Nouveaux slogans
contre la contagion du coronavirus
par Brigitte
Duzan, 9 février 2020
Depuis l’annonce de l’épidémie de pneumonie liée au coronavirus
découvert à Wuhan, toute la Chine a connu une véritable
déferlante de banderoles portant des slogans « du terroir » (“土味”标语横幅像泥石流一样)
pour engager les gens à lutter contre la propagation du virus en
restant chez eux et en portant des masques en cas de sortie.
Au
moment de la Fête du printemps, une deuxième vague de slogans
est venue souligner l’importance de rester chez soi et de ne
rendre de visites à personne contrairement à la coutume. On
notera que l’on en revient à des formules classiques et,
étonnamment, aux clichés de lutte des classes.
Premiers slogans
“口罩还是呼吸机,您老看着二选一”
Vous
avez le choix, c’est le masque ou l’hôpital en réa.
“戴口罩总比带(戴)呼吸机好,躺家里总比躺ICU强”
C’est mieux de porter un masque plutôt qu’un appareil
respiratoire,
Bien
mieux de rester chez soi plutôt que de se retrouver aux
urgences
“省小钱不戴口罩,花大钱卧床治病”
Economisez un sou pour ne pas acheter un
masque,
Vous
paierez bien plus cher votre lit à l’hôpital
“今天沾一口野味,明天(去)地府相会”
Déguster un animal sauvage aujourd’hui, c’est l’enfer assuré
demain
Nota : allusion à la contamination du coronavirus à l’homme par
les animaux sauvages, d’où le nom de « pneumonie des animaux
sauvages » (yěwèi
fèiyán
野味肺炎)
donné à la maladie)
“发烧不说的人,都是潜伏在人民群众中的阶级敌人”
Ceux
qui ont de la fièvre sans le dire, ce sont des ennemis de classe
cachés au sein du peuple
Nota : on retrouve le vocabulaire des slogans de la Révolution
culturelle, avec les « ennemis de classe » (jiējí
dírén
阶级敌人)
qui se camouflent (qiánfú
潜伏)
au milieu des masses (在人民群众中).
Slogans pour la Fête du Printemps
“现在请吃的饭都是鸿门宴”
Aujourd’hui toute invitation à dîner est un banquet de Hongmen
Nota : le banquet de Hongmen, ou de la Porte des oies sauvages (Hóngmén
yàn
鸿门宴),
est un épisode historique qui s’est passé en 206 avant J.C. près
de la capitale de la dynastie des Qin, dans le Shaanxi, alors
qu’une insurrection menace la dynastie. Xiang Yu (项羽)
a invité son rival Liu Bang (刘邦)
à ce banquet pour « discuter », mais chacun cherche en fait à
éliminer l’autre. Liu Bang réussira à s’échapper, vaincra Xiang
Yu qui se suicidera, et fondera la dynastie des Han. Le banquet
est devenu synonyme de piège dangereux et de trahison.
Voir
le film de Lu Chuan (陆川)
« The Last Supper » (《王的盛宴》)
qui en est inspiré :
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Lu_Chuan_Last_Supper.htm
…….
“带病回乡不孝儿郎,传染爹娘丧尽天良”
Le
malade qui rentre chez lui n’est pas un bon fils,
Contaminer ses parents, c’est ne pas avoir de conscience.
Nota : il s’agissait d’empêcher les enfants de revenir voir
leurs parents pour la fête du Nouvel An. On fait appel à la
notion de piété filiale.
爹娘
diēniáng
les parents (forme dialectale)
丧尽天良
sàngjìn tiānliáng
(chengyu) ne pas avoir de conscience
“不聚餐是为了以后还能吃饭,不串门是为了以后还有亲人”
Eviter les repas en commun, c’est pour pouvoir manger demain,
Ne
pas rendre visite aux parents, c’est pour en avoir encore par la
suite.
“今天到处串门,明天肺炎上门”
Aujourd’hui on va ici et là rendre visite, demain la pneumonie
est partout
“出来聚会的是无耻之辈,一起打麻将的是亡命之徒”
Sortir faire la fête, c’est de l’impudence ; aller jouer au
mahjong, c’est risquer sa vie.
Nota : on a ici deux belles sentences parallèles construites de
deux paires de quatre caractères se répondant et se terminant
par :
无耻之辈
wúchǐ
zhī bèi :
des gens sans pudeur, sans vergogne
亡命之徒
wángmìng zhī tú :
des repris de justice en cavale
“串门就是互相残杀,聚会就是自寻短见”
Rendre visite, c’est du massacre ; se réunir, c’est du suicide.
“今年过年不串门,来串门的是敌人,敌人来了不开门”
Pour
le Nouvel An, cette année, on ne sort pas ;
le
visiteur, c’est l’ennemi ; l’ennemi, on ne lui ouvre pas.
“老实在家防感染,丈人来了也得撵”
On
n’ouvre à personne pour éviter la contagion ; même le beau-père
reste dehors.
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