prisonnier de
Mao ».
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